Il faut donc plutôt situer le rêve entre désir et jouissance (une jouissance forcément dérangeante), mais aussi entre le réel morcelé et hors sens à quoi il se réduit dans son état « spontané », et les effets de sens que per- mettent sa verbalisation et son interprétation dans la cure.
C’est pourquoi l’espace du rêve raconté ressemble beaucoup à celui de notre réalité sauf que, délivré des contraintes métriques, il apparaît plus soumis à la structure du langage. Il en révèle d’ailleurs l’hétérogénéité avec la nécessité de distinguer le Ça, régi par les lois du signifiant, qui ignorent les principes d’identité et de non-contradiction, tout comme le langage courant, et l’inconscient propre- ment dit, fait d’alluvions de lettres identiques à elles-mêmes qui, repérées dans le flot de la verbalisation qui les entraîne, nous conduiraient plus près du réel.
Que reste-t-il, à la fin d’une analyse, quand cesse l’adresse réelle de tous ces rêves racontés à celui qui peut les lire ? Allons-nous éterniser cette adresse et céder alors à l’immobilisation d’un commentaire infini ?
Lacan propose une autre issue : l’absence dans l’Autre permet de faire appa- raître ces textes, au delà de leurs effets de sens qui les a rendus lisibles et mis au compte d’un savoir, comme ce qui reste, un tissage. Ce qui nous reste, c’est une béance entre l’imaginaire et le réel et cette si vive inhibition à imaginer le tissu qui est, pour conclure, le réel. Il reste donc une texture de mots qui s’est déplacée, de la suggestion d’un sens, à ce que Lacan indique de façon radicale en 1978 : « Nous avons cette suggestion que le réel ne cesse pas de s’écrire » et que « c’est bien par l’écriture que se produit ce forçage », mais à la condition que cette écriture soit radicalisée jusqu’au seul tissu.
avec les interventions de Jorge Cacho, Michèle Dokhan, Angela Jesuino Ferretto, Claude Lecoq, Jacqueline Pasmentier.
52 en stock