La transhystérie
La transhystérie
La disparition de l’hystérie du vocabulaire spécialisé ou populaire a des conséquences que vous ne devinez pas encore, et alors que vous êtes réduits pour pointer la pathologie d’un propos à vous embarquer du côté du “bipolaire”, du “borderline”, voire de la “perversion narcissique” et j’oublie les “fibromyalgies”. On peut présumer qu’il y aura dans le futur des anthropologues pour voir dans cette mutation un tournant culturel décisif, si culture il y a encore. L’hystérie comme gardienne de la culture, on n’avait pas encore pensé à ça. Pourtant elle est bien le pilier de tout discours, par la double sollicitation qu’elle exerce d’un autre et de leur Autre partagé. Il n’y a d’autrui que si le dissemblable rendu ainsi pourtant semblable se réfère comme moi à un Autre commun. La tradition, et la religieuse est la dernière, voulait que celui-ci soit représenté par l’instance paternelle qui, semblable et dissemblable les réunissait et activait. Une fois cette noble figure envoyée à la casse, que reste-t-il pour donner un statut à l’autre, et donc à moi-même grâce à la perte d’une jouissance ratée ?
Rien, nom de Dieu, sinon le ton suraigu de fausset que prend le propos pour tenter de s’imposer à un interlocuteur invité à disparaître devant une manifestation qui est celle de l’affirmation de soi, seul. Voilà bien ce qu’on appelle l’individualisme moderne, l’absence de référence commune, mise à part la dénonciation au titre d’entrave de qui voudrait imposer un nouveau partage de sens. Il est bien normal que le coup de ciseau ainsi passé entre ceux qui étaient deux emporte le sexe, ce malheureux qui bien ou mal, les réunissait. Comme jamais sans doute on a assisté à un tel chorus pour en dénoncer les méfaits. Tenez, il paraît qu’il n’est pas moral, comme si ceux qui le traduiraient en justice l’avaient jamais été. Il est vraisemblable que sera méconnu le lien entre la forclusion de l’hystérie et la grande pagaille contemporaine, et que la substitution de la paranoïa à l’amour n’est peut-être pas un progrès. Je suggère qu’on nomme “transhystérie” cette hystérie rendue ainsi malade.