Passage en absurdie

Passage en absurdie
La menace diffuse de mort, le risque de pénurie, la dangerosité du voisin ont brusquement produit un climat que connurent ceux qui ont vécu la dernière guerre. Différent cependant par l’exaltation bavarde sinon joyeuse qui saisit l’opinion et la multiplication des avis comme si le confinement était plus l’occasion de vivre sa singularité que de partager un sort commun. La mort ainsi apparaissait comme une loterie et non pas égalitaire. De sorte que l’on assista à une explosion de revendications catégorielles indifférentes au fait que leur satisfaction dépendait d’un intérêt général.
Le seul à en témoigner fut le personnel soignant d’autant plus méritoire qu’il semblait lâché par sa hiérarchie et ne pouvoir compter que sur ses improvisations.
En ce domaine aussi et malgré l’annonce présidentielle que nous étions en guerre, la carence d’une direction des opérations était patente.
La mort elle-même semblait ne pas faire autorité mais être plutôt une sorte de bête que l’on pouvait s’amuser à défier.
Qu’en conclure sinon que l’incertitude de ce qui fait le réel creuse ordinairement l’appel d’une autorité souveraine. Elle a toujours été la solution du populisme.
Denise, qui veut bien pour nous taper ce texte, me dit que je me répète. Certes, et j'espère que ce sera seulement moi…
Ch. Melman
29 Mai 2020