Un inconscient corporel ?
2024

-

LEBRUN Jean-Pierre
Journées d'études

 

Je ne vais pas vous parler d’un cas clinique, je vais en revanche vous parler de ce qui, je crois, traverse toute notre clinique aujourd’hui et dont je pense, nous ne prenons pas assez la mesure.

 

Ce qui traverse notre clinique doit, pour être correctement identifié, être lu dans la durée, à savoir que c’est depuis un demi siècle, – nous en sommes donc à la troisième génération – que fonction paternelle et patriarcat se sont retrouvés dénoncés et discrédités ensemble comme s’il s’agissait de la même chose.

 

Ce qui est certain, c’est que lorsque le monde était organisé comme une société patriarcale ou religieuse – ce qui est encore le cas pour une bonne partie de la planète – la fonction paternelle se légitimait du patriarcat pour soutenir son intervention.

 

Melman avait rappelé en son temps qu’il n’y avait de rassemblement humain qui ne soit organisé sans référence à un chef qui commande, que ceci produisait une inégalité entre ses membres, – entre ceux qui sont du côté de la chefferie et les autres -, et que cette partition – entre les chefs et les pas-chefs – venait recouvrir celle de la séparation des sexes.

 

C’est précisément cette dernière assimilation (les chefs et les hommes ; les pas chefs et les femmes) qui, à juste titre, a été remise en cause dans notre évolution sociale pour parvenir à l’égalité citoyenne hommes-femmes, mais la question qui s’en est suivie a été : d’où peut alors encore se légitimer l’intervention du père ? La parole de la mère évidemment disait toujours qui était le père mais ce dernier n’a progressivement plus pu se prévaloir du patriarcat pour être légitimé dans l’exercice de sa fonction.

 

A vouloir faire comme si cette question n’avait pas vraiment d’importance, c’est à l’évaporation (terme de Lacan) du père que l’on a progressivement assisté et celle-ci est au travail depuis maintenant un demi siècle. Cela s’est réalisé de manière insidieuse mais profonde au point que certains comme Safouan ont pu annoncer “la fin de la civilisation oedipienne”. C’est d’ailleurs ce qu’annonçait Lacan dès 1960 lorsqu’il disait que l’Oedipe ne tiendrait plus longtemps l’affiche.

 

Cette évaporation du père a été parfois entretenu par la théorie lacanienne elle-même : j’en prendrai deux exemples :

 

Pas besoin de la figure du père pour mettre en place le refoulement originaire et le sujet de l’inconscient, puisque le langage s’en charge à lui seul écrivait Michel Tort dans son livre « Fin du dogme paternel[1] ».

Colette Soler de son côté écrit : Lacan, à partir des années 60, construit sa théorie de l’objet a et de la castration sans recours au père. (…) La soustraction première qui découpe l’objet a est un effet de langage qui ne doit rien au père et tout à l’entrée du sujet naturel dans le langage. (…) La jouissance limitée, qu’à cet égard on pourrait dire châtrée du parlant, n’est l’effet d’aucun interdit (…) La castration n’est pas un mythe, mais un os, soit un réel qui ne doit rien au père fouettard. Le père n’est pas l’agent de la castration[2].

 

On peut la suivre dans ce qu’elle avance mais c’est oublier la nécessité d’un agent.

 

Autrement dit, la théorie lacanienne sans nécessairement le vouloir, est venue légitimer que le père réel n’avait plus d’importance.

 

Si cette dernière formulation est exacte, il n’y a pas à s’étonner que cela ait entraîné la fin de civilisation oedipienne. Et cela fait donc maintenant un demi-siècle que la société ne peut plus compter sur le père. Entendons-nous bien : ce n’est pas d’emblée le Nom-du-Père qui est pour autant atteint, c’est le père réel qui n’a plus sa pertinence. Et ceci rejoint le sentiment général de ce que l’énonciation est de moins en moins souvent rencontrée, que celle-ci est désormais fréquemment sans conséquence (Forget) Ou comme l’avançait le sociologue Alain Eraly, que nous sommes désormais dans une société de la déflexion. C’est, écrit-il, le fait pour un agent d’autorité d’attribuer à d’autres les contraintes qu’il est amené à exercer, de renvoyer ces contraintes à une domination extérieure dont ils se bornent à transmettre les exigences afin de se décharger du poids de la responsabilité collective. (…) C’est le cas du chef qui se cache derrière les chiffres et les règlements pour obtenir le licenciement d’une employée, c’est le cas d’un directeur qui prétexte des contraintes techniques pour justifier des options [3]. C’est le cas du parent lorsqu’il ne veut plus assumer d’exercer l’autorité, lorsqu’il se réfère à l’éducation positive ou bienveillante, lorsqu’il ne veut plus prendre à sa charge d’exiger et d’obtenir de l’enfant qu’il intègre ce qu’il doit au collectif[4]

 

Tout cela nous contraint à devoir prendre la mesure de ce que c’est dans le seul rapport à la mère que doit s’inscrire la perte inaugurale. Or c’est bien ici que se fait entendre le changement qui a eu lieu et les conséquences qui s’en sont suivies. Le fait d’avoir identifié comme Lacan l’a fait, que la castration est effet du langage plus que du père a comme permis de faire disparaître l’importance de l’agent ?

 

Pourtant, dans ses séminaires plus anciens, que certains veulent considérer aujourd’hui comme dépassés, Lacan l’énonçait clairement :  La castration (…) est toujours liée à l’incidence, à l’intervention du père réel. Elle peut être également marquée d’une façon profonde, et profondément déséquilibrée, par l’absence du père réel.  Cette atypie, quand elle a lieu, demande alors la substitution au père réel de quelque chose d’autre, ce qui est profondément névrosant (Relation d’objet p.221) Ou bien, dans les Formations de l’inconscient (ibid. p.212) : Ce qui est caractéristique dans l’observation du petit Hans, c’est que malgré tout l’amour du père, toute sa gentillesse, toute son intelligence grâce à laquelle nous avons l’observation, il n’y a pas de père réel.

 

Lacan ajoute encore : C’est pour autant que l’objet du désir de la mère est touché par l’interdiction paternelle, que le cercle ne se referme pas complètement sur l’enfant et qu’il ne devient pas purement et simplement l’objet du désir de la mère (ibid p. 202)

 

Autrement dit, ne devons-nous pas prendre en compte que depuis près d’un demi-siècle, l’interdiction paternelle s’est de plus en plus estompée au point aujourd’hui de ne presque plus avoir droit de cité. De ce fait, l’interdit de l’inceste n’est plus transmis via le père réel et ceci nous amène à la question de savoir si cet interdit est encore transmis. Or c’est ce dernier qui est l’invariant de l’humanisation que la psychanalyse a identifié, et non pas l’oedipe contrairement à ce que nous avons longtemps pensé.

 

La question se pose alors doublement : ne devons-nous pas lire ce qui traverse toute notre clinique actuelle comme l’effet de l’estompement, voire de l’effacement, de cet interdit ? Et comment alors aujourd’hui faire entendre ce qui légitime toujours l’intervention paternelle si celle-ci ne peut plus se soutenir du patriarcat ?

 

Pour ceux qui pensent que cette question de Lacan concernant le père réel n’aurait plus de pertinence face à ses derniers développements, je dirais au contraire que sa lecture de Joyce repose autrement la même question : est-ce le désir (de Joyce) d’être un artiste n’est pas exactement le compensatoire de ce fait que son père n’a jamais été un père. Que non seulement, il ne lui a rien appris, mais qu’il a négligé à peu près toute chose, sauf à s’en débarrasser sur les bons pères jésuites. (…) Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose comme une, je dirais, compensation de cette démission paternelle ? De cette Verwerfung de fait ?

 

Dans une supervision à Genève faite en 1975, (autrement dit l’année du Sinthome) Lacan répond à la présentation d’un cas clinique d’une femme de 31 ans, mariée et sans enfant qui a eu des crises d’asthme lorsqu’elle était petite. Il questionne l’analyste qui lui présente ce cas et lui demande :  avez-vous des élements qui vous suggèrent quelque chose de quand elle était petite ? Ce qui est intéressant, c’est d’aller voir pourquoi elle avait de l’asthme lorsqu’elle était petite? Et il ajoute : une mère, on n’en a qu’une (même si on a trente six pères) et la patiente va s’apercevoir que tout cela qui lui arrive n’est lié qu’à sa mère et qu’il faudrait peut-être qu’elle mette une autre animation dans l’affaire, que c’est ça qui l’a vissée en fin de compte…sa mère n’est pas tout et il faut lui faire réaliser qu’elle n’a jamais rien fait que pour sa mère. Et où est le père dans tout cela ? énonce alors Lacan.

 

D’une certaine manière, voire d’une manière certaine, c’est le tableau de notre clinique actuelle : l’enfant, dans nos sociétés, n’est plus que l’enfant de la mère. N’est-il pas devenu purement et simplement l’objet du désir de la mère ?

 

De l’enfant-phallus à l’enfant objet a titre l’un des chapitres de mon livre Les Couleurs de l’inceste. Disons que c’est ce qui s’est progressivement installé et qui fonctionne insidieusement depuis plus d’un demi-siècle et nous assistons aujourd’hui aux conséquences de ce fonctionnement. Tout le monde n’est certes pas encore touché mais ce n’est plus le lot d’une économie psychique émergente comme l’était la Nouvelle Economie Psychique que Melman nommait pour la première fois il y a plus de vingt ans. Aujourd’hui c’est le fonctionnement de plus en plus habituel d’une telle économie psychique que l’on doit constater et de ce fait, la possibilité de soutenir un désir s’en trouve affaiblie, sinon même devenue hors de portée tant le sujet a été laissé à ses exigences pulsionnelles. Voilà pourquoi on doit constater que la dimension incestuelle de la relation mère-enfant perdure plus longtemps qu’hier. Voire même que la mère pourrait ne plus devoir s’en référer à un tiers. Rappelons qu’il ne s’agit pas d’évoquer ici un quelconque passage à l’acte sexuel mais plutôt une proximité excessive, une symbiose, un collage, que je nomme inceste psychologique. ((Rappelons aussi ce qu’énonçait Lacan dans les non dupes errent : Il y a quelque chose dont je voudrais désigner l’incidence. Parce que c’est le biais d’un moment qui est celui que nous vivons dans l’histoire : (…) à ce Nom-du-Père se substitue une fonction qui c’est autre que celle du nommé à. Etre nommé à quelque chose, voilà ce qui point dans un ordre qui se trouve effectivement se substituer au Nom du père. A ceci près, qu’ici la mère suffit généralement à elle toute seule à en désigner le projet, à en faire la trace, à en indiquer le chemin[5].))

 

Autrement dit, l’actualité clinique nous donne[6] à nous confronter aux effets de ce que le père réel est aujourd’hui souvent sans légitimité, ce qui n’a fait qu’entraîner une plus grande difficulté à le reconnaître comme le référent de la mère.

 

Dans notre actualité, c’est souvent la seule mère qui fait la météo ! L’enfant est dans une relation docile avec la mère, dira Melman, et vous voyez chez des adultes dont l’enfance a été organisée de cette manière, c’est à dire où la mère a joué avec l’enfant une relation de fusion réciproque. Et puis, vers trois ans, la mère se rend compte qu’il faut que ça cesse. Elle n’est pas entièrement folle. Donc elle casse. Cela prend alors une incidence non pas oedificatrice mais traumatique, réelle, et ça provoque des dégâts. Cela ne permet pas le repérage de la dimension symbolique.

 

On peut avancer que la conséquence majeure de ce tableau, c’est l’émergence de la nouvelle économie psychique. C’est ce qu’a soutenu Melman. Sauf qu’il  l’a mis en évidence il y a plus de vingt ans, alors qu’on pourrait dire qu’aujourd’hui cette NEP est devenue en toute logique l’économie psychique qui risque d’être le plus souvent rencontrée : la transmission n’y passe pas par la castration mais par une donation… de telle sorte qu’il y aura toujours comme une relation incestueuse entre la mère et l’enfant à qui elle fait cette donation. L’enfant est alors essentiellement l’enfant d’un seul parent qui nese réfère plus à l’autre parent. Procréation paternellement assistée, clinique de la famille bi-mono parentale avais-je déjà indiqué dans mon livre “Les couleurs de l’inceste”. Le père réel n’y joue plus sa fonction d’être signifiant du désir de la mère, a énoncé de son côté Safouan.

 

Mais que se passe-t-il quand le père ne transmet pas ? Joyce a pu écrire et c’est de se vouloir un nom que Joyce a fait la compensation de la carence paternelle[7] nous dit Lacan

 

Autrement dit, il y a des réponses possibles à cette absence de transmision mais elles n’émergent pas chez tout le monde loin s’en faut ! Et cette configuration où il n’y a pas de père laisse plutôt se déployer largement cet inceste psychologique dont je viens de parler.

 

Comprenons-nous bien : la mutation anthropologique de ce dernier demi-siècle entraine que la plupart du temps, l’enfant n’a plus affaire qu’à la mère et celle-ci a tendance du seul fait de la délégitimation du père dans le social, a occuper le lieu de tout le pouvoir, sans plus devoir se référer au désir du père ; elle ouvre dès lors à l’enfant une disposition psychique où celui-ci devra faire un énorme travail – il faut une puissance phénoménale aux moteurs pour arracher la fusée à l’attraction terrestre déclarera Denis Clair dans son livre autobiographique Une mère a(i)mante[8]– pour consentir à abandonner la charge de faire jouir la mère.

 

Il nous faut prendre la mesure de ce changement déterminant : concrètement, la mère a bien souvent désormais seule le pouvoir ; l’enfant n’est plus spontanément soutenu pour la quitter par une instance tierce et une part de lui reste alors inféodée à la mère.

 

Ceci pour indiquer qu’il va falloir travailler cela au lieu même où se situent les traces de la rencontre mère-enfant et c’est là que je me permets ce pas de côté en parlant à ce propos d’inconscient corporel.

 

Dans Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient[9], Freud rapporte un exemple qui me semble évoquer la problématique sur laquelle je veux attirer l’attention : le médecin auquel on a demandé d’assister Madame la baronne lorsqu’elle va accoucher, déclare que le moment n’est pas encore venu et propose au baron d’attendre en faisant une partie de cartes dans la pièce voisine. Au bout d’un certain temps, une plainte de madame la baronne en français parvient aux oreilles des deux hommes : « Ah mon Dieu, que je souffre ! » L’époux bondit de son siège, mais le médecin lui fait signe de rester assis. « Ce n’est rien dit-il, continuons à jouer » Peu après, on entend de nouveau la parturiente crier, cette fois, en allemand : « Mein Gott, mein Gott, was fur Schmerzen ! » (Mon Dieu, mon Dieu, que je souffre ! « Vous ne voulez pas entrer voir, monsieur le Professeur ? » demande le baron. « Non, non, le moment n’est pas encore venu. » Enfin, de la chambre d’à côté, s’échappe une incontestable plainte en yiddish : « Aï, waïh, waïh ! » Alors le médecin jette ses cartes et dit : « C’est le moment ! »

 

((On pourrait interpréter que la langue originaire de la baronne, que l’on peut à juste titre sans doute supposer être celle échangée avec sa propre mère au début de sa vie, se trouvait recouverte par celle de sa culture et de son éducation et en extrapoler que précisément aujourd’hui, dans la mesure où l’on peut soutenir que cette dernière ne s’est souvent plus trouvée là pour imposer sa réorganisation au premier lien à la mère)), à cause de l’évaporation du Père, c’est désormais souvent d’emblée à cette strate la plus ancienne que l’on se trouve avoir à faire comme si celle-ci n’était plus recouverte par ce que la culture impose, comme si l’organisation paternelle n’était plus parvenue à s’imposer. Il y va de repenser l’inconscient dans l’éprouvé corporel et de procéder à une mise en mots à partir de cet éprouvé.

 

Et ceci change la donne car, de ce fait, on peut aussitôt supposer que nous n’avons jamais donné l’importance qui convient à ce premier lien, tant les repères dont nous disposions ne prenaient la plupart du temps en compte que ce qui relevait déjà du registre paternel.

 

L’œuvre de Lacan elle-même est d’ailleurs travaillée par ce réajustement. Ainsi parler de la lalangue ou du symptôme comme événement de corps peut être entendu dans cette perspective, de la même façon d’ailleurs que quand il est passé de la prévalence du Symbolique au nouage borroméen des trois registres ou quand il relativise l’incidence de la prévalence du langage – du désir – pour donner au pulsionnel sa place cruciale avec les concepts de jouissance et d’objet a. Mieux encore n’est-ce pas ce à quoi il nous invite lorsqu’il énonce : Le réel, c’est le mystère du corps parlant, c’est le mystère de l’inconscient

 

 

Ceci m’amène pour conclure à trois questions à l’égard de notre travail à l’Association : avons-nous les concepts pour aborder ce changement qui va s’imposer de plus en plus souvent ? Je connais la réponse immédiate qui me sera faite et qui me dira que bien évidemment que oui et que c’est moi qui ne profite pas assez des concepts lacaniens. Mais j’en suis beaucoup moins sûr et je continue à poser ma question autrement : ne devons-nous pas nous mettre au travail pour arriver à rendre compte de ce que j’ai appelé l’inconscient corporel, qui implique que l’inconscient de ces sujets ne peut se contenter d’être atteint par le signifiant… tant il est encore sous la loi de la seule pulsionnalité et qu’à ce titre, s’impose peut-être de parler d’impropriété corporelle (Blanchot) voire même d’un corps pour deux (Mac Dougall).

 

Retrouver un peu d’humilité freudienne à cet égard ne serait peut-être pas sans intérêt…

 

Er c’est lire Lacan en profitant de ses avancées pour avoir accès à ce qu’implique cette clinique de l’incestuel qui est peut-être à mettre à l’ordre du jour. Et cela d’autant plus que paradoxalement, cela pourrait être le maniement de nos concepts trop pointus qui ne permet pas de donner pleinement oreille à l’enjeu de cette nouvelle économie psychique.

 

Et deuxième question : prenons-nous assez la mesure de ce que nous avons précisément à faire avec une telle économie psychique d’emblée prévalente aujourd’hui ? L’intensité du lien avec la mère est-elle vraiment prise en compte ? C’est ce qui m’a fait parler récemment de haine indicible ou de “prise de la mère” plutôt que d’emprise, ce dernier terme étant déjà dans le registre du signifiant[10].

 

Enfin troisième question ; sommes-nous prêts à l’ALI de ne pas nous enfermer dans un transfert univoque à l’instar de celui qui se faisait sur Melman. Le fait d’avoir pu profiter de son enseignement nous rend capables d’échanger avec nombre de nos collègues qui se soutiennent autrement de Freud et de Lacan. C’est le moment de soutenir collectivement une telle position : l’enjeu de l’éthique analytique implique cette ouverture.

 

Comme je l’ai écrit récemment dans les dernières pages d’“Un immonde sans limite”, la psychanalyse ne court aucun risque mais à la condition qu’elle ne se dilapide pas dans la séduction, qu’elle ne se fossilise pas dans ses dogmes et qu’elle consente à faire le travail nécessaire pour éclairer les nouvelles données avec lesquelles elle doit désormais fonctionner. C’est pour ces raisons que j’aimerais que des collègues consentent à travailler ensemble, au-delà de nos appartenances institutionnelles, non pas pour uniformiser nos théories respectives mais pour nous remettre nous-mêmes à l’épreuve de l’exogamie.

 

Je rappelais récemment chez nos collègues de Grenoble, cette phrase de Safouan qui ramasse bien les enjeux de notre tâche : L’avenir de la psychanalyse ne tient qu’à sa capacité à contribuer à l’intelligence de notre époque, et aux métamorphoses de l’Eros.

 

Merci de votre attention.

 


 

[1] M. Tort, Fin du dogme paternel, 2005, p.436.

[2] C. Soler, L’inconscient réinventé, PUF, 2009, p. 159.

[3] Alain Eraly et Jean-Pierre Lebrun Réinventer l’autorité, psychanalyse et sociologie, Toulouse, Erès, 2021, p.52.

[4] Selon Elisabeth Badinter, le magazine Parents a demandé en juin 2023 à ChatGPT “Comment être un bon parent ?”La réponse fut : grâce à une éducation bienveillante parfaite.

[5] J. LACAN, Les non dupes errent, leçon du 19 mars 1974. inédit

[8] J.P.Lebrun, préface aux Couleurs de l’inceste, édition poche Erès 2023.

[10] Haine indicible