SÉMINAIRE DE PRÉPARATION AU SÉMINAIRE D'ÉTÉ 2019 – LA RELATION D'OBJET (1956-1957) – LEÇON 8
2019

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LE COAT-KREISSIG Patricia
Séminaire d'été

Séminaire de préparation 2018 – 2019 – Mardi 4 décembre 2018.

La Relation d’objet et les structures freudiennes.

 

Leçon 8 Patricia Le Coat – Discutant : Sophie Dencausse.

Patricia Le Coat – La leçon VIII commence avec la question de la logique, qu’est-ce qu’il cherche là, Lacan si ce n’est pas effectivement, c’est une question que je me posais, de nouer la clinique psychanalytique -excusez-moi si je dis-  la naissance des perversions à partir d’une logique clinique telle qu’elle découle de la lecture de ces textes – donc 3 textes : « [Sur la psychogénèse d’un cas d’homosexualité féminine »  1920 de Freud, « la jeune homosexuelle » ; « [Fragments d’une analyse d’hystérie »  Dora  et puis « [Un enfant est battu] », 1919. Le texte « On bat un enfant », me semble-t-il, est effectivement un texte qui fait moyen afin de nouer les autres et pour mieux faire sortir la différence qu’il va tenter de souligner entre le cas Dora et le cas de l’homosexualité de la jeune fille de dix huit ans que Marc [Darmon] a juste repris avec le texte de Freud.

Ce qui est assez particulier c’est qu’évidemment « On bat un enfant » ne concerne pas une clinique particulière, mais représente une sorte d’essai logique de Freud, une articulation logique et à la fois réelle, qui permet à Lacan de réarticuler ces deux textes. Le sadomasochisme tel qu’il est inscrit dans la phase « On bat un enfant » comme étant une institution fantasmatique de l’enfance viendrait là témoigner des liens de la jeune fille à son père et de la demande d’amour adressée à l’autre père, chez Dora. Cette confrontation des trois textes de Freud pointe une disparité des traits de perversion, une certaine disparité, et on va voir comment on va retrouver cela dans toute la clinique différentielle entre névrose, psychose et perversion plus tard. Autrement dit, nous allons aborder le cas Dora qui est un cas ancien chez Freud – 1905 – et puis comme tu l’as déjà dit, les deux cas très proches 1920 et 1919. Et c’est bien le moment où Freud a été préoccupé par sa fille Anna, ou Anna par son père ; possible explication.

Lacan reprend cela en soulignant cette place toute particulière de la sexualité féminine – il étudie surtout les cas concernant des filles même si il y a deux garçons dans « On bat un enfant » – la sexualité féminine, et le rapport féminin à la perversion, c’est-à-dire le rapport d’une femme avec l’objet cause du désir. Lacan essaie – c’est comme ça que je le lis – de montrer la relation du sujet femme, féminin, à l’objet du désir de l’Autre, mais aussi à travers la question du fantasme, c’est-à-dire la capacité du sujet à s’identifier à l’objet. Le tout commence par une entrée de la petite fille dans l’Œdipe, et cette entrée est d’emblée décrite comme créant une situation dite perverse. Alors immédiatement, déjà, on entend, « père/verse », ce que Lacan va évidemment écrire différemment à la suite. Alors, ça commence par une petite remarque de Lacan à l’égard de Freud, bien qu’il soit fidèle et attentif lecteur, il ne peut pas s’empêcher de lui faire des reproches surtout celui de ne pas avoir -non seulement su, mais aussi- identifié et saisi, ce qu’il en est d’un lieu, qui constitue l’élément central, un véritable pilier à tout travail analytique et en fait constitue le lieu même qui garantit le transfert. C’est en donnant la juste valeur à ce lieu Autre que nous pouvons en réalité aborder l’accès et le point de départ qu’il va nommer le point zéro d’une clinique d’objet et de la relation d’objet. C’est là, qu’il situe le point faible de Freud, aussi bien chez Dora, que chez la jeune homosexuelle. Il reprend en disant « …notre fameux jeu de pair et impair ». Ce qu’on peut entendre, bien entendu, c’est aussi de « plus et de moins », de moins phi comme tu l’as dit tout à l’heure, aussi d’ « absence et de présence », on est « côté fille, côté garçon », c’est-à-dire avec l’altérité en tant que tiers. Avec ce fameux jeu de pair et impair, l’altérité introduit justement ce lieu tiers, qu’il nomme le lieu de départ de la possession zéro, et c’est là, qu’il introduit la frustration au sens de manque d’objets (avec un s, objets, plusieurs). Voilà ce que vous pouvez y trouver, à ce lieu là, car dans cette position dite zéro du problème, nous situons d’abord une demande : être, oui ou non gratifié par quelqu’un, qui en est incapable, et nous entendons déjà là, la définition bien sûr, de l’amour, telle que Lacan nous l’a donnée : donner ce qu’on n’a pas, mais nous y reviendrons par la suite. Mais, là, on est au niveau du transfert. Vous entendez déjà comment il introduit la question de l’amour et celle du transfert pour aborder l’analyse des différentes sortes de perversions. Alors, il nous propose d’étudier de nouveau le second temps du fantasme, celui que, aussi bien Freud que lui-même, a souligné comme étant le plus important, le vrai fantasme. Ich werde vom Vater geschlagen, je suis battu par le père, en référence donc à « On bat un enfant », l’expression, dit-il, d’une demande d’amour mais aussi l’expression du rapport du sujet à l’insatisfaction et à la frustration et ensuite une référence au réel, à l’impossible. Au réel d’un impossible, Nous verrons tout de suite pourquoi cet impossible, d’où il sort, évidemment la réponse nous oriente vers de ce point zéro, la troisième dimension. Voilà, dit Lacan : la naissance du sadomasochisme versant féminin. En effet, entre le plus et le moins, il y a cette troisième dimension, l’Autre, qui instaure cette régularité, dont découlent des lois qui ordonnent présence et absence, possible et impossible, mais ça a été largement dit dans le commentaire que Lacan avait fait à « Au delà du principe de plaisir » une année auparavant. C’est dans un possible-impossible que s’établit la relation – c’était déjà dans la leçon VII – d’un sujet avec un autre, son sens intersubjectif, la relation intersubjective.

A écrire inter-subjectif, évidemment, avec ce tiret entre inter et subjectif, dans la limite, où, effectivement, il y a quelque chose qui se pose entre le sujet et l’autre, le social. Évidemment : l’interdit de l’inceste. Ce tiers, ce troisième terme, non seulement, il est nécessaire, mais en plus, il garantit les lois. Il instaure, de ce fait, un certain lien à cet objet, garant, dit Lacan, de ces trois temps intersubjectifs dans [« Un enfant est battu »] que Freud a décrit dans son article, mais aussi et d’abord : il s’agit d’un élément indissociable de la chaîne symbolique. Ça a été dit à la leçon VII mais la leçon VIII reprend ceci très lourdement.

Abordons, c’est ce qu’il nous propose, le cas de la jeune homosexuelle, le cas d’homosexualité féminine. La première structuration s’effectue sur le plan symbolique et imaginaire, le schéma L [p. 217], avec l’axe : pénis imaginaire/enfant [réel], et puis l’intervention, sur le plan symbolique, du père symbolique, en tant que c’est bien lui qui peut donner le phallus, l’enfant, mais, justement, cette puissance du père, à ce moment-là, est inconsciente, nous rappelle Lacan. Donc l’enfant, il ne vient pas dire à son analyste, « moi je sais que », ça se pose pas dans ces termes conscients. Voilà la première phase.

C’est à partir du moment où le père, justement, intervient dans le réel, où il donne un enfant à la mère, que ce changement radical s’inscrit, c’est-à-dire, sur le schéma L [ p. 222], le Père symbolique, glisse à la place du Père imaginaire et du coup, c’est un échange, le pénis jusque là imaginaire, glisse à la place du symbolique, et en fait, il s’agit d’un glissement en bas de l’axe, donc du père côté imaginaire. Et dit Lacan, c’est ce glissement du père du côté imaginaire, par ce glissement-là, que s’établit pour elle une relation perverse, étant donné que ce qui relevait jusque là du pénis imaginaire, relève dès lors du pénis symbolique. Et la formule inconsciente n’est donc plus celle de recevoir un enfant du père, mais c’est le rapport à la dame, avec un  simple changement de place. C’est alors à partir d’un tel déplacement des termes, c’est une père mutation. C’est assez marrant comme mot, parce que pour moi, d’origine allemande, muter [Mutter en allemand] c’est la mère, alors la père mutation, moi ça me fait drôle. C’est une permutation, le père symbolique est passé dans l’imaginaire par identification du sujet à la fonction. Le sujet va s’identifier à cette place, à la fonction du père, et du coup, cet au-delà, qui est le pénis symbolique, vient renforcer le Moi, identifié au père, Moi amoureux à la dame. Voilà comment se produit le deuxième versant. Alors, théoriquement, ce père symbolique devait être celui, qui confronte l’enfant avec la frustration et la perte, avec la perte, avec l’objet chu qui serait l’objet féminin, mais ici, c’est le père imaginaire qui va agir. Voilà, la lecture de Lacan du cas de Freud. Certes, nous dit Lacan, il y a un certain nombre d’énigmes dans la position des termes, et pourtant ces termes nous indiquent, nous dit Lacan, ces termes imposent, ce qu’il en est d’une structure, et si nous changeons la position de l’un et l’autre, tous les autres vont changer de place, et pas n’importe comment.

C’est très particulier de le lire comme ça, parce qu’on se dit évidemment immédiatement, tiens, on est presque dans une pré-élaboration des quatre discours. C’est quelque chose qui nous saute dessus parce qu’on a déjà les quatre discours à l’oreille avec quatre agents, quatre places et une circulation entre les places, et surtout l’obéissance à une certaine loi. Mais on est dans le schéma L et dans une articulation entre le réel, le symbolique et l’imaginaire, avec les places, comme vous l’avez déjà travaillé la fois avant, S barré/Grand A, l’axe inconscient et puis l’axe imaginaire a/a’.

Lacan s’interroge bien évidemment pourquoi Freud n’est pas allé jusqu’au bout. La butée de Freud, dans le cas de la jeune homosexuelle s’exprime dans sa description d’une sorte de résistance de cette jeune femme, en tout cas dans ce que Freud a vécu comme une résistance, qu’elle a exprimée par l’intermédiaire de ses rêves. Elle a rêvé qu’elle était une femme heureuse, mariée avec des enfants, enfin bref, normale. La jeune patiente tente à le mettre en erreur, voilà ce qu’a compris Freud. Elle le mène par le bout du nez, c’est une fausse interprétation, « elle veut que j’interprète mal par l’intermédiaire de ses rêves ». L’inconscient pourrait mentir. Eh bien, ce mensonge constitue pour Freud le point d’arrêt de la thérapie. Mais, nous rappelle Lacan, quand même, si le rêve relève de l’inconscient, le fait de le raconter n’est pas du tout la même chose, dès lors qu’il est raconté à quelqu’un, ça le place dans une relation duelle du sujet avec un autre, et à partir de là, il y a quelque chose qui devrait s’instaurer, que Freud a ignoré, on revient à la question du transfert. Un rêve produit au cours d’une analyse s’adresse à l’analyste, et dans son récit, bien sûr, il relève du symbolique, du rapport du sujet au signifiant. Le sujet, nous rappelle Lacan, reçoit son message, sous une forme inversée de l’Autre : « tu auras un enfant de moi ». Ainsi se dit le temps d’entrée de l’Œdipe, la promesse du fruit de l’amour. Et cet autre qui est l’autre amoureux, d’où lui vient le message ? C’est le point de départ de toute relation transférentielle. L’analyste devient ce lieu du transfert en tant qu’il s’agit du fait que le transfert se passe au niveau de l’articulation symbolique, et ça c’est le point faible de Freud. Freud fait l’erreur de méconnaître cette instance, dans les deux cas, parce que dans le cas de Dora aussi. Si, pourtant, dans un des deux cas, il y a cette confusion de la position symbolique avec la position imaginaire (la jeune homosexuelle) qui induit la relation perverse, (père-verse) dans l’autre cas (le cas Dora) il y a confusion de la position imaginaire avec la position symbolique. Alors comment peut-on l’entendre ? C’est ce qui pose la question de la perversion comme étant le négatif de la névrose. Quand j’ai vu cette phrase, je me suis dit, je vais chercher dans les textes allemands parce que je ne comprends pas ce qu’il dit avec négatif, je n’ai pas encore trouvé le texte d’origine, je vais le refaire. Mais le négatif, j’ai vu cela comme dans la photographie, c’est-à-dire, c’est le premier développement, mais il faut encore donner une couche pour y arriver.

Bernard Vandermersch – Ce n’est pas une couche, ça change tout, vu que le noir devient blanc.

Patricia le Coat – C’est ça, mais tout est déjà là sauf que ce n’est pas le même développement, ce n’est pas développé.

Julien Maucade – C’est-à-dire, qu’on développe d’un côté ou de l’autre, ce n’est pas la même chose, parce que ça inverse gauche droite, dans le négatif, c’est un peu développé de deux manières différentes et inverser les places.

Bernard Vandermersch – Non, le négatif d’une photo il est pareil. Ce n’est pas ça, on a du blanc là où ça devrait être noir. Là où c’est noir, c’est blanc. L’obscur est représenté… c’est la lumière qui noircit la plaque, c’est le premier négatif. La lumière noircit plus ou moins et après il faut réintroduire…

Valentin Nusinovici – Ça va avec l’idée d’un inconscient dans les ténèbres, c’est le même genre de métaphore, je crois.

Une intervenante – Ce n’est pas le fait qu’on puisse voir le négatif des deux côtés à la fois ? Enfin l’un après l’autre, le négatif ça se regarde des deux côtés.

Bernard Vandermersch – On peut être simple, la névrose est le négatif de la perversion, plutôt le contraire. Là où c’est bien clair dans la perversion, c’est noir dans la névrose.

Marc Darmon – Des pulsions brutes

Patricia le Coat – En tout cas, il dit la perversion est le négatif de la névrose, c’est Freud qui le dit.

Bernard Vandermersch – C’est Freud qui dit ça ?

Patricia le Coat – Oui, il le dit. Je vais essayer de le retrouver. Je n’y suis pas arrivée. Il reprend Dora justement dans ce cas-là pour essayer de nous avancer.  Il procède à un précieux rappel de la situation de départ, je ne vais pas vous raconter tout sur le cas Dora, qui appelle à une constellation à quatre : il y a la dame, il y a le père, il y a la fille, et puis, il y a Monsieur K. Les trois protagonistes premiers sont identiques dans les deux cas cliniques, la dame, le père et la fille, mais dans le cas de la jeune homosexuelle, il y a la mère, et ça change tout. La mère est présente, et elle induit la frustration. Dans le cas chez Freud, il a beaucoup insisté sur la rivalité avec la mère. Elle induit la frustration, réelle bien sûr, et détermine la constellation perverse dans laquelle la dame prend sa place choisie par la fille, alors que dans le cas de Dora, c’est le père qui donne à la dame sa place. Ce n’est pas pareil. Dora semblerait présenter une revendication vive à l’égard de la relation qu’entretient le père avec la dame. Mais Freud met en évidence le lien tout à fait particulier qu’elle entretient avec la dame parce qu’elle est bien sa confidente, et c’est là-dessus qu’il s’interroge. Freud échoue, dans ce cas, en raison de la résistance de Dora à admettre qu’elle soit amoureuse de Monsieur K, tel que Freud le lui suggère. Ce n’est qu’après coup, en notes, que Freud comprend l’attachement homosexuel de Dora à Madame K. Ce qui est dans la plus grande ambiguïté dans ce cas concerne en effet l’objet réel du désir de Dora.

Lacan va nommer Dora très clairement et directement, et en opposition à la jeune homosexuelle : hystérique. Dora est hystérique. L’hystérique, dit-il, c’est quelqu’un qui aime par procuration. Alors, j’ai ajouté, en plus, elle a des symptômes. Son objet est homosexuel, et l’approche de cet objet passe par l’identification à un autre, mâle, pour une fille. Dans l’hystérie, la fonction narcissique est déterminante. C’est sur l’axe imaginaire a – a’ qu’elle s’exprime. Le Moi de Dora, en tant qu’elle s’identifie à Monsieur K, est l’autre, est l’objet aimé, qui est Madame K. C’est Madame K, la vraie question de Dora. Alors, si on essaie d’établir un rapport inscrit sur le schéma L du cas de Dora, en comparaison avec celui de la jeune homosexuelle, alors, nous retenons que Dora hystérique, est venue au niveau de la crise œdipienne, mais elle n’a pas pu la franchir. C’est parce que son père, contrairement à celui de la jeune homosexuelle, est impuissant.

Valentin Nusinovici – Et la phrase, c’est quand même – c’est ça qui est très intéressant – quelqu’un qui est venu au niveau de la crise œdipienne et qui dans cette crise œdipienne a pu à la fois et n’a pas pu la franchir, et après, en plus on a la raison alors ça fait beaucoup de questions. Dora est une hystérique et la proposition est arrivée au niveau de la crise œdipienne a pu et n’a pas pu la franchir vaut pour toute hystérique dans la phrase, mais l’explication après est donnée pour Dora, père impuissant, à supposer d’abord, savoir pourquoi c’est comme ça. Est-ce qu’on peut l’étendre à tous les cas d’hystérie puisque ils sont tous mis dans ce même rapport : pouvoir et ne pas pouvoir franchir. Ça pose beaucoup de questions.

Patricia Le Coat – Donc, cette impuissance du père est un élément tout à fait fondamental dans l’orientation clinique de la jeune femme. Elle parle de la fonction du père par rapport au manque d’objet. Et pourquoi la fille rentre-t-elle dans l’Œdipe et quelle peut être la fonction du père en tant que donateur ? Voilà la question qui se pose là et c’est ainsi que Lacan la pose cette question, comme une question qui indique quelque chose quant à l’accès de la femme à la sexualité. D’où cette sexualité lui viendrait-elle et quelle place occupe le rapport de l’enfant à la mère et l’intervention du père ? Il la pose même au-delà de l’hystérique à ce moment-là. La distinction entre la frustration primitive, nous rappelle Lacan, cette première étape avant l’Œdipe, quand l’enfant perçoit qu’il ne peut satisfaire le désir de la mère, et celle qui peut s’établir dans le rapport de l’enfant à la mère, soit qu’il y a un objet qui subsiste après la frustration qui est un objet qui est appartenance du sujet et qui fait entrer la notion du don, en tant que ce don est ou non, signe d’amour.

Cet objet qui reste au-delà de la première frustration, c’est du côté du père que l’enfant le trouvera parce que c’est lui qui symboliquement le donne, cet objet manquant. Nous arrivons là au point central de l’observation du cas Dora : La carence phallique du père de Dora, nous dit Lacan, traverse toute l’observation : « …il ne donne pas parce qu’il ne l’a pas ». Alors, du coup, se pose la question « qu’est-ce que c’est donner ? » Et là, nous abordons la question de l’amour et des dimensions introduites dans cette relation d’objet, un objet qui peut ou pas, être donné dans l’approche symbolique du père. Dora ne reçoit pas ce don viril symboliquement mais elle reste extrêmement attachée à ce père, lui manifeste son amour à travers cette symptomatologie d’ailleurs très riche elle a la toux, l’irritation de la gorge très riche et très variée à un âge qui devrait correspondre normalement à la sortie de l’Œdipe, mais c’est là, que la sortie lui semble impossible. Ce père, se montre blessé et malade, et l’amour que Dora a pour lui est strictement corrélatif à la diminution de ce père dit Lacan. « Il n’y a pas de plus grand signe d’amour que le don de ce qu’on n’a pas. ». Mais la dimension du don nécessite l’introduction de la loi, le tiers Le don est quelque chose qui circule. Le don que vous faites est toujours quelque chose que vous avez reçu. « Mais entre deux sujets, ce cycle de don vient encore d’ailleurs, car ce qui établit la relation d’amour c’est que ce don est donné… pour rien. ». Et là, Lacan fait intervenir ce rien, le vide, la pure gratuité, dit-il. Donner pour rien ce qui ne peut être que rien ! Un sujet donne quelque chose d’une façon gratuite et derrière ce qu’il donne il y a tout ce qui lui manque. C’est le don primitif tel que Marcel Mauss l’a décrit, le Potlatch. « Ce qui fait le don c’est que le sujet sacrifie au-delà de ce qu’il a ». Dora aime son père pour ce qu’il ne lui donne pas mais le père s’engage avec Madame K et donc la question de l’amour se poursuit : « Qu’est-ce que mon père aime dans Madame K? » Entendons : dans. L’objet se situe apparemment dans le corps de l’Autre. Et là, nous dit Lacan, Dora s’attache à ce quelque chose qui est aimé par son père dans l’Autre, mais elle ne sait pas ce que c’est, cette affaire d’objet, féminin. « Pour que le sujet féminin… » Et pas objet « …entre dans la dialectique d’ordre symbolique, il faut qu’il entre par quelque chose qui est ce don du phallus. ». C’est ce, que dit Lacan et ainsi il souligne l’impact non pas du don, non pas réel ou imaginaire mais symbolique pour la fille ! « Le désir vise le phallus en tant qu‘il doit être reçu comme don ; pour ceci il faut qu’il soit porté au niveau du don présent ou absent ». « D’ailleurs c’est en tant qu’il est porté à la dignité d’objet de don qui fait entrer le sujet dans la dialectique de l’échange, celui qui normalisera toutes ces positions… »

Alors Dora s’interroge sur ce qu’est une femme. Madame K incarne cette fonction féminine pour elle. Elle est la représentation de l’objet aimé. Madame K est aimée au-delà d’elle-même et réalise ce que Dora ne peut ni savoir, ni connaître de cette situation où elle ne trouve pas à se loger. L’amour ne vise pas la personne mais un au-delà de ce qu’elle est, cette personne, ce qu’il lui manque. Dora se situe entre son père et Madame K. Le père impuissant mais suppléé « …par tous les moyens du don symbolique » et par quelques moyens matériels, ce père, il aime Madame K. Dora va se situer sur cet axe d’amour et c’est par rapport à Madame K qui, est son objet d’adoration qu’elle tente à rétablir une relation triangulaire en faisant entrer Monsieur K. Lacan dit : « Elle tente à fermer le triangle dans une position inversée. ». Alors qu’entend-on par « inversé » ? Monsieur K participe à l’adoration de Madame K. Il est supposé l’adorer tel que tous les autres le font. A l’occasion Freud souligne l’adoration de Dora pour la Madone Sixtine, la blancheur de la peau etc.

C’est quand Monsieur K lui dit un jour «  Ich habe nichts an meiner Frau » – une drôle de phrase, vraiment elle n’est pas habituelle.

Valentin Nusinovici – C’est du viennois ?

Patricia Le Coat – C’est quand même le « an » qui reste bizarre, et Lacan l’a souligné « je n’ai rien auprès de ma femme. » Dora le gifle. Elle n’entend pas le rien, nichts, rien. Il ne dit pas que sa femme n’est rien pour lui. Il ne dit pas « ma femme n’est rien pour moi, » Il dit « je n’ai rien. » Alors comment va-t-on traduire le « an » ? Lacan dit « an » est une adjonction et signifie : au-delà de ce qui manque.  « Il veut dire qu’il n’y a rien après sa femme. »

Valentin Nusinovici – Là, ça commence à se dessiner.

Patricia Le Coat – Et voilà, qu’elle est hors circuit Si donc Monsieur K ne s’intéresse qu’à Dora, son père ne s’intéresse qu’à Madame K (Dora entend cela comme ça). Elle rentre ainsi dans une situation d’échange telle que Lévi-Strauss les a décrites : la fille échangée contre la femme. Elle n’a pas entendu la question du rien, (auprès). Si elle n’a pas renoncé au phallus paternel conçu comme objet de don, elle ne peut rien recevoir qu’elle ne reçoive d’autres … hommes. Autrement dit, la fille doit savoir y renoncer, au phallus paternel, pour pouvoir accéder au phallus de celui avec qui elle construira, peut-être, un couple. Dora, en raison de l’impuissance du père, n’a jamais eu accès à ce don et, dit Lacan, « […] la loi dans le rapport direct du don d’amour […] ». Elle se sent réduit à l’état de pur objet, vendue par le père à Monsieur K incapable de s’accepter elle-même comme objet du désir d’un homme. Ainsi elle fait de cette autre femme l’objet d’un désir divin, la Madone, une femme adorée. Et c’est quand Monsieur K ne fait plus partie du circuit, où Dora puisse l’identifier à elle-même, ou penser qu’elle constitue son objet à lui, « au-delà de la femme par où elle se rattache à lui, » que, finalement c’est pour elle la « rupture de ces liens subtils. »

La question se pose maintenant comme cela : quelle similitude ou différence existe-t-il entre les deux cas d’homosexualité féminine décrite par Freud après toutes ces études ? Comment elles se distinguent ou se ressemblent ?

Dans le cas de la jeune homosexuelle, il y a cette phrase : « tu auras un enfant de moi » qui reste gravée dans l’inconscient et l’amour qu’elle a pour la dame est un amour fondamentalement désintéressé, pour rien, « comme si la fille voulait montrer à son père ce que c’est un véritable amour […] ». Certes, le père va trouver chez la mère plus et nous rappelle Lacan, cette rivalité que la fille mène avec sa mère est fondamentale pour toute entrée dans l’Œdipe, « […] la supériorité écrasante du rival adulte […] est importante, elle aime l’autre pour ce que l’autre n’a pas, ce pénis symbolique qu’elle situe non pas chez la dame mais chez le père.

C’est par allusion, par contraste, de manière déguisée, « entre les lignes », que se fait entendre par la « suite rigoureuse des termes » employés ce que la perversion exprime, « […] faire entendre quelque chose en parlant de quelque chose de tout à fait autre. » C’est la métonymie. Et dans ce cas le précieux allié de la métonymie se montre être un précieux allié de la jeune fille, la version vers le père. Le père côté imaginaire avec ce déplacement du père symbolique poussé vers l’imaginaire, la jeune fille accède au phallus symbolique. Cette métonymie est le principe de tout ce que l’on peut appeler dans l’ordre de la fabulation et de l’art, le réalisme. C’est-à-dire, Lacan nous rappelle que la métonymie est ce que l’on côtoie tous les jours : dans toutes les histoires, le roman, le réalisme. En soi, cela n’a pas de sens, le sens en découle dans un deuxième temps. Tout cela on le retrouve aussi dans le cinéma. « De même la fonction de la perversion du sujet est une fonction métonymique. ». Pour Dora, c’est en tant que métaphorique que la névrose prend sens, nous dit Lacan. « La métaphore indique un signifiant plus loin dans la chaîne signifiante en tant qu’il lui est lié par un signifiant nécessaire ». C’est-à-dire nous sommes pris dans la substitution d’un signifiant par un autre. Madame K, c’est sa métaphore. Autrement dit, Dora ne sait pas : à quoi elle sert, à quoi sert l’amour, ce que c’est être femme. Ses questions sont des éléments signifiants sous lesquels court un signifié qui est la façon pour Dora de s’y intéresser, à la question de ce qu’elle représente … et pour qui, …pour un signifiant. Quand Freud essaie d’introduire dans la série des métaphores, Monsieur K, l’élément réel, se produit « une étrange fausse-couche significative ». Quand Freud dit « ce Monsieur K qui est votre amour », se produit chez Dora ce drôle de phénomène, cette étrange fausse-couche significative. Dora dit l’avoir fait au bout de neuf mois alors que, dans la réalité c’est de quinze mois qu’il s’agit. Cette fausse-couche significative est un symptôme après un petit temps d’amélioration. Nous trouvons là, dit Lacan, « …sous une certaine forme l’équivalence d’une sorte de copulation qui se traduit dans l’ordre symbolique et purement d’une façon métaphorique. Une fois de plus, le symptôme est là qu’une métaphore, qu’une tentative de rejoindre ce qui est la loi des échanges symboliques avec l’homme auquel on s’unit et se désunit. ».

L’amour pour le père dans cette dimension qui le fait ex-ister c’est un des Noms-du-Père tel que nous l’avons lu dans le nouage borroméen à quatre, voilà la névrose. Le quatrième étant le sinthome. « C’est aussi bien le père pour autant que perversion veut dire version vers le père et que le père n’est en somme qu’un symptôme, ou sinthome… », dira Lacan dans Le Sinthome.

Mais l’accouchement, on va le retrouver aussi chez la jeune homosexuelle qui se jette du pont du chemin de fer au moment où le père réel intervient et que la dame la quitte. Déjà frustrée par le fait que ce qui devait lui être remis du père soit le phallus, elle en est frustrée, elle en est dépourvue. Elle trouve sur une voie imaginaire par l’intermédiaire de cette relation imaginaire avec la dame à maintenir son désir. Mais au moment de cette déception ultime, elle ne peut plus soutenir l’objet ; ce rien dans lequel elle a tissé son nid se déconstruit, elle se laisse tomber comme un objet déchu. Nieder.  Sie kommt nieder, la phrase est en deux mots. Freud le dit, ça a valeur d’une perte définitive de l’objet, ce phallus qui lui est définitivement refusé, elle le met bas, ce qui est le seul et unique ressort de toute sa perversion concerne un amour stable et particulièrement renforcé pour le père. Voilà les deux cas mis côte à côte et la différence sur le plan symbolique entre les mécanismes, métaphore et métonymie, en place dans les deux cas par rapport à la dite perversion. On lit déjà là, en deux mots, père version, la manière dont le père intervient.

Marc Darmon – Comment tu l’entends la père-version en deux mots ? Qu’est-ce qu’il voulait dire ?

Patricia Le Coat – La version vers le père, je l’entends du côté de sinthome ou pas sinthome. Chez Dora il y a ce quatrième sinthome qui vient faire nouage dans la version vers le père, mais pas chez la jeune homosexuelle c’est une clinique asymptomatique mise à part cette relation homosexuelle où elle s’identifie au père.

Marc Darmon – Elle s’identifie au père imaginaire.

Valentin Nusinovici – La version vers le père, nous dit Lacan, c’est qu’il est aimé parce qu’il introduit la castration. Est-ce que c’est vrai pour la jeune homosexuelle ? C’est discutable d’après la définition que Lacan donne dans le sinthome. Il dit c’est l’intuition géniale de Freud de le dire, le père est aimé que parce qu’il introduit la castration. Là il y aurait peut-être une différence…

Patricia Le Coat – J’entends que ni l’une ni l’autre n’est sortie de l’Œdipe. À un moment donné, Lacan parle de normalisation. Est-ce que la père-version telle qu’elle est décrite chez la jeune homosexuelle peut aboutir à une sortie « heureuse» de l’Œdipe ? Et Dora n’en est pas sortie non plus car la névrose soit une sortie de l’Œdipe, mais une défense contre la castration.

Bernard Vandermersch – Autant il y a des phrases qui sont magnifiques par exemple ce que vise Dora sur Madame K c’est la féminité, mais autant tout ce qu’il plaque sur le schéma L est incompréhensible. Il a quand même dû un jour inventé l’objet a. Comment se débrouiller avec quatre coins ; depuis toujours Lacan dit qu’il faut quatre éléments pour faire structure, donc quelle que soit la structure il prendra quatre éléments. C’est très difficile et Lacan peine à produire quelque chose d’assez convainquant. Autant il dit des choses très justes pour distinguer la différence métaphore/métonymie, le côté arrêt sur image, même chez la jeune homosexuelle. Il raconte qu’elle avait été fascinée par les organes génitaux de son frère. Alors que l’hystérique, elle aurait plutôt…

Patricia Le Coat – Qu’elle avait le regard particulièrement vif et qu’elle voyait plus qu’elle n’était sensée voir…

Bernard Vandermersch – Il y a quelque chose qui reste plongé dans une dimension spatiale métonymique et de l’autre côté la substitution métaphorique.

Patricia Le Coat – Cela me paraît l’hypothèse la plus claire d’autant plus que Freud avait lui-même souligné dans « On bat un enfant », même les filles, dit-il, sont de structure obsessionnelle comme on sait bien que la métonymie relève plus de la structure obsessionnelle (si on continue dans les généralités) ça paraît du coup un chemin logique. Le schéma L là-dedans est perturbant parce qu’il y a cette espèce de glissement (deux termes allemands Verschiebung, Verdichtung) et on ne sait plus si l’on est dans la métaphore ou la métonymie…

Bernard Vandermersch – Pourquoi la jeune homosexuelle s’identifie au père, en tout cas à ce que serait un père digne de ce nom, pourquoi c’est un père imaginaire alors que c’est justement celui qui va donner ce qu’il n’a pas, il a saisi la dimension de l’amour ? En quoi est-il imaginaire ? Pourquoi, chez Dora, l’impuissance du père fait clinique en quoi c’est si important dans une histoire de structure car il pourrait très bien se conduire d’une façon virile tout en étant malheureusement sur le plan…? C’est sûrement une incidence. Comment Dora a été au fait de cela, sûrement au fait que la mère qui pour le coup était considérée comme une moins que rien ?

Patricia Le Coat – Elle est absente.

Marc Darmon – Elle a la boîte à bijoux quand même…

Bernard Vandermersch – Oui, il y a la boîte à bijoux de la mère. Elle ne pense qu’à cela sauver la boîte à bijoux de l’incendie.

Marc Darmon – Bijoux de famille.

Bernard Vandermersch – C’était la syphilis qu’avait le père ?

Julien Maucade – Les bijoux de famille…

Patricia Le Coat – En Allemand (Alte Schachtel), c’est la femme qui est visée, et pas l’homme, (die alte Schachtel). C’est la vielle carcasse, la veille boîte, c’est la femme. Une sorte d’insulte à dame âgée. Ce n’est pas des bijoux de famille, qu’on parle ainsi. La boîte à bijoux se dit (Schmuckschachtel). C’est très ambigu. La boîte pourrait donc contenir des bijoux… Est-ce identificatoire ? Dans le texte freudien, oui, Schmuck, ça rime avec (Schmutz), qui est la saleté.

Valentin Nusinovici – Melman l’avait souligné. L’expression « don du phallus par le père » est-ce un don d’amour ? Parce que si c’est un don d’amour, ne pas l’avoir c’est encore mieux pour le donner puisque c’est la définition même de l’amour, donc c’est difficile de penser cela comme un don d’amour. Elle, elle veut un don d’amour, c’est pour cela qu’elle ne le lâche pas. Est-ce que le don du phallus veut dire faire passer la castration, ce n’est pas donner le phallus imaginaire qui est déjà là. Lacan est vraiment pris dans cette histoire à cause de tout ce qu’il a mis en place sur la question de la symbolique du don etc. Mais je ne sais pas si ça tient la route cette histoire-là, je ne sais si après il reprend ça ? Que le père transmette le phallus au fils à condition de castration, ça ne se discute pas. Mais c’est autre chose que le don du phallus. Je suis embarrassé avec cette histoire du don du phallus. Serait-ce la transmission d’une identification au phallus ? C’est possible, que la fille doit réaliser l’identification au phallus mais elle la réalise aussi en passant par la castration.

Patricia Le Coat – Probablement, toute la question de la fille, sa position par rapport au phallus et l’objet, se situe entre l’être et l’avoir. Il y a aussi la question de la perversion mais ce n’est pas écrit dans cette partie du texte entre le pervers qui est à la fois celui qui l’est et qui l’a en même temps. Je l’ai lu comme une approche du statut de la femme par rapport à l’objet et la question du phallus/objet, comment le phallus se situe par rapport à l’objet, fait-il partie des objets ou pas ?

Bernard Vandermersch – Le pénis réel, il ne risque pas d’être donné. En général, on se le garde…

Marc Darmon – C’est dans cette leçon ou l’autre que Lacan rappelle que les enfants inventent des tas d’histoires imaginaires pour expliquer que le phallus on peut le donner à l’autre, c’est ce que l’on verra avec le petit Hans : comment cet objet réel, il est possible de le donner ?

Valentin Nusinovici – Il dit qu’ils ont des mots pour ces objets prégénitaux mais pas pour ce phallus qui, effectivement… Il n’y a pas de nom pour le nommer. On le nomme toujours mais il devrait être innommable, on le voit bien avec les enfants.

Marc Darmon – Oui mais c’est les objets du corps.

Valentin Nusinovici – Il dit par exemple le père c’est en pissant, il urine. Sinon, ce sera, on ne parle pas encore de la petite graine, je ne sais pas si on ne le faisait pas chez les allemands, la petite graine à consommer, orale, une façon quelconque qui est une transmission de la fabrication des enfants. Il se dit beaucoup après Freud, que là il y a une méconnaissance, une ignorance.

Marc Darmon – Par exemple le phallus imaginaire quand le petit Hans dit à son père « je l’ai vu sous la chemise de maman. » Son père lui explique que pas du tout, elle n’a pas de pénis. Mais Hans insiste en disant « si, il est même plus long que le tien ». C’est bien que cela ne se passe pas sur le plan de la réalité.

Bernard Vandermersch – Dès le début, « Hans – Maman as-tu un fait-pipi ? – Mais bien sûr ! – Ah ! J’ai seulement pensé… » Il y a longtemps qu’il sait sans savoir. Hans sait depuis longtemps qu’elle n’a pas de pénis mais là elle en a encore un plus long que son père, quand même.

Marc Darmon – Ce qui peut se donner en le gardant, c’est le symbolique. On peut donner l’heure sans la perdre.

Bernard Vandermersch – Il y a quelque chose chez Freud qui est étrange aussi : avec l’histoire de Dora on a l’impression qu’il se serait accommodé du fait que Dora aille chez M. K pendant que Mme K aille chez le père. De la même façon, avec le petit Hans, tout se termine très bien, le papa va chez sa mère et petit Hans garde sa mère. Il y a quelque chose comme cela où tout s’arrange…

Marc Darmon – C’est une résolution de l’Œdipe un peu curieuse.

Bernard Vandermersch – Freud dit que le petit Hans a réussi une solution plus heureuse que la plupart des humains. Il ne dit pas qu’il se fait un peu de soucis pour la suite, c’est curieux. D’une façon que ça pourrait s’arranger, c’est curieux tout de même. Lacan dit on ne sait pas ce qu’il a fait avec les femmes. Il a bien réussi dans son boulot. Les femmes seront toujours des petites filles sœurs, sur le mode d’Anna. Cela ne devait pas être si satisfaisant ce que Lacan a apporté là pour qu’il soit amené à introduire l’objet a, deux ou trois ans plus tard.

Texte relu par l’auteur.

 

Transcripteurs : Danièle Chaissac, Martine Pochulu, Monique Maynadier, Dalila Bouamrirene.

Relecteurs : Dominique Foisnet Latour, Érika Croisé Uhl.