Séminaire de préparation – Mardi 19 Mars 2019
La relation d’objet et les structures freudiennes.
Leçon 14 Bernard Vandermersch – Discutant Marc Darmon.
Bernard Vandermersch – Alors il y a deux parties dans cette leçon XIV du 20 mars 1957, comme vous le remarquez, parce que vous l’avez évidemment tous lue avant de venir. Un rappel sur ce qu’il avait fait il y a deux ans. La chaîne des α, β, γ, , et d’autre part quelques considérations sur Le petit Hans. Le lien entre ces deux parties est sans doute en partie fortuit mais il pose la question du déterminisme signifiant de la phobie de Hans.
1ère partie
Introduction.
« Pas de symbolisation du réel sans refoulement ni répétition ».
Cette première partie reprend un article sur La lettre volée d’Edgar Poe. Il y est question d’un enfant surdoué au jeu du pair-impair. Il est capable de deviner les coups de son adversaire en s’identifiant imaginairement à lui. Lacan a beau jeu de montrer qu’au troisième temps le hasard donnera une réponse aussi efficace que cette méthode.
Pierre-Christophe Cathelineau – Ça, c’est un personnage de La lettre volée ?
Bernard Vandermersch – C’est un personnage de La lettre volée, cité par Dupin, je crois, enfin pour noyer le poisson je crois quand même…
Quand Mannoni, qui a joué à ce jeu proposé comme exercice par Lacan, a pensé être trop deviné par son interlocuteur, il a choisi de prendre les mots d’un poème de Mallarmé. Méthode radicale sauf si le partenaire, par miracle, avait reconnu le poème. Mannoni aurait alors perdu à tous les coups.
Freud disait qu’on ne peut choisir un nombre au hasard. Il est forcément surdéterminé. Mais que veut dire surdéterminé ? Ce n’est pas le plurifactoriel en vogue aujourd’hui. Il s’agit d’une détermination par les propriétés du signifiant dont la chaîne rudimentaire étudiée donne une idée métaphorique.
1 – « Certains ont cru que je niais le hasard. »
Il semble que certains n’avaient pas compris qu’il fallait glisser d’un élément au suivant et de noter à chaque fois la nouvelle configuration des trois termes successifs.
+ + + – – + – – – + – + – – –
1 2 2 2 3 2 1 2 3 3 3 2 1
Et non de noter un triplet, puis celui qui suit le dernier élément du triplet précédent. Cette suite là resterait sans syntaxe possible, chaque terme suivant aléatoirement le précédent :
+ + +|- – +|- – -|+ – +|- – -|
1 2 1 3 1
Lacan part d’abord d’un regroupement de trois figures différentes de trois signes qu’il note 1 pour une suite de trois signes identiques, 2 pour une suite dissymétrique +- – par exemple, 3 pour une suite de signes différents mais symétriques, ce qui aboutit à une loi élémentaire de succession pour ces 1, 2 et 3.
1 = + + + ; – – –
2 = + + – ; – – +
+ – – ; – + +
3 = + – + ; -+ –
X – C’est obligatoire que ça soit comme cela ? C’est dans tous les cas que ça tombe comme ça ?
Bernard Vandermersch – Non ! Je choisis d’appeler 1 cela, 2 cela, il y a un acte de nomination.
X – Mais la probabilité que 2 soit égale à…
Bernard Vandermersch – Il n’y a aucune probabilité. Ah si, j’ai dit la probabilité de cela est la même que cela, forcément puisqu’il y a autant de plus et de moins de chaque côté. Le seul hasard porte sur la succession des + et des –. Sur la loi des grands nombres, on fait que sur cinquante mille essais, vous aurez exactement la moitié de + et la moitié de –. S’il n’y a pas exactement la moitié, c’est que votre affaire est pipée. Hein ? N’est-ce pas, d’accord !
Mais le plus intéressant est de ne garder que deux groupes opposés, et d’égale probabilité d’apparition : symétrique noté I [i] qui regroupe 1 et 3 ; dissymétrique (2), noté 0 comme odd. On retrouve ainsi une opposition binaire I, 0. Comme au départ l’opposition +, -.
Lacan construit en effet une deuxième série de symboles α, β, γ, qui regroupent par trois les termes de la série précédente (1,2,3) redistribués en I,0. Cette nouvelle série, toujours aléatoire.
Lacan fait donc des triplets de 0 et de I (triplets de triplets donc) sans s’occuper d’abord de celui du milieu (ce qui permet de diviser par deux le nombre possible de triplets) :
α = I . I à α1 = I I I soit : + + + + + ou – – – – – ou + – + – + ou – + – + – ;
1 1 1 1 1 1 3 3 3 3 3 3
à α2 = I 0 I soit : + + + – + ou – – – + – ou + – + + + ou – + – – -,
1 2 3 1 2 3 3 2 1 3 2 1
Julien Maucade – Ca veut dire peu importe celui du milieu ?
Bernard Vandermersch – Au départ, pour α, peu importe celui du milieu.
De même β, γ, sont le nom chacun de 8 assemblages de 1, 2 et 3 ou de 2 assemblages de I et 0
β = I . 0 à β1 = I I 0 ; β2 = I 0 I
γ = 0 . 0 à γ1 = 0 I 0 ; γ2 = 0 0 0
= 0 . I à 1 = 0 I I ; 2 = 0 0 I
2 – Voici comment on passe d’un symbole à l’autre :
On constate, à condition de nommer de la même lettre deux triplets différents par leur maillon intermédiaire tout en les différenciant sur le réseau :
3 – Lacan répond à l’objection qui lui a été faite : puisque chaque lettre correspond à deux formules différant par leur maillon intermédiaire, pourquoi ne pas avoir choisi 8 lettres, ou faire comme moi, mettre un indice : α1 = I I I ; α2 = I 0 I
En fait dans la construction de Lacan, puisque :
I = + + +, – – -, + – +, – + –
0 = + + -, – – +, + – – , – + +
α1 correspond donc à :
+ + + + +,- – – – -, + – + – +, – + – + -,
et α2 à :
+ + + – +, – – – + -, + – + + +, – + – – -,
α correspond donc dans la construction de Lacan à 8 configurations différentes. Il est « octuplice ». Il en est de même de β, γ, . Il y a donc 4 x 8 = 32 suites différentes de + et de -.
« Il m’a été dit qu’il n’y avait pas là une définition d’un symbole qui fut en quelque sorte clair et distinct et que par conséquent tout ce que […] j’articulais […] n’était qu’une sorte d’opacification du mécanisme […] une sorte de création qui ferait surgir de soi-même une sorte de loi interne qui […] va au-delà de ce qui est donné au départ, à savoir le pur hasard. »
« Eh bien, dit-il, c’est tout à fait exact ! »
Mais ce n’est pas dû au fait de prendre une seule lettre pour deux formations différentes, c’est le fait que « Parler de symétrie ou de dissymétrie pour choisir de classer des symboles ne relève pas du hasard. C’est une symbolisation. » (Pas sans l’effet d’image imaginaire ?)
Il y a deux lois qui ne se recouvrent pas :
Selon la loi statistique, toutes les lettres sont de probabilité d’apparition équivalente.
Selon la loi syntaxique, les lettres α, ou γ, peuvent occuper à elles seules toute la chaîne alors que les lettres β et ne peuvent chacune, dans le meilleur des cas, qu’occuper 50%.
L’une n’exclut pas l’autre dans le réel mais la deuxième instaure un ordre qui n’y était pas.
« L’ambiguïté est toujours là ; plus nous avançons dans la construction, et j’ai fait le pas minimum que l’on puisse faire en les groupant par trois. Je ne l’ai pas démontré au cours de l’article parce que je n’avais d’autre but que de vous rappeler dans quel contexte avait été introduite la lettre volée. Admettez pour un instant que c’est le pas minimum. »
4 – Pourquoi Lacan prend-il des triplets de triplets ?
– Si on avait opéré directement avec des « simplets » de + et -, on aurait écrit simplement sans ambiguïté
I = + et 0 = –
Et alors, quand nous les regroupons par trois et c’est effectivement un minimum :
α = I . I α1 = I I I = + + + α2 = I 0 I = + – +
β = I ; 0 β1 = I I 0 = + + – β2 = I 0 I = +- +,
γ = 0 . 0 γ1 = 0 I 0 = – + – γ2 = 0 0 0 = – – –
= 0 . I 1 = 0 I I = – + + 2 = 0 0 I = – – +
On a quand même une ambiguïté minimale pour les a, b, g, d, chaque lettre en valant deux différentes.
– Si on avait opéré avec des doublets, chaque élément serait ambigu :
I = + + ; – -,
0 = + – ; – +
Et alors :
α1 = I I I = + + + +, – – – – ; α2 = I 0 I = ++- -, – – ++
β1 = I I 0 = + + + – , – – – + ; β2 = I 0 0 = + + – +, – – + –
γ1 = 0 I 0 = + – – -, – + + + ; γ2 = 0 0 0 = + – + -, – + – +
1 = 0 I I = + – – -, – + + + ; 2 = 0 0 I = + – + +, – + – –
On a déjà une ambiguïté de 8 pour 1 avec les regroupements α = α1 + α2, β = β1 + β2 etc.
Si nous nommions chaque configuration d’α, β, γ, constitués de triplets de triplets comme Lacan, il ne nous aurait pas suffi de 4 ni de 8 lettres différentes mais de 32, ce qui est à peu de choses près le cas des alphabets en vigueur. Lacan note que le réseau de circulation d’une lettre à l’autre dans le cas de distinguer les 32 lettres serait bien peu lisible.
Julien Maucade – Oui mais on serait resté sur le premier schéma.
Bernard Vandermersch – Oui mais à condition de les appeler 1 et 3 « I » et 2 « O ». D’accord ? Mais à ce moment là il faut les regrouper par trois quand même, attention ! Ce n’est pas la même chose. Lacan a dit que les regrouper par trois c’est un minimum, ça c’est certain, mais ce que nous regroupons par trois peut être simple, double, triple, quadruple, quintuple, à condition que nous définissions dans la chaîne deux opposés soit + et – mais ça peut être des trucs beaucoup plus compliqués, des doublets des triplets etc.
Pourquoi donc il emploie des triplets de triplets ? Sans doute à chaque fois qu’on augmente la quantité d’éléments, on augmente l’équivocité puisqu’il faut qu’à chaque fois on les regroupe en deux camps opposés.
Bref, pour qu’apparaisse cette syntaxe, il faut :
Sélectionner un groupe de figures opposées de façon binaire.
Donner un nom distinct au rassemblement d’une succession de trois figures,
Avec un minimum d’équivocité pour qu’elle soit lisible.
À ces conditions on aura toujours le graphe B
J’ajoute donc à Lacan que cette syntaxe élémentaire de trois éléments successifs émerge d’une alternance de symboles binaires quelconques, quelle qu’en soit la complexité (simplets, binaires, triplets comme Lacan le fait, quadruplets, quintuplets etc.) du moment qu’ils soient regroupés en deux groupes opposés selon une propriété qui permette que ces deux groupes soient égaux statistiquement. Quant au + et –, ils peuvent être remplacés par n’importe quel signes opposés : Ex : + – ; 1 – 0 ; M – F ; Blanc – Noir.
Le graphe sera toujours le même du moment qu’il s’agit du regroupement par 3 de signes ou de suites de signes.
5 – Le miroir.
« C’est justement l’intérêt du choix de ces symboles ambigus qui couplent, parce qu’ils sont bien couplés par quelque chose, ce sommet a avec un autre sommet a et qu’en effet a des fonctions différentes. »
Notons que le réseau montre une symétrie quasi parfaite (excepté la vectorisation des segments) et qu’elle n’oppose pas les deux α mais selon un axe vertical les α et les γ.
Cet a là n’est le même que cet a là tout à fait. Sauf que ce qu’on remarque sur le schéma, c’est que le couple de symétrie, c’est a1 avec g2 et a2 avec g1 par exemple. Ce n’est pas tellement a qui est le symétrique de l’a c’est plutôt le g. Et vous voyez que ce réseau montre une symétrie quasi parfaite (excepté la vectorisation des segments).
Ainsi que selon un axe horizontal les β et les . Il y a donc une spécularité propre au symbolique. Cette spécularité va se retrouver dans « Parenthèses des parenthèses »,
nous ne développons pas ici. (Voir Essais sur la topologie lacanienne de [Marc] Darmon)
Il existe par ailleurs une symétrie parfaite par rotation autour d’un axe central passant par le milieu du segment α2-γ1.
6 – La syntaxe métaphore du refoulement et de la mémoire humaine.
Cette syntaxe consiste en exclusions et en obligations rétroactives et anticipatrices.
« J’ai essayé de [mettre en évidence] des lois de syntaxe d’une façon telle qu’elles soient métaphoriques, i.e. qu’elles vous permettent d’entrevoir ce en quoi le signifiant est véritablement organisateur de quelque chose d’inhérent à la mémoire humaine, à distinguer de toute conception d’une mémoire vitale organique. »
Lacan fait remarquer ailleurs que la mémoire vitale se manifeste par un changement qui apparaît dans un comportement à la suite d’une rencontre qui affecte l’organisme. Ce changement s’épuise si les conditions qui l’ont fait apparaître disparaissent. Alors que la mémoire humaine se caractérise par la répétition sans extinction de l’accident symbolique.
Le futur antérieur suppose cet ordre symbolique.
Il est fait d’exclusions : si tel α apparaît, je peux exclure qu’il y aura eu un γ, non pas le coup d’avant mais le coup d’avant celui d’avant.
Julien Maucade – Une autre génération ?
Bernard Vandermersch – Par exemple, comme dirait Dolto. Mais en tout cas, l’intérêt c’est que ça nous fait sortir d’une pensée causaliste immédiate. Quand un phénomène se produit de cette façon-là : un trauma, je perds tous mes cheveux, c’est généralement justement que ça a échappé à la concaténation signifiante. C’est que là on retrouve une logique linéaire.
« Dès qu’il y a graphie, il y a orthographie ».
Mais aussi d’obligations :
Si partant d’α au premier temps il se produit un au 5ème temps, (on peut y arriver par 8 chemins possibles et aux 2ème et 4ème temps toutes les lettres sont possibles) mais le 3ème temps sera nécessairement un β.
De même partant d’un β, si le 5ème temps est un , le 3ème sera nécessairement un γ. Etc.
Cela permet d’ailleurs de vérifier s’il y a eu faute ou pas.
Lacan propose ainsi son « répartitoire » :
1er temps 2ème temps 3ème temps 4ème temps 5ème temps
α, à α,β,γ, à α,β à α,β,γ, à α,β,γ,
γ,β à α,β,γ, à γ, à α,β,γ, à α,β,γ,
7 – 3 est un minimum pour le signifiant : un terme, son opposé, un écart. Un tour, un deuxième en miroir, un écart irréductible. S, I, R. Retour à Hans et son Œdipe.
Le lion ne sait pas compter jusqu’à 3.
Ce pourquoi les lionnes ne seraient pas jalouses. Intuition à confirmer ! dit Lacan d’autant plus que juste après il nous dit ce qui pourrait passer pour le contraire, que c’est parce que nous avons du mal, nous qui ne sommes pas lion, à compter jusqu’à 3 que « le conflit existe par maintien de la relation duelle imaginaire. » Disons que nous, qui ne sommes pas des bêtes, sommes sommés de compter.
Valentin Nusinovici – Sauf quand les humains sont derrière, parce que c’est un jeu
Bernard Vandermersch – Ah oui, sauf les combats de [ inaudible : coqs ?] pardon c’est une expression du bassin minier… Oui si on est derrière.
Ainsi passer par l’Œdipe, franchir le gap du 2 à 3 est une difficulté spécifiquement humaine : « Il n’y a aucune espèce de franchissement véritablement expérientiel de ce gap entre le 2 et le 3. Je ne sais pas ce qu’il veut dire.
Marc Darmon – Ce n’est pas empirique
Bernard Vandermersch – Ce n’est pas empirique ? Qu’est ce que ça veut dire ?
Marc Darmon – Qu’on n’a pas à notre disposition dans la nature le 1, 2, 3. Il va faire allusion à Frege pour ça.
Bernard Vandermersch – Ah oui, ça je l’ai laissé un peu tomber.
Valentin Nusinovici – C’est à partir de là qu’il passe à Hans, c’est tout à fait uni, ce n’est pas deux parties hétérogènes, Je veux dire qu’elles sont liées par ça.
Bernard Vandermersch – Oui, elles sont liées par ce fait de passer du 2 à 3.
Pierre-Christophe Cathelineau – C’est le primat du Symbolique sur le…
Valentin Nusinovici – Qui rapporte du préœdipien à l’œdipien.
Bernard Vandermersch – C’est ça oui.
Marie-Christine Laznik – Tu as dit quoi dans ta dernière phrase ?
Valentin Nusinovici – J’ai dit que… parce que tout à l’heure Bernard [Vandermersch] disait qu’on ne voit pas pourquoi ces deux parties seraient liées. Lacan, une fois qu’il a dit qu’il n’y a pas d’accès empirique du 3, il va passer à Hans justement parce que la question du passage du préœdipien soit du 2 au 3 elle est celle qui est en jeu chez Hans.
Bernard Vandermersch – Oui, en tout cas ce que je pensais, c’est que d’être pris dans le Symbolique dès sa naissance et d’être dans cet ordre ne garantit aucunement d’échapper à la dualité comme le paradoxe.
C’est qu’il y a un miroir propre au symbolique et que d’être dans cet ordre ne garantit aucunement d’y échapper. C’est le rôle du terme d’exception, le phallus, qui permet de sortir de la parfaite symétrie des signifiants, symétrie puisque d’une certaine façon sa loi est a = – a, quand bien même il serait équivoque.
Notons que c’est par identification des points opposés de notre sphère signifiante si symétrique que Lacan construit le plan projectif, lequel dès lors, va détruire cette symétrie et induire une hétérogénéité foncière. Elle apparaît lors de toute émission d’un signifiant maître avec ce reste irréductiblement hétérogène au signifiant que Lacan appelle objet a.
Cet objet sous la forme du Lumpf surgit ainsi sans son contraire dans une série d’oppositions signifiantes où Hans semble se perdre ou perdre son père. ( Cf paragraphe 9)
Le phallus va inaugurer le fonctionnement de la métaphore renvoyant à un terme sans pair, disons qu’il est son propre symétrique. Frege dirait que c’est le seul signifiant à mériter le nombre 1, tous les autres ne mériteraient que 0. C’est à ce signifiant 1 auquel est exposé le petit Hans.
8 – Hans passe d’une situation heureuse où il n’a encore aucun complexe de castration à l’angoisse, puis à la phobie. Quand cela ?
– Peu après la naissance de sa sœur. Ce qui l’amène à rectifier le commentaire de son père sur un de ses rêves : « Pas seul avec Mariedl, tout seul avec Mariedl ! ».
– Quand entre en jeu son pénis réel en tant qu’il donne du plaisir : Depuis les premiers jours de janvier Hans souffre de rêves d’angoisse et se réveille en pleurant. « Quand je dormais, dit-il à sa mère, j’ai pensé que tu étais partie et que je n’avais pas de petite maman pour faire câlin. » « Malheureusement, dit le père, qui connaît la théorie de Freud sur l’origine pulsionnelle de l’angoisse, sa maman le prend alors toujours dans son lit. »
Le 8 mars en revenant de Schönbrunn, il dit à sa mère qu’il a eu peur qu’un cheval ne le morde. Le soir : « Je sais que demain je vais devoir retourner me promener » et plus tard : « Le cheval viendra dans la chambre ». Le même jour sa maman lui demande : « Tu ne mettrais pas par hasard ta main à ton fait-pipi ? » – « Oui chaque soir quand je suis au lit ».
– « En fait, dit Lacan, l’enfant n’est jamais seul avec la mère : il y a entre eux le phallus qui manque à la mère. L’enfant n’est qu’une satisfaction substitutive, métaphore ou métonymie, soit métaphore de son amour pour le père, soit métonymie du phallus qu’elle n’aura jamais.
Pour la mère de Hans, il est un appendice qu’elle traîne partout avec elle dans son lit comme aux WC.
« Le genre de mère qui change sa culotte devant son enfant ! »
On voit que ce n’est pas tout à fait la même chose que l’enfant soit la métonymie ou la métaphore.
Pierre-Christophe Cathelineau – Mais là il tranche en disant que c’est la métonymie.
Bernard Vandermersch – Oui, il est plutôt dans la métonymie, c’est-à-dire que sa mère ne l’aide pas tellement quoi dans cette affaire.
Pierre-Christophe Cathelineau – C’est la métonymie pure…
Bernard Vandermersch – Pure, c’est rarement pur ces histoires de [inaudible]
Pierre-Christophe Cathelineau – Mais en tout cas il dit qu’il est traité dans son être, dans son être-même comme substitut phallique.
Bernard Vandermersch – Comme substitut phallique, tout à fait
Pierre-Christophe Cathelineau – Il est traité dans son être même donc c’est une chose enfin…
Bernard Vandermersch – Bah non, parce que c’est quand même, le phallus est symbolisé comme ce qui soutient le désir maternel, et on n’est pas dans la [PCC – c’est lui qui est à cette place] c’est lui, à cette place imaginaire, il n’est pas confondu, il va pouvoir d’ailleurs se déplacer. Oui, c’est son problème, mais c’est le problème de tout petit garçon et de petite fille passablement aimé par sa maman, que d’être confronté, de voir un jour le sol se dérober sous ses pieds. Et en urgence, il y a du Lumpf, qui va débarquer tout de suite.
9 – Ce qui va amener Hans à dire « Wegen der Hose », métonymie du Lumpf, comme il a dit Wegen dem Pferd ».
Séance du 10 avril :
Papa – « Tu as été pris de dégoût quand tu as vu le pantalon de petite maman.
Hans – Seulement quand j’ai vu le noir, quand elle l’a acheté, alors je crache, mais quand elle met ou retire le pantalon, alors je ne crache pas. Alors je crache, parce que le pantalon noir est quand même noir comme un Lumpf et le jaune comme un pipi et alors je crois que je dois faire pipi. Quand petite maman porte le pantalon, alors je ne le vois pas, alors elle a quand même ses vêtements par-dessus
Papa – Et quand elle retire ses vêtements ?
Hans – Alors je ne crache pas. Mais quand il est neuf, alors il a l’air d’un Lumpf. Quand il est vieux, la couleur passe et il devient sale. Quand on l’a acheté, il est tout propre, à la maison, on l’a déjà sali. Quand il est acheté, il est neuf et quand il n’est pas acheté, il est vieux. »
Dans sa déchéance programmée du phallus imaginaire, le Lumpf vient se proposer comme bouchant le non-sens. On peut dire que c’est autour du Lumpf quand il va disparaître que s’enroule cette rétroaction du futur antérieur. Autour d’un élément inclassable qui réunit les sens opposés. En effet dans le dialogue abscons de Herbert [Graf] sur le pantalon de sa mère, nous avons deux colonnes :
Neuf vieux
propre sale
au magasin à la maison
acheté non acheté
Lumpf
En face du Lumpf il n’y a rien. Il n’y a pas d’anti-Lumpf, on est dans un autre registre que celui du signifiant. Et le Lumpf se trouve donc sans opposé et même du côté du propre. Il devient phallique. Et l’on voit après l’enseignement ultérieur de Lacan, comment l’objet petit a vient en urgence pallier par un sacrifice partiel, et non pas total, la perte de la totalité d’un être phallique imaginaire.
Et le Lumpf se retrouve sans opposé du côté du propre ! Il devient phallique.
Et l’on voit, après l’enseignement ultérieur de Lacan comment l’objet a vient en urgence pallier par un sacrifice partiel la perte de la totalité d’un être phallique imaginaire.
10 – Perte du paradis de l’innocence phallique.
« Jusque là si Hans était aimé, ce n’était pas en tant que porteur du phallus mais en tant que totalité substitutive du phallus. La preuve en est que l’angoisse apparaît quand le Wiwimacher devient objet de plaisir pour Hans et pas du tout pour sa mère.
Du coup,
« Ce qu’il peut faire de mieux ce n’est pas de passer de la passivité à l’activité, de la voix passive : « Je m’imagine joui comme phallus par ma mère » à la voix active qui serait : « Je m’imagine jouir de ma mère avec mon phallus » mais plutôt à une sorte de voix moyenne : « Je m’imagine tel que je suis imaginé par la mère, i.e. joui par elle comme le phallus qui lui manque. »
C’est intéressant cette remarque, c’est que Lacan dit qu’il ne s’agit pas de passer de la voie passive à la voie active, on pourrait penser que ce serait ça, « allez tu vas aller sauter ta mère », ce n’est pas ça qu’il dit, c’est « je m’imagine tel que je suis imaginé par ma mère », c’est-à-dire je prends acte de ce que je suis pour elle, joui par elle comme le phallus qui lui manque, et à ce moment-là, je m’en détache.
Mais il peut arriver que l’enfant « s’imagine comme fondamentalement autre que ce qui est désiré, rejeté (verworfen) hors du champ imaginaire où il pouvait jusque là trouver à la satisfaire par la place qu’il y occupait ».
Ce pourrait être une entrée dans la paranoïa. Dans ce qui est vécu imaginairement comme un rejet de l’Autre, l’enfant peut s’imaginer comme identifié au phallus imaginaire rejeté dans le réel à la place même du phallus symbolique et devenir paranoïaque.
C’est-à-dire qu’il resterait collé à un phallus non pas symbolisé mais toujours à un phallus imaginaire.
Julien Maucade ? – Rejeté dans le réel ?
Bernard Vandermersch – Mais rejeté dans le réel, parce qu’il y a toujours, vous constaterez que dans le déclenchement d’une paranoïa, il y a toujours une humiliation, quelque chose de cet ordre, d’un rejet d’une valeur imaginaire du sujet. Bon, enfin Lacan n’en parle pas comme ça.
Lacan : « l’angoisse apparaît avant la phobie. Au moment où le sol se dérobe sous ses pieds de pouvoir n’être plus rien… qu’une métonymie. »
Tout en insistant sur la fonction de la phobie, Lacan met en garde contre la tentation de penser qu’un symptôme devrait toujours servir à quelque chose.
Quant à la tache noire sur le museau du cheval elle reste pour Lacan énigmatique alors que Freud se vantait de son stratagème pour l’identifier à la moustache du père.
Marc Darmon – C’est plutôt le gouffre, et le trou.
Bernard Vandermersch – Oui, oui, oui…
Martine Bercovici – Le noir c’est aussi le pantalon de la mère…
Bernard Vandermersch – Oui, enfin c’est manifestement… en tout cas Freud est très content d’avoir identifié la moustache puisque Hans semble donner un acquiescement, hein ? Bon, mais enfin on peut dire qu’effectivement il y a… tout ce qui est noir…
Martine Bercovici – Le noir de la banquette…
Bernard Vandermersch – Enfin, c’est ce que dit Marc [Darmon], c’est-à-dire que c’est quelque chose qui vient trouer l’espace. Où la castration, enfin le manque dans l’Autre, le manque symbolique dans l’Autre, l’incomplétude de l’Autre se traduit dans l’espace imaginaire par une béance obscure.
Marc Darmon – Oui parce que ça échappe à toutes les rationalisations, tout un abord réaliste de ce, de cette tache noire, [BV : oui] qui apparaît comme quelque chose qui fait trou dans la réalité.
Bernard Vandermersch – Oui, elle fait trou dans la représentation on va dire. Mais, bon…
Pierre-Christophe Cathelineau – Qui est associé à la mère…
En tout cas devant les chevaux, il ne s’agit plus d’angoisse mais de peur, peur qu’ils mordent, qu’ils tombent, qu’ils fassent du charivari etc.… selon cette loi du signifiant qui est comme un a de valoir pour beaucoup de configurations différentes.
La phobie introduit dans le monde de l’enfant une structure spatiale avec un intérieur et un extérieur, un « imaginé rejeté de l’intérieur de la mère, un nouvel ordre de seuils, de limites nouvelles. Comme le dit Freud, la phobie joue le rôle d’un Schutz, d’un Vorbau, un édifice de défense.
« Transformer l’angoisse en peur, ce n’est sans doute pas suffisant pour définir la phobie mais c’est un début ! »
11 – Lacan se pose ainsi la question de savoir si la phobie est une espèce morbide, un syndrome, disons aussi une structure, une névrose ?
Il dira plus tard que c’est une plaque tournante.
Intervenante – Alors justement la question du noir, et l’hallucination, quelle articulation.?
Bernard Vandermersch – Quelle hallucination ?
Intervenante – Lacan parle de l’hallucination il me semble, voilà : « une espèce d’élément négatif hallucinatoire » ; je ne sais pas ce que vous… justement dans la question de plaque tournante…
Bernard Vandermersch – J’avoue que j’ai halluciné négativement là, parce que je n’ai…
Marie-Christine Laznik – À la séance d’après il fera une comparaison avec l’Homme aux loups ; il comparera les deux situations pour bien dire que dans un cas il y a hallucination et que chez le petit Hans il n’y en a pas. Justement pour distinguer les deux.
Intervenante – Mais est-ce que ce n’est pas pour ça, j’interroge [BV : oui vous avez raison d’insister parce que je suis passé à côté], qu’il souligne la question du point noir, du trou noir quoi.
Bernard Vandermersch – Moi j’avais cru que Freud avait apporté la solution mais
Marc Darmon – [inaudible] hallucination négative.
Bernard Vandermersch – Ça existe l’hallucination négative mais…
Marie-Christine Laznik – Il en parlera à propos de l’Homme aux loups.
Intervenante – « L’élément négatif hallucinatoire »
Bernard Vandermersch – On parle aussi du scotum, du scotum hystérique mais vous savez, tous les… régulièrement j’ai un patient ou une patiente qui me dit « tiens, vous avez un nouveau tableau », ça fait deux ans qu’il est là, il fait un mètre dix sur… On fait tous des hallucinations négatives ! Sauf que ce n’est pas un trou noir, et là c’est tout autre chose.
Marie-Christine Laznik – À la séance d’après il fera une comparaison avec l’Homme aux loups ; il comparera les deux situations pour bien dire que dans un cas il y a hallucination et que chez le petit Hans il n’y en a pas. Justement pour distinguer les deux.
Intervenante – Mais est-ce que ce n’est pas pour ça, j’interroge [BV : oui vous avez raison d’insister parce que je suis passé à côté], qu’il souligne la question du point noir, du trou noir quoi.
Bernard Vandermersch – Moi j’avais cru que Freud avait apporté la solution mais
Marc Darmon – [inaudible] hallucination négative.
Bernard Vandermersch – Ça existe l’hallucination négative mais…
Marie-Christine Laznik – Il en parlera à propos de l’Homme aux loups.
Intervenante – « L’élément négatif hallucinatoire »
Bernard Vandermersch – On parle aussi du scotome, du scotome hystérique mais vous savez, tous les… régulièrement j’ai un patient ou une patiente qui me dit « tiens, vous avez un nouveau tableau », ça fait deux ans qu’il est là, il fait un mètre dix sur… On fait tous des hallucinations négatives ! Sauf que ce n’est pas un trou noir, et là c’est tout autre chose.
Martine Bercovici – Et là d’ailleurs ce qu’il dit c’est que c’est plutôt, il dit « un point d’alarme, des points dangereux »…
Bernard Vandermersch – Moi je pense un peu que quand même, le cheval il surgit toujours quelque part, du fond de l’espace, et il vient, faire perdre la solidité de l’espace.
Il me semble en tout cas difficile de prendre la phobie du cheval de Hans, réellement surdéterminée par le contexte freudien, on le sait maintenant, comme phobie typique. La plupart des objets phobiques sont translinguistiques : les souris, les araignées, les pigeons et semblent jouer surtout comme taches dans l’espace, captivant le regard. Quant à l’agoraphobie, elle est plutôt béance brute de l’espace, tandis que la claustrophobie semble jouer comme réduction de l’espace au corps du sujet.
Le dénominateur commun restant l’accident de l’espace, la béance de l’Autre reportée dans l’espace imaginaire.
Valentin Nusinovici – C’est le noir que Lacan qualifie d’hallucinatoire entre guillemets, le noir c’est-à-dire au fond ce qui a une qualité de réel. Moi dans le temps j’avais dit : Lacan avait l’objet a là, il l’avait un peu décrit mais il ne l’avait pas encore théorisé. Et c’est particulièrement amusant parce que là non plus il n’a pas encore théorisé que l’angoisse n’est pas sans objet comme disait… c’est intéressant la façon dont ça avance, l’angoisse conformément à Freud n’a pas d’objet, et la peur en a un. Et en même temps on a l’impression qu’il y a quelque chose du a et là, dans le noir comme il le dit, c’est vraiment formidablement intéressant de voir comment il avance…
Bernard Vandermersch – Et bien justement comment tu vois, parce que le Lumpf, Hans il est toujours associé au noir…
Valentin Nusinovici – Il n’a pas cette qualité de réel et en plus il n’est pas angoissant.
Bernard Vandermersch – Mais est-ce que justement il n’est pas…
Valentin Nusinovici – Ce noir là, moi je l’avais rapproché, il y a 25 ans, de l’objet petit a parce que c’est justement le surgissement, c’est ce qui fait surgir l’angoisse, donc c’est ce qui ne devrait pas être… ce qui ne devrait pas, je veux dire, arriver dans la réalité. Et donc c’est pour ça que je l’avais… outre le fait qu’il est insaisissable. C’est pour ça que j’avais dit qu’il avait vraiment l’objet a là, dans le… puisqu’il va y revenir deux ou trois fois dans le texte, à un moment où justement l’angoisse, l’angoisse est sans objet. Alors on voit bien, c’est formidable…
Bernard Vandermersch – Enfin l’angoisse elle est là, comme tu le dis, elle n’est pas sans…
Valentin Nusinovici – Lacan nous le dira mais à ce moment-là il est strictement, il reprend strictement Freud et donc il se débrouille comme ça. Mais en même temps, il a déjà montré des choses, nous on peut les lire avec ce qu’il a dit après.
Bernard Vandermersch – Oui, mais ce que tu dis, me crée difficulté ; effectivement l’angoisse c’est la menace de surgissement de l’objet petit a. Et en même temps il est clair qu’il va y avoir avec le Lumpf une, comment dire, un des objets qui sert de prêt-à-porter à l’objet petit a, qui est en train de se constituer et qui manifestement se phallicise. Mais alors est-ce que ce n’est pas justement quelque chose qui le rend, sous cette forme-là, comment dirai-je, supportable, et même, avec une ambivalence mais enfin, alors que l’objet petit a comme pur trou là, le noir c’est…
Valentin Nusinovici – Le Lumpf ce n’est pas encore un objet perdu, c’est plutôt l’objet au moment où il est encore entre mère et enfant.
Bernard Vandermersch – Oui, mais il est en train de se…
Valentin Nusinovici – Ce n’est pas l’objet a au sens le plus radical pour nous, c’est-à-dire celui est perdu, celui qui est dans le réel, celui qui fait trou, je veux dire qui ne devrait pas revenir dans la réalité ; quand il revient dans la réalité, angoisse [BV : angoisse]. Il ne devrait pas être dans le champ phénoménal. Souvent [Charles] Melman a insisté là-dessus, il n’est pas dans le champ phénoménal. Et là je pense qu’il y est de cette façon-là.
Pierre-Christophe Cathelineau – Il y a quelque chose qu’on ne souligne pas assez, et que [Charles] Melman il y a deux ans ou trois ans avait souligné de façon magistrale, c’est que Pferd, Pferd, Sigmund Pferd…
Bernard Vandermersch – Oui, sauf que dans cette observation, ça rend justement cette phobie tout à fait spéciale. Parce qu’il y a une surdétermination signifiante qu’il n’y a pas du tout dans la phobie des araignées, la phobie des souris, dans tous les pays du monde, souris a des connections signifiantes tout à fait différentes et c’est les mêmes dames qui montent sur les tabourets, ça fait marrer toutes les cultures.
Il est clair que la phobie de Hans est d’abord, elle est peut-être même provoquée quelque part par le Professeur Freud, enfin par le type de rapport que le père entretient avec le Professeur Freud etc. Mais enfin, c’est quand même une observation…
Pierre-Christophe Cathelineau – Sans jouer son rôle, il ne joue pas son rôle le père.
Bernard Vandermersch – Il ne joue pas son rôle parce qu’il joue un autre rôle, il est… [PCC : à aucun moment], enfin il a quand même réussi à faire un fils remarquable.
Marie-Christine Laznik – La première chose c’est qu’il ne joue pas son rôle, ce que Freud et Lacan reprennent, c’est que ce père réel ne prive pas ce petit garçon du corps de la mère et que la maman… il est trop dans la chaleur [inaudible] qui l’excite etc. Revenir aux basiques hein, aux trucs un peu freudiens. Il y a deux choses dans la tête de Freud, il y a son complexe de castration et il y a aussi un complexe anal, que Lacan laissera tomber parce que ça, ça ne l’intéresse pas, mais qui est très important pour Freud. Le Lumpf fait partie du complexe anal, qui est tout à fait intéressant, important pour Freud. Et l’autre chose c’est que l’angoisse du temps de Freud, c’est l’idée que ne pouvant pas offrir à sa mère, parce que la petite chose c’est dégoûtant et ça ne l’intéresse pas, il est en danger d’être englouti. Il est en danger ! Je veux dire l’angoisse pour Freud
Pierre-Christophe Cathelineau – Ça fait trou.
Marie-Christine Laznik – Hein ? Pour Freud il y a encore une angoisse, il n’est pas protégé de qu’est-ce qu’elle va faire de lui.
Bernard Vandermersch – Mais c’est quand même plus par rapport à ce qui se passe au niveau du pénis plutôt qu’à ce qui se passe au niveau du caca.
Marie-Christine Laznik – Pour Freud l’histoire du Lumpf est très importante.
Bernard Vandermersch – Ensuite il fera l’équivalence Pénis=Fèces=Enfant, il prépare le travail de Lacan.
Pierre-Christophe Cathelineau – En tout cas il y a une machinerie symbolique qui se met en place pour cet enfant qui va aller chercher un signifiant, le signifiant du professeur Freud pour se constituer un objet phobique. C’est parce que Freud est là présent dans le transfert que le cheval apparaît.
Marie-Christine Laznik – Qu’il arrive à en constituer un, au lieu d’être débordé d’angoisse.
Bernard Vandermersch – Enfin il aurait peut-être trouvé un autre, il a une famille suffisamment sympa pour se trouver une autre phobie.
Julien Maucade – Pour l’anecdote, Freud a offert un petit cheval de bois à bascule à Hans.
Bernard Vandermersch – La plupart des objets phobiques sont translinguistiques. Dire qu’il y a une détermination signifiante, ça c’est très spécifique.
Marc Darmon – C’est-à-dire, c’est une détermination imaginaire ?
Bernard Vandermersch – C’est une détermination qui me semble imaginaire. Dans la mesure où ce qui est vraiment le commun de la phobie c’est… le drame se joue dans l’espace, c’est une dissolution plus ou moins étendue d’une déchirure de l’espace : entonnoir noir ou dans l’agoraphobie une ouverture. Il suffit qu’il y ait quelqu’un avec le patient pour qu’il puisse y aller.
Julien Maucade – Une des choses importantes que tu as dite c’est le spéculaire du symbolique.
Bernard Vandermersch – Ce que je remarque toujours c’est que nous opposons la dualité imaginaire à la ternarité de l’ordre symbolique mais celle-ci n’apparaît qu’avec la construction du Nom-du-père. Ou alors on dit que les gens qui ne sont pas névrosés ne sont pas dans le symbolique, mais ce sont des conneries. Il faut bien reconnaître qu’il y a du miroir qui est fondamental dans le symbolique qui n’est dépassé que par cette construction qui fait qu’il y aura une hétérogénéité et non pas simplement une dissymétrie. Comme dit Valentin [Nusinovici] l’objet a est ni dit, ni montré.
Voilà pour moi, j’ai fini.
Texte de Bernard Vandermersch
Marie-Christine Laznik – Je voudrais revenir sur ce que tu disais, Lacan insiste beaucoup sur le fait que le père réel est insuffisant à jouer son rôle de père réel et que tout le travail de construction fantasmatique qui nous prendra les leçons qui suivent c’est l’énorme boulot que le père réel fait pour trouver un dévisseur, des instances qui vont venir palier à ce défaut du père à opérer une séparation. Et d’ailleurs, quand la solution enfin sera trouvée du dévissage c’est quand même après une petite remarque dans le texte de Freud qui m’a frappée : ce jour-là le petit garçon va vers le lit de sa mère et que maman dit non parce que papa a décidé que non, et soutenu par Freud maintenant c’est non. Et c’est quand maintenant c’est non qu’il va pouvoir construire les dernières moutures fantasmatiques qui vont lui permettre de pouvoir se passer de sa phobie.
Bernard Vandermersch – Tu es sûre qu’il lui dit non à un moment ?
Marie-Christine Laznik – Oui, je te l’amènerai.
Bernard Vandermersch – J’ai encore fait une hallucination négative.
Marie-Christine Laznik – Ce n’est pas dans cette leçon.
Bernard Vandermersch – Non, non. Je parle dans le texte de Freud.
Marie-Christine Laznik – Le dernier fantasme qui permet de sortir est qu’il arrive comme tous les matins et qu’il est renvoyé, enfin.
Valentin Nusinovici – Est-ce que le Lacan ultérieur aurait insisté de la même façon sur le père ? Là il nous dit que le père n’est pas le père tonnerre c’est-à-dire un père imaginaire. Est-ce qu’il aurait vraiment insisté là-dessus à ce point-là ? Est-ce qu’il aurait vraiment dit que la difficulté là tient au père réel ? J’ai un grand doute là-dessus. J’ai un doute sur le fait que la théorisation ultérieure aurait tellement mis l’accent là-dessus.
Marie-Christine Laznik – En tout cas moi j’ai fréquenté un Lacan quand j’avais une petite fille Marie. Il posait les choses par rapport à ces questions de la même façon cliniquement.
Valentin Nusinovici – C’est intéressant.
Marie-Christine Laznik – C’était dans les années 70.
Bernard Vandermersch – Il dira plus tard que le problème du père de Hans est qu’il s’occupe beaucoup plus de son fiston que de sa femme. Sa femme est…
Marc Darmon – Sa femme était un peu rejetante…
Bernard Vandermersch – En tout cas ça n’a pas duré le ménage heureux…
[Cacophonie]
Marc Darmon – Max Graff avait demandé l’avis de Freud avant d’épouser cette dame. Elle était en analyse chez Freud et il lui dit « c’est formidable, allez-y ! » Avant la naissance d’Anna, il a dit ça ne va pas du tout le couple. Alors Freud lui a dit « faites un autre enfant ».
Julien Maucade – Le fils attend quelque chose du père mais il attend du père quelque chose par rapport à la mère. C’est ce double mouvement qui fait ou pas phobie. Si le fils perçoit dans l’imaginaire que le père ne fait pas son travail, c’est source d’angoisse pour l’enfant.
Marc Darmon – Oui, il lui dit : « mets-toi en colère ! »
Bernard Vandermersch – « Si tu t’es mis en colère, ça doit être vrai. »
Julien Maucade – « Mets-lui un coup qu’on en finisse ». Dans la clinique, c’est ce que l’on retrouve, c’est l’enfant, l’adolescent qui attend quelque chose du père par rapport à la mère. Pas seulement de lui dire non, ne va pas dans le lit ou autre chose. Il vise le rapport sexuel, la relation sexuelle. C’est vraiment de montrer que la mère est satisfaite.
Marc Darmon – Dolto disait « Dites à votre fils : laisse-moi tranquille avec ma femme dans mon lit », surtout pas maman.
Marie-Christine Laznik – Lacan écrit plusieurs leçons après, c’est que le petit Hans a peur, fantasme une séparation des parents, a peur d’être embarqué dans le petit circuit de la mère et de se retrouver séparé de son père. Il y aura tout un montage fantasmatique pour l’histoire de comment rejoindre papa parce qu’il est très inquiet dans cette séparation, qu’il puisse être séparé de son père.
Bernard Vandermersch – Au-delà de la dramaturgie des personnages, Lacan insiste sur les mutations symboliques qui se déroulent dans la tête du garçon. Ce qui est intéressant, c’est ce passage de l’objet tout phallique, métonymique ou métaphorique…
Marc Darmon – Métaphore de l’amour.
Bernard Vandermersch – Métaphore de l’amour : de l’amour pour le père, de l’amour de la mère pour le père. C’est un enfant que j’ai de cet homme, il est le signe de notre union.
Marc Darmon – Est-ce qu’il ne faut pas un peu les deux.
Bernard Vandermersch – Métonymie aussi. Au départ il faut qu’il soit un petit peu phallicisé.
Marc Darmon – Mais si ce n’est que l’enfant de l’amour.
Bernard Vandermersch – Ce n’est pas de l’amour mais aussi le désir.
Pierre-Christophe Cathelineau – Il emploie le mot amour mais c’est pour dire le désir.
Marc Darmon – C’est très différent de ce qu’il dit dans RSI sur la perversion. Là il n’y a que le désir.
Julien Maucade – Bernard, [Vandermersch] peut-on revenir un peu en arrière ? Comment tu passes de la série au schéma ? De la série écrite au schéma ?
Bernard Vandermersch – α est une collection de 5 signes c’est-à-dire celui-ci correspondait au 1 du premier schéma, le coup suivant c’est encore un 1 du premier schéma et le coup suivant est encore un 1 du premier schéma. Voilà je l’ai mis entre parenthèses, la correspondance avec le premier schéma est 111, transcrit III (iii). Maintenant comme celui du milieu n’est pas précisé, voilà le premier schéma, ça c’est un 1, au deuxième temps c’est un 2, au troisième temps c’est un 3. Mais 3 c’est symétrique, ça vaut I (i), 1 c’est symétrique ça vaut I (i), 2 est dissymétrique ça vaut 0.
Julien Maucade – Comment on passe au schéma avec le circuit ?
Bernard Vandermersch – Pour passer de α au β ou au γ tu es obligé de suivre ce parcours. Un β est fait de 1 (un) II (ii) 0, au coup suivant ça fait soit ça, soit ça. Quand tu arrives ici tu as la formule I (i) 00 cette formule correspond à l’une des 4 possibilités. Tu rajoutes un cran, tu obtiens soit γ, soit . Tu vérifies que la construction de Lacan est correcte.
Julien Maucade – Ce que l’on reproche à Lacan au début de la leçon ce n’est pas qu’il n’a rien explicité mais c’est qu’ils n’ont dit qu’ils n’ont rien compris.
Bernard Vandermersch – Il y a une première raison pour laquelle on a rien compris. On a cru qu’il fallait prendre 3, puis 3, puis 3. Non, c’est 3 puis on décale de un.
Marc Darmon – Il y a plusieurs tableaux difficiles à comprendre…
Bernard Vandermersch – Que je n’ai pas repris ce soir, des tableaux dans les Écrits qui est fait de telle façon qui induit en erreur.
Julien Maucade – C’est dans le livre de Marc Darmon, Essais sur la topologie lacanienne.
Bernard Vandermersch – Pourquoi Lacan a fait son truc en deux temps avec des 1 2 3 pour regrouper ensuite 1 3 et 2 pour poser ces 2 groupes ? Un α c’est une série de 5 en fin de compte. Alors qu’avec une série de 3 on arrivait à faire le même schéma. Je crois que c’est parce que cela donne beaucoup plus d’équivocité. Simplement, c’est toujours deux groupes de signes qui sont opposables. Est-ce qu’on pourrait faire un système symbolique avec trois groupes, non plus comme l’informatique avec 1 et 0 mais cela fonctionnerait avec 3 termes ? Je ne sais pas si cela a déjà été fait…
Pierre-Christophe Cathelineau – Une question s’impose, il s’agit de savoir quelle nécessité poussait Lacan à faire une leçon sur ce circuit-là juste avant de parler du petit Hans ?
Marc Darmon – Parce qu’il y a déjà la parution de la revue La Psychanalyse, c’est un aspect évènementiel.
Bernard Vandermersch – C’est la leçon qui a été produite deux ans auparavant vient de paraître dans …
Marc Darmon – « Je voudrais commencer par mettre au point quelque chose concernant l’article paru dans La Psychanalyse, numéro 2. »
Bernard Vandermersch – Ça vient de paraître le premier trimestre 1957. C’est un aspect conjoncturel.
Pierre-Christophe Cathelineau – L’idée c’est de faire entendre que la phobie fonctionne comme une syntaxe.
Marie-Christine Laznik – Il va reprendre cela quand il va obliger à travailler des trucs de mythèmes de Lévi-Strauss pour essayer d’organiser tous les fantasmes du petit Hans. C’est en effet d’essayer d’obtenir des effets de structure.
Pierre-Christophe Cathelineau – De structure, de syntaxe.
Bernard Vandermersch – La phobie c’est d’abord dans l’espace imaginaire qu’elle se joue.
Pierre-Christophe Cathelineau – Ça n’est pas pour rien qu’il dit que ça n’est que de la métaphore. Je pense ce qu’il veut faire entendre c’est désimaginariser la lecture de Freud et faire rentrer dans le champ d’une syntaxe structurale la phobie, en imposant un exercice qui nous casse la tête…
Marie-Christine Laznik – Pas la phobie, mais l’organisation des fantasmes que l’enfant va produire au fur et à mesure. Ce n’est pas dû au hasard [inaudible], il y a des éléments de structure.
Pierre-Christophe Cathelineau – C’est un premier temps topologique pour essayer de sensibiliser son public à la dimension structurale.
Bernard Vandermersch – Oui, mais ce qui est remarquable, il part de suites strictement de hasard. C’est parce qu’il y a eu des nominations d’un certain type qui sont extrêmement réglées. Tous les signes qui vont se produire vont être réductibles à des + et des –, à une opposition purement binaire, rappelant l’opposition homme/femme par exemple. À partir de là, faire un gap dans le temps, il faut considérer ensemble des choses qui se déroulent dans 3 temps successifs. C’est un choix essentiel de dire : c’est la même chose alors que ça c’est déroulé dans trois temps successifs.
Julien Maucade – Il a renvoyé qu’il nie le hasard.
Bernard Vandermersch – α par exemple c’est 5 temps successifs, une série de 5 coups supposés être l’un après l’autre. C’est la responsabilité de lire d’une certaine façon une séquence.
Martine Bercovici – Il y a ce point important que cette loi introduit à chaque fois un caput mortuum. C’est intéressant pour penser la phobie : ce que la structure exclut.
Bernard Vandermersch – Le reste d’une opération. Il a raconté cela avant l’objet a. Caput mortuum se traduit par « tête des morts ».
Martine Bercovici – C’est un terme de l’alchimie. C’est le reste.
Texte relu par Bernard Vandermersch
Transcripteurs : Paul Claveirolle, Christian Chabernaud, Danièle Bazilier Richardot, Dalila Bouamrirene.
Relecteurs : Érika Croisé Uhl, Dominique Foisnet Latour.