SÉMINAIRE DE PRÉPARATION AU SÉMINAIRE D'ÉTÉ 2019 – LA RELATION D'OBJET (1956-1957) – LEÇON 13
2019

-

DEBRUS-BEAUMONT Isabelle
Séminaire d'été

Séminaire de Préparation – Mardi 19 février 2019

La relation d’objet et les structures freudiennes

Leçon 13 Isabelle Debrus-Beaumont – Discutant Claude Landman

Isabelle Debrus-Beaumont – Dans la leçon XIII, Lacan va d’abord parler de la castration qui n’est pas à confondre avec l’Œdipe dit-il, et pourquoi elle est nécessaire pour que le sujet parvienne à la maturité génitale. La castration est le signe du drame de l’œdipe, comme l’œdipe est le pivot implicite de la castration. À cette formulation paradoxale Jones va essayer de trouver une solution en formulant la notion d’aphanisis, peur de perdre le désir. Et il va distinguer sous le même terme de privation, la privation pure, quand le sujet n’est pas satisfait dans son besoin et la privation délibérée qui est due au refus par un autre sujet de la satisfaction qu’il recherche. Lacan va donner au terme de privation un autre sens. C’est le fait que la femme n’a pas de pénis. Ensuite il va définir père imaginaire, père réel et père symbolique, et dans la deuxième partie de la leçon il va reprendre ces notions pour faire une lecture du cas du petit Hans.

D’abord la castration n’est pas à confondre avec l’œdipe. Je reprends la leçon pas à pas. Si pour Freud le complexe d’Œdipe est partout dans son œuvre dès le début, s’il a essayé d’articuler la formule, il n’y a rien de tel pour la castration. «  […] Freud n’a pleinement articulé le sens précis, l’incidence psychique précise de cette crainte ou cette menace, de cette instance, de ce moment dramatique […] ». Alors « […] qu’est-ce que c’est cette castration ? Qu’est-ce à dire que, pour que le sujet parvienne à la maturité génitale, il faut qu’il ait été castré ? » « La castration, [si vous voulez] est le signe du drame de l’œdipe comme l’œdipe est le pivot implicite de la castration. » Devant une pareille formulation, certains auteurs dont Ernest Jones ont essayé de comprendre, d’articuler cette notion, et donc Jones a essayé de formuler une notion qui est lui est propre, qui est celle de l’aphanisis. Aphanisis c’est disparaître en grec, parce que nous ne pouvons pas suspendre la crainte de la castration à la contingence des menaces, même si Freud l’articule comme quelque chose qui menace, alors est-ce que c’est le pénis, est-ce que c’est le phallus ? La question est là. Pour Jones, l’aphanisis c’est la disparition du désir, « le complexe de castration en tant qu’aphanisis […] c’est la crainte pour le sujet de voir s’éteindre en lui le désir. » Une pareille notion représente donc une relation suggestive qui peut être concevable « en tant que source d’une angoisse primordiale, » mais Lacan trouve que c’est quand même « une angoisse singulièrement réfléchie, » parce que quand même il s’agit d’un sujet jeune. Il faut supposer qu’ « un sujet, pris à partir de ces premiers mouvements de relation à l’endroit de ses objets, » puisse être déjà être « en position de prendre du recul qui lui fait non seulement articuler une frustration comme telle, mais à cette frustration suspendre l’appréhension d’un tarissement du désir. » C’est toujours Jones qui travaille autour de ça. C’est autour « de la notion de privation, pour autant qu’elle fait ressurgir la crainte de l’aphanisis que Jones a tenté d’articuler sa genèse du super ego » ou du surmoi comme « la formation à laquelle aboutit normalement le complexe Œdipe. » Quand il parle de privation, c’est ce que je vous ai dit tout à l’heure, il distingue la privation pure et la privation délibérée. Et il en vient à indiquer que le plus souvent la privation « est équivalente à la frustration pour le sujet. » Mais Lacan ne donne pas au terme de privation le même sens que Jones.

AGENT MANQUE D’OBJET OBJET
Père réel Castration imaginaire
Mère symbolique Frustration réel
Père imaginaire Privation symbolique

Tableau des catégories du manque

Je suppose que tout le monde a en tête ce merveilleux tableau. « La privation dont il s’agit dans ce tableau, […] est [ce] quelque chose par rapport à quoi doit se repérer la notion de castration. » Elle est ce que Lacan appelle un trou réel. La privation, c’est « le fait que la femme n’a pas de pénis. » La castration « prend comme base cette appréhension dans le réel de l’absence de pénis chez la femme ; […] » La notion de privation va se fonder de façon tout à fait « angoissante, efficace, » sur le fait qu’ « une partie des êtres dans l’humanité, [qui] sont [dit-on dans les textes], châtrés. » « Ils sont bien entendu châtrés dans la subjectivité du sujet, » […] dans la réalité ils sont privés. » « […] une expérience comme celle-là, la notion de privation « implique la symbolisation de l’objet : dans le réel, rien n’est privé de rien.tout ce qui est réel se suffit à lui-même, parce que le réel, par définition est plein. Si nous introduisons dans le réel la notion de privation, […] nous symbolisons [déjà] assez le réel – […] – pour indiquer que si quelque chose n’est pas là, c’est parce que justement nous supposons sa présence possible, c’est-à-dire que nous introduisons dans le réel – pour en quelque sorte […], le creuser, le [simple] ordre du symbolique. » « L’objet dont il s’agit dans l’occasion est le pénis. C’est un objet qui nous est donné à l’état symbolique au moment […] où nous parlons de privation. »

« […] dans la genèse d’une névrose, c’est la castration d’un objet imaginaire : […] » « Par quelle nécessité la castration s’introduit […] dans le développement typique du sujet ?  Il s’agit qu’il rejoigne cet ordre complexe qui constitue la relation de l’homme à la femme et qui fait que la réalisation génitale est soumise […] à un certain nombre de conditions pour les êtres humains. » Nous allons repartir de l’étape préœdipienne, dit Lacan, « pour essayer de saisir à sa naissance, la nécessité […] de la castration en tant que symbolisant une dette symbolique, […] quelque chose qui s’inscrit dans la chaîne symbolique en tant qu’il s’empare […] de cet objet imaginaire. »

Il va aussi donner dans la leçon XIII les définitions de père symbolique, père imaginaire et père réel avant de conclure cette leçon sur une interprétation sur ce qui va causer la phobie du petit Hans.

Agent Manque Objet
Père réel Castration : Dette symbolique Imaginaire : Phallus
Mère symbolique Frustration : Dam imaginaire Réel : sein, pénis
Père imaginaire Privation : Trou réel Symbolique : enfant

Schéma in www.valas.fr

Cf., schéma p. 375 et note 33, p. 375, La relation d’objet et les structures freudiennes, éd. L’A.L.I.

Il commence par le père symbolique. Le père symbolique est « une nécessité de la construction symbolique » mais qui ne peut se « situer que dans un au-delà, […] dans quelque chose […] qu’il ne « rejoint que par une construction mythique. » Le père symbolique « n’est nulle part représenté, » dit-il, et c’est parce que son domicile c’est le réel. C’est-à-dire ce qui échappe à la représentation. Le père symbolique est le signifiant qu’on ne peut jamais parler, qu’en retrouvant à la fois sa nécessité et son caractère. C’est-à-dire qu’il est nécessaire qu’il y ait dans le réel cette instance Une, qu’on va nommer père, dont le caractère est une donnée irréductible du monde du signifiant, c’est-à-dire qu’à partir du moment où il y a le langage dans le réel il y a cette instance qu’on va appeler père.

« Le père imaginaire, nous avons tout le temps affaire à lui. » C’est à son niveau que se passe « la dialectique de l’agressivité, […] la dialectique de l’identification, […] la dialectique de l’idéalisation par où le sujet accède à l’identification au père. ». Il commande la dialectique de l’agressivité, y compris œdipienne, puisque c’est à lui qu’on va attribuer le fait d’être séparé de son objet, qu’on lui attribue le fait de la castration. La dialectique de l’identification qui va servir de support pour autoriser la sexualité. Et la dialectique de l’idéalisation. Il régit la castration et nous demande cependant de réaliser une complétude, c’est-à-dire qu’il nous prive d’être comme lui en exigeant que nous soyons comme lui. Pour le père imaginaire – et pourquoi le père imaginaire et non pas le père symbolique ? – C’est « parce qu’il est intégré à cette relation de l’imaginaire qui forme le support psychologique […] des relations d’espèce, des relations au semblable, […] qui sont au fond de toute capture libidinale […] et de […] toute érection agressive. » C’est-à-dire que le père imaginaire se situe dans une dimension en miroir de type « je l’aime, il m’aime », c’est la capture libidinale ou « ôte-toi de là que je m’y mette », c’est la réaction agressive. Le père comme relation au semblable, ça ne va pas de soi dans le cas de la phobie du petit Hans, qui va repérer dans le réel une figure qui n’a rien du semblable puisque ça va être celle de l’animal. Ce père imaginaire a des caractères typiques, il est « le père effrayant que nous connaissons au fond de tellement d’expériences névrotiques, c’est un père qui n’a aucunement, de façon obligée, de relation avec le père réel qu’a l’enfant ;  c’est ce par quoi [.. .] on peut expliquer « fréquemment que dans les fantasmes de l’enfant » intervienne une figure du père, ou de la mère aussi, grimaçante.

Le père réel. C’est toute autre chose. « […] c’est quelque chose dont l’enfant, en raison de cette interposition des fantasmes, de la nécessité aussi de la relation symbolique, n’a jamais eu  […] qu’une appréhension en fin de compte très difficile. » Le père réel, c’est celui qui est vraiment là à la maison. Là il faudra qu’on m’explique parce que le père réel, c’est le père de la réalité, donc c’est pas… Il dit « réel » à chaque fois mais…

Claude Landman – C’est le père qui est dans le lit de la mère, c’est celui qui baise la mère. Je crois que c’est Melman qui a dit ça. Enfin, c’est peut-être pas ce que dit tout à fait Lacan encore que, encore que…

Marc Darmon – Je pense qu’il y a une évolution de la notion de père réel…

Claude Landman – Oui sûrement…

Marc Darmon – Il ne dit pas la même chose dans ce séminaire que beaucoup plus tard.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est ça !

Bernard Vandermersch – C’est la notion de réel elle-même qui évolue aussi.

Claude Landman – C’est vrai…

Bernard Vandermersch – Du coup la notion de père réel évolue…

Claude Landman – Oui, tout à fait, mais là en l’occurrence c’est l’agent de la castration, c’est celui qui est là …

Marc Darmon – C’est le bonhomme qui est là… sa femme…

Isabelle Debrus-Beaumont – Alors il y a une chose « au fondement de l’expérience analytique, c’est pourquoi nous avons tellement de mal à appréhender ce qu’il y a de plus réel autour de nous, c’est-à-dire les êtres humains tels qu’ils sont. » C’est parce que… j’ai travaillé la leçon aussi avec ce que Melman avait fait à l’EPhEP sur le petit Hans. (CL –  Oui, oui. Tout à fait.) Parce que, dit Melman, « nous allons les appréhender dans le champ de l’imaginaire, voire du symbolique, et donc en tant que réel on les loupe ». C’est-à-dire que le père… voilà. « Toute la difficulté, aussi bien du développement psychique que […] de la vie quotidienne, c’est de savoir à qui nous avons réellement affaire – » (MD – Bien sûr.) « – ainsi pour ce personnage », le père réel, qui est « lié par sa présence au développement d’un enfant, » les enfants ne se soucient pas de ce qui est le réel de leur père. Ça fait partie des méconnaissances réciproques. Et aussi, contrairement à une sorte de notion normative ou typique qu’on voudrait lui donner, « […] c’est au père réel qu’est déférée la fonction saillante dans ce qui se passe autour du complexe de castration. »  Pour la castration « il ne s’agit pas de fantasmatiser » l’affaire, elle « mérite d’être isolée » et elle est toujours liée « à l’intervention du père réel. » Si le père réel n’est pas là, il faut quelque chose d’autre qui est profondément névrosant. Si pour Hans la cure a une fin satisfaisante, c’est parce que son père, le père réel est intervenu, soutenu par le père symbolique, Freud, et la guérison arrive au moment où s’exprime la castration.

Je vais vous reparler du cas du petit Hans, enfin de ce que raconte Lacan dans cette leçon sur le cas du petit Hans. À partir de 4 ans et demi, il fait une phobie. Freud s’était intéressé au petit Hans, non pas parce qu’il avait fait une phobie mais parce qu’il avait demandé au père de Hans de noter tout ce que racontait son fils pour pouvoir prouver que ses théories sexuelles infantiles étaient fondées. Il ne pensait pas faire une analyse du cas du petit Hans mais il pensait pouvoir démontrer à partir des notes du père de Hans qu’il ne se trompait pas dans ce qu’il avait appréhendé avec ses patients adultes. À partir de 4 ans et demi il fait une phobie, à savoir une névrose prise en main par son père, disciple de Freud. De ce père, Lacan va dire que c’était un brave homme, « ce qu’on peut faire de mieux comme père réel. »  Hans « aime beaucoup son père et […] il est loin de redouter de lui des traitements aussi abusifs que celui de la castration. » D’autre part, Hans n’est vraiment frustré de rien, c’est un enfant unique, il baigne dans le bonheur et il est objet d’attention pour le père, objet des soins les plus tendres pour la mère. Lacan dit d’ailleurs à un moment, « il faut la sublime sérénité de Freud pour entériner l’action de la mère : […] nous ne voyons pas un seul instant que la mère tienne une seule minute le moindre compte de l’observation qui lui est respectueusement suggérée par le personnage du père. » Par exemple le père devait dire à sa femme que peut-être Hans devrait dormir dans son lit, par exemple. Et donc « il n’est frustré de rien ce petit Hans. […] Au début de l’observation, quand même, la mère a été jusqu’à lui interdire la masturbation – […]  et a même prononcé les paroles fatales : Si tu te masturbes, on fera venir le docteur A, qui te la coupera. » Mais ce n’est pas à ce moment-là que « Freud lui-même songe à rapporter quoi que ce soit de décisif quant à l’apparition de la phobie. » « Pour l’instant il ne s’agit pas de castration, […] il s’agit de phobie et du fait que nous ne pouvons pas la relier […] à l’interdiction de la masturbation. Comme le dit Freud, la masturbation en elle-même est une chose qui n’entraîne aucune angoisse. » Enfin « il l’intègrera par la suite au « conflit » qui va se manifester au moment de sa phobie, ». Au début de l’observation nous sommes dans une relation préœdipienne, dans ce qui détermine la phobie, alors que la névrose aura une causalité œdipienne.

Alors le problème de la portée de la phobie. D’abord il y a la situation fondamentale de l’enfant quant au phallus par rapport à la mère préœdipienne. Nous avons là une « relation de l’enfant à la mère en tant qu’elle est objet d’amour, objet désiré pour sa présence », et très vite nous avons un couple présence-absence. La présence ne prenant son effectivité que du fait de la possibilité de l’absence.

Que peut-on appeler objet primordial ? En tout cas Lacan, comme Alice Balint, dit-il, pense qu’on ne peut pas du tout réduire cet objet primordial au sein. Cet objet primordial, nous ne pouvons pas le considérer idéalement c’est-à-dire le nommer puisqu’il n’existe que par son absence. « […] la mère existe (mais ça ne suppose pas pour autant qu’il y ait quelque chose qui s’appelle moi et non-moi), pour le bébé. À cette époque, fondé sur le couple présence-absence, ce dispositif ne suffit pas pour que le bébé puisse faire la distinction entre le moi maternel et le moi du bébé ou le non-moi représenté par la mère, ni qu’elle existe comme objet symbolique ni comme objet d’amour. L’objet symbolique, c’est le représentant d’une absence. Donc ça ne veut pas dire qu’à cette époque la mère existe comme objet symbolique, symbolique de cette absence, avant qu’il appréhende l’absence de sa mère, mais comme objet d’amour. Ça veut dire qu’il est là investi au lieu de cette absence. C’est ce que confirmera l’expérience et ce que Lacan formule dans la position qu’il donne à la mère sur le tableau. La mère est comme agent de la frustration. Elle est d’abord mère symbolique, et « […] ce n’est que dans la crise de la frustration imaginaire qu’elle commence à se réaliser par un certain nombre de chocs et particularités qui sont ce qui arrive dans la relation de la mère et l’enfant, […]». Ce qui la fonde c’est cette frustration. « La relation de l’enfant avec elle est une relation d’amour […] où il y a […] ce quelque chose qui peut ouvrir la porte à ce qu’on appelle la relation indifférenciée première, […] ». Et là encore Lacan refuse cette notion, cette fusion entre la mère et l’enfant. « […] ce qui se passe fondamentalement, ce qui est la première étape […] de cette relation d’amour, […]. C’est que l’enfant prend cette relation en s’y incluant lui-même comme l’objet de l’amour de la mère. C’est-à-dire que l’enfant apprend […] qu’il apporte à la mère le plaisir. » Moi je suis pédopsychiatre, donc c’est quand même quelque chose de très intéressant en tant que psychiatre. Il y a donc une réciprocité, c’est-à-dire il apprend son amour pour la mère dans la mesure où lui-même est pris comme objet d’amour. « Le être aimé est fondamental […] » pour ce qui va se développer entre la mère et l’enfant.

Dans cette phase préœdipienne il y a quelque chose qui va lui apprendre que dans cette présence de la mère à lui même il n’est pas seul, c’est-à-dire qu’il va y avoir un tiers. D’abord parce qu’il y a d’autres enfants (mais ca c’est pas du tout obligé) mais « il y a un autre terme constant radical, indépendant des contingences et des particularités de l’histoire […] c’est que la mère conserve à des degrés différents […] selon les sujets le penisneid […] et […] l’enfant est quelque chose par rapport à ça, il le comble ou […] pas […] mais la question est posée. » La découverte « de la mère phallique pour l’enfant, et du penisneid pour la mère » sont coexistant c’est-à-dire que du fait de sa maternité, grâce à ce bébé qui vient répondre à son penisneid, la femme va se trouver marquée de l’index phallique. Donc « c’est dans la relation à la mère que l’enfant éprouve le phallus. » Il ne prend du prix pour elle que parce qu’il vient répondre à cette instance qui est le centre du désir de la mère et il se situe en différentes positions par où il est amené à maintenir, à leurrer ce désir de la mère. Alors ici il peut s’identifier à la mère, s’identifier au phallus, s’identifier à la mère comme porteuse du phallus ou se présenter lui même comme porteur du phallus. « Il y a là un haut degré […] de généralisation de la réalisation imaginaire […] par où l’enfant atteste à la mère qu’il peut la combler, non seulement comme enfant, mais aussi pour […] ce qui manque à la mère. » C’est autour de cela que va s’articuler la relation du fétichiste à son objet. Alors je n’ai pas repris ça parce que je voulais plutôt me centrer sur le cas du petit Hans.

Alors qu’est ce qui va mettre un terme à une relation ainsi soutenue ?

Dans le cas du petit Hans, au début de l’observation, nous le voyons complètement engagé dans cette relation « ou le phallus joue le rôle le plus évident ». Avant la phobie il « est toujours en train de fantasmer le phallus, d’interroger sa mère sur la présence du phallus chez […] elle, […] chez le père, chez les animaux. » « Le phallus est l’objet pivot, l’objet central [de l’organisation] de son monde. » Ce qui va changer « c’est que son pénis à lui va commencer à devenir quelque chose de réel » et non plus imaginaire. « Il commence à remuer et Hans commence à se masturber, » et ce n’est pas la menace de la mère qui est importante à ce moment-là. « […] le fait massif de l’observation, c’est que […] le pénis devienne quelque chose de réel. » Et ce qui apparaît à ce moment-là, ce n’est pas encore la phobie c’est l’angoisse. Donc il y a d’abord la relation leurrante imaginaire où il est comme ça avec la mère le phallus de la mère en gros, puis son pénis réel à lui se met à remuer, il commence à se masturber et c’est l’angoisse.

Pour Freud l’angoisse est liée à un excès de libido qui n’est pas satisfaite. Lacan va en donner une définition un peu différente. Il dit que « l’angoisse dont il s’agit en cette occasion, l’angoisse […] nous apparaît « à chaque fois que le sujet est […] décollé de son existence où il s’aperçoit comme étant sur le point d’être repris dans quelque chose que vous appellerez […] image de l’autre, tentation, bref ce moment où le sujet est suspendu entre un temps où il ne sait plus où il est et un temps où il va être quelque chose [tel] qu’il ne pourra plus jamais se retrouver […] » dans le temps d’avant et c’est à ce moment-là que l’angoisse apparaît, au moment où il va perdre cette position.

Alors c’est à ce moment-là qu’ « […] apparaît chez l’enfant, sous  la forme d’une pulsion, […] quelque chose qui remue, le pénis réel, c’est à ce moment-là que commence à apparaître comme un piège ce qui était le paradigme même du bonheur, c’est-à-dire ce jeu où on est ce que l’on n’est pas et où on est pour sa mère tout ce que la mère veut. » L’enfant peut mener très longtemps « dans ce paradis du leurre. » Il essaie de s’intégrer pour ce qu’il est dans l’amour de la mère. « […] à partir du moment où intervient son pénis réel apparaît alors ce décollement, […] il est pris à son propre piège avec […] la béance qui est le fait de satisfaire à une image et le fait d’avoir là à […]  présenter cash […] quelque chose de misérable. » C’est ce qui se joue à l’occasion non pas que l’enfant échoue dans cette tentative de séduction ou qu’il soit refusé par la mère. À ce moment-là l’enfant est mis « […] devant cette ouverture, ce dilemme, être le captif, la victime, l’élément passivé d’un jeu, où il devient la proie des signifiants de l’Autre. » C’est en ce point que va s’embrancher l’origine de la paranoïa mais pour l’autre, c’est-à-dire pour le névrosé, c’est le complexe de castration qui est issu de ça.

Alors pour ce qui est du caractère misérable de ce qu’il a à présenter, on peut penser aussi que c’est misérable par rapport, en comparaison à ce qu’il a pu observer parce que le petit Hans il a beaucoup observé le pénis du cheval. Il a dit à sa mère qu’elle devait en avoir une grosse etc. Il était pris comme ça dans des images de pénis de taille conséquente.

Alors comment va intervenir la castration pour Hans et pour le névrosé aussi en général d’ailleurs ?

Il reprend sur le plan imaginaire tout ce qui est en jeu avec le phallus et c’est pour ça précisément qu’il convient que le pénis réel soit mis hors du coup.

« C’est par l’intervention de l’ordre symbolique qu’introduit le père avec ses défenses, avec le fait qu’il introduit le règne de la loi, […] c’est-à-dire […] quelque chose qui fait que l’affaire à la fois sort des mains de l’enfant […]  et qu’elle est […] réglée ailleurs, et que le père est celui avec lequel il n’y a plus de chance de gagner qu’en acceptant la répartition des enjeux telle quelle. »  Alors « cela  fait que l’ordre symbolique intervient sur le plan imaginaire, […] ce n’est pas pour rien que l’objet de la castration [se rapporte au] phallus imaginaire mais c’est […] hors du couple réel que l’ordre peut être rétabli où leur enfant retrouve quelque chose à l’intérieur de quoi il pourra attendre l’évolution des événements. » C’est-à-dire c’est la période de latence, je suppose.

Le complexe de castration intervient d’abord en effaçant dans le champ imaginaire la représentation pénienne et d’autre part (si vous pouviez m’aider à expliquer cela,) en venant affirmer le caractère réel du pénis c’est-à-dire en le mettant hors champ – puisque le réel c’est ce qui se trouve hors du symbolique – cela fait que l’ordre symbolique intervient dans le champ imaginaire avec cette découpe de l’image pénienne dans l’image du corps. (Tout ça  m’a paru un peu obscur,) puisque le réel c’est ce qui se découvre hors du symbolique. La castration porte sur le phallus imaginaire et c’est hors du couple réel que l’ordre peut être rétabli et l’enfant pourra rentrer en période de latence

Ça c’est la castration symbolique. Si elle ne se produit pas, on a une régression et donc une névrose. C’est ce qui va se passer pour Hans ; je ne suis pas sûre d’avoir très bien compris cette histoire de castration symbolique.

Alors ce n’est pas une solution c’est une indication, dit Lacan. C’est « à ce point de rencontre de la pulsion réelle et de ce jeu du leurre imaginaire phallique […] où Hans est arrivé […] et ceci par rapport à sa mère. »

Que se produit-il à ce moment-là puisqu’il y a névrose ?

Il va se produire une régression. On reprend le terme de Freud.

C’est-à-dire que « de même – il en avait parlé dans la leçon précédente – qu’en présence du défaut de la mère […] l’enfant s’écrase dans la satisfaction du nourrissage, de même […]  – il va reprendre ça – de même qu’au moment où il […] ne suffit plus à donner ce qu’il a à donner, il se trouve dans ce désarroi de ne plus suffire. À ce moment-là la régression se produit […], c’est-à-dire le retour à l’étape d’avant, […] qui fait fin à ce même court-circuit avec lequel se satisfait la frustration primitive […] sans parler du sein pour clore tous les problèmes. » mais devant lui s’ouvre comme une béance « […] la crainte d’être dévoré par la mère, c’est le premier aliment de la phobie. » C’est-à-dire que comme il ne peut plus la satisfaire, sa mère, dans le leurre imaginaire phallique, il retourne à la phase antérieure, mais de même qu’il venait répondre au désir de la mère en s’écrasant dans la satisfaction du nourrissage, de même il va imaginer qu’il ne peut plus la satisfaire et quelle viendrait elle-même écraser sa propre insatisfaction en le mangeant, en le dévorant. C’est ça la régression.

« […] les objets de la phobie – qui sont en particulier des animaux – se marquent d’emblée […] par ce quelque chose qui en fait des objets de l’ordre symbolique. » Ils « […] sont empruntés à une sorte de liste, ou de catégorie de signifiants […]  de […] même nature, homogène à ce qu’on trouve dans les armoiries. » Autrement dit emblématiques de certaines propriétés prêtées à l’animal : le courage, la vaillance, la force, etc.

Bernard Vandermersch – Comme les souris et les rats. J’ai déjà vu des armoiries avec des souris et des rats.

Isabelle Debrus-Beaumont – Ah bon ! Mais c’est les armoiries de la phobie, c’est pas forcément les armoiries des chevaliers.

Bernard Vandermersch – [inaudible] l’araignée le rat et la souris C’est curieux que ça… Je trouve ça curieux.

Isabelle Debrus-Beaumont – Je ne sais pas. Ils sont peut-être vaillants.

Catherine Ferron – C’est surtout une façon de lire l’armoirie.

Claude Landman – Ce sont quand même des animaux qui dévorent ceux dont Lacan parle alors évidemment on peut imaginer qu’une souris puisse mordre, même une araignée mais de là à imaginer qu’elle soit dévoratrice… Je crois que le lion, le loup…

Bernard Vandermersch – Oui mais la plupart des phobies d’adulte chez les dames c’est les souris, les rats, les araignées.

Claude Landman – C’est vrai mais ça n’a peut être pas la même fonction de régression dans le rapport à la régression dont Isabelle [Debrus –Beaumont] vient de parler mais bon.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est-à-dire que là il parle de la phobie avant la castration c’est-à-dire avant la névrose.

Julien Maucade – Il faut que l’animal ait une grande gueule.

Catherine Ferron – C’est ça. Une armoirie ça commence par se lire par la couleur qui commence par deux gueules…

Claude Landman – Oui je crois qu’il y a là la question de la gueule qui dévore ce qui n’empêche pas qu’il y ait des arachnophobies.

Julien Maucade – Alors que la phobie des rats des souris c’est phallique.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est autre chose, c’est après le complexe de castration.

Claude Landman – C’est intéressant, cela dit, la remarque de Bernard [Vandermersch], parce que ça nous oblige à distinguer certaines phobies d’autres phobies en fonction, je veux dire, de l’économie psychique, effectivement la question de la peur de la dimension phallique de ces souris.

Julien Maucade – Et pour la relation mère-enfant Lacan dit un moment que le père met un bâton dans la gueule grande ouverte du crocodile.

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui du crocodile.

Claude Landman – C’est vrai. C’est vrai. Bon, allons-y !

Isabelle Debrus-Beaumont – Alors ces objets « ont une fonction bien spéciale, […]  ils ont […] à suppléer à cette fonction du père symbolique. La phobie n’est pas question de savoir pourquoi elle prend telle ou telle forme animale.  Pour le petit Hans « c’est une phobie en marche. » Dés le « […] départ où nous […] le voyons […] développer à plein tuyau toutes sortes d’imaginations extraordinairement romancées concernant ses relations avec tous ceux qu’il adopte comme ses enfants – c’est un thème de l’imaginaire où […] il prolonge le jeu de leurre avec sa mère, […] il peut se sentir tout à fait à l’aise lui-même dans une position […] » C’est là où il est phobique ; il n’ose plus sortir de chez lui etc.  « […] qui mêle l’identification à la mère, l’adoption d’enfants et en même temps toute une série de formes amoureuses […] » Il a des tas d’histoires d’amoureuses avec toute une… Cette orgie imaginaire contraste avec ce qui va se passer « […] après l’intervention du père, sous la pression de l’interrogation analytique plus ou moins dirigée du père auprès de lui. »  Carrément dirigée d’ailleurs. « […] il se livre alors à cette sorte de roman fantastique dans lequel il reconstruit la présence de sa sœur dans une caisse, dans la voiture sur les chevaux, bien [des années] avant sa naissance. » C’est l’histoire de la cigogne. Alors « […] si l’enfant aboutit à une cure […] satisfaisante c’est nettement […] pour autant qu’est intervenu le père réel […] qui a pu intervenir d’ailleurs parce que […] derrière il y avait […] le père symbolique qui est Freud. Il est intervenu et « […]  tout ce qui tendait à se cristalliser sur le plan d’une sorte de réel prématuré repart dans un imaginaire radical, […] il s’agit d’un imaginaire qui joue pour réorganiser le monde symbolique. » « La guérison arrive au moment où s’exprime de la façon la plus […] s’exprime […] la castration comme telle […] »dans une histoire articulée ; c’est la solution de la phobie liée à…C’est l’histoire du plombier quand Hans raconte que le plombier est venu, lui a dévissé son fait- wiwi et l’a remplacé par un autre bien plus grand et bien plus beau…

Bernard Vandermersch et Claude Landman – Ce n’est pas ça qui se passe dans l’observation du petit Hans.

Claude Landman – Ce n’est pas ça qui se passe dans l’observation du petit Hans !

Bernard Vandermersch – C’est le père psychothérapeute.

Isabelle Debrus-Beaumont – Si quand même !

Claude Landman – Jamais le petit Hans… C’est pas tout à fait la même chose c’est le père qui suggère que c’est un plus grand.

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui c’est le père qui suggère qu’il est plus grand mais c’est quand même lui qui dit qu’on lui a dévissé.

Claude Landman – C’est pas tout a fait la même chose.

Isabelle Debrus-Beaumont – Je crois qu’il dit les deux.

Claude Landman – Non par derrière. C’est tout à fait suggestionné par le père tout ça. Mais c’est pas grave il va reprendre ça en fin de leçon mais il va reprendre ça en détail en faisant une lecture mot à mot de l’observation du petit Hans, Bernard [Vandermersch] qui travaille cette année sur…

Isabelle Debrus-Beaumont – Mais quand même, « le 2 mai Hans vient le matin et dit que j’ai imaginé quelque chose aujourd’hui. Au début il a oublié. Il le raconte plus tard en manifestant sérieuses réticences. Le plombier est venu Il m a d’abord enlevé mon derrière, avec des pinces, et alors il m’en a donné un autre et puis après il a fait la même chose avec mon machin qui fait-wiwi. Il a dit ; « Laisse moi voir ton derrière », alors j ai dû me tourner et il me l’a enlevé et alors il a dit « Laisse-moi voir ton machin qui fait-wiwi» et après effectivement le père saisit le caractère de fantasme…

Claude Landman – Mais c’est sur la question du plus grand, là il ne dit pas…

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui. Quitte à donner un machin qui fait-wiwi et un derrière plus grand… Oui, c’est le père qui pose la question.

Claude Landman – C’est le père qui suggère à Hans que c’était plus grand.

Marc Darmon – C’est pas mal, c’est pas mal comme suggestion, il a raison.

Isabelle Debrus-Beaumont –  Oui il a raison, il a raison ce père.

Claude Landman – Il a raison et en même temps Lacan fonde le fait que la résolution du complexe de castration n’a pas été complète pour Hans parce que précisément justement cette suggestion du père, Hans ne l’a pas retenue et qu’il est resté dans cette position dans son rapport aux femmes qui a fait que la castration a été un échec tout de même malgré toute la réorganisation…

Marc Darmon – La réorganisation oui, la résolution de son œdipe n’est pas l’œdipe habituel puisque que sa solution c’est que sa grand-mère se marie avec son père.

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui, et de laisser la mère. Et que le père devienne le grand-père de cet enfant.

Julien Maucade – C’est ingénieux. C’est pas mal.

Claude Landman – C’est vrai mais sur la question de la castration c’est un point important.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est quand même à partir de là que Hans peut ressortir.

Claude Landman –  Clairement cet installateur, ou ce plombier…

Catherine Ferron – Il rétablit la circulation.

Claude Landman – D’abord il y a l’installateur qui lui permet, avec le changement de la baignoire, d’introduire la mobilité sur laquelle Lacan va beaucoup insister. C’est-à-dire que ça devient, le pénis devient mobile, je veux dire, il y a une dimension de mobilité, de mouvement qui se met en marche et effectivement, il y a aussi bien sûr, cette intervention que vous évoquiez, de l’installateur qui prend des pinces et qui lui change en tout cas son derrière et ce qu’il y a devant aussi, mais sans néanmoins que ce soit forcément plus grand, ni plus beau.

Bernard Vandermersch – En allemand c’est moins clair, c’est la même chose avec ton fait pipi et c’est traduit « et il t’enlève ton fait pipi ». Il y a une…

Claude Landman – D’ailleurs il y a une distinction entre les deux traductions, celle de Bergman et… Je ne sais pas celle qui est la plus proche de l’allemand, je ne sais pas.

Bernard Vandermersch – Le problème c’est que je ne connais pas l’allemand mais en allemand il ne dit pas ça. Il dit « et la même chose », mais peut-être que la tournure allemande veut dire qu’il…

Claude Landman – En tout cas plus tard Lacan, dans une leçon ultérieure, il sera formel. Il dit qu’il ne lui a pas mis un pénis plus grand.

Claude Landman – Mais bon, c’est un point important.

Marc Darmon – On n’a pas la même mesure du pénis !

Claude Landman – Non mais c’est… Oui…

Bernard Vandermersch – C’est une histoire de gros et de petit fait pipi. C’est resté dans le domaine de l’imaginaire. C’est rater quelque chose de la castration. Il ne s’agit pas de l’avoir plus grosse ou moins grosse.

Claude Landman – Absolument.

Isabelle Debrus-Beaumont – Mais ça bien sûr

Bernard Vandermersch – Il s’agit qu’elle soit retranchée de l’axe l’imaginaire et de l’investissement du corps propre.

Claude Landman – Absolument, qu’elle soit mise hors du coup. Hors du coup, comme dit Lacan.

Marc Darmon – Vous aviez une question sur ce point ?

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui parce que effectivement. Où est-ce que c’était ça ? Je ne suis pas très organisée.

Claude Landman – C’était sur la castration symbolique ?

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui, c’était sur la castration symbolique. Je ne sais plus où est-ce que je l’ai mis. Ça c’est l’angoisse.

Claude Landman – Il y a un point peut-être sur l’émergence de l’angoisse, sur lequel il faudrait peut-être revenir, sur ce moment de décollement, qu’évoque Lacan, de son existence.

Isabelle Debrus-Beaumont – De son existence, oui c’est ça.

Virginia Hasenbalg – Quand il ne sait plus qui il est. Quelque chose comme ça.

Claude Landman – Non, mais, il y a d’abord l’émergence de ce pénis réel qui remue. Il y a cet évènement de corps qui se produit et qui fait que ça devient comme il l’indique, effectivement, de l’ordre de la pulsion. C’est-à-dire c’est pas simplement qu’il a des satisfactions en se touchant la quéquette. C’est que ça remue, ça bouge.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est ça, c’est-à-dire qu’on n’est plus uniquement dans l’imaginaire qui serait comme ça la magnifique merveille du monde.

Claude Landman – Ce qui semble être le surgissement de l’angoisse, c’est quand le petit Hans se rend compte, qu’il présente, comme le dit Lacan, quelque chose de misérable, quand il faut qu’il paye cash, parce que à ce moment-là, il va présenter ce pénis en érection à sa mère qui va dire, « c’est une cochonnerie ». Elle va ravaler donc ce pénis présenté et de toute façon ce pénis il n’est pas à la hauteur de pouvoir satisfaire ce qu’il devrait pouvoir satisfaire. Je pense que c’est à ce moment-là qu’émerge l’angoisse.

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui c’est ça.

Claude Landman – Au moment où le petit Hans se rend compte qu’il ne peut pas payer cash comme dit Lacan.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est-à-dire qu’il ne peut pas être objet de satisfaction pour sa mère en fin de compte.

Claude Landman – Voilà.

Isabelle Debrus-Beaumont – Il ne peut pas être à lui tout seul, le seul…

Julien Maucade – Il ne peut pas satisfaire la mère comme ça.

Marc Darmon – Il est chassé de cet espace où il est le leurre…

Marc Darmon – Le leurre de la mère, où ça se passe bien.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est ça.

Marc Darmon – Il est chassé. Lacan ne dit pas dans cette leçon, il y a le pénis réel effectivement qu’il va présenter logiquement à sa mère, puisque sa mère désire cela. Donc il va lui présenter, mais la mère va le trouver dégoûtant ou…

Claude Landman – Une petite cochonnerie.

Marc Darmon– Il y a aussi … entre temps est intervenue la naissance de la petite sœur.

Claude Landman – Anna, oui. Absolument.

Marc Darmon – Qui contribue à chasser le petit Hans de son paradis.

Claude Landman – Absolument. Sauf que ça se fait dans l’après-coup pour la naissance d’Anna.

Marc Darmon – Oui ça se fait un an après.

Claude Landman – C’est-à-dire que ça se fait au moment où son pénis réel commence à remuer. À ce moment-là, dans l’après-coup est intégré effectivement le fait qu’il y a eu la naissance d’Anna qui est, qui fait partie de la formule du complexe maternel, le désir de la mère.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est pour ça d’ailleurs que Lacan dit que ce n’est pas nécessaire qu’il y ait un petit frère ou une petite sœur qui apparaisse.

Claude Landman – Exactement, vous l’aviez remarqué, il y a d’autres enfants. Là en l’occurrence, il y en a un autre. Mais ce qui est intéressant c’est que ça ne se produit pas au moment de la naissance de la petite sœur. Ça se produit dans l’après-coup.

Bernard Vandermersch – Il y a quelque chose d’intéressant parce qu’on a lu Lacan après, quoi. C’est que dans l’installateur, il dit « laisse voir ». Et c’est une phrase qui a déjà été dite par rapport à [inaudible] il dit « laisse voir ton fait pipi », etc. Et c’est l’incident de l’objet petit a qui vient au moment de la perte du soutien phallique parce que si vous regardez dans l’histoire de… le Lumpf qui arrive à un moment donné c’est tout à fait repérable et puis surtout à la fin, c’est le regard qui semble avoir joué un rôle très important dans la vie du futur Hans. Le « laisse voir », c’est-à-dire qu’au moment où il perd le support d’être le phallus imaginaire, en urgence vient quelque chose de la prise de se faire quelque chose dans le regard quoi. Je crois que c’est le moment de la constitution de la solidification du fantasme. Je vous pose la question. (CL – Oui).

Virginia Hasenbalg – Je voulais faire la remarque par rapport au même moment, si c’est ces surgissements des émois du pénis réel qui fait que le phallus imaginaire ne peut pas opérer avec la même facilité.

Claude Landman – On n’est plus dans cette logique-là.

Isabelle Debrus-Beaumont – On n’est plus dans cette logique-là, c’est ça.

Virginia Hasenbalg – Ça tient plus. Parce qu’il y a là quelque chose de l’ordre du…

Isabelle Debrus-Beaumont – Quelque chose dans le réel qui…

Virginia Hasenbalg – De l’ordre du phallique qui commence à se manifester dans son réel. Si en plus on lui présente la mère, la mère est prête avec lui, il est pris, ça tient plus. Il est leurre mais…

Marc Darmon – Vous aviez retrouvé le passage ?

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui, pour la castration symbolique, oui. Le complexe de castration intervient d’abord en effaçant dans le champ imaginaire la représentation pénienne.

Claude Landman – Hum, il le dit ça Lacan ? Pendant la leçon ?

Isabelle Debrus-Beaumont – Je ne suis pas sûre que je ne l’aie pas inventé. Ou bien alors c’est peut-être Melman qui…

Claude Landman – Je ne l’ai pas lu. Il le dit dans la leçon ?

Isabelle Debrus-Beaumont – Ça doit être Melman. C’est peut-être Melman qui dit ça.

Claude Landman – Je n’ai pas le souvenir mais enfin si vous le dites… Je ne pense pas qu’il le dise là.

Marc Darmon – Alors c’est « Le complexe de castration reprend sur le plan purement imaginaire tout ce qui est en jeu avec le phallus, »

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui voilà.

Marc Darmon – Et « c’est pour cela précisément qu’il convient que le pénis réel soit en quelque sorte mis hors champ, hors du coup. C’est par l’intervention de l’ordre symbolique qu’introduit le père avec ses défenses, avec le fait qu’il introduit le réel de la loi, à savoir ce quelque chose qui fait que l’affaire, à la foi sort des mains de l’enfant et qu’elle est quand même réglée ailleurs, que le père est celui avec lequel il y a plus de chance de gagner qu’en acceptant la répartition des enjeux telle quelle. Cela fait que l’ordre symbolique intervient, et sur le plan imaginaire précisément : ce n’est pas pour rien que la castration se rapporte au phallus imaginaire, mais c’est en quelque sorte hors du couple réel que l’ordre peut être rétabli, où l’enfant retrouve quelque chose à l’intérieur de quoi il pourra attendre l’évolution des évènements. »

Claude Landman – C’est ça. Il a son ticket dans la poche, pour plus tard. Mais effectivement ça implique une intervention là, du père réel, soutenu par la référence au père symbolique. C’est ce que vous aviez dit.

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui.

Claude Landman – Ce qui est très important c’est que il soit mis hors champ, hors du coup ce pénis réel et source de tourment.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est ce qui provoque son angoisse, oui.

Claude Landman – Ça a un effet d’apaisement de se dire qu’un jour voilà, il pourra s’en servir et le faire fonctionner. Mais pour ça il faut qu’il l’obtienne d’un autre, en l’occurrence du père réel. Là il y a quelque chose de la transmission qui se passe, du père réel à l’enfant, par l’intermédiaire de la castration du phallus imaginaire et la mise hors champ du pénis réel. C’est ce qui ne se produit pas pour Hans finalement.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est ce qui ne se produit pas pour Hans, oui c’est ça.

Claude Landman – Où il faut toute cette production, cette prolifération mythique pour arriver à une solution à peu près satisfaisante comme vous nous avez rappelé dans votre excellent commentaire qui est effectivement un commentaire mot à mot de cette leçon, très complet, qui n’a pratiquement rien laissé dans l’ombre, si ce n’est peut-être, je vous poserais la question… Pourquoi Jones… Parce que Lacan a l’air de nous dire que finalement, Freud avait déjà pris les choses comme il les prend lui-même, ce qui ne me semble pas être le cas. Parce qu’il ne le dit pas, mais il suggère que Jones s’est égaré. Il s’est égaré pour des raisons qui tiennent à l’ambigüité de la position de Freud.

Isabelle Debrus-Beaumont – Oui c’est ça.

Claude Landman – Concernant la castration et la menace de castration. Parce que Jones s’est dit mais enfin, il y a menace de castration, mais qu’est-ce que c’est que la menace de castration pour une fille puisqu’elle est d’emblée castrée. Elle entre dans l’œdipe castrée alors que le garçon il en sort du fait de la menace de castration, de la préservation narcissique de son pénis et donc du désinvestissement libidinal qui s’en suit des imago parentales. Pour Freud l’enfant sort de l’œdipe du fait de la menace de castration sur le pénis réel. C’est pourquoi Jones pour d’autres raisons aussi parce qu’il était pour une égalité entre les sexes. Il a fait d’une pierre deux coups, si je puis dire, il a utilisé ou il a interprété disons le texte de Freud sur la disparition du complexe d’Œdipe pour transformer la question de la castration, la menace de castration en menace de disparition du désir, en généralisant et en rendant beaucoup plus abstraite la question. Mais je pense quand même qu’il prend appui sur une ambigüité. Je dis une ambigüité parce que, pourquoi une ambigüité, parce que dans la disparition du complexe d’Œdipe, Freud utilise le terme phallus et pas seulement pénis. Il passe d’un terme à l’autre. À partir du moment où il utilise le terme phallus, pourquoi il l’utilise ? C’est parce qu’il n’a pas la même signification que le terme pénis. Et Lacan le dit, on est là dans l’ordre symbolique, mais ce n’est pas véritablement précisé chez Freud. Il y a une ambigüité. Je dis bien une ambigüité, ce qui ne veut pas dire que Freud se soit trompé. Mais il y a une ambigüité et donc c’est vrai que ceux qui ont suivi Freud et notamment toutes les analystes qui étaient derrière Jones, là, Karen Horney et les autres, elles se sont fondées sur le fait que qu’est ce que c’est que la menace de castration chez une femme ? À partir du moment où Freud nous dit, voilà, la menace de castration c’est ce qui permet au petit garçon de sortir de l’œdipe par identification au père on peut dire. C’est-à-dire qu’il ne va plus avoir des motions libidinales à l’endroit du père ou de la mère, mais il va s’identifier au trait paternel et du même coup, il va préserver narcissiquement son pénis. C’est pour ça que je pense que c’est intéressant de préciser ce point, parce que pourquoi, il ne suffit pas de critiquer purement et simplement Jones, qui mérite une critique. Mais il faut voir d’où vient cette argumentation Jonessienne et en quoi elle s’appuie sur une ambigüité chez Freud. Même si le but de Jones était de dire finalement, l’homme et la femme sont à égalité dans l’aphanisis.

Isabelle Debrus-Beaumont – Dans l’aphanisis, oui. Moi je me suis demandée s’il n’avait pas utilisé cette démonstration de Jones pour rebondir sur le thème de privation, sur le…

Claude Landman – Aussi, vous avez raison, sur la confusion chez Jones entre la privation et la frustration. Vous avez raison. C’est vrai. Non mais. Je veux dire c’est pour ça que c’est intéressant de voir pourquoi Jones est amené là dans cette leçon.

Valentin Nusinovici – Mais pour Lacan ils sont à égalité les deux sexes pour la disparition du phallus imaginaire.

Claude Landman – Certainement, mais ce n’est pas la même chose.

Valentin Nusinovici – C’est-à-dire qu’il s’inspire sûrement, qu’il prend quelque chose chez Jones aussi.

Claude Landman – Oui, c’est probable.

Valentin Nusinovici – Et parce que du coup, évidemment, il n’y a plus cette asymétrie puisqu’il s’agit du phallus imaginaire et même de l’effacement dans l’image du pénis qu’il n’y a pas, puisque c’est le même statut pour le moins phi. Dans ce texte-là, on ne peut pas s’y retrouver…

Claude Landman – Non pas encore.

Valentin Nusinovici – J’ai regardé, je n’ai pas lu Jones en anglais, mais tout à l’heure je l’ai regardé. J’ai trouvé jouissance dans la traduction française. Est-ce que c’est Lacan qui pousse la disparition du désir, dont évidemment, il se moque un peu, comme il se moque un peu de la question de l’angoisse réfléchie mais c’est pas ce que dit Jones. Jones dit bien que c’est pas pensable, c’est un concept et que l’enfant peut pas le percevoir comme ça. Mais je prends aphanisis comme terme abstrait pour le conceptualiser, dit-il. Il ne faut quand même pas non plus le prendre pour trop se moquer de tout le monde. Je dis ça parce que des fois on se dit, oh, tout ça ce n’est pas intéressant. C’est sûrement, à mon avis, appuyé aussi dessus. D’ailleurs le terme d’aphanisis, dieu sait qu’il l’a repris, qu’il l’a transformé, et…

Claude Landman – Bien sûr. On est dans un moment de polémique aussi. Et aussi dans un moment où Lacan fait en sorte de faire entendre la dimension du symbolique et du signifiant dans la reprise qu’il fait de l’œdipe et de la castration.

Valentin Nusinovici – Il y a une, ce n’est pas dit, mais enfin il y a une critique implicite du fantasme de la castration comme fantasme originaire. Quand il dit, il le dit pas, je sais plus quelle est la phrase, il dit je ne dirais pas, il parle seulement, parce que chez Freud il y a trois types de fantasme originaire, de scène originaire, de séduction et de castration. Il y a une phrase de Lacan, il faudrait que je la retrouve, où on voit bien que la question c’est justement de sortir la castration de son aspect de fantasme.

Isabelle Debrus-Beaumont – Ça il le dit clairement oui.

Valentin Nusinovici – Mais ça se réfère à ça, c’est-à-dire à ces trois fantasmes originaires chez Freud, qui sont… je ne trouve plus la phrase… Oui c’est ça, il dit, il y a des mots entre parenthèses parce qu’on ne les avait pas, enfin c’est écrit, la page 377. « Je récuse la contingence en vous disant que ce n’est pas le hasard, que ça n’est pas une espèce de bizarrerie des premiers abords de ce sujet, qui ferait que d’abord le médecin s’est arrêté à ces choses que l’on a reconnues être plus fantasmatiques que l’on croyait, à savoir les scènes de la séduction primitive – vous savez que c’est une étape de la pensée de Freud,  avant même qu’il analyse, avant d’être doctriné sur ce sujet. Mais pour la castration, il s’agit point de fantasmatiser […] »

Claude Landman – C’est ça.

Valentin Nusinovici – Il y a donc toute une façon d’évoquer comme ça les fantasmes originaires par la scène de séduction, et d’arriver à, enfin bon ça c’est ce qui est sous-jacent, c’est normal il est… Le texte de 23, au début on discute quel est le texte de 23. Moi j’ai pensé,  ils sont de la même année, « La disparition du complexe d’Œdipe » et « L’organisation génitale infantile », mais je crois que c’est « L’organisation génitale infantile » qui est essentielle là comme point de repère avec le moment où sort la question du phallus et où les pertes primitives sont ramenées avec la castration c’est bien cette chute du phallus. Je crois que c’est, et puis il est écrit un peu juste avant, je crois que c’est lui qu’il faut, moi je privilégierais l’organisation génitale infantile. (IDB – Oui.)

Et puis la question que je voulais poser, c’est qu’est-ce qu’on va faire du fait qu’après avoir dit tout ça, il nous dit, c’est pas une solution, c’est une indication. Il a mis en place la structure c’est-à-dire la structure de la métaphore paternelle, elle est mise en place, c’est une indication, d’ailleurs, est-ce que le père symbolique est une donnée irréductible pour nous ? Après tout ! C’est devenu un problème aussi, mais de se rappeler qu’il a dit « c’est une solution, pas une indication » alors qu’il l’a écrit. Il a écrit la formule donc…

Marc Darmon – Comment tu l’entends « c’est une indication pas une solution » ?

Valentin Nusinovici – Je vous le schématise comme cela très fortement. On va pouvoir le regarder de plus près, on va pouvoir le discuter. (CL – Il dit c’est trop schématique.) À partir du moment où ça a été écrit comme ça, avec des formules devant laquelle on tremble de respect la première fois qu’on lit ça, la métaphore paternelle, c’est une façon de l’écrire mais ça ne vaut pas dire que c’est une écriture définitive. C’est très utile, servez-vous mais n’en faites pas…

Marc Darmon – Ce n’est pas une voie générale, nécessaire

Claude Landman – Il dit c’est un pont jeté, il fallait bien jeter un pont puisqu’il n’y en avait pas. Un pont jeté, une indication, parce qu’il faut se garder d’une solution qui serait en apparence trop schématique, trop simple.

Julien Maucade – Avec la question du père, tout au long du séminaire, il me semble qu’il est très prudent par rapport à son auditoire, parce que je pense qu’il sait que son auditoire n’est pas prêt encore à entendre ce qu’il peut proposer de la question de la métaphore paternelle. Il est prudent.

Claude Landman – Oui, elle est là en gésine. Ce qui me paraît intéressant dans cette leçon, vous y avez insisté c’est la question de la régression. Un terme auquel on n’est plus habitué, qu’il n’aime pas, qu’il a critiqué. Là il parle de régression, de ce qui vient à la place de la castration attendue, c’est-à-dire la dévoration et la dévoration réciproque. Pas seulement la dévoration de la mère, vis à vis de Hans mais c’est aussi réciproque, pas forcément du sein, un appétit dévorant pour la mère. Il dit il y a l’angoisse, ensuite la régression et ce qui permet de sortir de la régression, c’est l’intervention du beau petit papa Graff, du père réel, soutenu par Freud. Le père réel, Max Graff soutenu par Freud intervient, comme il peut, comme père réel. À ce moment-là, même s’il n’intervient pas comme dans le schéma, comme le père  réel qui va castrer de l’objet imaginaire. Il intervient sur un mode d’interrogations, il intervient dans la vie de son fils sur cette question. Et c’est ça qui permet la sortie de la régression et l’avènement de la phobie. La phobie vient à la place, est une défense contre la régression, elle est mise en place grâce à l’intervention du père réel, fut-elle insuffisante.

Bernard Vandermersch – C’est surtout qu’elle intervient dans un questionnement permanent. Lui, il vient là pout toujours séduire papa Freud, il emmerde Hans à longueur de journée. Un moment Hans dit … « arrête, ça suffit… » On voit bien qu’il n’intervient pas en castrant. Il intervient en voulant savoir, « ça n’est pas très clair cette histoire-là » et l’après-midi il revient à la charge. C’est ça qui est curieux : quelle incidence ça a ce type de volonté de savoir sur un enfant. Du coup le père n’apparaît pas très châtré, ne s’appliquant pas à lui-même une sorte de réserve.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est Freud qui lui dit il ne faut pas comprendre trop vite.

[Brouhahas]

X – Concernant cette question du père réel, dont l’intervention permettrait à Hans de sortir de la régression, d’aller vers la phobie. J’avais plutôt compris la phobie du petit Hans comme étant la tentative de mettre en place quelque chose de réel. Lui-même essaie de mettre en place quelque chose de réel parce que le père réel n’est pas là.

Marc Darmon – Qu’est-ce que vous entendez par quelque chose de réel ?

X – Quelque chose qui viendrait à la place d’un signifiant qui serait un signifiant mis en place par le père. Parce que le père réel ne soutient pas le Nom-du-père.

Claude Landman – Il y a quelque chose qui est soutenu par le père réel de Hans, Lacan nous dit bien, la phobie c’est une plaque tournante. Il parle de la psychose là. C’est ce moment d’opacification possible, [inaudible] la proie des significations de l’Autre. Dans cette régression, cette dévoration, ce n’est pas un petit fantasme, c’est la possibilité de devenir la proie des significations de l’Autre. Y compris lorsque ces significations vont devenir hallucinatoires dans la psychose et vont désigner le pénis comme devant être sacrifié. Ça existe les automutilations du pénis dans les psychoses. Je maintiens néanmoins que ce moment où Lacan parle de plaque tournante, il évoque la psychose possible à ce moment-là. De la régression et de la dévoration possible.

Julien Maucade – Le transsexualisme est une façon d’amputer le pénis.

Claude Landman – Ce n’est pas la même chose qu’une automutilation chez un schizophrène qui est souvent en proie à des injonctions hallucinatoires. Il se mutile parce qu’il est halluciné. Ce qui n’est pas la même chose que la démarche d’un transsexuel à se faire opérer.

Marc Darmon – J’ai eu le cas d’un patient qui s’est automutilé le jour de son mariage. Il y a quelque chose que je voudrais aborder c’est le fait que la castration ne porte pas sur le pénis imaginaire de l’enfant mais sur le phallus imaginaire de la mère (IDB – Bien-sûr.)

Claude Landman – C’est ça l’objet imaginaire, la mère phallique.

Marc Darmon – On rencontre des patients qui ont des objets non seulement du fantasme mais de la réalité qui sont des transsexuels qui gardent le pénis, (CL – Ce sont plutôt des transgenres) cette façon de mettre en scène des objets à la fois femme et possesseurs du pénis, ils se font pousser les seins et gardent le pénis.

Claude Landman – Il évoque aussi la perversion (IDB – Oui) C’est une solution pour sortir de cet imaginaire du leurre, la fixation perverse met à l’abri de la régression qu’évoque Lacan.

(JM – D’une psychose potentielle)

Marc Darmon – La régression au niveau de la frustration. C’est pas la même chose, le mouvement de dépasser la frustration, que le retour. La régression n’amène pas au même point que l’étape d’avant. Le fait que dans la frustration l’objet réel est frustré, cette opération imaginaire par la mère symbolique, Lacan décrit un processus où la mère symbolique devient réelle et l’objet de réel devient symbolique, le don d’amour, (CL – le don d’amour. Dès lors que la mère est réelle, tout ce qu’elle donne comme objet est signe d’amour.) Ce mouvement dans la frustration où il y a un changement de place de tous les éléments, est-ce que ce mouvement dans la frustration qui, à mon avis, accompagne ce que Lacan dit du fait d’écraser la demande d’amour sur le sein réel, ce mouvement est-ce que c’est ce que Lacan appelle la régression ?

Claude Landman – Non, il dit c’est équivalent, ce n’est pas ça qu’il appelle la régression, il dit c’est comme dans la frustration où l’enfant écrase sur le sein réel, il dit ce qu’il évoque à propos de la frustration c’est la dévoration de l’enfant tout entier, c’est-à-dire là, le penisneid n’a plus de limite. Avec la question du sein et d’écraser sa frustration en s’écrasant sur le sein réel, on n’est pas dans la logique du penisneid. Alors que là il est déjà passé par la problématique du phallus. Si on peut faire quelque chose qui apparaît génétique, je ne crois pas que ce soit tout à fait… Il dit c’est comme si, c’est homologue. C’est une régression (MD – Pas symétrique) pas symétrique mais la question est qu’est-ce qui va limiter le penisneid de la mère ? Dans ce sens que dévoré dans son entier, ce n’est plus la métonymie. L’enfant dans son entier devient métonymique.

Virginia Hasenbalg – Dans les leçons précédentes Lacan insiste et décrit cet écrasement de la frustration d’amour, et qui se rabat sur l’objet du besoin et c’est là que l’enfant va se cramponner au sein. Alors on pense que l’enfant est rassasié quand il est allaité etc. Lacan dit pas du tout et c’est dans cette activité de succion du sein que va se mettre en place la pulsion dit Lacan, va se mettre en place une activité de succion [inaudible] du pulsionnel autour de l’oralité, que l’on peut appeler exacerbée. Et c’est de cette oralité exacerbée qui est à mettre en rapport avec le fantasme de dévoration qui va lui venir du côté de la mère. Parce que je pense que le penisneid doit prendre une coloration forte par rapport à cette dévoration qui s’est déjà mis en place dans cet écrasement de la frustration d’amour, de la demande d’amour, en une demande de satisfaction du besoin.

Claude Landman – C’est une homologie, pas une répétition. D’ailleurs dans la phobie Lacan le dit très bien le cheval mord. Il y a quelque chose qui se maintient dans la phobie de …

Virginia Hasenbalg – Il mord pour rendre compte de l’absence du pénis. Pour que quelque chose vienne rendre compte de la castration.

Claude Landman – Le cheval mord parce que ça fait référence à cette régression qu’il évoque, à la fois c’est la sortie de la régression et c’est le maintien d’un élément de cette régression qui est un élément de dévoration de morsure. À ceci près que cela devient une phobie. Ce qui permet une mise à distance.

Bernard Vandermersch – Comment tu laisses entendre que l’enfant pourrait se retrouver d’être au prise avec un penisneid qui n’a pas de limite, prêt à dévorer tout entier ? (CL – Oui) Or qu’est-ce qui fait que généralement ce n’est pas comme ça que cela se passe ? C’est-à-dire qu’il y a la séparation de l’objet a qui tient à ce moment-là. C’est-à-dire  c’est pas entièrement que l’enfant va sacrifier une part de jouissance entre la mère et lui et qui vient se substituer à ce socle qui était le sien, d’être le phallus imaginaire, « je me fais sein, je me fais voix etc. » C’est pas encore articulé comment est la fonction du Nom du père là-dedans ? Est-ce qu’elle est déjà d’avant ? Dans certains cas ça va être ce que tu dis, ce moment dramatique où l’enfant va être la proie de ce signe etc. de la dévoration sans limite ou dans d’autres cas ça va être … Or ce que dit Lacan c’est le Nom du père c’est la métaphore qui permet le phallus symbolique. Alors comment articuler la présence du phallus symbolique et de la castration et le fait que cet enfant ne sera pas soumis à une dévoration  totale ? [Brouhahas]

Claude Landman – Je pense que l’on n’a pas encore pris la mesure de l’intérêt de la notion de plaque tournante à ce moment-là. (VN – Elle n’existe pas encore.) Mais il parle psychose, perversion phobie. (VN – Il dit qu’on est dans la névrose.) Il dit qu’on est dans la névrose parce qu’il est certain que le Nom du père a opéré pour le petit Hans, sinon on ne serait pas dans la névrose, n’empêche que le fantasme de régression et le fantasme de dévoration il en est passé par là et que seul le cheval d’angoisse a pu mettre à distance  tout en conservant cette dimension de dévoration par le fait que c’est un cheval qui mord et qui tombe.

[Brouhahas]

Plaque tournante mais là il le laisse entendre. Puisqu’il dit que c’est à ce moment-là que peut surgir la paranoïa, se constitue la paranoïa ou les quatre formes de perversions. [Brouhahas]

Valentin Nusinovici – Je voudrais revenir sur le verbe feindre quand il parle de la régression « à ce moment-là la régression produit qui fait feindre ce même court-circuit qui est celui avec lequel se satisfait la frustration primitive. » Ça fait sentir la dimension imaginaire, qui se passe la même chose chez l’autre. On va le faire parler : « de même que je m’accroche au sein, de même que je m’accroche… » qui fait feindre c’est intéressant …On n’a pas arrêté de parler du penisneid, on n’a pas parler de la mère phallique (CL – c’est concomitant) justement qui fait feindre de ce côté de celui chez qui s’est feint c’est pas un penisneid, c’est une mère phallique. Imaginairement c’est le fantasme de la mère phallique, on peut le soutendre par le fantasme du penisneid, mais pour l’enfant je ne pense pas que ce soit le penisneid qui ferait sens c’est plutôt le fantasme de la mère phallique, ce qui apparemment s’oppose. C’est cette bête-là qui dévore, c’est un gigantesque phallus.

Julien Maucade – Hans le dit quand il dit le pénis du cheval, la maman elle peut l’avoir. Et c’est là où il manifeste la mère phallique, il décompose le cheval en gueule et pénis qu’il met à la mère.

Virginia Hasenbalg – Il semble qu’il ne nous faut pas perdre la perspective que nous donne Lacan dans ce séminaire sur la privation du pénis de la mère. Je crois qu’il faut structurellement le poser dans sa structure et pas dans le fantasme de la mère phallique ou du penisneid qui viendra à être. Quels sont les arrangements par rapport à cette privation ? Il me semble qu’il nous faut pas perdre de vue la fonction de la privation comme, le terme exact qu’utilise Lacan dans ce séminaire, la privation serait comme antérieure à la castration, comme préalable, comme condition (DBL – oui) et qui nous permet de situer cette affaire structurellement c’est-à-dire le problème qui doit intervenir, Lacan dit : dans le réel il  ne manque rien, tous ces opérations qu’il fait, je crois que pour pouvoir comprendre ce qu’il dit, il faut penser à l’angoisse fondamentale qui est provoqué par un fait qui est celui qu’il n’y a pas de pénis chez les femmes.

Bernard Vandermersch – Mais enfin la privation du pénis ça suppose presque le Nom-du-père, ça suppose une interprétation sexuelle du manque dans l’Autre. C’est-à-dire on n’est d’abord dans un monde de langage, c’est le langage qui est troué, le manque de pénis de la mère ne vient que donner une figure sensible à ce qui est cette question, que le discours de l’Autre est sans fond. Pour que ce soit sexualisé… Dire que la mère n’a pas de pénis c’est déjà une interprétation sexuelle du manque dans l’Autre.

Virginia Hasenbalg – Oui, c’est la question du manque dans l’Autre que Lacan ne va jamais lâcher.

Claude Landman – Il dit c’est déjà un réel symbolisé pour qu’on puisse le repérer comme trou (VH – C’est un trou réel. Il ne va pas le lâcher jusqu’au nœud borroméen.)

Bernard Vandermersch – C’est pas tous les gosses qui passent leur temps comme le petit Hans à dire « le pipi par-ci [inaudible] où est-ce qu’il est le fait-pipi par-là et maman elle a un fait-pipi… »

[Brouhahas]

Isabelle Debrus-Beaumont – Il a été un peu aidé, aiguillé

Marc Darmon – D’un autre côté c’est extraordinaire d’avoir une observation qui commence avant la phobie.

Bernard Vandermersch – Mais parce que je crois que c’est un enfant qui est déjà dans la symbolisation du sexuel.

Isabelle Debrus-Beaumont – C’est pour ça qu’il a été interrogé par son père pour que Freud puisse prouver que les théories sexuelles étaient valides.

[Brouhahas]

 

Texte relu par l’auteur.

Transcripteur : Marie Pochulu, J. Montfort, M. Henquel, Dominique Foisnet Latour

Relectrice : Érika Croisé Uhl, Dominique Foisnet Latour