Je m’apprêtais à vous dire : dans la nouvelle économie psychique, les psychoses, elles, n’ont pas changé. Où avais-je la tête ? Hier je félicite Yorgos de son exposé et j’en viens à lui parler de mon intervention de ce matin. Il me dit : « on voit moins de catatonies quand même ». Et tout d’un coup je me revois en 1964 interne à l’HP de Lommelet[1] de garde appelé dans un service où je n’avais pas encore mis les pieds pour examiner un jeune homme qu’on me disait depuis deux ans dans ce service de gâteux et qui m’explique qu’il était « étudiant dans l’antique Lutèce » et qui effectivement l’avait été. Dementia praecox.[2] J’ai convenu avec Yorgos qu’il y avait eu du changement et sans doute autant grâce au Largactil qu’au fait qu’on s’est mis à leur parler et les écouter. Et pourtant je persiste à dire : elles n’ont guère changé. Si leur évolution a bien changé dans l’ensemble, leur allure clinique n’a guère changé.
1) Savoir ce qui aurait changé dans les psychoses aujourd’hui se heurte aux faiblesses des nombreuses études épidémiologiques qui font rarement de distinction entre schizophrénies, paranoïas et autres délires. Cela tient à la domination de la psychiatrie américaine qui tend à mettre les paranoïas au second plan (« autres délires chroniques »). La psychiatrie française tend à suivre son exemple. Dans le Manuel de psychiatrie de François Rouillon, par exemple, il n’y a qu’un long chapitre Schizophrénie avec un paragraphe : autres délires chroniques, suivant en cela le DSM IV.
On peut avoir un ordre de grandeur de la prévalence actuelle des schizophrénies et desdits troubles bipolaires. Pour les autres « troubles » délirants c’est beaucoup plus difficile.
Selon les statistiques, l’incidence de la schizophrénie semble partout équivalente à travers le globe et ne semble pas avoir évolué durant le dernier demi-siècle. La schizophrénie affecterait 0,3-0,7 % de la population, à un moment donné de la vie[3]. soit 21 millions de personnes dans le monde en 2020 (environ une sur 285)[4]. Chaque année, une personne sur 10 000, âgée de 12 à 60 ans, développe cette pathologie[5]. Parler de développer une schizophrénie à 50 ans souligne l’imprécision du diagnostic. Elle touche plus fréquemment les hommes que les femmes (1,4 fois plus environ).
En utilisant des méthodes précises de diagnostic et une population large et représentative, la schizophrénie semble survenir avec une relative cohérence au fil du temps au cours du dernier demi-siècle.[6]
Bien que l’on prétende que la schizophrénie survient à des taux similaires dans le monde entier, sa prévalence et son incidence varient à travers le monde,[7] au sein des pays[8], et au niveau local et des quartiers.[9]
Disons cependant que la terminologie est restée longtemps instable et différente selon les pays. En fait il n’y a jamais eu de consensus définitif.
Selon l’INSERM art. de 2022 (Marion Leboyer) le trouble bipolaire toucherait 1% de la population en France. Selon Wikipedia la prévalence des troubles bipolaires est estimée à environ 1 à 2 % de la population, en Europe, Asie et Amérique. Ils touchent autant les femmes que les hommes.
Mais le « spectre » des troubles bipolaires s’est élargi en intégrant les tempéraments cyclothymiques et hyperthymiques, les troubles saisonniers, et les formes évolutives brèves. L’appellation « trouble bipolaire » apparaît officiellement en 1980 dans les classifications psychiatriques dans la troisième édition du DSM.
Bien que ce ne soit pas statistiquement valable, il m’a paru intéressant de montrer ce tableau des présentations de malades à Gonesse qui oppose deux périodes : avant 2000 et après 2004. Mais avant je vous présente un tableau comparatif des classifications classiques et selon le DSM qui permet de se rendre compte des différences terminologiques.
2) Classifications :
Pour Gonesse je me suis servi de la classification traditionnelle française.
Notons que la schizophrénie et les délires sont dans les deux classifications séparées de la psychose maniaque – dépressive ou des troubles bipolaires. La différence étant que la classification ancienne faisait de la PMD une psychose aigüe alors que le DSM parle de trouble de l’humeur avec caractéristiques catatonique ou mélancolique pour les épisodes dépressifs, avec caractéristiques sévère ou « psychotique » pour les états maniaques.
Donc à Gonesse, dans notre présentation de malades nous avons reçu :
Les deux périodes sont assez comparables. Le tableau reflète bien sûr surtout l’idée que les médecins qui me proposent les patients se font de ce qui serait intéressant pour une présentation. Il indique surtout le changement de la population avec l’apparition de beaucoup de patients d’origine subsaharienne.
2) Immuabilité des psychoses
Je pense que la plupart de mes confrères partagent l’idée que ça ne change pas beaucoup ou pas du tout dans le champ des psychoses.
Le livre de Jean Garrabé, La schizophrénie, un siècle pour comprendre[10], extrêmement documenté, tend à montrer que sous divers noms, la clinique de la schizophrénie est restée immuable depuis qu’elle a été produite. La description de Louis Lambert par Balzac est celle d’une hébéphrénie[11]. Comme psychiatre c’est Benedict-Augustin Morel (dans ses Etudes cliniques de 1851-1852) qui a décrit le premier cette démence précoce[12]. Hecker, disciple de Kahlbaum, en 1871 décrit la paraphrenia hebetica (hébéphrénie : hebe = jeune homme) forme sévère et d’évolution rapide. Il insiste sur les troubles du langage.
Kahlbaum en 1871, décrit la catatonie ou Démence de tension (Spannungsirresein). C’est Kraepelin qui exprime bien les hésitations de la classification en excluant la paranoïa des dementia praecox dans son 5ème traité et en l’incluant sous le nom de « délire chronique à évolution systématique » de Magnan dans la 6ème édition de 1899.
En 1909 paraissent « Les folies raisonnantes » de Sérieux et Capgras qui isolent clairement et définitivement les psychoses paranoïaques des démences précoces. Sauf dans les pays de langue anglaise où le terme paranoïd pour traduire paranoïaque contribue à la confusion.
Le cas Schreber illustre cette confusion des terminologies. Freud parle d’un cas de Paranoïa (dementia paranoides). En fait son souci était de distinguer ce cas de la dementia praecox de Kraepelin. « Etant donné la parenté étroite qui relie la démence précoce à la paranoïa, il est impossible de ne pas se demander jusqu’à quel point notre conception de la paranoïa réagira sur la conception de la démence précoce »[13].
Disons encore que le fond des débats à l’époque est la querelle entre Organiker et Psychiker[14], les Psychiker étant à l’époque les officiels et les organicistes les contestataires.
Si manie et mélancolie sont connues et décrites depuis l’Antiquité et qu’on en a constaté l’éventuelle alternance, c’est Falret et Baillarger qui en 1854 ont été les premiers à décrire une maladie unique : « folie circulaire » pour Falret, « folie à double forme » pour Baillarger.
Kraepelin (1899) l’appellera folie maniaque-dépressive.
Il est curieux de constater que cette « folie » a toujours été séparée des autres dans les manuels sous un autre chapitre : « Maladies mentales aigües » chez Henri Ey, ou « Troubles de l’humeur » aujourd’hui.
Les psychoses n’auraient donc pas changé, mais qu’en était-il avant que ces maladies soient décrites ? Le terme de folie est bien connu depuis longtemps et il en existe quantité d’équivalents dans les langues anciennes.[15]
Mais avaient-elles la même allure ? Si la clinique de la manie et de la mélancolie est connue et bien décrite depuis l’Antiquité, il n’en va pas de même des autres psychoses. On s’est même posé la question de savoir si la schizophrénie existait avant qu’elle ne soit décrite au XIXème siècle. Avec parfois des interrogations fantaisistes : la démence précoce ne serait-elle pas due à un virus disséminé à travers l’Europe par les armées napoléoniennes ?[16]
4) Quelques données scientifiquement à peu près établies[17] :
Génétiques. Les gènes dont l’altération est impliquée dans la vulnérabilité à la schizophrénie sont très nombreux (plus d’une centaine de loci) et ne jouent qu’en association[18]. Ce sont en partie les mêmes qui seraient impliqués dans la vulnérabilité à la psychose maniaque-dépressive[19].
Ces données génétiques indiquent également que les atteintes portent sur des gènes qui seraient impliqués dans la créativité[20], l’aptitude de l’humain au langage[21] et qui favoriseraient la plasticité cérébrale.
Pour certains (Raphaël Gaillard)[22] l’implication de ces gènes dans la créativité pourrait rendre compte de ce que les familles des penseurs originaux seraient aussi celles où il y aurait plus de psychoses par un plus grand détachement à l’égard des évidences.
Néanmoins, il n’y a pas de preuve scientifique qu’une vulnérabilité génétique soit nécessaire à l’apparition d’une schizophrénie.
Environnementales. (Ce terme imprécis désigne ce qui ne serait pas génétique). Le second trimestre de la grossesse semble être une période sensible pour favoriser l’éclosion ultérieure d’une schizophrénie. Que ce soit des évènements graves (deuil, détresse, grossesse non désirée) [23] ou l’exposition de la mère à un virus (Influenza)[24]. Bien que le rôle direct des agents infectieux ait été soulevé, d’autres recherches ont plutôt orienté les soupçons du côté de la réponse immunitaire de la mère à ces agents infectieux[25]. Ce serait une période de vulnérabilité critique pour la survenue ultérieure de la schizophrénie chez les personnes génétiquement prédisposées à développer la maladie.
Les études d’adoption montrent également que l’environnement familial d’adoption n’efface pas les risques associés aux incidents et traumatismes survenus durant la grossesse, l’accouchement ou immédiatement après la naissance.
En somme il est difficile de séparer les effets de la génétique et de l’environnement[26].
D’autre part on constate un risque accru de schizophrénie chez les migrants de première et de deuxième génération.[27] Le risque me semble aussi concerner la psychose maniaque-dépressive. Plusieurs cas rencontrés me viennent à l’appui de cette suggestion de Charles Melman (si je ne me trompe).
Quant aux mécanismes en jeu, théorie dopaminergique, rôle du glutamate et des récepteurs NMDA, de l’élagage synaptique etc., ils dépassent le cadre de cet exposé.
5) Lacan et les psychoses.
Une méprise plus ou moins répandue voudrait que les psychanalystes, y compris les lacaniens, soient partisans d’une psychogénèse des maladies mentales. Ils succomberaient ainsi à l’erreur du dualisme de Descartes : res extensa – res cogitans. Lacan, dans son Propos sur la causalité psychique et raillant son jury de thèse : « En somme, Monsieur, commençai-je, nous ne pouvons oublier que la folie est un phénomène de la pensée… » pourrait le faire penser[28]. Il revendique d’ailleurs de se référer « avec dilection » à ce philosophe. Il est vrai que Lacan parle dans cet article de folie et non de schizophrénie, mot qu’il emploiera très peu. L’exemple donné d’Alceste est celui d’une pensée forte et argumentée qui le pousse à l’ « agression suicidaire du narcissisme »[29].
Il attribuait alors cette vulnérabilité à la folie à la prématurité du petit humain et à la séduction narcissique. « Au départ du développement, voici donc le Moi primordial comme essentiellement aliéné et le sacrifice primitif comme essentiellement suicidaire.[30] »
C’était avant le séminaire sur les psychoses et dans le fil de son stade du miroir qui reste essentiel pour rendre compte de la paranoïa fondamentale du Moi, mais aussi, par sa fragilité, à la dissociation schizophrénique. Avec le concept de forclusion du Nom-du-Père, Lacan met en cause la dimension symbolique avec une faille nécessaire pour faire passer cette paranoïa constitutive du Moi au délire paranoïaque.
En fait Lacan proposera, entre autres, une autre dualité que celle de Descartes. Il n’y a pas que l’aliénation spéculaire et l’aliénation au signifiant, il y a le réel de la jouissance. Le corps pour la jouissance échappe en grande partie aux investigations scientifiques car ce corps pour la jouissance est profondément contaminé par les exigences du parasite langagier qui a envahi il y a quelques centaines de milliers d’années une ou peut-être plusieurs espèces du genre Homo.
Dès lors toutes les structures sous-jacentes à la clinique peuvent être déduites des potentialités de la structure du langage et la façon dont elles régulent la jouissance. Il en va de même des structures sociales. On peut s’attendre donc que les modifications contemporaines des sociétés occidentales, dans lesquelles toute référence transcendantale légitimant un pouvoir est contestée au profit de contrats librement consentis par des citoyens autonomes, ait des effets sur la structure des sujets. Or, en ce qui concerne les psychoses, cela ne me semble jouer que sur la PMD, maladie où la dérégulation de la jouissance envahit la scène. Tout se passe comme si les psychoses se constituaient sans référence à la structure de la société ou dans son ignorance. C’est en tout cas vérifié pour les psychoses autres que paranoïaques apparaissant dans les sociétés fondées sur le Nom-du-Père.
6) Comment sortir d’un combat stérile entre psychanalyse et neurosciences sans reddition ni fausse solution ?[31] S’il n’y a pas de schizophrénie sans remaniement fonctionnel et parfois « matériellement visible » du cerveau, cela n’implique pas une « organogenèse » au sens réductiviste. En effet si l’émergence du langage provient d’une complexification explosive du cerveau humain – au point qu’il « ne se supporte plus »[32] – il existe en retour un effet du langage sur le cerveau comme nous le rappelait Marc Crommelynck dans un entretien avec Jean-Pierre Lebrun[33] (causalité descendante) : le langage humain ayant émergé de l’évolution, notamment de celle du cerveau[34], coupe l’animal humain du savoir instinctuel et le plonge dans un monde fictionnel ou lui-même en tant que sujet est une fiction en quête d’identité. Le stade du miroir n’est pas lié seulement à la prématuration de l’enfant : il est déjà une réponse aliénante à cette quête d’identité. Ceci fragilise encore son adaptation extérieure au monde qu’on admire chez l’animal et l’expose nécessairement à un remaniement de sa jouissance imposé par les systèmes fictionnels qui organisent la société dont il dépend pour sa survie.
Ce qui dans le langage permet l’existence du sujet est aussi ce qui le fragilise. Mais c’est aussi la structure du langage qui va suppléer à la perte de l’instinct animal. Il est vérifié scientifiquement pour certaines fonctions, l’écriture notamment[35], que le langage impose sa structure sur le développement cérébral. Et en conséquence sur la physiologie du corps et sur la construction de la réalité du sujet.
Toutes les formes cliniques du sujet : névroses, psychoses, perversions, psychosomatiques ou borderline peuvent sinon se déduire au moins se décrire à partir des propriétés de la structure du langage humain[36]. Cette structure induite par les lois du langage est susceptible en effet de « cristalliser » sous de nombreuses formes. On peut dire que chaque structure est une façon singulière de réguler ou d’échouer à régler la jouissance. La structure des discours vaut pour la structure névrotique mais ne s’impose pas aux psychoses. Marcel Czermak disait que le psychotique est celui à qui manque un discours pour lier ses organes en fonction.
En ce qui concerne les psychoses, si le concept de forclusion du Nom-du-Père fait un point sûr de clivage entre névroses et psychoses, il reste bien des difficultés pour faire le départ entre les paranoïas pures sans hallucinations, les psychoses délirantes avec conservation d’une consistance du Moi et de la parole (y compris les psychoses de type Schreber) et les psychoses schizophréniques ou cette consistance se fissure.
Freud avait un critère de discernement : l’endroit où refluait la libido retirée du monde : sur le moi narcissique dans les paranoïas, sur le corps autoérotique dans les schizophréniques. Cela suppose une fragilité constitutionnelle ou acquise du Moi.
Lacan a situé l’unification du Moi sous la dépendance d’une reconnaissance par l’Autre qui fait appel à un regard ambigu : ce regard est en effet tendu entre désir et idéal. Le corps de l’enfant porte en creux l’objet cause du désir de la mère mais doit aussi satisfaire à son idéal pour se voir accepté (et dans la paranoïa il n’aurait que cet idéal à satisfaire). Dès le départ, dans la névrose, la pulsion sexuelle vient mordre et prélever sa part sur le corps narcissique. Dès lors nous avons un plan de dissociation possible entre la soumission à un idéal auquel l’enfant peut ou doit temporairement satisfaire et l’insertion en creux d’un objet de jouissance qui aura à s’isoler du champ narcissique mère-enfant pour constituer le fantasme du sujet et le libérer partiellement des contraintes de l’idéal.
Melman a proposé l’existence d’une paranoïa pure, purement passionnelle ou interprétative dont le mécanisme ne serait pas la forclusion mais un rejet (ce terme freudien est préférable à récusation qui convient pour d’autres défenses[37]) du nom-du-père. Ainsi rejetée elle laisse le sujet glisser vers le lieu que cette instance a créé, le phallus, et que son rejet réouvre. C’est ainsi que le sujet éprouvera les mêmes effets de référence ou de signification personnelle que s’il y avait forclusion. Avec la différence que dans la forclusion le sujet vit le retour subit de la signification forclose avec au départ une totale incompréhension alors que, dans le rejet, le sujet sait qu’on lui en veut et que c’est une, ou un réseau de personnes, qui lui en veut.
Je ne reprends pas ici ce que j’ai tenté d’élaborer des différences topologiques entre paranoïas et schizophrénies[38]. Mais, très grossièrement, elle doit faire appel à la topologie du champ de l’Autre. C’est une topologie continue dans la paranoïa mais avec la perte de l’équivalence dans l’inconscient des sens opposés (elle ne peut donc être mœbienne) ; c’est une topologie en partie discrète dans la schizophrénie où les mots deviennent des choses, c’est-à-dire identiques à eux-mêmes et séparés par un bain de jouissance. Ce qui perturbe évidemment l’articulation signifiante qui devient plus aléatoire.
Les différentes cultures.
Il ne semble pas que toutes les cultures aient inventé les mêmes parades à l’errance subjective qui naît du langage et notamment l’importance du sacrifice de jouissance exigée pour faire butée réelle à cette dérive et au nom de quelle transcendance l’imposer.
Les civilisations mésoaméricaines précolombiennes exigeaient une très grande quantité de sacrifices humains pour soutenir le soleil dans sa course sous la terre ou pour satisfaire le dieu de la pluie toujours assoiffé. Elles ne semblent pas s’être référé à un dieu Père.
La référence au Nom-du-Père, évidente dans le monde judéo-chrétien, qui a centré le sacrifice sur la jouissance sexuelle et surmonté la nécessité du sacrifice humain, semble prendre d’autres noms dans d’autres cultures qui ignorent la notion d’un père universel.[39] « Un missionnaire qui essayait de traduire l’évangile en mélanésien rapporte que sa plus grande difficulté a été de rendre le Pater noster, aucun terme de cette langue ne correspondant à la connotation collective de Père. La paternité n’est dans ces langues qu’une relation personnelle et individuelle ».
Les migrations entraînent alors des brèches dans la cohérence des systèmes fictionnels (religions, morales, usages). Elles exposent les migrants à la perte de la légitimité acquise par leurs sacrifices de jouissance et transmise inconsciemment par la littéralité des langues dès lors qu’ils se retrouvent dans d’autres systèmes de valeurs implicitement portées par d’autres langues et cultures. Elles les exposent peut-être aussi davantage à la psychose maniaque-dépressive en levant la régularisation de la jouissance inscrite dans la littéralité spécifique de chaque langue.
[1] A Saint-André-lés-Lille, l’HP de Lommelet recevait les patients hommes du Pas-de-Calais.
[2] Il y avait quand je suis arrivé dans cet hôpital 4 médecins pour 1300 malades et deux internes.
[3] Van Os J, Kapur S (août 2009). “Schizophrénie”. Lancette. 374(9690) : 635-645
[4] “Schizophrénie” . Organisation Mondiale de la Santé. 2011
[5] Wikipedia, sans référence
[6] Häfner H, an der Heiden W (mars 1997). “Épidémiologie de la schizophrénie”. Revue canadienne de psychiatrie. 182 (2) : 139-151.
[7] Jablensky A, Sartorius N, Ernberg G, Anker M, Korten A, Cooper JE et al. (1992). “Schizophrénie : manifestations, incidence et évolution dans différentes cultures. Une étude de dix pays de l’Organisation mondiale de la santé”. Médecine Psychologique. Supplément à la monographie. 20 : 1–97.
[8] Kirkbride JB, Fearon P, Morgan C, Dazzan P, Morgan K, Tarrant J et al. (mars 2006). « Hétérogénéité des taux d’incidence de la schizophrénie et d’autres syndromes psychotiques : résultats de l’étude AeSOP à 3 centres ». Archives de Psychiatrie Générale. 63 (3) : 250-258
[9] Kirkbride JB, Fearon P, Morgan C, Dazzan P, Morgan K, Murray RM, Jones PB (juiin 2007). « Variation de quartier dans l’incidence des troubles psychotiques dans le sud-est de Londres ». Psychiatrie sociale et épidémiologie psychiatrique, 42 (6) : 4998-445
[10] Garrabé Jean, La schizophrénie, un siècle pour comprendre, Seuil, Les empêcheurs de tourner en rond, 2003. (Réédition de Histoire de la schizophrénie, Seghers 1992 avec une postface.
[11] Id. p. 12-13.
[12] Id. p. 16
[13] Freud S. « Remarques osychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa : Dementia Paranoides ». Trad. Fr. in Cinq Psychanalyses, PUF, Paris, 1954, p 318
[14] Garrabé J. La Schizophrénie, Seuil, Les empêcheurs de tourner en rond, 2003, p. 32
[15] insania, amentia, dementia, furor, insanitas, aliénatio, deliratio, delirium pour le latin ; mania, paranoïa, anoïa, atopon… pour le grec. !
[16] In Jean Garrabé, op.cit.
[17] Ce sont des données empruntées à une littérature que mes compétences ne me permettent pas de juger.
[18]La génétique de la schizophrénie est complexe et plurigénique avec probablement différentes combinaisons de gènes impliqués pour chaque cas. Selon l’association Mens-Sana : « les gènes altérés pouvant être responsables de dysfonctionnements de notre système nerveux central sont multiples et non pas isolés, ce sont des combinaisons de gènes qui peuvent, de concert, influencer d’autres gènes et, ainsi, avoir des fonctions multiples dont celles qui sont néfastes sont l’exception, tandis que toutes les autres sont indispensables, ont leur utilité. » On ne sait pas encore quelles sont les associations de gènes pathologiques.
[19] Lichtenstein P, Yip BH, Björk C et al. « Common genetic determinants of schizophrenia and bipolar disorder in Swedish nuclear families : a population-based study » [archive] Lancet 2009 ; 373 : 234-239.
[20] Power, R.A., et al. « Polygenic risk scores for schizophrenia and bipolar disorder predier creativity ». Nat.Neurosci, 2015. (18(7) ; p. 953-5.
[21] Crow TJ « The ‘big bang’ theory of the origin of psychosis and the faculty of language », Schizophrenia Research Juillet 2008 ;102(1-3):31-52. « Le langage et la psychose ont une origine commune dans l’événement génétique (le ‘big bang’) qui a défini l’espèce. »
[22] Gaillard R. Un coup de hache dans la tête, Grasset, 2022.
[23] M.O. Huttuen et P. Niskanen, « Prenatal loss of father and psychiatric disorders », Archives of general Psychiatry, vol. 35, avril 1978, p. 429-431
[24] Brown AS, Patterson PH. « Maternal infection and schizophrenia: implications for prevention » Schizophr Bull. 2011 Mar;37(2):284-90.
[25] Melinda Wenner « Infected with Insanity : Could Microbes Cause Mental Illness? Viruses or bacteria may be at the root of schizophrenia and other disorders » Scientific American Mind, 17 avril 2008
[26] O’Donovan MC, Williams NM, Owen MJ. « Recent advances in the genetics of schizophrenia » Hum Mol Genet. 2003
[27] J.P. Selten, E. Cantor-Graae et R.S. Kahn, « Migration and schizophrenia », Current Opinion in Psychiatry, vol. 20, 2007, p. 111–115
[28] Lacan J. « Propos sur la causalité psychique », in Ecrits, Seuil, 1966, p. 162.
[29] « Ne devient pas fou qui veut mais c’est aussi que n’atteint pas qui veut les risques qui enveloppent la folie. Un organisme débile, une imagination déréglée, des conflits dépassant les forces n’y suffisent pas. Il se peut qu’un corps de fer, des identifications puissantes, les complaisances du destin inscrites dans les astres, mènent plus sûrement à cette séduction de l’être » (p. 178).
[30] Id. p. 187
[31] Pour une présentation précise de ce problème, voir l’article de Catherine Morin « Cerveau » in Dictionnaire Larousse de la psychanalyse, Larousse, 5ème édition, 2018, p. 94-97.
[32] Gaillard Raphaël, op.cit. p.143.
[33] Crommelynck M. et Lebrun J.-P. Un cerveau pensant : entre plasticité et stabilité ; 2018, Érès, coll. Humus.
[34] mais peut-être aussi du redressement du corps et de la perte de la fourrure exhibant ainsi les parties génitales, car le trait unaire (signifiant la pure différence) commun au signifiant et au nombre ne peut s’appuyer que sur la seule différence absolue visible sur le corps : présence ou absence du pénis.
[35] Dehaene S. Les neurones de la lecture, Paris, Odile Jacob, 2007
[36] Vandermersch B. « Comment les structures cliniques se déduisent de la structure du langage ». Cours à l’EPHEP (site de l’EPHEP, Bibliothèque/Recherche ; Cours et conférences, Théorie, concepts.
[37] Cf L’intervention à ces journées de Thierry Roth : « Les névroses de récusation ».
[38] Vandermersch B. Paranoïas et schizophrénies : variétés d’une même structure psychotique ? Conférence à l’Hôpital de Gonesse, le 18 avril 2019. Inédit.
[39] Benveniste E. Le vocabulaire des institutions endo-européennes Minuit, 1969, Tome 1, p. 211