D’UN TEXTE A L’AUTRE
La lecture du Séminaire de Charles Melman « Pour introduire à la psychanalyse aujourd’hui[1] », au programme du Groupe d’Introduction à la Psychanalyse cette année, s’avère une « voie royale » vers la psychanalyse lacanienne. Qu’il se dise « introduction » bien qu’il se soit tenu, en 2001, devant un auditoire d’analystes en est l’indice : il y a toujours à redire ce qui est au cœur de l’enseignement de Lacan, comme si c’était justement ce cœur qui s’oubliait.
Le séminaire de Melman, chevillé au texte de Freud « Introduction à la Psychanalyse », est un séminaire sur la lettre. Suivant pas à pas les chapitres du texte de Freud (sur le lapsus, sur le rêve), il souligne non seulement la nature langagière des manifestations de l’inconscient, mais leur localisation précise dans les chutes et ajouts de lettres (Vorschwein pour Vorschein), rendues possibles par l’espace qui leur est laissé par la langue. Cette insistance de Melman atteint son sommet dans la leçon 5 du Séminaire consacrée au rêve : le rêve ayant structure de discours, mais étant une écriture non alphabétique, idéogrammatique (des images pouvant se lire comme des mots, des syllabes ou des sons, de la même façon que le rébus), ne permet pas cette chute. Celle-ci a lieu dans la parole qui l’alphabétise en l’énonçant. L’écriture idéogrammatique ainsi lue révèle sa structure de discours et sa nature de texte : les images sont la traduction en même temps que la dissimulation d’un autre texte, celui qui constitue l’inconscient, traduction qui se fait selon les processus identifiés par Freud de la condensation et du déplacement, dont Lacan a montré qu’ils correspondent aux deux axes du langage repérés par Jakobson régis par les lois de la similarité et de la contiguité.
Sur la base de ces analyses, Melman, soulignant Lacan, distingue deux modes de lecture : une lecture au niveau du signifiant et donc du sens, et une lecture au niveau de la lettre. L’inconscient étant un texte, c’est le déchiffrement littéral, à la lettre, de ses manifestations qui en est par conséquent le seul accès. Dès lors, la psychanalyse est la discipline qui procède à ce déchiffrement, et rien d’autre. Mais pourquoi tendons-nous si répétitivement à faire autre chose ? C’est en tout cas ce qui rend nécessaire de se ré-introduire sans cesse à la psychanalyse.
Bénédicte Metz, psychanalyste, responsable de groupe au GIP
[1] Charles Melman, Pour introduire à la psychanalyse aujourd’hui, séminaire 2001-2002, éditions de l’ALI