A propos de "Le nom sur le mur" d'Hervé Le Tellier (Gallimard, 2024)
2024

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BON Norbert
Notes de lecture

 

L’auteur se cherche une « maison natale » où s’inventer des racines. Il la trouve dans un village de la Drôme et découvre sous une plaque vernissée un nom gravé à la pointe, en majuscules : ANDrE CHAIX. Qui donc était cet homme qu’il ne connait pas mais dont le nom ne lui est pas inconnu, celui d’une romancière qui a écrit Les lauriers du lac de Constance sous-titré Chroniques d’une collaboration. Il cherche et trouve le nom de ce Chaix là sur le monument aux morts du village : né en 1924, mort en août 1944. Il s’agit d’un jeune résistant mort à 20 ans. L’auteur cherche, pose des questions, trouve des lettres, des photographies, des cartes postales, des affiches, une amoureuse, Simone. Peu à peu, se reconstitue ce que fut la vie brève de cet homme. Ce faisant, l’enquête s’élargit à la bataille où il a trouvé la mort : archives, exposition, site internet… Puis, plus largement, aux conditions de l’époque : les FTP, le groupe Manouchian, Lucie Aubrac, Jean Moulin, les trahisons des collaborateurs infiltrés dans la résistance, l’exécution par les Waffen SS de 27 maquisards capturés et d’une trentaine d’otages pris au hasard… Tandis qu’à Paris, occupants et collaborateurs font la fête chez Maxim’s, au Lido, au Moulin rouge… Le nazisme donc. Puis la France se libère, la vie reprend, le cinéma aussi : Les enfants du paradis, de l’homosexuel Marcel Carné qui confie le scenario à Jacques Prévert, compagnon de route du Parti communiste et la musique au juif hongrois Joseph Kosma. Et aussi, Les visiteurs du soir, avec Arletty qui avorte pendant le tournage du fruit de sa liaison avec un officier allemand mais à qui l’on pardonnera après-guerre « puisque, on le sait, son cœur est français et son cul international. » Comme on passera l’éponge sur nombre de crimes de militaires nazis et leurs collaborateurs français avec la loi d’amnistie du 6 août 1953.

 

A l’heure où les nostalgiques du nazisme et les héritiers du pétainisme reviennent plus ou moins masqués, dans ce livre prenant, précis, documenté, Hervé Le Tellier, prix Goncourt avec Lanomalie, en 2020, annonce ainsi son propos 80 ans après la mort d’André Chaix : « Mais à regarder le monde tel qu’il va, je ne doute pas qu’il faille toujours parler de l’Occupation, de la collaboration et du fascisme, du racisme et du rejet de l’autre jusqu’à sa destruction. »

 

Hervé le Tellier ne saura jamais ce qu’est une maison natale mais il aura pu explorer, et nous rappeler « cette époque où la générosité et le courage ont côtoyé comme rarement l’égoïsme et l’abject ». A toute fin utile…

 

Nancy, le 11 juillet 2024.