Une seule psychanalyse ?
2024

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Thierry ROTH
Editos

Depuis ses débuts, la psychanalyse s’est divisée en différents courants. De son vivant, Freud tranchait pour dire qui était vraiment psychanalyste et qui en avait quitté le champ (exit Jung, Adler et quelques autres). L’IPA a tenté ensuite de jouer ce rôle mais l’exclusion de Lacan a fait exploser le milieu analytique. Les nombreuses associations lacaniennes, non membres de l’IPA, sont aujourd’hui reconnues comme formant effectivement des psychanalystes. Mais pour certains, il conviendrait plutôt de dire les psychanalyses que la psychanalyse…

 

Pourtant, au-delà des désaccords et des invectives, il existe bien une seule psychanalyse. Il est aisé, en effet, de reconnaître un analyste – celui qui pratique la psychanalyse – à partir du respect de trois grands critères.

. Le premier tient à la méthode : la libre association (dire tout ce qui passe par la tête) du patient et l’écoute flottante et interprétative du psychanalyste.

. Le deuxième concerne le cadre : celui qui favorise au mieux l’association libre, à savoir le dispositif divan-fauteuil, qui place les deux protagonistes dans deux espaces différents. Le regard cède alors la place à la seule parole.

. Le troisième critère réside dans le respect de quelques grands soubassements théoriques freudiens, qu’aucun analyste n’a jamais remis en cause : la reconnaissance d’un inconscient qui dicte le sujet malgré lui, la prise en compte de la sexualité infantile, la conception du transfert comme moteur de la cure.

Certes, les théorisations et les modalités d’intervention vont ensuite varier selon les praticiens, mais ces trois grands critères sont à la fois nécessaires et suffisants pour qualifier un clinicien de psychanalyste.

 

Faut-il regretter que cette unité de notre discipline cache mal d’importantes divisions en son sein ? Celles-ci tiennent sans doute à la singularité voire à la susceptibilité de chaque analyste, mais aussi au verdict tardif de Lacan : « la psychanalyse est intransmissible » ! Les analystes ont ainsi leurs références théoriques privilégiées, leur propre expérience de la cure en tant qu’analysant, leurs transferts de travail, leur structure psychique, leur style, etc.

Cependant, ces psychanalystes divers, qui pratiquent pourtant bien la psychanalyse, sont suffisamment nombreux pour que ceux qui veulent encore tenter l’aventure du divan, afin de se défaire de certaines entraves, puissent trouver celui ou celle avec qui entendre quelque chose de leur propre énonciation… N’est-ce pas une bonne nouvelle ?

 

PS : ces brèves remarques trouveront sans doute différents prolongements au cours de notre prochain Séminaire d’hiver, consacré à la formation des psychanalystes.

 

 

Thierry ROTH, vice-président de l’ALI