Comment ne pas flotter avec Laplanche ?
2024

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Nathanaël MAJSTER
Notes de lecture

Un ouvrage a paru aux PUF cosigné de Patrick Guyomard et de Jacques André, consacré à Jean Laplanche et intitulé « De Lacan à Freud ».

 

Interroger cette relation c’est croiser au moins une question qui concerne chacun d’entre nous dans sa relation à la psychanalyse et à ses figures tutélaires, Freud et Lacan, et qui est posée en ces termes par Patrick Guyomard : « Il y a chez Laplanche une espèce dascèse théorique. Il ne veut pas utiliser un certain nombre de concepts, il ne veut pas conceptualiser, il n’aime pas les majuscules. Tout ce qui peut passer pour une forme de début de théorisation devient vite, chez lui, ou avec lui, une espèce de pente idéologique ».

 

S’il y a rejet des concepts et de la « théorisation » lacanienne chez Laplanche c’est parce que derrière le concept il y a le concepteur et que ce dernier est ainsi soupçonné d’entretenir son pouvoir sur l’élève. Si vous acceptez ses concepts, comment liquider le transfert, cette liquidation dont Freud a fait le terminus de la cure ?

 

Il y a, pourquoi ne pas l’indiquer d’emblée, une forme de sagesse dans cette position qui vise à la récusation du transfert par le détachement à l’endroit du concept. Lacan n’a-t-il pas indiqué qu’il avait forgé son enseignement à partir de « son petit bout dinconscient » ? Pourquoi donc, s’il est inévitable que l’Autre du théoricien, c’est-à-dire aussi bien son symptôme, ne soit moteur de sa conceptualisation, voudrais-je ainsi en recevoir mon propre message, de préférence à ma propre singularité, mon « petit bout » bien à moi ? Ne dois-je pas préférer mon Autre à l’Autre de mon enseignant ? Que de questions ainsi ouvertes.

 

Une première interrogation cependant perce : le rejet du concept n’est-il pas précisément un mode de défense qui me vient de l’Autre ? Là où je crois agir au nom de ma liberté d’élève, est-ce que je n’agis pas pour défendre ce savoir qui s’impose à moi sans que je n’en sache rien ? Voire est-ce que je n’agis pas en recevant, inévitablement, cette injonction de rupture de cet Autre ?

 

Bien entendu on devine que l’intéressé ne serait guère ébranlé par cette remarque, qu’il estimerait être encore défense et illustration du maitre.

 

Alors que lui répondre ?

 

Il me semble que chacun doit faire l’effort d’y réfléchir. Pour ma part j’essaierais de m’appuyer sur deux choses.

 

La première est une remarque que fit Charles Melman, mais je ne sais plus quand ni où, selon laquelle les « concepts de Lacan étaient troués », sans doute donc de façon homogène au trou dans l’Autre, qui est l’un des noms qu’il donne au réel. Ce concept troué, comment l’entendez-vous ?

 

Le second élément serait de poser la question de ce qui distingue concept et signifiant, en tentant de faire entendre que le premier est imaginaire, alors que le second est matériel et toujours symbolique du trou précédemment évoqué. Autrement dit Lacan menait une recherche appliquée à un système de communication, ce qui implique contradiction, erreurs, recherches à venir.

 

C’est l’une des questions parmi d’autres que cet ouvrage récemment paru et qui, avec honnêteté et sans complaisance, pose des questions qui attendent toujours leurs réponses.