Qu’est-ce qu’une parole d’analyste ?
2024

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GUERRERO Omar
Séminaire d'été

Je vais vous proposer quelques idées autour de ce titre qui, dans l’après coup, m’a paru maladroit, « Qu’est-ce qu’une parole d’analyste ? », alors qu’on parle du discours. Je vais dire à la fin comment je m’en dépatouille de ce que je trouve maladroit dans ce titre. Et je commence peut-être avec une petite satisfaction, je dirais, de voir que pendant ce Séminaire d’été on a passé trois journées à essayer de faire quelque chose de cet outil que nous a légué Lacan, de voir que par moments on était un peu comme on fait en politique, c’est-à-dire, entre conservateurs et libéraux. Est-ce qu’il faut défendre un outil intouchable qui nous a été légué ou bien on s’autorise à l’ouvrir, à en faire quelque chose qui n’est peut-être pas orthodoxe mais qui peut être opérant ? Est-ce qu’il faut ériger les discours comme un totem intouchable ou bien, comme les artisans que nous sommes, chacun peut s’autoriser à risquer quelque chose ? Je dis bien risquer, parce que dans la solitude du cabinet, de la séance avec notre patient, il n’y a pas Lacan, même si vous avez vos séminaires derrière, dans votre bibliothèque – surtout quand vous êtes sur Zoom. Quand le patient vous adresse quelque chose, il y a un risque, un franchissement.

 

Deux mots par rapport au contexte de ce Séminaire, comment j’ai envie de mettre en tension ce Séminaire sur L’Envers, que nous avons mis à l’étude pendant toute une année, et un texte de Lacan de quelques années avant, enfin beaucoup plutôt, de 1953, c’est « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse ». Vous savez que c’était à Rome en 1953, publié dans les Écrits, mais c’est un texte où il nous dit que la parole est le seul médium de la psychanalyse – c’est la parole du patient évidemment dont il parle – seul médium. Et l’analyste alors, qu’est-ce qu’il est ? Il dit que l’analyste est à la place de l’auditeur. Comme ça on entend bien ce que disait Lacan, avec cette formule un peu énigmatique de dire qu’en faisant son séminaire, il s’adressait, il était en position d’analysant. Il s’adressait à l’auditeur, vous voyez, l’auditeur c’est l’analyste. Auditeur, je vous le rappelle, surtout pour ceux qui ont fait médecine, l’origine étymologique d’auditeur et la même que pour ausculter. Ausculter, c’est écouter aussi, c’est la même origine étymologique.

 

Je remercie également Alain Harly d’avoir évoqué, je n’y avais pas pensé, la place de Primo Levi comme témoin, qui pour moi aussi est une place qu’on peut rapprocher de l’analyste : nous sommes témoins de ce qui s’y passe. Comme le dit Lacan dans « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », quand l’analyste intervient par la parole, il peut soit reconnaître le sujet, soit l’abolir. Nous sommes dans ce domaine, c’est une talking cure, n’est-ce pas ?, une cure par la parole. Il y a une petite citation (je suis navré, je n’ai pas l’habitude de me relire…) dans « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » qui parle de cette place d’analyste : « La psychanalyse exige une longue ascèse subjective, qu’y renonce donc plutôt celui qui ne peut rejoindre à son horizon la subjectivité de son époque. Car comment pourrait-il faire de son être l’axe de tant de vies, celui qui ne saurait rien de la dialectique qui l’engage avec ces vies dans un mouvement symbolique. Qu’il connaisse bien la spire où son époque l’entraîne dans l’œuvre continuée de Babel, et qu’il sache sa fonction d’interprète dans la discorde des langages ».

 

Un troisième point que je vous propose de considérer c’est que ce séminaire de L’Envers amène justement la formalisation de ces discours. Il y passe toute une année, et nous avons la chance d’avoir un document de qualité – que nous devons entre autres à Jean-Paul Beaumont par sa correction – où nous pouvons voir même les lapsus de Lacan, l’évolution, les questions qu’il se pose, comment il aiguise ces outils. Mais ces outils ne viennent pas de nulle part, il ne les fait pas apparaître juste comme ça, alors je vous propose quatre auteurs à mettre en perspective.

 

Le premier est Hegel. Hegel, avec la formalisation de la dynamique maître-esclave que Lacan a dans le viseur. Une prémisse des discours, une première matrice.

 

Ensuite, chez Freud, comme le dit Lacan dans les leçons de la fin, vous vous souvenez, il y a déjà une articulation autour de l’impossible : les trois métiers impossibles dont parle Freud. Ils sont trois, on l’a rappelé plusieurs fois : gouverner, éduquer et – en français on aurait du mal à entendre, « curer », comme le dit le terme allemand kurieren, guérir, soigner – psychanalyser. Puis, à la fin de L’Envers, Lacan propose d’ajouter à ces trois métiers, à ces trois articulations autour d’un impossible, de rajouter l’hystérique. C’est-à-dire, l’impossible de faire désirer, dit-il. Et avec ça il complète déjà sa base à quatre termes, mais surtout ça nous permet de voir que déjà chez Freud nous avions cette matrice, que Freud avait déjà une intuition, sous la forme de cette boutade qu’il n’a fait que deux fois, mais qui était déjà là.

 

Troisième, et je risque vous ennuyer cinq minutes car j’ai souvent cité ce troisième, c’est Kojève. Cette fois-ci je le ferai de manière d’autant plus légitime qu’il est nommé dans le séminaire de Lacan. Kojève, qui a été professeur de Lacan, notamment par rapport à Hegel, est connu justement par sa rigueur. Sans vouloir trancher entre les conservateurs et les libéraux aujourd’hui, je rappelle cependant que Kojève propose lui aussi quatre formes pures d’autorité. Alors ça peut intéresser les collègues qui se disent qu’il y d’autres formes de discours, d’autorité : pour Kojève aussi, il y a pléthore de formes d’autorité, mais quand vous lisez La notion de l’autorité, la moitié du livre, c’est un développement sur ces quatre formes pures, qui sont vraiment la base. J’indique seulement la temporalité qu’il donne à chacune. La première c’est l’autorité du père, ancrée sur le passé ; l’autorité du maître, qui s’exerce au présent ; l’autorité du chef, qui vise le futur ; et l’autorité du juge, qui n’est pas fixée à une temporalité et que je rapproche de l’autorité, enfin, du discours de l’analyste. La deuxième partie du livre est faite de toutes les combinatoires possibles qu’il imagine – je pensais à Norbert Bon tout à l’heure, parce que je pensais donner un exemple de ces combinaisons, mais il s’est présenté lui-même, j’allais dire, avec la déclinaison d’un discours de la bureaucratie ; puis Nicolas Miquel nous a proposé aussi comment il avait concevait son outil, hier ou avant-hier – et c’est ce que fait Kojève : il décrit toutes ces combinatoires. Qu’est-ce qui se passe quand on est père mais qu’on est en même temps député et en même temps etc., il commence… Il en y a même peut-être plus que vingt-cinq. Mais il nous faut, je pense, cette matrice de quatre.

 

Je termine cette partie, je disais, de quatre auteurs avec Lacan, qui nous propose ces quatre discours à partir de la formule du fantasme. Formule du fantasme qui résumait pour lui cette tension entre, d’un côté, la parole, qui peut permettre un lien à l’autre, et de l’autre côté la violence. Petit clin d’œil à Pascale Belot-Fourcade qui me rappelait que nous organisons un colloque, avec Jean-Pierre Lebrun aussi, à Clermont-Ferrand, dans quelques semaines, en octobre, sur la violence et ses effets. Et puisque je parle de Jean-Pierre Lebrun, il peut nous rappeler la fonction du discours : ces quatre auteurs (Hegel, Freud, Kojève et Lacan) qui parlent justement des formes de discours, de ce qui peut nous lier à notre interlocuteur, cernent ce que j’appelle aussi des conditions –  vous vous souvenez de ce livre où Jean-Pierre Lebrun faisait un détournement d’un titre de Malraux, en disant que la condition humaine n’était pas sans conditions. C’est l’un de plus beaux titres des nombreux livres de Jean-Pierre Lebrun. Je le trouvais très juste, c’est-à-dire qu’il faut une condition discursive pour que quelque chose de l’humain s’engage avec un semblable.

 

Un autre point. L’un de ceux qui nous ont manqués à notre Séminaire d’été c’est bien sûr Charles Melman. Charles Melman, qui pouvait avoir, vous le savez, l’art, pas toujours la manière, mais l’art de bousculer, il aurait pu, il aurait peut-être été content de ce Séminaire d’été – c’était rare qu’il en fût content. Mais vous vous souvenez qu’il avait une fois commencé un séminaire en demandant à quoi reconnaissait-on un psychanalyste ? C’est publié, je ne sais plus le nom du séminaire exactement. Il y avait la signature de ce que Lacan aussi nous disait, cette position d’analysant. Souvenez-vous aussi, c’était une conférence sur la langue maternelle. On se disait : « Il va nous dire ce que c’est ! » Il a commencé à demander à l’un, puis à l’autre : « Et pour vous, qu’est-ce que c’est qu’une langue maternelle ?, et pour vous, et pour vous… » Plusieurs collègues répondaient, l’heure tournait et lui tricotait avec tout ça. Mais il n’est pas venu nous assommer avec une définition déjà toute faite de ce qui serait une langue maternelle.

 

Je reviens à mon titre et je pense à trois points que j’aurais proposés à Charles Melman pour reconnaître un psychanalyste, du point de vue du discours.

 

Le premier point, c’est l’agent, puisqu’on a beaucoup parlé des places dans les discours, l’agent, il le dit dans ce séminaire de L’Envers, il n’agit pas, mais il fait agir. C’est comme ça qu’on pourrait dire qu’il agence quelque chose, il dispose. Tout ça, on le retrouve dans ces mathèmes, avec une écriture – c’est ce qu’on disait à Alexandre Beine avant-hier, on parlait de réduire ces enjeux à des lettres pour en faire des formules, des mathèmes, réduire la portée des signifiants, c’est Norbert Bon qui lui avait restitué ça –, mais effectivement, ces mathèmes nous disent déjà que l’analyste dispose, il met à disposition un cadre pour que la parole de l’analysant puisse s’adresser. Parce que c’est le mot qui me paraît approprié pour le discours : un discours c’est une adresse. C’est ça qui nous permet de le distinguer, c’est-à-dire, qui s’adresse ?, qui est l’agent ? Alors l’analyste, comment le reconnaît-on ? Eh ben, c’est lui qui vous « passe le micro ». C’est celui qui vous dit : « Qu’est-ce que vous en dites ? Qu’est-ce que vous en pensez, vous ? » « Je ne vais pas vous dire si vous devez divorcer ou pas, si vous devez accepter une promotion, etc… Qu’est-ce que vous en dites, vous ? » C’est rare, c’est très rare parce que quand vous discutez avec votre meilleur ami au bistrot ou en couple, votre interlocuteur aura toujours une idée de comment il faudrait faire, ou bien que vous n’avez pas fait comme elle a dit ou comme il fallait… Tout ça, vous le connaissez bien, c’est le folklore de notre vie quotidienne.

 

Le deuxième point qui nous permet de reconnaître un psychanalyste, au niveau des discours, je m’appuie sur ce que disait Stéphane Thibierge, je crois que c’était lui, dans les premiers échanges de mercredi, par rapport à la vérité. Oui, c’était la remise en jeu de la vérité, où il rappelait que l’analyste serait le fiancé de la vérité. Mais alors fiancé, vous voyez à quoi ça nous renvoie ? C’est –  Jean-Paul Beaumont nous faisait un cours accéléré de latin tout à l’heure et nous le rappelait  –, c’est faire confiance, c’est la foi, la fidélité, on a dit qu’il n’était pas marié à la vérité. Il est, comme le fiancé, il a engagé sa parole, mais on n’a pas donné de date, il n’y a pas un contrat. Vous voyez, c’est plutôt du côté du pacte. C’est important de le souligner et, là encore, c’est quelque chose de rare, de rare dans les relations humaines : quand on parle de foi, de fidélité, de confiance –  qui partagent la même étymologie  – on est en train de parler de transfert.

 

Le dernier point, c’est la question de la mort. L’analyste comme contrepoint, comme contraire au maître. C’est quelque chose que Lacan retrouve chez Kojève, c’est-à-dire que le maître se confronte à la mort, il y va et c’est au présent, il ne peut pas dire « J’ai gagné il y a deux ans et donc je reviens à prendre mon dû ». Non, ça se joue au présent. Lacan rappelle dans L’Envers que le discours de l’analyste est un contrepoint par rapport au maître. Et vous vous souvenez d’une des dernières interviews avec Charles Melman, j’ai lui avait posé la question : « Est-ce que le psychanalyste fait le mort ? » Je ne sais plus exactement comment je lui avais posé la question, mais c’était sur le rapport de l’analyste à la mort. En prenant son thé, il m’a dit, je crois bien, quelque chose comme l’analyste n’est ni mort ni vivant. Alors, ni mort ni vivant. C’est une drôle de position, qui m’a renvoyé à une autre lecture très récente de Delphine Horvilleur, que vous connaissez certainement –  qui viendra travailler avec nous, à la fin de l’année  – notamment le livre qu’elle a appelé Vivre avec nos morts, où elle parle de sa place de rabbin, quand elle est conviée pour parler de quelqu’un qui est mort et que parfois elle ne connaissait pas, sa manière de recueillir des récits auprès de la famille pour dire quelque chose, avec cette position très discrète, comme celle qu’on a décrite aussi par rapport à ce qui serait la parole d’un analyste.

 

Je vais vous proposer une double conclusion. Une première, qui se veut probablement topologique, c’est de dire que celle de l’analyste serait une parole – parce que j’étais quand même embarrassé moi-même en ayant proposé ce titre dont j’étais très content, parce que je me disais que c’est la demi-journée sur le discours de l’analyste. Une parole d’analyste… quand j’ai commencé à lire et chercher, j’étais embarrassé… Ce qui m’a aidé à en sortir, c’est une intervention pour nos collègues chiliens qui m’on demandé de travailler le séminaire …Ou pire avec eux. Cette traversée m’a permis de retrouver une idée, cette image pour l’analyste d’une parole évidée. Comme on retourne un gant éventuellement. Parce qu’on ne peut pas dire qu’il soit muet, c’est-à-dire qu’il a bien une parole. Je crois que c’est Claude Landman qui nous le disait en évoquant hier ou avant-hier la question du desêtre : le psychanalyste subit le desêtre, ça lui tombe dessus. Lacan disait même « le psychanalyste je le désuis ». Vous voyez cette opération qu’essaye de faire Lacan au niveau de la langue, il n’y a pas d’être du psychanalyste. Alors, est-ce que c’est ce que quelques fois Melman a pu évoquer d’un phallus négativé ? Est-ce que c’est l’analyste comme un maître sans disciple, que Lacan a pu nommer aussi ? Est-ce que ça implique une féminisation de l’analyste quand c’est un homme – rien à voir avec Primo Levi et son Si c’est un homme. Ou bien il paye le prix, comme le laissait entendre très joliment Marie-Jeanne Segers tout à l’heure, en parlant de Lacan et cette espèce de psychanalyste qu’il était, partout, tout le temps ? Parce qu’en l’écoutant tout à l’heure, je me demandais, effectivement, comment vous faites quand vous êtes en train de recevoir un patient, pour qui vous êtes en position d’analyste et que vous recevez un coup de fil ? Vous répondez, éventuellement, si vous répondez pendant les séances, ça arrive, il y en a qui le font. Et alors vous êtes sollicité par, je ne sais pas, une fuite d’eau, quelque chose qui vous sollicite ailleurs, à une autre place que celle que vous occupiez à l’instant… Il y a quelque chose de très dynamique qui doit être possible ; ou bien vous êtes comme Lacan et vous payez le prix. Je termine ma première conclusion : je pense que Lacan payait le prix. À une époque qui n’est pas la nôtre, il a quand même payé un prix de solitude. Je crois que Marie-Jeanne Segers l’a bien montré. Melman aussi, il a très souvent parlé de comment se passaient les débats, notamment les débats politiques, Lacan n’était pas là à guerroyer pour occuper telle ou telle place, non, il était plutôt silencieux.

 

Une deuxième conclusion – et qui s’inscrit dans la ligne de ce que nous proposait Norbert Bon aussi tout à l’heure. Est-ce qu’on peut parler de perversion d’un discours ? C’est l’une des questions que posait Norbert Bon. Est-ce que c’est une torsion, ce qui est opéré pour obtenir le discours du capitaliste ? Bon, j’avais demandé à voir le schéma des discours projeté à l’écran, mais ce n’est pas très grave, je pense que vous l’avez en tête, ce retournement. Je pense que c’est une question légitime, que nous avons même dans le titre du séminaire de cette année : pourquoi il dit l’envers de la psychanalyse ? Les propos de Marie-Jeanne Segers me permettent de ne pas revenir sur un avers, qui était l’une des déclinaisons du signifiant envers. Mais l’autre signifiant que nous avons, et qui est la traduction du séminaire dans d’autres langues, c’est le revers. Quand on dit l’envers, cela implique qu’il y a un côté qui est normal, c’est-à-dire qu’on évoque quelque chose qui n’est pas du bon côté, il est à l’envers justement. Alors que revers, ça implique qu’il y a deux côtés, comme une pièce de monnaie, le revers d’une médaille ou d’une pièce, mais ça ne veut pas dire qu’il y en a un qui est bon et l’autre que n’est pas bon, vous voyez ? Alors cette opération, qui est déjà indiquée dans le titre, qu’est-ce qu’elle implique ? Parce que si vous prenez le discours de l’analyste, sur le côté droit, et que vous opérez cette torsion, la même torsion que se permet Lacan pour obtenir le discours du capitaliste à partir du discours du maître, vous vous retrouvez avec un S2 comme agent. C’est-à-dire, un psychanalyste qui sait, qui n’est pas un sujet supposé savoir mais qui sait, un sachant. Je ne rentre pas dans les détails des flèches, vous pouvez tirez vous-mêmes les conséquences, vous avez tout un Rubik’s cube à faire avec tous les discours… Maintenant, ce que j’aimerais proposer comme ça pour conclure et avoir un peu de temps de débat, c’est que bien sûr nous avons le droit d’essayer de voir ce qui est opérant par rapport aux lettres, par rapport, Nicolas Miquel proposait d’autres axes, pourquoi pas, je n’y suis pas opposé, mais je pense que cette torsion (perversion dans l’utilisation des écritures lacaniennes) doit seulement concerner le côté gauche, parce que c’est le côté de l’agent et c’est de ce côté que va être émise cet adresse à l’interlocuteur et que, vous le voyez, ce qui est affecté à ce moment-là c’est toute la notion de représentation –  qui était traduite par les barres horizontales. C’est-à-dire qu’il y a quelque chose qui se verrouille et les effets ne seront pas les mêmes. Comme je le disais à l’instant, il en résulterait un psychanalyste que ne serait plus supposé mais serait un « sujet savoir », par exemple, un sachant.

 

Un dernier petit mot, puisque je parlais de traduction et de mots qui étaient déjà dans le titre du séminaire, j’ai été très content que vous entendiez pendant trois jours des accents différents : espagnol, italien, portugais, belge, allemand, breton, etc. Simplement pour rappeler que l’exercice de ce dernier discours qui nous concerne cet après-midi, le discours de l’analyste, c’est pour ça que j’ai cité Lacan tout à l’heure, que je vous ai lu ce petit passage, ce discours s’exerce aussi dans d’autres langues. Et les autres langues bordent le réel d’une manière un peu différente et alors quels en sont les effets ? Je vous donne un exemple : il y a des pays hispanophones où l’analyste et le patient se tutoient. En France, ça nous paraît quand même un peu bizarre. Ça établirait une sorte, vous vous souvenez, je pense que s’est Pascal Belot-Fourcade qui demandait, quelle fraternité avec une patiente… Enfin, il y a des aspects qui nous feraient réfléchir : qu’est-ce qu’un tutoiement installe ? Qu’est-ce qui se passe en anglais ? En anglais il n’y a pas cette différence audible pour établir un tutoiement ou un vouvoiement. Alors ce sont des outils que nous avons encore à mettre à l’épreuve, à questionner dans ces différents contextes. Déjà en français on n’est pas tous d’accord, et je pense que déjà en français on n’a pas tous exploité tout ce que ces outils peuvent nous permettre et notamment à partir de la clinique. Je vais peut-être m’arrêter là pour ne pas alourdir mon propos et peut-être échanger un peu avec vous. Merci beaucoup.

 

 

Transcription Juliana Castro