Une tache difficile dont j’ai parfois eu du mal à ne pas la situer dans le moment d’histoire que nous traversons.
Quelques remarques sur le titre et ses traductions en français
Je rappelle ici que Freud a reçu le prix Goethe, qui récompense ses qualités d’écrivain, pour sa connaissance très élaborée et élégante de la langue allemande. L’usage qu’il fait des mots de la langue de ceux qui étaient à l’époque nos plus fidèles ennemis rend la traduction particulièrement difficile surtout lorsque les propos touchent à l’histoire, au politique.
1 Behagen signifie confort, par exemple : Wohlbehagen : se sentir bien, satisfait (Triebbefriedigung : satisfaction pulsionnelle), apaisé.
Unbehagen indique un inconfort, un dérangement ( dans le champ social, qui touche une collectivité, ce que nous aborderons plus loin). Ce dérangement serait l’effet d’une défaillance qui désorganise le lien social, défaillance interrogée par Freud dans le contexte très particulier des années 1927-1933, défaillance causée par l’irruption d’un évènement extérieur, ou au contraire liée à une impasse dans sa structure même.
Ce qui convoque bien sûr le texte de 1920, « Psychologie collective et analyse du moi ». Mais la nature et les causes supposées de cet inconfort renvoient à la question du partage du dedans et du dehors, présente chez Freud depuis 1895, dans « L’esquisse d’une psychologie scientifique » dont j’extrais cette citation : « il est impossible pour la conscience de distinguer une excitation extérieure d’une représentation investie d’affect ». Je souligne ici qu’il s’agit d’un impossible, c’est-à-dire au sens que lui donnera Lacan, un Réel : une remarque qui fait prélude à la question de l’illusion.
Mais plus encore, la traduction par malaise ne relève pas de la pensée mais d’une sensation qui saisit le corps, un malaise difficilement mis en mots autrement que par des métaphores, par une fiction (cf. le statut mythique de la pulsion chez Freud, le mythe étant une construction qui répond à une impasse structurelle), ou par une poiesis…
Une production extérieure qui vise un effet, grâce au pouvoir de la langue de faire exister ce que l’on appellerait un semblant de vérité —
… qui touche à l’indicible.
Le Unbehagen est parfois traduit par « ressenti ». Ce terme, — étudié dans un numéro de la Célibataire initié par Charles Melman — désigne, sous la forme du ressentiment, l’affect qui planait à Vienne dans les années qui précédèrent la prise de pouvoir par Hitler : rejeter dans le passé la culpabilité de l’évènement ; Sa définition par Nietzsche serait de situer la faute dans le passé, d’où son emprunt pour justifier de la nécessité d’une nouvelle tentative de faire civilisation dans la continuité de la Kultur allemande. Ce terme de « ressenti » vise à définir ce qui relève plus d’une ambiance collectivement éprouvée que d’un affect du sujet, donc à situer « à cheval entre le corps et le psychique », ce qui n’est pas sans évoquer la définition freudienne mythique de la pulsion que Freud déplacera du niveau individuel à celui d’une Kultur.
Plus précisément, le mot mal être conviendrait peut être mieux, parce qu’il convoque la notion de jouissance dont il sera immanquablement question lors de ces journées, mais également toute la problématique de l’Être chez Heidegger Nous verrons plus loin en quoi la question du corps et de l’être est importante pour approcher cette notion de malaise.
Reste une question devant cet inconfort : comment en situer la cause entre psychologie collective et analyse du Moi ? c’est à partir d’une remarque de Lacan concernant l’Aufklärung, l’esprit des Lumières lorsqu’il qu’il constate combien ces Lumières restent, devant les pouvoirs, parfois bien tempérées, c’est-à-dire estompant les ruptures, évitant les clivages… jusqu’en 1939 !
Cette formule lacanienne « lumières bien tempérées » qui m’a conduit à parler de corps bien tempéré, expression qui renvoie également au climat actuel, parfois à une intempérance proche de l’addiction pour oublier l’insoutenable pesanteur de l’être. Mais il s’agit historiquement ici d’une référence à la musique, celle du clavecin bien tempéré de J.-S. Bach, un instrument accordé sur un mode suivant des gammes régulières qui en fixe les règles encore suivies aujourd’hui. IL s’agit d’une musique épurée fondée sur l’existence d’un accord parfait, sans dissonance, qui s’adresse à Dieu, à l’oppose de celle de lalangue définie comme un Réel dans laquelle les sons et les bruits d’un corps marqués par le sexuel sont en continuité. La gamme dite tempérée fut inventée pour déplacer la quinte maudite, dite quinte du loup – la dysharmonie du diabolus, c’est-à-dire une quinte qui éloigne de l’harmonieuse musique des anges ! Ou encore un ensemble d’harmoniques non accordés, image d’un corps éparpillé, évoquant l’effet de la bile noire d’Aristote ou, plus près de nous, de la pulsion de mort freudienne si décriée. J’avancerai ici l’hypothèse d’un refoulement des bruits du corps qui ne sauraient s’inscrire dans le langage des notes et des mots : Épurer le symbolique, est-ce essayer de faire disparaître les traces du non-rapport sexuel ? un des noms du Malaise hérité du texte de La Genèse ? cf Levinas !
A Vienne, l’art, la musique porte la trace de la défaite de 1918, une défaite de la Kultur du Geist : brouillage déconstruction-reconstruction de l’image du corps, retour du mythe grec de la Korperfreikultur (culture de la libération des corps) et surtout nécessité de trouver une grammaire générale de la structure du monde dans laquelle le monde occidental de l’époque ne serait qu’un cas particulier.
2 Kultur est traduit en Français par civilisation. Cette traduction escamote une question certainement présente pour Freud, même quand il feint d’employer indifféremment l’un ou l’autre terme, allant jusqu’à écrire dans l’avenir d’une illusion : « je dédaigne de séparer culture et civilisation » Mais Freud pratique le français : il n’est pas sans connaitre les enjeux de cette différence. Et il s’en souvient peut être en traduisant mot d’esprit esprit par Witz, mot qui désigne un trait de la culture juive.
La langue allemande valorise le mot Kultur. C’est la Kultur qui fait la germanité alors qu’en Français, on parle de civilisation pour désigner ce qui caractérise la France. Le terme civilisation en Allemagne désigne plutôt la civilisation occidentale en opposition avec les autres civilisations asiatiques, moyen-orientales…
Ce terme de Kultur a surtout été développé au dix-neuvième siècle avec la montée d’une bourgeoisie aisée qui n’avait pas pour référence le fait d’appartenir à une grande nation. Contrairement à la France, elle considérait que c’était « l’esprit allemand », qui constituait la référence à une culture faite de littérature, de musique et d’art plastique ainsi que des valeurs morales dont Goethe fut le porte-parole. Le deutscher Geist ( terme à retenir !!!) crée un lien plus fort que le sentiment national ou celui d’un État fort et central! On peut même lire sous la plume de l’historienne Hélène Miard-Delacroix que « le déclenchement de la Première Guerre mondiale, c’est l’antagonisme culturel entre les deux pays (…) soit le “sentiment de supériorité” que ressentaient les savants et intellectuels allemands quand ils évoquaient leur propre Kultur, ressentie comme profonde et authentique, par opposition à la civilisation française, réputée superficielle et hypocrite. Ce lieu commun de la culture allemande de l’époque a été largement développé. Thomas Mann[1] tout particulièrement part en guerre contre ce qu’il appelle « le littérateur de la civilisation », expression qui peut s’appliquer aussi bien à son frère Heinrich Mann qui s’était désolidarisé de l’Allemagne qu’à Romain Rolland. Le “littérateur de la civilisation” est universaliste et pacifiste, avocat de la démocratie, et proclame son propre pacifisme internationaliste. Sur ce plan, la civilisation est essentiellement le progrès matériel, par définition commun à tous et donc international, tandis que l’Allemagne est le dépositaire des valeurs spirituelles de la Kultur, qui lui est particulière.
Si l’on remonte jusqu’à Hegel, esprit allemand par excellence dans lequel infuse tous les intellectuels après lui, la Kultur est l’universalité même de la germanité. L’Allemagne a pensé métaphysiquement ou scientifiquement ce que la France faisait politiquement – ce fut la thèse majeure de Heinrich Heine dont Lacoue Labarthe a beaucoup parlé. Il manque à la France, pour le dire avec Hegel, le concept. Ils sont des littérateurs, des poètes, mais n’arrivent pas à s’élever – même avec Rousseau, que les Allemands admirent tant – à langue sérieuse de la science. Et cela n’est pas sans rapport avec la figure du « Juif » dans cette tradition, et notamment chez Hegel dans « L’esprit du christianisme et son destin », dans lequel se trouve un texte intitulé L’esprit du judaïsme, dans lequel le Juif est comparé un animal sans esprit, enfermé dans une geôle.[2] Quelque chose se joue à la confluence, donc, de la Kultur et du Geist. La civilisation est sans Geist : il s’agit, dans ce contexte, en Allemagne, de réintroduire de l’Esprit. Heidegger va même utiliser ce terme dans son discours du Rectorat, lui qui n’est pas coutumier du fait… (cf. le livre de Derrida sur la question).
Il faut alors se souvenir que la montée du nationalisme que Freud perçoit dès les années 1929 est liée au ressentiment qui caractérise l’ambiance viennoise, contribuant ainsi à ce qui va pousser Freud à produire un certain nombre de textes qui interrogent le rapport de la psychanalyse au politique, textes qu’il convient de lire en gardant à l’esprit cette recommandation capitale sur laquelle Freud insistera jusqu’à la fin de sa vie : la psychanalyse ne relève pas d’une Weltanschauung. Et surtout que le projet d’Hitler, qui flotte dans l’air du temps à Vienne, est de faire de l’esprit (Geist) allemand (Kultur) le germe d’une nouvelle civilisation, dont certaines cultures seraient exclues parce qu’incompatibles, d’où la nécessité d’une solution finale.
(Nous pourrions également évoquer ici la question de l’espace, du peuple sans espace).
LE CONTEXTE HISTORIQUE
L’histoire
1929 le krach, au moment ou Freud remet son manuscrit
Septembre 1930 ascension du parti national socialiste. Le 7 décembre 1930, Freud écrit dans une lettre à Arnold Zweig: « Nous allons vers de sombres temps. Je ne devrais pas m’en soucier, avec l’apathie de la vieillesse, mais je ne peux m’empêcher d’avoir pitié de mes sept petits-enfants.
Juillet 1932 NSDAP obtient la majorité au parlement
1933 Hitler au pouvoir , Discours du rectorat Heidegger,
Réponse d’Emmanuel Levinas à la question de la « philosophie hitlérienne ».
Textes de Freud :
1908 La morale sexuelle civilisée
1915 Actuelles sur la guerre et la mort
1921 Massenpsychologie und Ich-Analyse, En Français : psychologie collective et analyse du moi. Élision du mot Massen,
1927 Remarques finales sur la question de l’analyse profane, (contre la médecine)
1927 L’avenir d’une illusion,
1927 Dostoïevski et la mise à mort du père,
1930 Le malaise dans la culture, que Freud écrit pendant ses vacances d’été à Berchtesgaden, non loin de la maison que vient d’acquérir Hitler qui a terminé « Mein Kampf » et dans laquelle se fomente la création du parti nazi !
Juillet 1932 septembre 1932 « Pourquoi guerre ? » correspondance Freud Einstein, pessimisme de rigueur : Freud écrit qu’il y aura toujours des exploitants et des exploités !
1936 35ième conférence : « Sur une Weltanschauung dernière conférence, écrite en premier, Freud « dénie à la psychanalyse la prétention d’apporter une nouvelle vision du monde », dans la mesure où « sa seule visée est scientifique » : c’est en cela qu’elle se distingue des religions et de la philosophie, ainsi que des idéologies politiques, le bolchévisme par exemple
En juin 1926, Max Eitingon demande à Freud d’écrire une préface à l’édition allemande de l’œuvre de Dostoïevski intitulée Die Urgestalt der Brüder Karamazoff. Le travail va lui demander près de deux ans, avec une interruption assez longue. Trois autres textes sont en cours d’élaboration à la même époque : L’avenir d’une illusion, Malaise dans la civilisation et L’analyse profane. Freud décide de l’intituler Dostoïevski und die Vatertötung, indiquant ainsi l’entrecroisement des thèmes qui le préoccupent : le meurtre du Père, comme origine de la représentation et son articulation à la morale, le fait religieux et ses illusions face à « l’éducation analytique », et la capacité de l’homme à faire face en ces temps obscurs à « la surpuissance de la nature, la caducité de notre propre corps et la déficience des dispositifs qui règlent les relations des hommes entre eux dans la famille, l’État et la société »
C’est ainsi que celui qui se dit juif athée écrit pour sauver la psychanalyse des médecins et des prêtres, comptant, comme héritier des lumières, sur le rôle de la science dont il méconnaît , en bon Aristotélicien, le rapport qu’elle entretient avec le savoir. Il écrira à Reik le 14 avril 1929 qu’il reste attaché « à une appréciation sociale de l’éthique qui soit objective sur le plan scientifique » plus qu’à « l’opinion psychologique » que défend Reik.
En clair Freud déclare son but, à savoir que la psychanalyse pourrait fonder une éthique scientifique.
Contre « l’âme » (Seele), « l’esprit (Geist) », « heilig » le saint, il choisit une théorie matérialiste en proposant de nommer cet espace le « psychisme ».
Remarquons que lorsque Freud parlera du mot d’esprit, il utilisera le mot Witz, qui désigne une forme particulière et typique du jeu de mots, interprétable au regard des lois du langage et de la parole, et désignant la suspension du sens la ou où la tradition de lecture du mot Geist suppose une consistance réelle invisible. De cette possibilité de faire résonner le trou, Lacan fera l’exemple même de l’interprétation psychanalytique.
QU’EST-CE QU’UNE ILLUSION ?
Il faut bien commencer, par la question du bien et du mal, mais il faut bien commencer, c’est-à-dire choisir ce que l’on ne dira pas !
Voilà certes, déjà, une phrase ambigüe, qui illustre à quel point l’être humain est pris, comme le dit Freud, dans un combat permanent entre les deux forces pulsionnelles qui sont à l’origine de ce qu’il appellera le désir, en l’occurrence celui de Freud de faire vivre son œuvre. Comme l’a dit Beckett, « combien les mots disent mal ! ».
Et le prophète Moïse — une des identifications de Freud — devant l’échec de sa tentative de fonder un nouveau lien social, clôt un opéra magnifique, Moïse et Aaron, écrit en 1928 et mis en scène par Arnold Schoenberg, par cette phrase désespérée : « Ô toi, mot qui me manque ! ». Cette remarque souligne que l’idée d’une incomplétude du symbolique n’a pas attendu Lacan : Schoenberg quitte Vienne bien avant Freud, n’ayant plus aucun doute sur la suite de l’histoire. Disons d’emblée que la surdité de Freud à la Jouissance Autre redouble son indécision étonnante par rapport à ce qui se passe dans la rue viennoise. Bien sûr qu’il n’est pas sans savoir, et même capable d’analyser la situation de façon particulièrement pointue, mais la question reste posée : s’agit-il d’un symptôme ? Pour le refus de la jouissance musicale, oui sans doute ! En ce qui concerne sa difficulté à fuir l’Autriche annexée par l’Allemagne, la question reste entière et certainement plus complexe
Alors commençons, à partir de la phrase célèbre de Marx « la religion est l’opium du peuple. », par une question, celle de Freud lui-même : pourquoi la cocaïne — dont il a en partie découvert les effets anesthésiants et dangereux — supprime-t-elle chez l’être humain certains symptômes encombrants beaucoup plus rapidement qu’une cure psychanalytique, « lui permettant « de travailler et d’aimer » ? Après tout, il y a, dans l’effet sur notre corps de quelques molécules quelque chose de mystérieux souvent interprété comme une action magique. Freud lui-même ne va-t-il pas, malgré ou contre son matérialisme déclaré, comparer l’effet de la psychanalyse à celui d’une magie lente. Car de la force de l’invisible, le Geist n’est jamais loin.
Freud émet l’hypothèse qu’il y’a dans l’appareil neurologique, un endroit — un site dirions-nous aujourd’hui— où le produit trouve une place pour se fixer et pour agir. D’ailleurs, nous ne sommes pas sans secréter naturellement une forme particulière de cet opiacé, endorphine — encore la question du dedans et du dehors — et à en rechercher les effets bénéfiques.
Freud écrit: « l’action des consolations religieuses peut être assimilée à celle des narcotiques » et ce, même si « celles-ci ne reposent que sur une illusion ». Ce qu’il faudrait peut-être entendre comme une généralisation de la notion de Pharmakon, ce que l’actualité de nos sociétés semble confirmer sous la forme de ce que Lacan appelle lathouse. (Modifications du Pharmakon, du changement de sa substance… vaste question qu’il faudra reprendre)
Et donc, par analogie, dans l’appareil psychique, il y a une place pour que fonctionne l’illusion, ce qui amène Freud à supposer l’existence d’un besoin de consolation dont la religion serait une des solutions, et plus encore à l’origine même du phénomène religieux.
C’est ainsi qu’il constate « qu’il y a chez l’homme un besoin de religion ». Le terme besoin est très fort, renvoyant à la détresse première : chaque revendication pulsionnelle exige une action spécifique, qui apaiserait la pulsion. Et la satisfaction du besoin passe par la demande qui est toujours demande d’amour, et qui, dans un contexte favorable, conduit au désir.
Le besoin d’apaisement par « un Autre qui nous voudrait du bien » ouvre une question vertigineuse : une fois dépassée la question individuelle d’une régression à la relation mère/enfant articulée à l’Hiflosichkeit sur le volet du singulier, qu’en est-il d’une extension de ce mécanisme à l’échelle universelle ? Du passage de la religion privée qu’est la névrose obsessionnelle à une névrose universelle ? Ce sera l’enjeu du Malaise ! Il faut ici souligner que névrose désigne un mécanisme de défense contre le danger de jaillissement d’un Réel non symbolisé, mais également un circuit de jouissance incitant à la répétition.
Que l’illusion relève de l’imaginaire, c’est-à-dire du sens, ne doit pas faire oublier ceci : Il y a un efficace de l’illusion, ce que Lacan appelle le Réel de l’effet de sens.
Et c’est là que Lacan renouvelle la lecture de Freud : Pour éclairer la fonction de l’illusion, il fait appel au montage de Bouasse pour montrer qu’il y a dans la construction du semblant une fonction de l’illusion, (commentaire à partir de l’image réelle). A partir de ce qu’il appelle l’image réelle ! l’image dite réelle transformée en image virtuelle dans le miroir homogénéifie le monde ( sauf pour le phobique par exemple qui ne croit pas à ces constructions géométrique) et promet la circulation entre l’objet réel inatteignable, et le semblant. Les fleurs transforment cette forme vide en vase, ( cf. la fonction du potier ou la blague du gruyère…) et lui donne et un nom S(Ⱥ ) (phallus symbolique) et un sens (une valeur d’usage, phallus imaginaire).
C’est ce qui amène Freud à craindre le triomphe de la religion, ce que Lacan soutient en la qualifiant d’increvable (la 3°). La démarche qui consiste à dénoncer l’illusion religieuse en s’appuyant sur l’éducation analytique et la science revient à demander au parlêtre de faire l’effort d’un renoncement quand la religion promet un confort presque sans effort (cf. le pari de Pascal…) mais non sans dette et sacrifice. De la névrose d’un sujet à une névrose universelle…. (A Commenter !)
Hypothèse : Cette efficacité tient au fait que la religion n’est rien d’autre que la projection de l’appareil psychique.
GENESE DE LA RELIGION, RELIGION DE LA GENESE
L’étymologie de Dieu vient de DI la lumière, ce que Dieu a créé quasiment dès le début son œuvre, et que la science naissante, nous propose pour éclairer le monde. A-t-elle pour autant éteint l’illusion religieuse ? Car, pour aller jusqu’au bout de la chose, il faudrait ne pas oublier la trajectoire que nous indique Jacques Lacan, : ce qu’on attend comme effet d’une analyse, serait le passage d’un Fiat Lux à un Fiat Trou, ce qui ne va pas parfois sans traumatisme. Et pourtant, ce trou est très fréquenté !
Marx en donne une définition sévère des le début du Capital : la religion est la forme matricielle de toute idéologie et du mouvement même de fétichisation de l’objet.
Il y a dans l’Exode un modèle de l’image réelle : Le buisson ardent ! Il s’agit d’un moment important, d’une rupture radicale avec le monothéisme d’ATON : c’est Dieu qui interpelle Moïse et qui propose/demande un lien réciproque à l’homme ! La divinité emprunte une image du semblant, le buisson, et la dénature, traduisant l’hétérogénéité de sa consistance : le buisson brûle sans se consumer et surtout, il parle ! Le seul corps du Dieu des patriarche est sa voix !
(Notes non rédigées, suivant le moment)
Retour sur l’objet perdu
Pourquoi l’illusion remplace-t-elle le premier Objet mythique ? Il faut rapidement rappeler que la première satisfaction, d’après Freud, est une satisfaction hallucinatoire, un objet fabriqué par la satisfaction même de la pulsion. Cet objet n’est pas n’est jamais perdu, mais un objet qui n’a jamais existé. Le tour de force de Lacan consiste à imaginer, un objet de moins en plus.
C’est ce qu’il a appelé l’objet a, Das Ding pour Freud, le corps maternel ! C’est pourquoi l’humain est condamné à courir sans fin après un objet métonymique qui n’atteindra jamais la valeur idéale de ce supposé objet premier.
La promesse de la religion, le paradis, l’abolition du manque, la fin de la répression sexuelle par la suppression du péché et la purification de désir, revient à mettre fin à cette quête pour retrouver la quiétude éternelle.
Construction religieuse et question topologique ( questions qui demandent un développement)
Le complexe paternel, avec l’enchainement de la construction, depuis Tet T : l’ambivalence, le désir de mort, d’identification, le désir, le sentiment de culpabilité, l’idéalisation, tout un ensemble de notions engendrées/convergent vers le Père.
Topologie : dieu des Pères ou dieu le Père ?
La place de Dieu, d’Akhenaton, du Dieu d’Israël, à Jésus : de la sphère à la bande de möbius en passant par le tore… du point hors ligne au du point de perspective ?
Question : forme actuelle du religieux, l’évangélisme charismatique comme pseudo synthèse qui gomme l’histoire. Quand Dieu se rapproche, l’Interdit s’affaiblit ; Il n’y a pas de loi singulière, sinon les lois de la parole et du langage. Pb actuel de la réussite individuelle.
Qu’est-ce que l’espace sacré ? sinon l’espace où se qui se répète fait signe à celui qui sait le lire. Peut-on alors faire l’économie de lui prêter un sujet ? C’est la naissance de ce que Lacan appellera l’Autre.
La question du Genuss !
C’est un mot peut employer par Freud, de façon assez lapidaire. Il est présent dans quelques textes et paradoxalement complètement absent du texte que nous étudions, c’est-à-dire le malaise dans la civilisation. Freud l’emploi pour désigner la jouissance au sens juridique du terme, et notamment dans l’avenir d’une illusion. Le reste du temps, il emploie le mot plaisir, en allemand Lust.
A reprendre le partage proposé par Lacan à partir du nouage borroméen, à savoir trois formes de jouissance[3], la jouissance dont parle Freud est donc hors langage et non hors corps.
Le symptôme de Freud, sa difficulté, concerne le statut du Hors-Langage, c’est-à-dire ce qui résiste à l’interprétation et au rationnel, une question qu’il a largement abordée en étudiant la littérature fantastique, la question du double par exemple.
( Il faudra ici reprendre la question des montages de Freud et des dernières propositions de Lacan) : Jouissance et pulsion sexuelle partielle/grande pulsion unifiée. Jouissance Autre J(A). Voix qui, dira Lacan, est hors logique et pourtant elle donne la consistance de toute interprétation.)
Les questions qui ouvrent le Malaise sont anciennes. Et le sentiment dit océanique relève avant tout de la phobie de Freud[4] :
Dans un texte qui, dans son œuvre, tient une place particulière, Freud va se situer par rapport à ce qu’il appelle la jouissance musicale. Paru en 1914, non signé, dans la revue Imago, le « Moïse de Michel-Ange» s’ouvre par un préambule où Freud donne quelques clefs du mode d’abord de l’œuvre d’art, dont il dira qu’elles ne sont qu’illusions !
“J’ai été amené … à en contempler longuement pour les (les œuvres d’an) comprendre à ma manière, c’est-à-dire saisir par où elles produisent de l’effet. Lorsque je ne puis faire ainsi, par exemple pour la musique, je suis presque incapable d’en jouir. Une disposition rationaliste ou peut-être analytique lutte en moi contre l’émotion quand je ne puis savoir pourquoi je suis ému, ni ce qui m’étreint.” Il ajoute immédiatement après:
“Mais, paradoxe: ce sont les plus grandioses qui restent obscurs à notre entendement… Les connaisseurs et les enthousiastes ne manquent pas de mots: ils n’en ont que trop à mon avis.” Il ne peut être question ici d’intelligence compréhensive uniquement: “Il faut que soit reproduit en nous ce qui a provoqué chez l’artiste l’élan créateur… Mais pourquoi l’intention de l’artiste ne saurait être précisée et traduite en mots, comme toute autre manifestation psychique ? Pour deviner cette intention, il faut que je découvre le sens de ce qui est représenté dans l’œuvre et que par conséquent je l’interprète.”
La question du corps chrétien / Levinas contre Heidegger !
Écrit en 1933 en réaction au discours de Heidegger dit « du rectorat »
Emmanuel Levinas réfère la question de l’hitlérisme, donc du totalitarisme, qu’il est en train de pressentir, à ce qui dans nos civilisations ne cesse de rater dans la pensée même du corps, soit la mise en avant de ce qui se promeut depuis un certain temps, quelques millénaires, dans cette opposition corps et âme. Aucun orateur n’a pu à un moment ou à un autre éviter de venir buter sur ces questions des croyances, de l’organisation, de l’institutionnalisation de ces croyances, ces croyances répondant toutes de cette question qui les divise profondément mais qui pourtant les rassemble : Comment ça s’accroche, la parole au corps ? Comment se joue la question de l’identification ? Comment ça se construit, sur quelles dettes, sur quelle histoire, sur quelles perspectives ? Comment quelqu’un sait-il qu’il est lui et rien d’autre ?
Je vous cite un court passage du texte de Levinas :
« Une conception véritablement opposée à la notion européenne de l’homme ne serait possible que si la situation à laquelle il est rivé ne s’ajoutait pas à lui mais faisait le fond même de son être. Exigence paradoxale que l’expérience de notre corps semble réaliser ».
Jaillit alors une question : « Qu’est-ce, selon l’interprétation traditionnelle, que d’avoir un corps ? ».
La réponse de Levinas vient aussitôt — nous sommes en 1934 — « c’est le supporter comme un objet du monde extérieur ».
Levinas remarque la chose suivante : devant cette impossibilité à conceptualiser quelque chose du corps qui serait dans une juste distance, et devant les vides induits par les religions monothéistes et creusés par les nouvelles modalités d’échanges que développe la société industrielle, la philosophie hitlérienne va promouvoir l’existence d’une identification fondée sur la biologie et la génétique. C’est ce que Levinas appelle « l’engluement, ou l’être-rivé dans son corps ». A cette impasse dans l’organisation des croyances, du Glauben freudien, quelque chose surgit du côté de la certitude soufflée, la prise en masse de la foule autour d’une identification de suppléance, ce que l’on a appelé la moustache du Führer, par exemple. Il s’agit alors de réfléchir sur la notion d’intégrisme à partir d’une des remarques de Levinas : « C’est le sentiment de l’éternelle étrangeté du corps par rapport à nous qui a nourri le christianisme aussi bien que le libéralisme moderne(…) Les matérialistes (en réaction) le plaçaient dans la nature, ils ne lui accordaient pas de rang exceptionnel dans l’univers. L’interprétation classique relègue (le corps) à un niveau inférieur et considère comme une étape à franchi un sentiment d’identité entre notre corps et nous-mêmes ». Bref, le corps, c’est l’étranger même.
Je n’ai pas parlé de la pulsion de mort, ni de la négation[5] qui reste une question très importante concernant la rupture avec une certaine conception de l’opposition entre vérité et mensonge dont Freud fera l’esquisse de la division du sujet.
L’ouverture d’un débat ne peut se conclure que par une question qui n’a selon Freud jamais reçu de réponse satisfaisante : quel est le but de la vie ? Lacan avancera de façon énigmatique : la mort est du domaine de la foi ! La vie ne serait alors qu’une affaire de croyance assumée[6] ? Le malaise serait donc la civilisation elle-même ? Nous avons deux jours pour en débattre, et une vie pour en faire l’expérience !
[1] Une intervention de Thierry Florentin précise que c’est sur cette opinion que reviendra Thomas Mann, emporté par son diffèrent fraternel, pour dénoncer les positions hitlériennes dans les années 1939 (à préciser)
[2] Georg Wilhelm Friedrich Hegel, né le 27 août 1770 à Stuttgart et mort le 14 novembre 1831 à Berlin, est un philosophe allemand.
[3] Jouissance hors corps, hors langage et J’ouir sens. Voir RSI
[4] Je reprends ici un texte ancien interprétation musicale interprétation psychanalytique publié dans Apertura.
[5] Voir texte séparé
[6] Cf Télévision : croire mais savoir qu’on croit !