Mardi 28 mars 2023
Marc Morali : Un objet a nul autre pareil
Thierry Roth. Nous avons le plaisir d’accueillir — uniquement par Zoom en raison des grèves — notre ami Marc Morali, qui comme vous le savez habite Strasbourg qui va donc poursuivre cette interrogation sur cette assertion lacanienne que « Seul l’amour permet à la jouissance de condescendre au désir ».
Pour les rares personnes qui y étaient, il en a été un peu question à Rome à propos de Joyce et Nora, mais ça n’a pas eu l’air d’intéresser beaucoup de monde, et pourtant il était question d’amour et de rapport sexuel en l’occurrence, et du couple Joyce et Nora. Mais donc on revient sur le thème du Grand Séminaire, Marc Morali nous fera l’amitié de nous proposer quelque chose, et Thierry Florentin sera le discutant de la soirée. Voilà Marc je te laisse la parole.
Marc Morali.
Merci de cette invitation et, je suis désolé, j’aurais aimé être à Paris et parler en présentiel comme on dit maintenant, et comme dirait Lacan avec une présence réelle, bon, il peut y avoir une présence réelle par Zoom, c’est attesté.
Tu disais qu’on allait poursuivre, oui en effet cette phrase, ce n’est pas moi qui la poursuis, elle me poursuit depuis assez longtemps ! Parce que cette phrase que tout le monde connaît maintenant : « Seul l’amour permet à la jouissance de condescendre au désir », et qu’il faut situer, le 13 mars 1963 dans le séminaire l’Angoisse, cette phrase ressemble en ce qui me concerne à un tressage, un tressage entre des espaces qui sont nommés, jouissance, amour, désir, articulés par des opérations, drôles d’opérations d’ailleurs, qui mériteraient qu’on s’arrête à chacun des termes de ce tressage, je pourrais dire nouage mais ça me parait un peu limité par rapport à ce que cette phrase peut évoquer pour moi, au point de me perdre… Alors je vous demande de bien vouloir m’en excuser, mais je ne considère pas du tout pouvoir donner un travail fini, mais seulement une esquisse, et non une conférence, de ce que ce tressage évoque pour moi et la façon dont j’ai choisi mes outils de lecture. J’ai donc décider de parler sans lire, au plus près de mes préoccupations.
Après Martine Lerude, Pierre Marchal et Annie Delannoy, chacun ayant mis en parole ce qui leur était inspiré par cette phrase un peu complexe, je me suis dit que la façon d’aborder cette tresse pouvait laisser entrevoir pour chacun d’entre nous un symptôme, un point de butée dans ce nouage entre l’amour de transfert et notre propre analyse, qui viendrait faire enseignement, émerger et faire lien social, au sens du discours de l’analyste comme Lacan l’a développé.
Cette leçon du 13 mars 63 est fort éloignée du séminaire Encore que nous étudions en ce moment, séminaire lui-même très antérieur aux derniers séminaires de Lacan dans lesquels la question de l’amour revient de façon constante : est-ce que l’amour pour Lacan n’est pas une espèce de plaque tournante qui permettrait d’orienter un certain nombre de notions, de les nouer ou de les dénouer, esquissant en quelque sorte le devenir d’une cure analytique.
Ce qui est étrange c’est que l’amour n’est pas un concept analytique. D’ailleurs je ne sais pas si c’est un concept, je ne sais pas quelle place lui accorder, si c’est un affect, un sentiment, c’est quelque chose d’important et qui en même temps reste pratiquement inconsistant.
Je parlais de faire symptôme, butée, de renvoyer à la cure, les cures que nous dirigeons aujourd’hui, et cela pose la question du devenir de cet amour au travers de la cure analytique et des limites à l’espace ouvert et à l’espace fermé. Cette dimension de l’espace auquel nous sommes confrontés quand on parle d’amour, c’est une des premières intuitions freudiennes développée dans l’article de 1888, Contribution à la conception des aphasies, dans lequel il proposait une partition entre un ensemble ouvert et infini des représentations de choses, et un ensemble fermé et indénombrable des représentations de mot. Dès ce texte sur les aphasies, qui date d’avant les années 1900, Freud met le doigt sur cette question qui est soulevée sitôt qu’on parle de l’objet, de l’amour, de la jouissance, et du désir. Nous sommes devant quelque chose qui met en place une opposition permanente entre l’infini, ouvert, inatteignable, l’objet, et ce qui peut être nommé par des signifiants, donc lu. La simple façon de proposer cette partition vient montrer que cette intuition freudienne, au-delà de la façon dont il les a nommées — Lacan dira qu’il n’y a pas de représentation inconsciente, c’est une idée folle — n’en demeure pas moins une référence à une partition entre deux espaces, l’un ouvrant à l’infini et l’autre s’avérant une finitude, qui se révèlera être une incomplétude. Voilà une idée qui est à l’origine de la psychanalyse, et qui, s’appuyant tout en se séparant d’une clinique neurologique, indique dès le départ la dit-mension propre à l’appareil psychique — c’est une formule freudienne, Psychischer Apparat
Quelle place accorde-t-on à l’amour dans le champ de la psychanalyse? Qu’est-ce que c’est que l’amour ? Qu’est-ce que c’est que l’objet de l’amour ? Est-ce qu’il y aurait un sujet à cet amour ? Et quel rapport l’amour peut-il entretenir avec un Réel de la jouissance ?
Lacan donne bien sûr des indications mais on s’y perd facilement. Il n’y a pas d’amour s’il n’y a pas de castration, par exemple — encore un Il n’y a pas ! Est-ce qu’on peut déplacer cette question au-delà d’une combinatoire des manques, qui se développent par exemple dans l’analyse du discours de Platon sur l’amour? Est-ce qu’il y a quelque chose au-delà, ou à côté ? C’est tout l’enjeu de cette question, aujourd’hui et non pas simplement en 70 ou 72 : qu’est-ce que c’est que l’amour dans le séminaire de Lacan aujourd’hui ? Qu’est-ce qui fait que nous pouvons aborder cette question par rapport à un Réel et par rapport au désir qui est cette visée métonymique d’un objet inatteignable ? Comment avons-nous accès à quelque chose qu’on appellerait l’amour ? Qu’est-ce qui fait histoire ? Un récit ? Une fiction ? Quelque chose touche à l’être, qui dépasse à mon sens de très loin toute combinatoire du manque… vous en connaissez quelques formules canoniques« Donner son manque à quelqu’un qui n’en veut pas » ; « Obtenir quelque chose en ne l’obtenant pas » : on est là dans quelque chose qui vise toujours un point d’inachèvement, un point d’incomplétude. qui tranche avec ce qui fait espoir pour Lacan, métamour, nouvel amour, au-delà de l’amour narcissique, on dirait presque au-delà du symbolique, que Lacan va traduire dans la dernière partie de son travail comme question de la rencontre, la topologie et le temps… (j’ai un jour proposé la topologie hèle le temps).
Alors cette rencontre, est-elle rencontre d’inconscient à inconscient ? Et ce que nous nommons aujourd’hui, après Lacan, inconscient, est-ce que c’est quelque chose qui se limiterait au matériel refoulé ? C’est une vraie question. A quelle pensée devons-nous avoir affaire pour sortir de cette affaire de l’amour telle que Freud l’avait affectivement rencontrée comme fondateur de la théorie analytique, — il ne faudrait pas oublier cela. L’expérience analytique a commencé en remarquant que parler suscite quelque chose d’un discours qui va venir se révéler au patient comme étant un discours qui le parle plutôt qu’il n’est parlé par lui, (sic) ; ça a comme effet de déclencher ce que Freud a appelé la Verliebheit, la passion amoureuse. C’est très curieux parce que c’est bien parce que Freud n’y a pas cru, aussi simplement que ça, et si Freud avait cru à l’amour ainsi défini, il n’aurait jamais franchi le pas qui le conduisait à inventer la psychanalyse. Freud n’a pas cru que c’est parce qu’il était aimable qu’il était digne d’être aimé. Je ne peux pas croire, disait-il, que je déclenche un tel amour chez toutes ces femmes, et il faut bien que j’admette que ce premier niveau d’appréhension de l’amour n’est pas ce qui est en jeu dans le rapport que nous avons avec un patient au cours d’une cure analytique. Freud notait déjà que l’amour est peut-être réciproque mais pas vraiment, on pourrait croire que l’amour est réciproque. Mais c’est en abolissant cette croyance que Freud devient l’inventeur de la psychanalyse. Et ce déplacement de la question de l’amour poursuit sa course tout le long du séminaire de Lacan. Pour faire vite, le passage de cet amour imaginaire à un amour symbolique, puis ensuite à la fin de son travail, dans l’Insu que sait de l’une-bévue la possibilité d’un amour trans-narcissique, une rencontre, que pour ma part — je vous soumets cette affaire-là — je place d’emblée du côté du Réel de l’effet de sens, ce n’est pas le sens qui prime mais l’effet de sens, quelque chose qui a un effet Réel.
Alors bien sûr, à partir de ce que je vous ai dit, me voilà obligé de vous annoncer les outils de travail que j’ai utilisés pour m’affronter à cette phrase, je l’ai lue à travers deux des outils, parmi mes préoccupations actuelles, et que j’essaie de vous faire partager.
En bon mathématicien il est courant de remplacer une formule par une autre, par sa vérité, par sa décomposition, par son équivalence supposée. Vous avez le chiffre 2, vous pouvez le remplacer par 1+1… c’est bien sûr un exemple au hasard ! est-ce que 1+1 ça fait UN ?
Je vous propose donc de commencer par remplacer le mot amour par une autre formule qui revient de façon constante dans le séminaire de Lacan : « L’amour est un sentiment comique ». Ce n’est pas simplement une coquetterie marginale de Lacan : elle occupe toute une séance des Formations de l’inconscient — pour ceux qui voudraient la relire c’est la séance du 18 décembre 1957. C’est la première occurrence de cette phrase, mais si on recherche un peu -— surtout avec notre nouvel outil de recherche, la clef USB que vous avez bien sûr tous — il en parle assez souvent, dans Le transfert, dans les petits écrits, dans la séance du 21 février dans l’Identification, et dans la clôture du Congrès de l’EFP en 70. On pourrait croire qu’il allait s’arrêter là, pas du tout, il en parle dans Le moment de conclure, après l’Insu que sait de l’une-bévue, dans la leçon du 15 novembre 1977, et dans cette occurrence, il produit un renversement assez radical, et en décrivant le résultat d’un prisme qui décomposerait l’amour — l’amour de transfert, l’amour tragique et l’amour courtois — , il dit ceci : « La vie n’est pas tragique, elle est comique, et c’est d’ailleurs assez curieux que Freud n’ait rien trouvé de mieux pour désigner le complexe d’Œdipe qu’ une tragédie, comme ce dont il s’agissait dans l’affaire. On ne voit pas pourquoi, alors qu’il pouvait prendre un chemin plus court, une comédie, et c’est ça à quoi il avait affaire dans le rapport entre le réel, le symbolique et l’imaginaire. ».
C’est une phrase extrêmement importante, dont Lacan nous donne immédiatement une des clés : l’opposition faite dans son propos entre comique et tragique nous renvoie à l’origine même de la psychanalyse, soit l’emprunt fait par Freud à Aristote dans La Poétique, texte dans lequel Aristote imagine un dispositif pour venir purger les passions du politique : la crainte et la pitié.
Aristote note que pour que ça fonctionne il faut proposer une séquence de trois tragédies pour une comédie, et que je formule l’hypothèse que c’est à partir de cela Freud commence son travail sur le comique et le Witz, qui se terminera par la publication « Le mot d’esprit dans ses rapports avec l’inconscient ». Ce Witz qui est devenu pour Lacan le modèle même de l’interprétation analytique, et qui se joue dans l’amour de transfert. Freud examine la nature du comique dans le monde œdipien, à travers une normalisation possible du rapport de l’être humain au monde, ce qu’il appellerait la position la plus confortable pour vivre, pour être au monde, la névrose étant la fixation d’un certain nombre de circuits et non pas ce que les médecins ont appelé jusque-là une maladie : c’est un être au monde.
C’est très important d’entendre ce qui se joue pour Freud dans l’opposition entre comique et Witz. Dans le Witz, comme le souligne avec force Lacan dans son séminaire Les Formations de l’Inconscient, Il s’agit d’une structure à trois : il y a celui qui parle, celui qui écoute, la cible, qui va répondre par le rire au trait d’esprit, et il y a la présence, une présence symbolique, que le mot d’esprit fait exister, la dritte Person ! Raconter un Witz, c’est ajouter un personnage à la scène. Ce mot d’esprit dont Freud dit qu’il est « lumière et sidération », ce qui vient soudainement éclairer la scène telle qu’elle se raconte et qui produit un Lust-gewinn, un gain de plaisir que Lacan traduira aussi par une économie de la jouissance, qui viendrait soulager d’une jouissance insupportable, comme déconstruisant le rapport du sujet au narcissisme. Retenez surtout dans le cadre de ce que je développe la question de la dritte Personn : il y a quelque chose qui se révèle détourné, le sentiment de dénarcissisation dans lequel celui qui fait le mot d’esprit pouvait se retrouver. Je pense à l’examen que fait Freud du néologisme famillionnaire dans un des cas qui composent « le mot d’esprit… » : l’inventeur du mot d’esprit dit : « Rothschild m’a traité de façon famillionnaire », ce qui veut dire que dans le fond Rothschild semblait avoir été très élégant avec lui mais qu’il voyait bien que qu’il ne faisait pas partie de ses familiers. Il aura été très fâché de constater cela, mais a pu s’en sortir par un gain de plaisir à travers ce jeu de mot et la production d’un signifiant nouveau, « famillionnaire ».
Le comique c’est différent : le comique, c’est deux, celui qui parle et celui qui écoute, et il y a pas de tiers au milieu. Il y a là quelque chose dans la structure du comique qui est la simple destitution de ce qui soutient l’Autre.
Il va être question de Dieu, Le Père bien entendu, dans ces propos que j’essaie de nouer les uns aux autres, il m’est venu cette illustration de ce que j’entends dans le comique comme quelque chose qui viendrait destituer un Dieu non trompeur, destituer une croyance, la croyance sur laquelle l’Autre se repose, la garantie dans l’Autre. Le comique est donc paradoxalement assez cruel, et ce Réel qu’on appelle la cruauté n’épargne pas celui dont on se moque et qui supporte le trait.
Vous voyez que si on remplace l’amour par le sentiment comique, on entend de façon extrêmement différente « Seul un sentiment comique permet à la jouissance de condescendre au désir ». Au-delà de l’amour croyance, sans garantie, un Réel sur lequel rien ne pourrait faire butée ! Espérer trouver un point de butée, une organisation psychique qui n’est pas du registre du comique, c’est espérer qu’elle soit du registre du tragique, de la tragédie, c’est-à-dire de l’ organisation du monde par une fonction réelle, et que ce Réel va engendrer un trois, ce que Freud met en place avec l’Œdipe, le père, la mère, l’enfant, et il ajoutera un quatrième terme le phallus, la valeur, la présence, la valorisation de l’amour par exemple.
Il y a donc dans cette phrase « Seul l’amour permet à la jouissance de condescendre au désir » le repérage d’une structure dans laquelle, si l’amour exige une croyance, quel est le statut de ce savoir qui consisterait à penser que l’amour aurait ce pouvoir-là ? C’est une question assez grave parce qu’il n’est pas sûr du tout qu’à la fin de son enseignement, en rebaptisant l’inconscient une-bévue, Lacan ne franchisse pas un pas important concernant le rapport au politique. Parce que justement le fond de cette différence entre le comique et le tragique est une question qui touche au politique. Pour vous montrer à quel point la chose est difficile à cerner et en même temps indubitable, ce que je propose-là, lorsque Lacan parle d’Antigone, qui a la conduite que vous savez et qui sait très bien que ça la conduira au tombeau, Lacan a une phrase absolument extraordinaire, il dit qu’elle a fait ce qu’elle a fait « sans crainte ni pitié ». Elle n’est pas dans le tragique, Antigone, et l’artiste en fabrique une tragédie pour éventuellement faire en sorte qu’il puisse y avoir une identification du spectateur à cette action, presque pour la réintégrer dans le champ de l’humain. Mais si on en croit Lacan dans cette remarque, c’est bien en dehors de tout sentiment tragique, en tant qu’il introduit chez l’humain la dimension du trois, qu’Antigone va se mettre à vivre — rester vivante jusqu’au tombeau — à sortir de cette dimension-là.
Ce qui n’empêche pas Lacan, il n’en est pas à un paradoxe près concernant Antigone, de dire que finalement c’est peut-être cette sortie-là du trois qui va fabriquer son humanité. « L’amour est un sentiment comique ». Seul un sentiment qui touche au comique, qui réintroduit quelque chose d’un Réel, qui montre que le trois n’est qu’une croyance, et que c’est cette croyance au trois qui va permettre à la jouissance de trouver un point de butée, elle va condescendre — c’est intéressant ce signifiant descendre, monter, descendre, les dieux en haut les homme en bas, la chute, le mot tomber est un mot invraisemblable, il y a peu de mots aussi imaginarisés que le mot tomber – condescendre, c’est pas très sympathique, je n’ai vraiment pas le choix, je perds quelque chose, mais consentir à cette perte c’est peut-être ça qu’on appellerait accepter la castration, dire oui, dire oui au oui. Il y a dans le séminaire Encore un texte d’Alain Didier-Weil sur le oui, sur le consentement. ( Note ajoutée à la relecture, oubliée pendant la conférence : personne n’est là pour rappeler à la jouissance que l’amour est enfant de bohème qui n’a jamais connu de loi ! Imaginons dans la phrase que nous étudions qu’une certaine Carmen soit de la partie !)
Cette phrase ouvre une perspective, et nous permet de penser qu’il y a chez Lacan l’idée d’un chemin plus court. On pense immédiatement à quelque chose de l’ordre de la sublimation, du sublime, l’amour comme sublime. Mais patatras ! Lacan dit : pas du tout ! En ce qui concerne l’achèvement d’une psychanalyse, le sublime est aussi raté que la perversion. C’est un ratage. Au-delà du bien et du mal, c’est un ratage. Donc le chemin qui passe par le sublime est un chemin qui équivaudrait presque, par rapport à une cure achevée, au chemin qui passerait par la père-version, le chemin qui passerait par le père.
Et donc cette première proposition me parait enrichir, nuancer, voire déborder la façon dont jusqu’à présent cette phrase pouvait être lue.
Deuxième outil dont je voudrais vous parler et que vous connaissez tous, c’est l’Insu que sait de l’une-bévue, s’aile la mourre, vous entendez bien entendu tous ces rebondissements de sens, à tel point que j’avais pensé vous dire que c’était une phrase moebienne, l’insu-que-sait de l’Unbewust, s’aile la mourre, le jeu de la mourre, le jeu de l’amour et du hasard, Marivaux avait déjà pensé à ça, mais il ne va pas jusqu’à parler de l’une-bévue, l’une ne pourra être que bévue car elle n’est pas toute. Il y a dans cette phrase un condensé de ce que Lacan dit de l’amour, du rapport sexuel, de l’inconsistance du symbolique, et surtout de la mauvaise nomination de l’inconscient, qui supposerait une matière, une consistance à ce terme d’ inconscient. Aujourd’hui on entend dire : mon inconscient, mais aujourd’hui les patients disent : mon cerveau, j’ai voulu faire ça, mais mon cerveau n’a pas voulu. C’est un progrès par rapport au comportementalisme, il y a du Réel qui échappe et qui néanmoins met son grain de sel dans les œuvres de l’humain.
L’insu que sait de l’une-bévue s’aile la mourre, je le rapprocherais de la phrase dans laquelle Lacan dit « Je ne suis pas poète, je suis poème », je ne suis pas le poète, je suis poème, être ineffable fabriqué par la rencontre d’un corps et de la parole. Il répond là à René Char pour qui le poète n’est que le passeur qui transmet une phrase qui vient des muses pour aller à celui qui l’écoute. Je ne suis pas poète, mais poème, c’est une façon de dire que la seule façon de toucher à ce Réel qui parle-je revient à déchiffrer l’écriture poétique, seul accès possible à ce qui se dérobe au cœur de notre être. Or le peu d’être auquel nous avons accès est le reste d’une opération signifiante.
Je la rapprocherais d’une autre phrase de Lacan qui dit qu’il n’y a pas d’amour si on ne fait pas – on va dire le distingo – entre l’être et l’avoir. C’est intéressant ça, c’est-à-dire qu’être poème revient à dire que ce « je qui parle en moi », c’est par le chemin de ce qu’on appelle la poïesis, ce qui excèderait une construction purement signifiante, touchant au Réel de la lalangue — je dis la lalangue parce que sinon on ne sait jamais si on parle de l’un ou de l’autre. Mais peut-être faut-il conserver aussi l’ambigüité.
Le préalable de faire un lien entre l’amour et le désir, c’est donc d’établir une distinction entre l’avoir et l’être. Pierre Marchal en a remarquablement parlé, et j’en ai beaucoup discuté avec lui parce que je trouvais son texte paradoxalement très proche du mien, sur un autre volet.
Avançons : Aimer suppose donc un va-et-vient entre la croyance au Un et sa destitution, ce qu’on appellerait la position de division subjective et ce que Lacan a d’une certaine façon résumé à la fin de Télévision « croire mais savoir qu’on croit » ; ce qui est le pendant de se faire la bonne dupe du signifiant, mais je préfère de beaucoup cette phrase, « croire mais savoir qu’on croit », ce qui transforme un rapport à l’être en une décision éthique. C’est ça qui me semble important, c’est une décision, un acte ! « Croire mais savoir qu’on croit », c’est exactement ce qui aujourd’hui n’est plus supporté par un certain nombre de gens. Soit ils croient, soit ils ne croient pas, mais dans savoir qu’on croit, — justement ils ne savent pas qu’ils croient —, ce qui est important c’est savoir. Il y a un déplacement de la question du savoir ; finalement on sait qu’on croit à quelque chose, mais ce quelque chose à quoi on croit, le signifiant peut le cerner mais il ne peut pas l’attraper. On croit essentiellement à une chose, c’est qu’il n’y a pas de savoir en place de l’Autre, cet Autre est un trou, et même cet objet a, que nous nommons objet a, c’est presque une escroquerie de l’appeler objet a. Lacan ne dit pas l’objet a, il dit qu’il y a là quelque chose d’un trou, d’un lieu, il appellera ça une copule, un « en-forme-de ». Cet en-forme-de, je vais le développer un peu plus, cela renvoie à un texte que je trouve merveilleux, qui parle des nuées, de la pluie, du ravinement, de ce ravinement qui dessine les chemins de l’amour et de la jouissance. Je renvoie ici à la lecture de la leçon 5 du séminaire RSI, Litturaterre, l’inscription dans le Réel sous forme de ravinement.
Donc à cet endroit-là, Lacan écrit a, ce n’est pas un objet, c’est une écriture, elle est l’écriture d’aucun objet. Quand on dit objet a, c’est déjà une nomination, on va au-delà de ce geste de Lacan qui consiste à écrire a à cet endroit-là. Vous voyez à quel point les choses sont extrêmement fragiles dans notre rapport au texte de Lacan. Donc à cet endroit-là une simple lettre. J’en profite pour dire que toute cette question de l’amour, dans nos sociétés qui ont été construites sur des critères religieux, concerne le père, l’amour infini, l’amour pour le père. Ce qu’on a appelé de façon un peu désobligeante aujourd’hui le patriarcat.
Il se trouve qu’une lettre ne peut pas être lue comme elle est écrite. Le passage de la lettre au mot, au langage, est quelque chose d’extrêmement compliqué. On ne peut pas lire une lettre comme elle est écrite, si j’écris la lettre l, j’y mets tout de suite une petite voyelle à côté, sinon comment lire la lettre l. Si je dis l vous allez l’écrire aile, et badaboum ! on va en faire un mot. Ce qui est très intéressant, c’est la façon dont en hébreu, on essaie d’expliquer ce qu’est une lettre. Sous prétexte qu’il y a un tétragramme, on ne peut pas le lire comme un mot. Ce sont quatre lettres accolées, ça ne fait pas un mot. D’ailleurs, c’est interdit de le lire comme un mot. Bien sûr on peut lire YaVeH, mais ce qui est écrit ce sont des lettres, on n’a pas le droit de le lire comme ça car c’est le bord du symbolique qui ne peut pas être lu comme c’est écrit. Cette formule l’insu que sait de l’une-bévue, c’est la mourre nous oblige à repenser d’une façon très différente le rapport entre le signifiant et la trace.
Je pensais faire un peu de rappel concernant la façon dont Lacan amène cette question de la lettre, mais en la tirant du côté de l’objet et de l’amour. Pour aborder la lettre d’amour, il faut passer par cette suite d’images métaphoriques de la pluie et du ravinement. On retrouve dans cet agencement proposé l’essentiel du déploiement concerné, ce qui serait un amour au-delà de l’espace du signifiant, ça se joue entre rupture et rature. La production de la lettre semble conséquente au langage, et pourtant c’est distinct. Elle désigne une pure trace qui à mon sens ouvre l’espace de lalangue, soit entre la fonction signifiante et la lettre comme bord d’une part, et du frayage sélectif qui peut être répété et qui, comme le dit Freud, est à l’origine de la trace mnésique qui pourra s’inscrire. Cet ensemble de traces de sons de bruits, c’est cela qui constitue lalangue, l’âme de la poiesis. (L’âme est une petite pièce de bois — un objet réel, qui, à l’intérieur d’un violon participe de la facture du son ! Nous pourrions dire de sa magie… )
Néanmoins, la temporalité d’une rencontre est bien celle de l’évènement, imprévisible, de l’instant de voir, avant toute lecture possible. On y a accès par le récit, qui fait fiction, énigme, et qui est la promesse de rétablir la continuité du semblant par rapport à l’intemporel de la rencontre. Toute personne qui a été amoureuse une fois dans sa vie sait très bien ce qu’on fait quand on a rencontré quelqu’un et qu’on tombe en amour : On se raconte à l’infini l’histoire de la rencontre. Comme dit le poète, « c’est fou ce que tu manquais avant que je ne te rencontre ! » C’est extraordinaire que ges gens passent leur vie à se raconter la rencontre, et d’ailleurs quand on ne se raconte plus la rencontre on ne se rencontre plus ! Ce qui fait la chair de la rencontre c’est ce récit qui fait énigme, mais qui essaie de retrouver ce qui viendrait regagner sagement le semblant, sachant que ce qui fait rencontre c’est une déchirure dans le semblant. C’est quelque chose qui ne se laisse pas significantiser et dont on ne peut retrouver que des traces.
Donc Lacan raconte la genèse de la lettre. Au commencement dit-il il n’y avait pas de métaphore ni de métonymie mais métaphore de jouissance ; le signifiant, c’est des nuées, c’est le lieu du semblant par excellence. Coup de foudre et apparence comme je dis, Freud dit « foudre et météore », mais moi je dis coup de foudre et apparence, apparition. Vous savez ce que c’est que les apparitions à une époque, quand on disait sauver les apparences – les apparences c’est ce qui apparaissait dans le ciel, et comme c’était forcément fabriqué par Dieu, les mouvements de ce qui apparaissait dans le ciel devaient être sauvés, sinon on inventait l’astronomie et c’était foutu ; les apparences n’étaient plus des apparences gouvernées par Dieu mais par des nouages stupides et assez peu sexy, comme l’attraction universelle.
Donc c’est dans cette rupture de ce qui est dans les nuées qu’il pleut du signifié, il peut même y avoir du sens qui se crée et la terre se ravine. Lacan dit l’écriture c’est ce ravinement-même, la pluie du signifié qui creuse un vide pouvant faire accueil à la jouissance ; ça s’ajoute dans lalangue comme effet d’écriture, c’est « l’en-forme-de ». Ce ravinement est l’endroit par où ça passe, mais ce qui passe dans ce ravinement n’est pas un objet, il prend l’en-forme, il prend la forme de ce ravinement. Rappelez-vous notre cours de troisième, l’eau prend la forme du récipient qui la contient ; le récipient donne la forme à l’eau, l’eau n’a pas cette forme-là, elle passe dans quelque chose qui la met en forme, qui l’en-forme, et ça produit quoi ? Un vide, et un supposé objet puisque d’écrire a, on s’aperçoit que a n’est pas un objet, c’est une écriture.
Produire la « rature d’aucune trace qui soit d’avant » sollicite une ligne de clivage interne et subjectif, entre bords, entre rupture et rature.
Il y a là deux dimensions qui apparaissent et nous aident à comprendre comment imaginer un amour ailleurs que dans la dimension du symbolique. Du manque qu’opère la rupture des semblants dans la dimension symbolique, et/ou du vide qu’opère la rature sur le versant de l’objet.
D’un côté, du manque, l’amour comme manque, donner son manque, vouloir manquer, qu’est-ce que j’aimerais bien te manquer, – mais ça ne sonne pas bien en français – en anglais : I miss you ! qu’est-ce que j’aimerais bien que tu me dises que tu me manques (sic). Dans le jeu de la roulette, on dit « manque » à la roulette, quand la boule n’a pas passé la moitié des nombres ! ratage ou pure information statistique hors sens… Obtenir la jouissance pour avoir raté l’objet…. peut-être que c’est ça que ça veut dire, obtenir quelque chose en ne l’obtenant pas.
Mais d’un autre côté, « du vide qu’opère la rature dans le versant de l’objet », ce vide n’est pas le manque.
Je postule qu’une partie de l’amour réponde à la logique du manque et que ce qui est visé dans l’amour comme rencontre, seule une rencontre…, avec quoi ? avec un mot, une interprétation, une personne ? Seule une rencontre peut permettre à la jouissance de condescendre au désir, soit la reconnaissance d’un manque peut permettre à la jouissance de condescendre, soit un vide qui va permettre à la jouissance de se conforter ou se conformer à la loi, à la castration comme loi symbolique, en acceptant de jouer le jeu du désir.
Le désir, comme dit Lacan, il ne s’agit pas de le satisfaire, il s’agit de reconnaître d’abord qu’il y en a, et pour reconnaître qu’il y a du désir il faut le pousser à bout. Pourquoi ? Parce que c’est quand on l’a poussé à bout qu’on se rend compte que le trou est vide. Donc il ne s’agit pas de dire que le désir est fait pour être réalisé, mais en essayant de réaliser le désir, on va mettre en évidence sa structure métonymique ; ça se résume topologiquement à ce qu’on appelle la spirale. Lorsque vous êtes devant une spirale — SPIRALE, c’était le journal d’Armando Verdiglione — soit vous êtes sur le côté et vous voyez un cercle qui se déplace à l’infini, soit vous êtes derrière le cercle de la spirale et vous voyez, un cercle qui avance vers un point qu’il est censé, du moins en apparence rejoindre, ça s’appelle la perspective. Donc peut-être que ne pas céder sur le fait qu’il y ait du désir nous conduit à nous dessiller de ce point de perspective que l’on voit quand on est derrière la spirale pour se rendre compte qu’on ne fait que tourner autour sans s’en rapprocher. C’est pour ça que le premier acte de Lacan a été de séparer désir de répétition, de la répétition, et de montrer comment l’amour pouvait conduire le parlêtre à sortir de la répétition.
Les conséquences ne sont pas identiques pour les psychanalystes et pour les esthètes par exemple. Mais Lacan met l’accent sur la dimension d’acte, et il ajoute : il y a « le singulier de la main » dans l’écriture même de la jouissance – « le singulier de cette jouissance écrase l’universel ». Il y a là quelque chose qui peut opérer en même temps du vide, et en même temps ce que Lacan explique dans une phrase complexe : C’est l’expérience corporelle de jouissance, au sens où la jouissance est ce qui se recueille sur un corps. C’est une phrase magnifique de Charles Melman : « A la jouissance, dit-il, corps est la réponse généreuse ». C’est notre corps qui est la réponse à la jouissance, on n’a pas un corps qui jouit, on a quelque chose qui jouit en nous et qui fait que tout d’un coup s’éveille en nous cette dimension du corps comme réponse généreuse.
« Le singulier de la main écrase l’universel », Il y aurait quelque chose d’universel, le manque, mais quelque chose de l’expérience fait que le corps apparait à cet endroit-là comme résultat de la jouissance, cette réponse à la jouissance qu’on appelle faire corps, quelque chose qui réclame la dimension singulière et qui montre bien qu’il y a toujours cette opposition entre cette dimension du Un de l’universel, de la complétude, et d’un autre côté quelque chose de singulier dans cette expérience de corps dont nous savons bien qu’elle est une réponse à la jouissance. Donc produire la rature, c’est la reproduire, reproduire quelque chose qui est appropriation du vide, marquer le vide par quelque chose qui vient le raturer.
Après ce rappel, une phrase de Lacan tombe à pic : « Aimer, c’est vouloir son Autre à soi » ! C’est LE grand Autre, mais c’est mon grand Autre à moi, chacun son grand Autre ; c’est ce qu’on pourrait appeler la passion de l’ignorance, et c’est pour ça que la sortie du passionnel démontre que l’amour n’est pas réciproque.
Je voulais pour clore ce parcours vous parler, à propos de jouissance, de l’histoire de Gradiva, l’héroïne du roman de Jensen commenté par Freud sous le titre « Souvenir et rêve dans la Gradiva de Jensen ». C’est l’histoire de l’énigme d’une rencontre amoureuse et de sa résolution … Gradiva — en latin celle qui marche — est le surnom donné à une jeune femme dont nous apprendrons qu’elle répond au nom de Zoe — la vie — dont est amoureux un certain Norbert Anold, qui l’entrevoit, marchant, avec un mouvement particulier du pied qui dessine comme la lettre L, évoquant un bas-relief qui se trouve à Rome. Ce mouvement déclenche chez Norbert Anold un sentiment qui fait qu’il va poursuivre cette « Gradiva »jusqu’à Pompéi. Là, et sans tout raconter, il se rend compte qu’il s’agit de sa voisine de palier, qu’il l’espionnait de chez lui, qu’elle avait un petit canari jaune dans une cage qu’il voyait de sa fenêtre, et donc ils se rencontrent ils se disent qu’ils s’aiment et vont repartir dans le grand nord ! On pourrait imaginer que la cure est terminée, levée du refoulement : c’est sa voisine, il l’a reconnue, tout va très bien, plus de symptôme… Mais au moment où ils quittent Pompéi, il lui dit : « tu voudrais me faire plaisir ? Pourrais- tu marcher un peu devant moi ? » La jouissance du trait, le Réel de la jouissance a survécu à la levée du symptôme. Il y a là quelque chose qui dépasse de très loin le fait qu’un symptôme s’éteint, comme dit Lacan, lorsque l’interprétation est juste. Quelque chose résiste à l’interprétation et vient montrer que le trait garde toujours son potentiel de jouissance.
Or, ce qui est très intéressant, c’est que Freud va bien sûr lire ce roman où il y a en permanence la présence du jaune. Il y a du jaune partout mais toujours encadré par deux traits noirs. Vous lirez si vous avez envie le roman de Jensen, et le commentaire magnifique qui en est fait dans La pensée et le féminin de Vladimir Granoff. A ce jaune qui apparait, si on est un petit peu pratiquant et pas seulement croyant, on se rappelle qu’il y a tout le temps du jaune chez Freud, le Wespe avec les rayures, les couleurs de la Méditerranée toujours jaunes, la brillance de l’objet, l’agalma, tout ça c’est jaune ; jaune c’est d’ailleurs la couleur du soleil, de la lumière, lumière ça se dit Di, c’est ce qui a donné le nom de Dieu, la lumière, la couleur, et il oublie juste une petite chose de rien du tout, notre cher Sigmund : il est persuadé qu’il est en train de faire l’analyse de la Gradiva de Jensen, qu’il en oublie que sa maman l’appelait « mon petit Sigi en or » ! C’est intéressant de voir comment, à travers une analyse, quelque chose peut se transmettre de la permanence de cet investissement de l’objet, malgré ce qui pourrait être la chute du symptôme. Derrière tout amour du père, l’ombre maternelle apparaît parfois.
A remplacer le mot amour par ces formules qui courent après le echte Liebe le vrai amour de Freud, l’amour au-delà, l’amour à mort, l’amour au-delà du symbolique, l’amour transnarcissique, nous pourrions grâce à cette substitution éclairer d’autres pans de la lecture de Lacan.
Je pourrai encore commenter cette phrase magnifique de Lacan : les imbéciles de l’amour fou nous remettent dans les ornières du Nom du Père…
Un des plus beaux poèmes sur l’amour que je connais, et je voudrais terminer par ça, c’est une chanson de Jacques Prévert qui a fait le tour du monde – qui n’a pas chanté « les feuilles mortes »? Le symptôme, comme disait Lacan, ça se chante ! la passion c’est quelque chose qui renvoie au-delà des mots.
Écoutons Prévert :
« Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi,
C’est une chanson qui nous ressemble
Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais »
Et nous étions si bien ensemble
Mais la vie sépare ceux qui s’aiment,
Tout doucement sans faire de bruit »
Et le temps efface sur le sable
La trace des amants désunis »
Prévert dit « nous ressemble » – alors on attend : « nous nous aimions », non ! Chacun aime l’autre, parfois presque séparément. Et pourquoi si bien et pas simplement bien ? Trop bien ? le trait n’est pas juste et surgit la question de l’écriture et du ravinement. L’amour est l’essence d’un singulier et la seule chose qui puisse s’écrire relève justement de ce que, malgré le mythe, il ne fera jamais UN qu’en rêve.
Je vous remercie en tout cas de votre attention.