Réflexions dans la suite des Journées
J’ai dit à Thierry Roth- trop rapidement après les journées -l’intérêt que j’avais trouvé à la nouvelle présentation de leur travail par les collègues. Je confirme cet intérêt partagé par nombre de participants. Il a tenu sans doute à l’ouverture de la table ronde vers la salle qui mettait en acte le souci des participants à s’adresser, à parler d’une position d’énonciation.
J’ai cependant regretté que vous n’ayez pas fait entendre l’apport de Charles Melman aux questions que peut poser aux psychanalystes l’inconscient post-colonial. Cet apport s’inscrit dans le prolongement de l’enseignement de Lacan, renouvelé par le champ de travail inédit qu’il a ouvert sur les conséquences de la colonisation (que j’ai nommée, « colonisation esclavagiste racialisée » – CER).
Comme je l’ai dit hâtivement à partir de la salle, l’ALI est la seule institution psychanalytique où j’ai entendu, il y a plusieurs années, que les questions rencontrées au cours de ma pratique de la psychanalyse (en position d’analysante puis de psychanalyste) pouvaient être entendues et élaborées avec des collègues dans une institution psychanalytique. Cela a décidé de mon inscription à l’AFI.
En 1989, au cours de ma deuxième tentative de retour en Martinique, j’avais pu mieux entendre l’étendue et la complexité des questions auxquelles j’étais confrontée dans ma pratique de psychanalyste. Le colloque franco-brésilien organisé par l’Association freudienne internationale a été l’occasion d’entraîner Luce Descoueyte, alors psychanalyste en Martinique, à venir à Paris le temps d’un week-end, pour y assister. Grâce à l’intervention de Marcel Czermak, qui était un ami de longue date, nous avons pu rencontrer Charles Melman avant de prendre l’avion du retour. Celui-ci a répondu favorablement à la lettre qu’il m’avait demandé de lui écrire avec les questions que je me posais (je lui avais parlé de ma difficulté à référer au processus oedipien la complexité de ce que je pouvais entendre au cours des séances et dans le social ). S’est ainsi engagé un transfert de travail, soutenu par des séminaires tri ou bi-annuels de Charles Melman en Martinique. La publication par l’ALI « Lacan aux Antilles », peut en donner une idée. Je voudrais souligner que les questions mises au travail au cours de ces séminaires n’étaient pas cantonnées à un ailleurs tropical et exotique. Elles s’efforçaient de repérer les conséquences dans les trois dimensions lacaniennes du réel, de l’imaginaire et du symbolique – pour le sujet et sur le lien social – de la colonisation liée à la première expansion mondiale du capitalisme qui marquait l’entrée dans la modernité.
L’organisation en 1996 en Martinique du séminaire international « d’été » de l’ALI, consacré à la lecture et aux commentaires du séminaire de Lacan L’identification, avec la présidence de Moustapha Safouan, a été un moment tournant de la psychanalyse aux Antilles d’expression française. L’originalité de ce séminaire a été d’y associer des rencontres entre psychanalystes et non-psychanalystes qui ont donné lieu à des échanges dont la vivacité et la qualité sont mémorables
Il y aurait aussi à en dire plus de la nécessité, soutenue par le cartel franco-brésilien (avec Angela Jesuino, Maria Roneide Cadoso-gil, Luis de Farias et Roland Chemama), des conférences à la maison de l’Amérique latine à Paris.
Jeanne Wiltord