Quelques remarques sur les symptômes de l'enfant
22 août 2013

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LERUDE Martine
Les introuvables



 

Entre le lyrisme des Écrits où Lacan adresse − à propos du symptôme − un véritable hymne à la psychanalyse (E., p. 281) et l’austérité sans parole des nœuds, le symptôme, d’avoir parcouru le champ du signifiant devient du Réel, mais un Réel qui reste accessible au signifiant dans la mesure où c’est précisément l’équivocité de l’interprétation qui permet que le Symbolique gagne sur le Réel du Symptôme[5]. En 1975, Lacan réaffirme «d’abord le symptôme est curable » et s’il l’est c’est par la psychanalyse. Le grand intérêt des conférences de 1975 est la manière dont Lacan articule l’apparente contradiction entre les formulations qu’il donne du symptôme; il énonce (La troisième) « j’appelle symptôme ce qui vient du Réel», de même « le symptôme est ce que beaucoup de personnes ont de plus réel, on pourrait dire le Symbolique, l’Imaginaire et le Symptôme» (Scilicet, n° 6-7, p. 41); ce qui semble s’opposer aux assertions antérieures qui définissaient le symptôme comme une métaphore (E., p. 280, p. 528 particulièrement la conclusion de l’Instance de la lettre). Il balaye cette opposition de surface en faisant du symptôme un quatrième rond qui vient nouer les trois autres (R.S.I.) quand ceux-ci sont à la dérive. Par un habile resserrage du nœud (Scilicet, n° 6-7, p. 51) il obtient une figure où le rond du Symbolique est lié aux deux autres (R.I.) par l’intermédiaire du symptôme. Il lui suffit alors de mettre en continuité le rond du Symptôme avec celui du Symbolique, pour obtenir un nouveau rond symbolique (somme en quelque sorte du Symbolique et du Symptôme) et que les trois ronds soient noués (R.I.S.). De cette manière le symptôme disparaît, phagocyté par le Symbolique. Ce qu’il exprime de façon éclairante (ibid., p. 46). «  Qu’est-ce que ça peut supposer que par dire quelqu’un soit libéré du symptôme. Ça suppose que le symptôme et cette sorte d’intervention de l’analyste sont du même ordre. Le symptôme lui aussi dit quelque chose, il est une autre forme de vrai dire. » Ainsi il appartient à la fois à la catégorie du Réel mais aussi au champ du Symbolique comme le précise Lacan dans « La troisième » : « Le symptôme est quelque chose qui avant tout ne cesse pas de s’écrire du Réel, et qu’aller à l’apprivoiser jusqu’au point où le langage en puisse faire équivoque, c’est là par quoi le terrain est gagné qui sépare le symptôme de la jouissance phallique. » C’est de ces textes que s`origine notre travail.

En effet, ce passage obligé par le nœud montre bien que l’opération analytique (avant même qu’il ne soit question de l’interprétation de l’analyste) consiste d’abord en une mise en mots du symptôme, en un dire du symptôme (qui est la raison même de l’analyse − la seule recevable, dit Lacan). Ce dire du symptôme que l’analyse va permettre n’est ni la description clinique, ni l’interprétation de celui-ci : mais plutôt la formule langagière qui le représente (au sens où il est un − et où c’est lui qui donne les coordonnées symboliques de la structure). N’est-ce pas une façon de faire basculer le symptôme du Réel (dont il est symptomatique) au Symbolique? de faire qu’une organisation signifiante soumise aux règles de la langue − de la métaphore et de la métonymie − se substitue en quelque sorte du Réel du Symptôme (même s’il est toujours là). Quelles conséquences tirer quant au mode d’intervention avec les enfants?

Les manifestations pathologiques exprimées dans le corps de l’enfant ou dans une de ses fonctions (tel le langage), qu’on appelle les symptômes, se distinguent radicalement des symptômes de l’adulte, dans la mesure où leur énoncé n’appartient pas à l’enfant, mais à ceux qui incarnent le Autre, les A réels (comme les nomme Melman[6]), soit le plus souvent les parents. Cette donnée incontournable met l’analyste dans une situation embarrassante car cette traversée du Réel dans le corps de l’enfant − qui fait que ça ne va pas − que ça ne marche pas –est supportée par un énoncé, celui du ou des parents, énoncé pris dans un ordre signifiant qui témoigne moins des symptômes de l’enfant que de son aliénation à l’ordre symbolique parental.

 Le symptôme de l’enfant s’affirme ainsi d’emblée dans une double appartenance: comme émergence du Réel dans le corps de l’enfant, et comme un dire (nous reviendrons sur cette affirmation) appartenant au champ symbolique de ceux qui viennent s’en plaindre. (La plainte est rarement celle de l’enfant et c’est justement de repérer une souffrance chez lui que peut s’engager la cure.) Cette constatation va conduire notre réflexion; certes, elle n’est pas nouvelle et les formulations en usage chez les analystes d’enfant en rendent bien compte :

− ainsi, cette question que l’on retrouve souvent : A qui appartient le symptôme? Est-il celui de l’enfant? de la mère ?plus rarement du père? (et  dans ce cas c’est le symptôme de sa carence); d’où vient la demande[7]?

− ainsi, les indications de prise en charge double ou familiale ou les interventions visant å conseiller les parents dans le «holding» de l’enfant;

− ainsi, les manuels de psychiatrie de l’enfant qui sont exhaustifs des multiples réponses à cet embarras. Rappelons que Mélanie Klein s’en était, elle, débarrassée en excluant complètement les parents.

 Ces dérives sont peut-être spécifiques à la psychanalyse avec les enfants (que Ferenczi considère comme un « amollissement ») dans la mesure ou elles sont − à notre avis − la conséquence d’une organisation tout à fait particulière d’un certain mode symptomatique − et non pas du Symptôme − chez l’enfant − que nous allons tenter de repérer.

En octobre 84 (lors de la conférence d’ouverture du groupe de psychanalyse d’enfant), Charles Melman proposait de distinguer chez l’enfant deux catégories de symptômes :

− La première catégorie concernant le symptôme, que nous pourrions appeler le vrai Symptôme, au sens analytique, articulé au refoulement originaire, organisateur de la structure, celui que l’analyste peut guérir.

− La deuxième catégorie de symptômes − celle qui nous intéresse ici, que nous considérons comme spécifique à l’enfant ou plutôt à l’enfance (l’enfance ne serait-elle pas du Réel!) et que par précaution nous appelions plus haut manifestations symptomatiques dans la mesure où elles sont le produit de l’organisation parentale inconsciente, où elles constituent en quelque sorte des réponses de l’enfant à la névrose chez A réels que sont ses parents. Notre hypothèse est que cette catégorie de symptômes a une fonction de lien tout à fait essentielle à préciser, fonction qui peut être dégagée lors des premiers entretiens. Revenir sur l’importance de ceux-ci relève assurément du radotage, pourtant c’est lors de ces premiers entretiens que l’analyste peut donner toute la mesure de son écoute et de son tact. Nous proposons la formulation suivante : Ces manifestations symptomatiques constitueraient en quelque sorte un lien entre le Réel du corps de l’enfant et l’Imaginaire et le Symbolique des parents, ces Autres réels. Ce nouage rendrait compte à notre avis d’un certain versant de la clinique avec les enfants.

Cette hypothèse n’exclut pas pour autant que ce symptôme du deuxième type puisse servir de matrice à ce qui deviendra dans l’après-coup de la névrose infantile du Symptôme au sens de la structure.

Comme Freud l’indique avec humour, devant les phénomènes symptomatiques qui nous sont présentés, il nous reste à mener l’enquête.

Première question, dit Freud : Quel est le symptôme? L’enfant, le « petit parlêtre[*] » (comme l’appelle familièrement Melman), n’est-ce pas d’abord lui qui, par son existence même, fait symptôme? Serait-il ce quatrième rond qui noue les trois autres ensemble lorsqu’ils sont à la dérive? L’enfant n’a-t-il pas le pouvoir de tirer du marasme certains adultes en les faisant tenir comme père ou mère (n’est-ce pas cette place de garant que tiennent des enfants qui ont un parent psychotique !) ou au contraire n’a-t-il pas le pouvoir également de précipiter au marasme ceux qui sont incapables de symboliser cet excès brutal de Réel qu’il représente?

À moins de devenir psychotique, l’enfant échoue dans la réalisation du phallus imaginaire (c’est ce qui le constitue comme sujet); et faute de venir donner consistance à un imaginaire idéal qui appelle la réparation, il démontre alors l’impossibilité du rapport sexuel en renvoyant chacun des protagonistes à cette limite qu’est leur propre castration.

Dans le chapitre sur «Le stade de l’abaliéité », Charles Melman essaie de déterminer, de circonscrire le lieu constitutif de l’aliénation du sujet. Il écrit : «  C’est en tant qu’il (« le petit parlêtre ») est la preuve du ratage par sa présence, son existence, il est le représentant dans le couple de cette puissance tierce (le A symbolique) qui en entretient le désir mais aussi garantit son échec, le rassemble pour le séparer, signifie l’impossibilité du rapport sexuel. »

Ainsi, si l’on suit le développement de Melman pour l’enfant à ce stade, il existe bien un Autre de l’Autre, l’Autre symbolique, des Autres réels (incarnés par les parents) et lui-même peut en être le représentant (de l’Autre Symbolique).

C’est ce clivage entre l’Autre Symbolique et les Autres réels qui semble déterminer ce qu’il en est de la structure et par là du Symptôme. Charles Melman conclut que « l’abaliéité nous informe que c’est de l’Autre que le sujet reçoit les principes de l’économie qui vont régir ses rapports avec le semblable ».

C’est pour Melman dans ce lien qu’il nomme « l’abaliéité » que 1’enfant se constitue en tant que sujet dans ses déterminations au A symbolique et aux A Réels et dans ce lien, il peut se faire ou l’objet, ou le garant, ou le débiteur du Autre symbolique.

Si l’enfant par son existence signe l’impossibilité du rapport sexuel et renvoie chacun des A réels à la question de la castration, toute manifestation, expression dérangeante de son corps ou de son développement vient le rappeler, redoublant la butée immanquable de  la castration. La faillite imaginaire de l’enfant que son symptôme renforce révèle alors le manque symbolique des parents qui se trouve ainsi dénoncé par le défaut réel du corps de l’enfant mis en jeu dans le symptôme. Les manifestations symptomatiques de l’enfant ont alors le pouvoir de venir désigner par quelle mascarade ou quel évitement les A réels traitent la castration.

Quand les parents consultent pour leur enfant, à côté du discours courant, de l’histoire familiale, de la description des phénomènes qui dérangent peut survenir un dire − que l’analyste doit repérer − qui symbolise ce qu’il en est de leur défaillance en tant qu’elle est inscrite dans le corps de l’enfant. Ce dire rend compte d’une correspondance entre le Réel qui marque le corps de l’enfant et une tentative de symbolisation de leur part. À ce point précis, une métaphore se bloque, se fige (en perdant ses caractéristiques de métaphore) pour trouver sa consistance, sa justification dans le Réel du corps de l’enfant. Le symptôme s’affirme donc comme un lien qui va du Réel du Corps de 1’enfant au Symbolique et à l’Imaginaire parental.

Mais ce symbolique est en quelque sorte en panne, car il ne permet plus, du fait de cet accrochage au Réel de l’enfant, les mouvements rhétoriques de la métaphore et de la métonymie. Ainsi la manifestation symptomatique de l’enfant vient en quelque sorte faire un forçage de la symbolisation des A réels − dans la mesure où elle fonctionne à la manière d’un signe adressé aux A réels, décodé de façon univoque par eux, signe qui vient pointer ce qu’il en est de leur rapport à la castration, c’est-à-dire leur propre symptôme; ce qui est une manière directe d’actualiser la névrose parentale. On comprend mieux l’insistance de cette question : À qui appartient le symptôme?

On voit bien les conséquences d’un tel repérage: soit engager l’enfant dans une thérapie, soit engager le parent concerné dans un travail visant à permettre les jeux de substitution et de glissement de la chaîne signifiante, afin de la dégager de ce point d’immobilisation entre le Réel de l’enfant et la butée symbolique ainsi dévoilée. Il s’agit de redonner à la métaphore son plein pouvoir, c’est-à-dire de jouer de l’équivoque du signifiant. On peut se demander si ce type de symptôme qui fait lien du Réel de l’enfant au Symbolique du A réel ne serait pas une tentative de «vraie» communication.

Il est vrai que le développement d’un enfant (n’importe lequel) est émaillé d’émergences symptomatiques qui pour autant ne prennent pas le sens de symptôme ou du moins en sont déboutés, parce que justement la chaîne des signifiants fonctionne chez les A réels − parce que la castration joue son rôle « d’organisateur des signifiants et ouvre l’espace propre au jeu des métaphores et des métonymies » (Ch. Melman). Quand la métaphore s’arrête dans une superposition parfaite au réel du corps de l’enfant, ce n’est plus une métaphore mais une malédiction. C’est bien la vacillation de la castration organisatrice du A réel qui est en somme dénoncée par le symptôme de l’enfant. L’inhibition de certaines petites filles est, comme Freud l’indique, non un symptôme mais «une mesure de précaution» souvent en réponse à une manipulation perverse de la mère (mère qui n’est pas perverse pour autant mais souvent de structure hystérique). Cette perversité induite, peut-être par la maternité, peut engendrer chez l’enfant une confusion mentale capable de donner le change avec la débilité. L’inhibition appartient à notre avis à ce deuxième type de symptôme qui fait lien.

Pour illustrer notre hypothèse, nous allons évoquer un exemple clinique. Un garçon de 5 ans nous est amené pour un bégaiement. Sa mère nous indique des éléments biographiques, parle de son inquiétude, des études qu’il ne pourra pas faire, des échecs à venir qu’elle entrevoit, du fait de son handicap. Elle remarque que son mari a bégayé et que son bégaiement a brutalement disparu à l’adolescence. Puis, en fin d’entretien, elle se souvient que son fils, à la naissance, lors d’une première tétée a fait une « fausse route ». Et c’est de cette fausse route, que s’origine pour elle le trouble actuel. Nous postulerons que la fausse route constitue une métaphore qui appartient à la fois au Réel du corps de 1’enfant (étouffé, il a dû être réanimé) et à l’Imaginaire de la mère, quant à son mariage (elle n’aime pas son mari), au lieu où elle vit (elle regrette sa province natale), à la maternité (elle ne veut plus avoir d’enfants à cause de celui-ci).

La fausse route est une métaphore qui concerne la mère. L’accident, cette irruption du Réel dans le corps de l’enfant, nommé par le discours médical « fausse route » désigne en fait ce qu’il en est de son symptôme à elle, c’est-à-dire sa manière de jouir de l’inconscient.

La fausse route (signe médical, qui se soutient de l’anatomophysiologie, qui implique des gestes précis) lui fait signe, un signe qu’elle interprète de manière univoque qui fait sens pour elle : c’est une malédiction. Elle n’est qu’une possibilité de métaphore qui s’arrête sur le Réel de l’enfant. Réel, qui au cours du développement de l’enfant viendra renforcer ce point de fixation puisque la voix de l’enfant continuera de faire fausse route. Ce bégaiement en effet, n’en est pas un (mais de le nommer ainsi peut être entendu comme un appel au nom du père); le véritable trouble relevant d’une inversion, pour parler des temps expiratoire et inspiratoire, donnant ainsi à la voix un curieux son et un rythme qui pouvait faire croire à un bégaiement et même à une voix désarticulée de psychotique.

La fausse route du Réel a rendu impossible la métaphore chez la mère. Et nous pensons que la fausse route est bien la formule du symptôme, en tant qu’elle appartient à la fois au Réel de l’enfant et au symbolique de la mère, qu’elle en est le lien. Le Réel de l’enfant agissant comme un signe adressé à la mère, signe qui lui indique son symptôme. Cette fixation de l’un à l’autre se poursuit et le faux bégaiement n’est que la répétition dans le corps de l’enfant, de la fausse route maternelle. C’est en reprenant l’équivoque de la métaphore qu’un glissement signifiant peut se réamorcer pour la mère.

Après trois entretiens, des vacances au bord de la mer, les troubles de la voix ont disparu. Le garçon, en effet, a réussi à plonger dans la mer, il en est « ressorti » car il a « su reprendre son souffle », c’est ainsi qu’il l’exprimera dans l’après-coup. Quant à la mère, son inquiétude s’est renforcée car elle sait bien que son fils n’est pas guéri, puisqu’il a le pouvoir de l’interpeller encore, de lui faire signe de réveiller son symptôme. Ce signe que l’enfant adresse à sa mère a-t-il pour mission de renouer les ronds à la dérive, de lui indiquer la route, la voie?  et de lui éviter ainsi la dépression? N’est-ce pas une manière de la rendre ainsi mère symboliquement?

Une telle configuration pose l’indication d’un travail analytique pour la mère. Quant à la thérapie de l’enfant, l’indication en est discutable. Celui-ci a été capable d’en tirer un profit immédiat, de jouer du signifiant, d’analyser ce qui organise sa place auprès de son père, de sa mère. Mais la thérapie l’a amené sur une butée intolérable: l’accession à un trop de savoir qui le mettait lui, l’enfant, dans une position d’Autre réel vis-à-vis de ses parents. Situation intenable, car d’en savoir trop sur le désir de sa mère sur ce qui les lie, la rejette à une place de a. Ceci conduit immanquablement l’enfant à l’arrêt de la thérapie; nous pouvons d’ailleurs remarquer que nombre de thérapies d’enfant cessent quand le risque devient imminent d’accéder à un savoir sur le désir de l’Autre; et le symptôme peut alors revenir en force, s’affirmer comme lien, comme une manière d’assurer la filiation, peut-être même de s’assurer de l’amour de l’Autre, dans la mesure où le symptôme témoignerait de la vraie communication enfin réalisée.

Ce n’est certainement pas en traitant ce type de symptôme de façon frontale, par la rééducation, voire même par une thérapie que l’on peut attendre quelque effet. La thérapie de l’enfant n’est possible qu’à la condition que la mère − dans ce cas – engage pour son propre compte un travail analytique (ce qu’elle a fait).

Dans le cas évoqué, on peut supposer que les entretiens auront permis à l’enfant de mettre en scène cet acting-out réconciliateur : en plongeant dans la mer, il en est sorti, n’a pas expiré − il a repris son souffle − tout s’est remis en place sur la bonne voie (voix).

Secondairement symbolisée, cette monstration a eu des effets de reconstruction et la maison de ses dessins est devenue solide malgré les ravages de la guerre; les murs ont tenu bon, seul un morceau de toiture restant à colmater.

Cet exemple clinique vient soutenir notre hypothèse : certaines manifestations symptomatiques de l’enfant procéderaient selon le modèle suivant : le Réel du Corps de l’enfant mis en jeu dans son symptôme constitue une adresse à l’Autre réel (la mère en l’occurrence) désignant alors, en le faisant surgir de façon univoque, le texte de son symptôme. Et c’est ce texte, cette formule que nous pouvons repérer qui tire le symptôme dans le champ symbolique du A réel, par l’intermédiaire d’une métaphore figée (car la substitution de signifiant semble impossible).

Les premiers entretiens et parfois l’unique entretien peuvent avoir l’effet de remettre en route la métaphore, qui alors redevient opérante du côté parental, en même temps que les manifestations symptomatiques de l’enfant s’évanouissent comme par enchantement.

Un tel mécanisme pouvant rendre compte de ces interventions brèves avec les enfants, qui font croire à la grâce ou au coup de poker, alors qu’il s’agit de renvoyer à l’enfant en même temps qu’aux parents, le dire du symptôme qui fait lien entre eux. Ce type de symptôme peut devenir dans l’après-coup de la castration, le Symptôme de la névrose du sujet ou bien disparaître, et ne pas laisser de trace dans l’organisation de sa névrose. Certaines analyses d’adultes en rendent bien compte qui décrivent une grande richesse symptomatologique pendant l’enfance, dont certaines manifestations se raccrochent à la névrose parentale tandis que d’autres révèlent la structure du sujet mise en place lors de la névrose infantile (nous avons, lors d’un exposé, tenté d’expliciter comment l’énurésie d’une patiente n’était pas un symptôme au sens analytique mais le signe de la jouissance Autre adressée à la mère).

L’intérêt de ce partage en deux catégories de symptômes réside dans le mode d’intervention que 1’analyste peut proposer. L’indication d’une thérapie pour un enfant doit être posée avec prudence et parcimonie. Souvent, 1’intervention de l’analyste peut se limiter à quelques entretiens : c’est à ce point que se situe le ressort passionnant de la pratique avec les enfants car le temps ne se joue pas avec eux de la même façon. Une certaine hâte nous pousse.

Insistons encore sur le fait que 1’analyse d’adulte nous offre un savoir et un éclairage incomparable de la névrose infantile. Elle nous fournit des repères essentiels pour travailler avec les enfants et leurs parents. Nous ne pouvons pas en faire 1’économie, bien au contraire, car elle seule nous donne la mesure de ce qui reste des symptômes de l’enfance, de la diachronie du Symptôme de la structure.

 



S. Freud, Inhibition, Symptôme et Angoisse, P.U.F., Paris, 1973, ch. 2.

J. Lacan, Écrits, Seuil, Paris, 1966, pp. 280, 358, 447, 528.

J. Lacan, Conférences et entretiens dans les universités nord-américaines, Scilicet, n° 6/7, Seuil, Paris, pp. 7,63.

J. Lacan, « La troisième », Lettres de !’Ecole freudienne, n° XVI, 1974.

J. Lacan, « C’est en tant que dans l’interprétation c’est uniquement sur le signifiant que porte 1’intervention analytique que quelque chose peut reculer du champ

 du symptôme », « La troisième » (ibid.).

Ch. Melman, Nouvelles Etudes sur l’hystérie, J. Clims/Denoël, Paris, 1984

Discours psychanalytique,n° l, Paris, 1982, pp. 21, 26.



[*]Le « petit parlêtre »  m’évoque un dessin de Chaval, dans lequel deux messieurs regardent un enfant qui passe; l’un dit à l’autre : «Tiens! mais c’est le petit Larousse »