Quelques considérations sur l’acte analytique à partir d’un travail de cartel
04 février 2025

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Richard DEBRET
Préparation au séminaire d'été

Préparation au Séminaire d’été 2025

Étude du séminaire de J. Lacan, L’Acte psychanalytique

 

Mardi 4 février

Présidente-discutante : Thatyana Pitavy

Richard Debret : Quelques considérations sur l’acte analytique à partir d’un travail de cartel

 

Pour commencer, je voudrais remercier Thatyana Pitavy et Marie-Christine Laznick de faire vivre la journée des cartels et, par ce biais, de nous donner la possibilité de venir témoigner d’une mise au travail. Dans une association telle que l’ALI où souvent d’imminents analystes viennent nous enseigner et transmettre à nous, jeunes analystes, analystes en formation ou analystes profanes, il apparait, en effet, essentiel qu’un cadre aussi précieux soit proposé, cadre où il est possible de venir à notre tour exprimer quelque chose de notre rapport à la psychanalyse. Le dispositif du cartel est donc un espace où s’élabore quelque chose de la psychanalyse et de la formation des analystes, nous dit Lacan. Pour rappel, c’est dans « L’acte de fondation de l’école freudienne » en 1964, qu’il décrit le cartel comme un dispositif essentiel pour la formation des analystes. À l’ALI, je cite : « Les cartels sont un mode d’accueil des analystes en formation ; ils participent ainsi à la transmission de la psychanalyse. »

 

À ce sujet, je me suis demandé pourquoi, lors du Séminaire d’hiver consacré à la formation des analystes, il avait été fait si peu allusion (trois fois, je crois) aux cartels. Peut-être que quelqu’un pourra en dire un mot dans la discussion. Pour l’instant, c’est donc en lien avec le cartel et parce que Marie-Christine et Thatyana nous ont fait la proposition lors de la Journée des cartels de l’ALI de venir témoigner de notre travail que je me retrouve ici devant vous.

 

Je vais donc, ce soir, tenter de vous amener sur un terrain un peu moins conventionnel que celui auquel vous êtes habitués lors de ces soirées de travail du mardi.

 

Je me risque ici à venir dire quelque chose d’un rapport singulier à la psychanalyse et aux actes qui en découlent. En effet, les actes qui sont les miens ne seraient assurément pas les mêmes si je n’avais pas croisé, sur ma route, la psychanalyse ; sûrement, comme beaucoup d’entre vous ici, je ne fais pas exception. Cependant, de là d’où je pars, il n’était vraiment pas évident que je la rencontre sur mon chemin de vie, car, à mon époque, les cancres étaient envoyés en LEP, c’est-à-dire en Lycée d’enseignement professionnel. Ce qui était à prendre en compte dans cet énoncé, c’est le signifiant « professionnel » qui, en réalité, signifiait que nous étions professionnellement destinés à boucher les trous. Je me souviens ainsi d’un professeur de français en Bac Professionnel qui nous donnait, à chaque cours, des polycopiés contenant un texte dans lequel il avait enlevé certains mots et nous devions remplir les trous. Vous me direz que ce n’est pas si mal que ça de boucher des trous avec des mots, mais cela laisse aussi entendre la considération que l’on a pour celui à qui on enseigne, ainsi que la place à laquelle on l’astreint, on l’assigne.

 

De mon côté, j’ai toujours eu quelques difficultés avec cette assignation et, sans vraiment savoir comment, au cours d’une discussion avec un ami qui venait d’entreprendre une analyse suite à une crise d’angoisse, je me suis retrouvé à mon tour sur le divan, sans avoir la moindre idée de ce que c’était, ni où je mettais les pieds. La photo du gars au mur, je n’avais pas la moindre idée de qui il s’agissait, et à ce moment-là, pas de possibilité de « googleïser » ou de demander à une intelligence artificielle qui c’était. Mais bref, c’est à ce moment-là que je suis tombé dans le chaudron de la psychanalyse, comme m’a dit Marika Berges lors de ma soutenance à l’EPhEP, en ajoutant que je ne pourrais plus faire sans. J’avais donc bu de la potion magique ou maudite et j’allais devoir faire avec.

 

Ce « devoir faire avec » m’a amené un jour, dans le cadre de mon travail en tant qu’éducateur de rue en prévention spécialisée, à recevoir l’interdiction d’en parler. « Tu ne pourras pas parler de psychanalyse, » voilà textuellement les propos qui m’ont été tenus et qui ont eu pour effet de proposer, quelques mois plus tard, un cartel ayant pour titre « Suis-je psychanalyste en dehors de la cure ? ». Après un an de travail, le cartel a été dissous suite au départ d’un des membres, mais à la suite de la journée des cartels et de sa mise à ciel ouvert, deux autres personnes ont souhaité se joindre aux trois restants et nous avons donc travaillé la question sous un autre titre : « Lieu et aspect de l’acte psychanalytique », titre choisi de façon collégiale. C’est donc à partir de ces points que s’origine ma présence devant vous ce soir et qu’il m’a été proposé de venir vous faire part de ce qui a été mis au travail dans ce cartel.

 

Avant de m’y aventurer, je précise que le travail qui s’est effectué au sein de ce cartel n’est pas un travail de lecture du séminaire de L’acte analytique à proprement parler, chacun ayant pu s’y référer ou pas. Chacun y est venu et interroger son propre rapport à la psychanalyse et à l’acte, ce qui signifie que je ne vous parlerai pas à la place des autres, mais que je témoignerai plus particulièrement de mes embarras et de mes questions. Pour ce faire, j’ai choisi de passer par trois lieux, trois aspects qui, je l’espère, trouveront un écho pour entendre vos retours.

 

Pour commencer, je voudrais vous citer une phrase que vous connaissez sûrement tous :

 

 « J’ajoute encore une conclusion dont l’importance ne concerne plus la théorie de l’éducation, mais le statut de l’éducateur. Si l’éducateur a appris la psychanalyse en l’expérimentant sur sa propre personne et s’il se trouve en situation de l’employer dans des cas limites et mixtes pour étayer son travail, il faut de toute évidence lui autoriser l’exercice libre de l’analyse, et non vouloir l’en empêcher pour des motifs qui ne relèveraient que de l’étroitesse d’esprit. » Cette citation est de Freud et se trouve dans la préface de l’ouvrage d’August Aichhorn, actuellement traduit par Jeunesse en souffrance, mais qui, d’après certains, plus experts en langue allemande que moi, était Jeunesse à l’abandon, ce qui me semble ne pas porter un regard sur la jeunesse de la même manière. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cet ouvrage, il y est question de la jeunesse délinquante dans le Vienne des années 1900 et du traitement de leurs symptômes avec la psychanalyse. Cet ouvrage est précurseur dans la mise en application de la psychanalyse en dehors de la cure.

 

August Aichhorn y met l’accent sur la subjectivité des jeunes en difficulté. Il privilégie une méthodologie empathique, où l’identification à l’éducateur est utilisée comme technique thérapeutique. Il pose les jalons de l’éducateur qui s’engage avec ceux qui se sentent exclus, permettant de construire un lien thérapeutique solide. Rappelons, même si nous connaissons peu ses travaux en France car peu traduits, qu’il a démontré que la compréhension des luttes internes transforme la relation éducative et engendre des métamorphoses positives, faisant valoir une clinique avec les délinquants, et donc plutôt l’éducatif que le répressif. Au cœur de cet ouvrage, c’est donc le transfert qui est mis en lumière comme opérateur d’une évolution dans la prise en compte de la délinquance comme symptôme. Nous sommes donc ici en présence d’un travail prenant en compte la question du transfert.

 

Nous avons ici une première considération d’acte psychanalytique possible en lien avec l’éducation spécialisée, qui m’a aidé à travailler avec des jeunes dans les cités pendant près de 20 ans. Prendre en compte le transfert, ce transfert dont j’ai pu découvrir qu’il n’était pas utile qu’au psychanalyste, mais qu’il pouvait même être utile dans l’enseignement.

 

J’en arrive donc à un deuxième aspect. En recherchant la place que la psychanalyse pourrait y occuper, j’ai trouvé des travaux intéressants désignés sous le terme de pédagogie institutionnelle. Outre le fait que cette approche permet aux élèves de devenir de véritables acteurs de leur propre apprentissage, qu’ils y apprennent à se familiariser avec leur environnement en évoluant dans un cadre structuré et cohérent, que cette approche favorise la coopération entre eux tout en cultivant leur autonomie, leur permettant de s’investir dans des activités significatives propices à leur épanouissement personnel, elle est également intéressante dans la posture qu’elle propose de la part de l’enseignant. Celui-ci se présente comme un guide éclairé, un facilitateur qui encourage les élèves à interroger leurs propres pensées, à surmonter des défis et à aiguiser leur capacité de réflexion, ce qui ne place pas l’enseignant du côté du savoir mais du supposé savoir, il me semble.

 

Cette pédagogie, qui puise ses fondements dans des concepts inspirés de la psychanalyse et des dynamiques de groupe, intègre ainsi les dimensions psychiques et émotionnelles des élèves au cœur de l’acte d’enseigner. Ces principes ouvrent donc la voie à une conception de l’enseignement qui surpasse le simple transfert de savoirs, tenant compte de la richesse psychique et émotive des élèves dans leurs interactions quotidiennes. Autrement dit, en tenant compte de l’inconscient et, encore une fois, du transfert.

Nous savons que la psychanalyse pose ce postulat fondamental selon lequel l’éducation ne peut être dissociée des enjeux psychiques qui s’y nouent. La dynamique inconsciente des élèves joue donc un rôle essentiel dans leur apprentissage. L’inconscient façonnant les désirs et les motivations, cette approche propose et affirme même qu’il est crucial pour les enseignants de ne pas rester en surface, mais de s’aventurer dans les recoins des expériences psychiques de chaque élève. Cela implique de naviguer au cœur des pulsions et des émotions, souvent refoulées, qui influencent les comportements et les relations en classe, non pas en tant que thérapie, mais en tant que pédagogie consciente du transfert.

 

Vu sous cet angle, une pédagogie consciente du transfert devient alors une ressource. Chaque élève ne se voit pas tragiquement réduit à la fonction de réceptacle de savoirs ; au contraire, il est considéré comme un sujet en devenir, dont les expériences vécues et les émotions doivent être intégrées au sein du processus éducatif et pédagogique.

 

Sans que cela soit inscrit dans cette dynamique, je voudrais faire ici un petit détour clinique dans le cadre d’un Atelier Psychopédagogique en HJ (hôpital de jour), où j’accompagnais un enfant en tant qu’intervenant extérieur. Cet enfant n’avait comme intervention thérapeutique et sociale que les Atelier Psycho-pédagogique Préaut. Nous venions, lui et moi, deux fois par semaine. Il était non verbal et avait plutôt comme modalité de rencontre des agrippements, collages, portages et morsures. Au départ, il ne voulait jamais aller à l’Atelier, et je devais le porter à chaque fois, exposant mon cou à ses dents, fantasmant là quelque chose de la vampirisation. Dans la salle de classe, il y avait un lavabo et il pouvait y passer des heures à faire couler l’eau. Quand ce n’était pas cela, il cherchait à sortir de la classe en disant le mot « pipi », et dès que nous ouvrions la porte, au lieu de se diriger vers les toilettes, il prenait la poudre d’escampette vers la sortie. Un jour, alors que l’heure de fin d’Atelier approchait et que j’étais avec lui au lavabo, l’institutrice spécialisée l’appela pour qu’il rejoigne le groupe pour effectuer le regroupement de fin. Il y était attendu, et elle lui signala que cela ne commencerait pas sans lui.

 

Exaspéré par son manque de réaction, je tourne la vanne située au-dessus du robinet poussoir et lui dis : « Cela ne peut pas continuer éternellement. Maintenant, ça s’arrête et tu vas avec les autres. » Il me regarde et essaie d’enlever ma main de la vanne que je tiens fermement. Je lui réplique : « Fais tout ce que tu veux, mais je ne céderai pas. Maintenant, tu peux aller t’asseoir. » Il recule et commence à prendre de la distance avec le lavabo en direction du banc. Devant également participer à ce regroupement de fin d’Atelier, je commence à enlever ma main du robinet et à me diriger vers le banc. À cet instant, il revient vers moi en courant et criant, me saisit la main et la repose sur la vanne. J’ai donc passé tout le regroupement sous son regard, pendant qu’il restait assis sur le banc, quelque chose s’était passé.

 

Dans L’Angoisse, Lacan nous dit à la leçon du 12 juin 1963 que « ce qu’il y a d’intéressant pour un enfant dans un robinet comme cause, ce sont les désirs que le robinet, chez lui, provoque, à savoir que, par exemple, ça lui donne envie de faire pipi ou, comme chaque fois qu’on est en présence de l’eau, qu’on est par rapport à cette eau, un vase communiquant. »[1] Qu’est-ce qui avait communiqué ? Avait-il la moindre idée que celui qui lui avait dit « Je ne céderai pas » était le fils et petit-fils de plombiers ? Que son père avait dû arrêter son travail parce qu’il avait le dos en miettes ? Que dans ses séances d’analyse à ce moment-là, quelque chose autour de la question du père était au travail et qu’il lui était devenu supportable de porter un nom, son nom comme un non ?

 

Tenir un robinet est-il un acte analytique ? Je n’ai pas la réponse, mais en tout cas, lié à une parole du côté d’une énonciation qui prend appui sur une perte, il peut peut-être le devenir et faire coupure dans la répétition[2]. Pour cet enfant, il n’a plus jamais été question pour lui de passer tout l’APP autour du lavabo, il n’a plus cherché à fuir en prétextant l’envie de faire pipi. Le cadre de l’APP est même devenu pour lui un lieu attendu et où il était attendu. Un lieu où il pouvait vivre autre chose.

 

Cette question du lieu m’amène au troisième et dernier aspect dont je voulais vous faire part. Elle est liée à une citation de Fernand Deligny, dont je n’ai jamais trouvé les références, donc si quelqu’un les a, je suis preneur. Je mets au conditionnel cette citation où il aurait dit : « Je n’ai pas l’intention d’éduquer qui que ce soit, j’ai l’intention de créer des circonstances favorables pour qu’ils s’en tirent et pour qu’ils vivent. » Cette phrase m’accompagne depuis mes débuts dans le champ de l’éducation spécialisée, mais aussi dans le cadre de mon travail en tant que psychothérapeute dans un jardin d’enfants thérapeutique appelé JET7. Pourquoi JET7 ? Parce qu’on y reçoit la crème de la crème des enfants scolarisés en primaire. Ce lieu, créé en 2013 dans le cadre d’un CATTP en banlieue parisienne, s’inspire de la thérapie institutionnelle, et plus particulièrement de l’approche sur l’institution éclatée de Maud Mannoni. Dans ce cadre, il nous arrive de proposer aux familles un séjour thérapeutique pour les enfants que nous accueillons en petit groupe tout au long de l’année scolaire.

 

Depuis plus de deux ans, nous y accueillons un garçon de 9 ans, dit autiste, né en France de parents bangladais. Dans le cadre du groupe hebdomadaire au JET, il nous a d’abord manifesté son intérêt pour Windows, nous parlant en langage logiciel, et son intérêt pour jouer du piano. À chaque début de groupe, nous avons comme consigne d’inscrire son prénom sur une grande feuille posée sur une table. Sa signature à lui était le logo de Windows. Nous nous interrogeant sur son rapport au monde, nous avons décidé de l’amener en séjour pour le rencontrer dans un autre contexte. Durant le séjour, il nous a montré un tout autre rapport à l’environnement et aux autres.

 

Par exemple,

Photos 1 et 2 

Ou bien en étant à l’initiative spontanée d’un temps de lecture chacun avec son livre,

Photos 3 et 4

Ou encore en découvrant les bienfaits de l’eau salée,

Photo 5   

Ou encore, lors d’une séance improvisée sur le divan avec le psychologue, qui l’avait sévèrement réprimandé la veille. Il avait traversé la route devant le gîte, ce qui nous avait tous beaucoup effrayés. À ce moment-là, le collègue l’avait fortement grondé, lui lançant des mots tels que « Qu’est-ce que je vais dire à ton père ? » ou, alors qu’il grognait pour manifester son mécontentement à la brimade qu’il était en train de recevoir, « Tu n’es pas un animal… tu es un petit garçon. »

Photo 6   

Sur la route du retour, lui et un autre enfant s’amusent avec nous et nous nous amusons avec eux grâce au mot « sourabacha ». Nous en rigolerons, bien que nous ne sachions pas ce que cela veut dire, si ce n’est, d’après Google, « le voleur… » Une semaine après le séjour, de retour au JET7, lors du groupe et du temps d’inscription, il inscrira ceci :

Photo 7   

Photo 8

 

Depuis, nous avons appris ce que ce mot signifie et qui lui a appris. C’est un autre enfant du séjour, de la même origine, qui, la nuit dans la chambre, lui a appris ce mot, qui se traduit en français par « Ferme ta gueule. »

 

Est-ce qu’il n’y a pas dans le fait qu’il sache quelque chose qui le place du côté du savoir et de lui faire crédit qu’il sait et que cela ne fait pas défaut ? Mais alors, me direz-vous, quel lien se trouve-t-il entre ce que je viens de vous exposer et le séminaire sur l’acte ? Je crois que ce que j’en retiens avant tout, dans cette praxis que je viens de vous présenter, c’est la position de l’analyste. Savoir s’il existe un analyste quand il n’y a pas de demande d’analyse.

À la page 151du séminaire « L’acte analytique », édition de l’ALI, Lacan nous dit qu’« une chose certaine, c’est qu’il n’y a pas de psychanalyste sans psychanalysant » et un peu plus loin que « s’il n’y avait pas de psychanalysant, il n’y aurait pas de psychanalyste ». Dans les aspects que je vous ai exposés, il n’y a ni l’un ni l’autre, mais est-ce pour autant qu’il n’y a pas de psychanalyse qui circule : transfert, inconscient, supposé savoir, etc. ? Dans la dernière vignette, il me semble que s’il n’y a pas de psychanalyste et de psychanalysant, il y a de l’acte analytique au sens où Lacan nous le dit dans la leçon du 10 janvier : « Un acte est lié à la détermination du commencement, là où il y a besoin d’en faire un car il n’y en a pas. Il y a un avant et un après de l’acte et ce qui importe, ce sont les suites de l’acte, la mutation, le franchissement qu’il suscite pour le sujet. »

 

Donc, pas de psychanalyste et pas de psychanalysant, mais pour autant il y a de l’acte, et cela peut être parce que, comme Maud Mannoni le suggérait, il n’est pas question-là de sujet supposé savoir, mais de faire crédit de savoir à tous ceux que nous rencontrons dans les institutions et qu’il pourrait y avoir de l’acte analytique un peu partout. Pas de l’analyse, mais un acte qui fasse entendre ou qui permette que quelque chose se rencontre.

 

Ce témoignage que je vous ai fait ce soir, et qui me semble être un point fort de cette leçon également, c’est le rapport entre l’analysant et l’analyste. Cette place à laquelle l’analyste place l’analysant mais également la place que l’analysant assigne à l’analyste. Dans toutes les considérations que je vous ai exposées, je crois que c’est sur ce point que je m’appuie pour travailler avec les enfants dans le cadre du JET7, mais aussi en tant qu’analyste. Ce soir, pas de divan, pas de cabinet, pas de bureau, pas de cure type comme Lacan nous l’enseigne. Une tentative de mise au travail à partir d’un autre lieu et d’autres aspects, comme il en était question dans la leçon du 31 janvier (1968), où se retrouvent plusieurs analystes et où Charles Melman invite lui aussi un certain Jean Oury à venir parler d’une autre place. Des interrogations sur cet acte analytique autrement qu’à partir d’un séminaire et peut-être moins axées sur la théorie et les concepts. D’ailleurs, je voudrais terminer en vous interrogeant sur ce que j’ai lu d’une analyse d’un ouvrage.

 

Dans cet ouvrage, l’auteur nous fait part d’un acte qui reste pour lui mystérieux. À la place des quelques mots ou absences qui tenaient lieu de congé, de fin de séance, cet analysant s’est vu adresser cette question de la part de son analyste : « Est-ce que vous êtes venu avec votre voiture ? »[3], puis cette deuxième : « Est-ce que cela ne vous dérange pas… pourriez-vous me conduire jusqu’à un taxi ? ». Sur la route, l’analyste en remet même une couche : « On va héler un taxi… nous hélerons un taxi si nous en rencontrons un… ». Cette scène se passe au 5 rue de Lille, et on peut en lire les effets dans le livre de Jean-Guy Godin « Jacques Lacan, 5 rue de Lille ». Cette demande de Lacan, ce hèlement, était-il un acte analytique ? Ici, j’espère que certains d’entre vous pourront nous apporter quelques éclairages ou anecdotes à partager.

 

 

Je vous remercie.

 

 


[1] Jacques Lacan, « L’angoisse », Séminaire X, 1962-1963, édition Michel Roussan, Paris 2003, p.246

[2] Ajout d’après-coup inspiré par I. Caron-Jacubowiez

[3] Jean-Guy Godin, « Jacques Lacan, 5 rue de Lille », éditions Seuil, p.138