Quel horizon pour la Justice des mineurs ?
28 novembre 2011

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PENDANX Daniel
EPEP
Psychanalyse-enfants



« Mais, de manière générale, c’est à une tâche de distinction que l’exigence démocratique nous affronte. Et cette tâche de distinction n’est pas autre chose que ce qui peut frayer le chemin de la sortie du nihilisme. Le nihilisme, en effet, n’est rien d’autre que l’annulation des distinctions, c’est-à-dire l’annulation des sens ou des valeurs. Sens ou valeur, cela n’a lieu que selon la différence : un sens se distingue d’un autre comme la droite de la gauche ou la vue de l’ouïe, et une valeur est essentiellement inéquivalente à toute autre. »

                
Jean-Luc Nancy,
Vérité de la démocratie, Galilée, 2008, p.42 

 

 

 

I

La  brèche ouverte par la décision récente du Conseil Constitutionnel, rétablissant le juge des enfants dans un statut plus conforme aux grands principes du droit1, fait craindre à beaucoup qu’on ne s’achemine vers la fin de l’exception française en matière de protection judiciaire de la jeunesse. La sacro-sainte priorité de « l’éducatif » consacrée par l’ordonnance 45, puis par la création  en 1958 de l’Assistance éducative en milieu ouvert, se trouverait menacée.

Serions-nous en passe de basculer comme certains l’appréhendent dans le « tout sécuritaire », et de manière concomitante de livrer la protection de l’enfance à l’omnipotence administrative ? Je ne sais, je ne sais trop vers quelles formes plus ou moins hard de la techno-gestion nous pouvons basculer, mais face à cette menace qui pointe, la seule défense du primat de « l’éducatif » – je demande souvent, quel éducatif ? – me paraît bien insuffisante. 

Nombre de cliniciens estiment que la Justice des mineurs ne souffrirait que d’une carence de moyens, et qu’il conviendrait de s’en tenir au seul statu quo. Serait-ce à dire que nous ayons  une pensée consistante quant au rôle du juge des enfants, et une politique judiciaire éclairée, anthropologiquement éclairée, quant aux problèmes de la jeunesse et de la famille qui sont portés devant sa juridiction ? Je ne le crois pas. 

Et si j’ai quant à moi une inquiétude c’est qu’en l’état ne se répètent les simplifications et facilités d’usage en la matière, le sempiternel duel entre tenants de solutions idéalement autoritaires d’un côté et tenants de solutionsfaussement réparatrices de l’autre. Ce que je crains c’est que la réflexion critique n’échoue une fois encore dans ce même rapport (dé-symbolisé) au droit et ce même défaut de vision en lesquels s’enchaînent depuis des lustres les protagonistes des deux bords.

Il serait pourtant aujourd’hui possible de mettre en cause les présupposés fondateurs (le psycho-juridisme impliqué dans la dite interpénétration du judiciaire et de l’éducatif), et de se saisir enfin, sous un éclairage renouvelé, du caractère symbolique princeps de la fonction des magistrats de la jeunesse – une fonction clef dans la mise en œuvre institutionnelle de l’Interdit civilisateur. 

Pour moi l’essentiel est là : relever en quoi, en regard de la problématique subjective, la vocation clinique du juge des enfants tient à son propre pouvoir juridique,  médian et de limite. 

Si nous voulons – mais le voulons-nous vraiment ? – que les juges vaillent comme tiers garants de la Limite qui s’impose à tous, à tout un chacun comme à toute institution, il conviendrait à mon sens tant au civil qu’au pénal de les dessaisir de l’Assistance Educative. La logique de mon propos est simple: les juges des enfants limiteront d’autant mieux les pouvoirs, la « loi » des uns et des autres, qu’ils seront eux-mêmes mieux limités, soumis comme des juges ordinaires, que cela plaise ou pas, aux règles et principes généraux du droit. 

Comment ces magistrats pourraient-ils en effet limiter dans leur pente d’illimité, hors duel, les pouvoirs familiaux et sociaux si eux-mêmes, peu ou prou supplétifs de ces pouvoirs, sont légitimés en place souveraine, grands manitous du réel familial et institutionnel, à tenir tous les discours?

Qu’il soit toutefois clair que si je mets ici en cause le rôle actuel très élargi du juge des enfants, sa supposée compétence éducative, la confusion des registres (juridique et non juridique) de la parole qui s’y implique, ce n’est pas pour revenir à un vieux juridisme sans horizon clinique mais aux fins de relever en quoi sa capacité clinique tient à sa capacité, proprement juridique, de garant du montage généalogique de l’identité, et de la triangulation institutionnelle qui l’étaye. La vocation  clinique du juge n’est pas de réparer ou d’amender les sujets mais de les ré-instituer à leur place de droit, dans la structure. C’est par là, en opérant au plan juridique comme tiers dans la dialectique identificatoire – la dialectique du désir (du désir inconscient) et de la loi (la loi du langage), dialectique interne constitutive de la différenciation subjective du sujet de la parole lui-même –  que l’office du juge prend effet clinique. 

Mon propos est bien d’essayer de faire valoir pourquoi, du point de vue même de la clinique,  il conviendrait de se dégager de cet anti-juridisme qui depuis l’après-guerre verrouille la réflexion sur le statut du juge des enfants. Le plus difficile restant alors de s’extirper de cette conception instrumentale et administrative rétrécie du droit qui est celle, objectiviste, ou inversement, comme il en fut par exemple chez Bourdieu, quasi magique, d’un sociologisme à la remorque duquel demeurent nos milieux. 

Au plan théorique, reconnaître qu’en sa structure de langage et de fiction le droit participe de l’architecture symbolique, institutionnelle, tant du sujet que du social, reconnaître que c’est bien par là que «le discours structure le monde réel» comme a pu dire Lacan2, devrait conduire les cliniciens à prendre acte de l’efficience clinique spécifique du juge : une efficience qui opère à hauteur de l’efficience symbolique du psychanalyste, mais sur un autre plan (le plan juridique) du traitement du transfert. Il y a deux plans distincts, juridique et non juridique, symboliquement égaux,  mais liés l’un l’autre, du traitement du transfert. Ces deux plans sont inhérents à la dialectique identificatoire constitutive du sujet –  la dialectique entre la logique du fantasme, des identifications inconscientes, et la logique langagière structurale, du tiers exclu. Cela reste incompris, et les analystes qui interviennent comme « superviseurs » dans le champ judiciaire et du travail social ont de ce fait le plus grand mal à s’extraire de cette espèce de position de surplomb, de prétention au monopole clinique, symbolique, que je ne cesse de lire sous leur plume. Comme si le traitement analytique était le seul traitement noble…, et l’identification au psychanalyste – à ne pas confondre avec l’identification du psychanalyste –la seule issue, haute si je puis dire, de la cure…

Le pouvoir médian clinique du juge tient donc à sa capacité de faire jouer en droit dans la scène des cas, tant au niveau du sujet que de l’institutionnalité, la marque juridique (langagière) qui préside à la différenciation, aux distinctions. Et cela en faisant valoir la limite et l’écart entre les places, entre les plans du fait et du fantasme, comme entre les registres distincts (juridique et non juridique) de la parole. Je dis médian car le juge-interprète ne fait pas la loi, mais est médiateur de la relation du sujet à la Loi. Et je dis clinique car son exercice, manœuvrant le rapport au Phallus (les représentations fondatrices de l’identité), prend effet sur le cours de la différenciation subjective, le procès de l’identification des sujets traités.

Occulter la dimension symbolique de la fonction du juge (toujours en regard de l’autre scène du sujet et du social) conduit à faire de cette fonction la caisse enregistreuse de discours extérieurs au droit, une fonction de régulation des comportements individuels et sociaux. Voilà qui fait les affaires du Management, le lit de la techno-gestion comportementaliste !

Nous sommes, quant à cet abord des choses, loin du compte ; et nous fermons les yeux sur les dérives familialistes d’une juridiction trop souvent déroutée, sous les justifications diverses du positivisme éducatif / thérapeutique, de sa tâche juridique princeps. Au niveau politique, dans les instances de formation, dans les cercles psychanalytiques les mieux inspirés, nul paraît en effet s’informer (1) du rôle symbolique clef du droit dans l’institution du sujet, et (2) de la fonction  de cheville du juge dans l’architecture institutionnelle. Ce qui ne rend guère possible de repérer, pour ce qu’elles sont, les chausse-trappes et impasses de cette juridiction des mineurs. 

Aussi, plutôt que de s’arcbouter sur la défense du statu quo, je propose, même si aujourd’hui dans un certain désert, de revisiter tout autrement le rôle jusqu’alors dévolu aux Juges des enfants, aux fins de repenser ce rôle dans une perspective autre que celle, comportementaliste ou subjectiviste, qui prédomine. Cette réorientation impliquerait toutefois de comprendre, comme le rappelait Daniel Boulet en 2007 dans une Conférence à la Protection Judiciaire de la Jeunesse (Bordeaux),  «que ce sont les conséquences de la décomposition en amont du droit civil de la filiation et de l’autorité parentale qui sont traitées, en aval, par les juridictions de la jeunesse et les instances qui prennent en charge les mineurs délinquants et en danger, leurs familles » .

Je sais le poids actuel de la dérive techno-scientiste, gestionnaire, mais je sais aussi, et c’est une dimension sur laquelle je cherche à attirer ici l’attention des cliniciens, combien les travers subjectivistes contenus dans la dite interpénétration du juridique et de l’éducatif consacrée par l’ordonnance de 45 et l’Assistance éducative ont fait le lit de cette dérive. J’ai appris, au plus près des cas, dans mon propre exercice d’interprète, combien  les discours professionnels, occultant leur propre indice normatif, peuvent justifier des agis qui, au défaut même d’une élaboration clinique, outrepassent le cadre de la castration symbolique. Il convient en effet ici d’observer que ces passages à l’acte professionnels, s’auto-légitimant, s’engagent toujours sous couvert d’un juridisme, mais d’un juridisme sauvage – un juridisme qui au final neutralise l’office tiers et de limite des juges, laissant le champ libre à la volonté de puissance et d’emprise. Ce qui a pour autre conséquencede masquer la façon dont toutes les autres fonctions institutionnelles, fonction administrative comprise, s’inscrivent dans la scène de la représentation fondatrice, l’horizon du sens.

 

 

II

Les juges seraient-ils dans notre société dépositaires de l’éducatif ? Quel éducatif ? Comment ne pas s’inquiéter sous ce vocable si générique du champ laissé libre aux affects, projections et fantasmes les plus divers, à tous ces juridismes pour le moins incertains et si mal délimités ? 

Ce désir si puissant « d’éduquer » fut relevé par Foucault en 1975 dans Surveiller et punir : « Il apparaît un furieux désir chez les juges de jauger, d’apprécier, de diagnostiquer, de reconnaître le normal de l’anormal ; et l’honneur revendiqué de guérir ou de réadapter. » ; ou bien encore :  « La pénalité moderne n’ose plus dire qu’elle punit des crimes ; elle prétend réadapter les délinquants», et pour cela ajoutait-il, « elle voisine et cousine avec les sciences humaines ». (Gallimard, 1975, p.311, et quatrième de couverture)

Les juges des enfants n’auraient-ils d’autre perspective que de chercher à amender, réparer ou intimider les sujets (les jeunes, et leurs familles), que de les réprimer ou les soumettre au juridisme éducatif,  thérapeutique, des uns et des autres ? 

Nous demeurons d’autant dans cette perspective que nous méconnaissons la fonction institutionnelle du juge. L’aveuglement de la doxa (de l’adéquation du juridique et de l’éducatif)  porte sur le fait que pour le juge, comme pour tout interprète en quelque fonction que ce soit,  l’essentiel est qu’il soit d’abord institutionnellement référé, autrement dit divisé du Pouvoir, décollé de la Référence, en étant donc  juridiquement ramené lui aussi à sa propre castration institutionnelle.  Nous avons le plus grand mal à admettre la portée d’humanisation de cette division (Legendre), le fait que cette division, la division des champs et des discours, est une division instituée, juridiquement instituée, et que c’est là la clef de la symbolisation. Nous avons ainsi le plus grand mal à saisir que la séparation  des pouvoirs et des ordres de compétence s’implique dans les principes généraux de notre droit, qu’elle est la condition politique pour que le juge –  praticien de l’écart, comme le met si justement en scène, et quelque ironie, la fable de La Fontaine, L’âne qui portait des reliques –,  élabore et soutienne dans ses actes et  jurisprudences ses propres limites de discours dans le champ institutionnel de la parole. 

Dégagés de la doxa, ouvrant une autre perspective,  quelques magistrats ont porté ces dernières décennies un regard critique sur notre chère «exception française». 

Parmi ceux-là, Daniel Boulet, après une longue expérience de juge des enfants à Bordeaux, a été un des premiers, sinon le premier, à indiquer dès 1989 dans son Bilan critique de la protection de la sauvegarde de l’enfance combien la personnalisation familialiste de la fonction du juge des enfants a «vulgarisé une modalité d’exercice de la fonction judiciaire qui tend au refoulement de la problématique généalogique et à la dé-légitimation de l’ordre symbolique des places. » (Archives Aquitaine de Recherche sur le Social, n°spécial 1989-1990, pp.85-86).

Hélène Cazeaux-Charles, elle aussi ancien juge des enfants, soulignait à son tour en 2003, dans une intervention auprès de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, l’exigence et le sens de l’écart à faire valoir: « Reconnaître la nécessité d’un écart structurel entre les fonctions de juge des enfants ou du tribunal pour enfants et les services éducatifs suppose que l’on ait définitivement renoncé à croire que le droit est une technique de régulation sociale, légitimant, ainsi conçu, ce qu’il faut bien qualifier de dérive comportementaliste de l’action judiciaire et éducative. Conçu autrement, c’est-à-dire comme un discours porteur de fictions inscrites dans un montage agençant les places, réglant les fonctions, distribuant les rôles, le droit oblige à la mise en œuvre de pratiques professionnelle  mettant en scène,  chacune pour le compte de leur acteur, la rencontre des sujets humains avec la dimension de l’indisponible. » (Documents internes, PJJ, 2003)

Antoine Garapon, dans un essai sur la Justice des mineurs, avait de son côté noté combien cette sphère restait prisonnière de la «confusion des pouvoirs (concentration dans un même homme), des matières (civile et pénale), des temps (instruction, jugement et exécution) et des savoirs
(psychologie et droit) ». Ce qui l’amenait alors à envisager«une nouvelle conception de l’intervention judiciaire »…  « Il s’agirait bien davantage pour le juge des enfants, écrivait-il alors, d’organiser et de garantir une certaine procédure… plutôt que d’intervenir dans le réel (familial, social ou économique). » (La
justice des mineurs. Evolution d’un modèle. Paris, LGDJ, 1995. La Pensée Juridique Moderne).

Toutes ces remarques critiques, échappant aux fausses divisions et facilités du clivage idéologique habituel, ont été jusqu’à ce jour tenues à la lisière, tant dans les milieux juridiques que les milieux psy, éducatifs. Il est vrai qu’elles nous éloignent des présupposés des fondateurs. Pour ceux-là, a contrario d’un dit droit-sanction, posé comme étranger au sujet, le «nouveau droit de l’assistance éducative » devait en effet être un « droit-remède… centré sur la personne et la relation humaine… et fondé sur l’objectivité des sciences humaines ». Le juge des enfants devait être un juge aimant et aimé ; je cite :
« Voici un juge non seulement accepté, mais aimé des justiciables. Le fait, si peu croyable, n’a rien de miraculeux: l’institution nouvelle plonge ses racines dans les profondeurs de la réalité humaine qui, confusément, l’attendait et qui se reconnaît enfin en elle »3. Figure d’un juge secourable et fraternel, ce juge devint le pôle idéalisé de tous les transferts institutionnels…  Grâce à la nouvelle juridiction de l’Assistance éducative l’élément de conflit paraissait susceptible d’être éliminé ; la justice des mineurs allait échapper à cette sorte de loi de la pesanteur qu’est en droit classique, le principe d’imputation.4

Mais convertir la sphère de la justice des mineurs en une sphère d’éducation morale et d’aide ne se pouvait sans la désarrimer pour partie de la sphère de la justice solennelle, sans abroger et subvertir certaines des sauvegardes habituelles du droit classique. 

Le Doyen Carbonnier en perçut tous les risques : « …c’est à la justice d’Etat que l’on demande de se dégager des rites pour se faire plus intime et moins intimidante. Une justice familière, familiale, désir éternel. La Révolution l’avait eue, et notre époque a essayé de l’accomplir avec ce type d’audience dont elle fait bénéficier les adolescents en mal de déviance et les ménages en mal de divorce, l’audience du cabinet. C’est une audience sans auditoire, partant sans contrôle. M. Garapon ne fait pas mystère de sa méfiance : les formes – par l’attrait du spectacle, j’imagine, et par l’impression laissée surla mémoire – auraient procuré au procès une publicité étendue et
durable ; leur suppression crée une clandestinité qui, pour la libertéindividuelle, est un péril. Mais, encore plus peut-être que le secret, c’est l’affectivité du colloque singulier que l’on peut redouter. Sans l’écran d’un rituel, l’immediatezza du juge (pour faire un emprunt à l’italien des processualiste ) incite à une justice paternaliste – ne vaudrait-il pas mieux aujourd’hui dire « maternante » ? – qui ramène les justiciables à l’état d’enfance. Les débordements d’une
justice trop chaleureuse font naître la nostalgie d’un droit froid, des lois de glace.»5.

Ces remarques ne suffirent pas à ouvrir la brèche. La plupart de ceux qui prétendent orienter les pratiques, tant du côté des juges que du côté psycho-éducatif,  verrouillant les instances de formation (à quelques rares ouvertures près), ont continué de justifier aux motifs divers de l’Educatif ou du Soin l’imperium prêté aux magistrats de la jeunesse, comme si ces juges n’avaient affaire qu’à des enfants… 

Et c’est ainsi, souscrivant sans discernement à l’irréfragable motif de l’éducatif et donnant corps et puissance à la fonction de guidance du magistrat que la Justice des mineurs s’est enkystée dans l’indistinction du plan juridique et du plan non juridique de la parole, avec pour conséquence directe d’inclure la figure du juge dans le mythe institutionnel unaire aujourd’hui de plus en plus prévalent,  celui, homo-sexué, des parents combinés6

Faudrait-il alors s’étonner, quand des magistrats sont entraînés à s’identifier à des éducateurs, des thérapeutes, qu’en retour ceux-là, spécialistes et autres experts de la gestion des cas, tendent à s’emparer, sous les termes d’un juridisme masqué, de la place du juge ? 

Ne serions nous pas ici aussi dans cette configuration relevée par Catherine Labrusse-Riou, où des discours extérieurs au droit, « perdant leurs frontières ou leur autorité, privent le droit de la
possibilité de s’imposer aux technostructures ou aux pouvoirs individuels devenus sans limites efficientes et l’obligent soit à suivre soit à s’éclipser »7?

Donnons, pour le lecteur peu au fait des pratiques et usages, un exemple commun, pris parmi tant d’autres du même acabit : un juge des enfants dit à tel père ou telle mère, à tel service éducatif, parce que cela lui passe tout à coup à l’esprit lors d’une audience, et parce qu’il croit naturellement que c’est là « l’intérêt de l’enfant », que cet enfant dont il est question « doit » l’été qui vient aller en colonies de vacances… Qu’est-ce qu’il en sait ? Qu’est-ce que nous en savons ? Mais surtout : quel est le statut, juridique ou non juridique, de ce dire « éducatif » du magistrat, prononcé de sa place de juge ? Le plus souvent un tel dire est retenu par les travailleurs sociaux, et parfois par le magistrat lui-même, comme un dire dogmatique, un dire qui « dit la loi »… 

Derrière un exemple si banal (il y en a de bien moins innocents, que je laisse ici de côté) s’engage une position subjective souveraine, dont les limites sont pour le moins floues, embrouillées… 

Comment dans un tel contexte les uns et les autres ne prendraient-ils pas alors, dans le transfert du jeune (et le transfert des parents), leurs propres attendus subjectifs pour la loi, sans autre recours tiers pour  les sujets traités ?

A vouloir imposer telle ou telle façon d’éduquer, à s’immiscer pour en régler le cours dans les situations familiales des jeunes, la dérive familialiste de la Justice des mineurs reste massive, ouvrant grand la porte à cette technocratisation du travail social dont beaucoup s’alertent, sans véritablement saisir comment nous en sommes arrivés là !8 

Quand la loi du dire devient « la loi du juge », nous plaçons, que nous le voulions ou non, le magistrat dans une position d’omnipotence qui le situe dans un face-à-face, une position duelle, potentiellement rivale des autres « lois » – loi du
jeune, loi des familles, loi des services… Que cela plaise aux matamores du travail social, aux disciples de disciples, esclaves nés avides d’autres esclaves (Michaux), est une chose, compréhensible,  mais que cela ne soit pas mis en questions par les cliniciens et les analystes en est une autre, qui depuis longtemps m’interroge. 

Détachée du continent de la Justice ordinaire, livrée au psychologisme, au sociologisme, la sphère de la Justice des mineurs, dont certains ont eu tendance à faire une chasse gardée, a ainsi plus ou moins perdu sa vertu première, d’être un lieu qui existe par lui-même. Les juges des enfants, enserrés dans ces discours spécialistes étrangers sinon hostiles au droit, sommés de collaborer au partenariat institutionnel, priés d’avaliser les expertises, tendent à perdre de vue leur propre office tiers, leur raison d’être juridique. Ces magistrats, communément ignorants, mais ni plus ni moins que les « experts », les éducateurs, les psys et sociologues, de la dimension institutionnelle de la vie subjective, n’ont pu jusqu’à ce jour accéder a minima à une réflexion un peu rigoureuse quant à l’articulation du droit à la problématique subjective. Sous le poids  de la doxa de l’Educatif – véritable cheval de Troie de l’anti-juridisme –, et d’un narcissisme de corps,  cette réflexion – qui ne consiste en rien à « identifier le sujet de droit et le sujet de l’inconscient »,  et à restaurer ainsi je ne sais quel nouveau psycho-juridisme –,  demeure circonscrite, comme interdite de cité par la doxa anti-normative.  

C’est pourtant en s’extirpant du clivage entretenu à souhait par les sciences humaines entre sujet de droit et sujet de la parole que les juges pourraient réinvestir leur propre fonction symbolique de garant de l’identité9

Nous sommes sur la pente contraire, sur la pente de l’obscurcissement de cette fonction de garant, celle de sa dilution dans le grand tout partenarial – pente qui pourrait à terme déboucher sur l’annulation pure et simple de leur fonction au civil,  au profit d’une «gouvernance» administrative omnipotente et aussi ignorante de sa propre inscription dans l’horizon généalogique, celui du sens.

La subversion de la fonction médiane du juge – fonction qui ne peut valoir, j’y insiste, que si le juge est institutionnellement requis lui-même comme tiers, c’est-à-dire tiers exclu dans la scène du lien, par rapport au réel des liens familiaux et sociaux – a pour conséquence directe d’inclure sa figure dans un imaginaire social très maternalisé… Freud
avait déjà parlé en son temps de cette tendance à faire de la Société une nursery – une tendance aujourd’hui manifeste, où se confortent les mécanismes (meurtriers et pervers) de l’inversion.

Il en va là du mouvement général de la déconstruction du noyau structural œdipien, de sa dé-symbolisation,  de toute cette mécanique de la déstructuration institutionnelle qui irradie notre société… Le mariage, par exemple, ne serait plus une institution, mais un « contrat » à la libre disposition de chacun, quel que soit le sexe des contractants… Nous avons laissé aller une logique, logique du fantasme, dont nous sommes encore loin, je le crains, de percevoir, derrière nos idéalisations politiques le lot de régressions et de nouvelles ségrégations qu’elle transporte.

Pour avoir voulu faire du juge des enfants ce Père Idéal, devenant pour les jeunes « mon juge »10, les fondateurs ont détourné la Justice des mineurs des rites et formes d’une justice plus solennelle. Ils ne savaient pas qu’à l’envers du vieux juridisme, ils allaient ouvrir un autre type de dérive, plus soft, plus larvée, mais je dirais, qu’on me pardonne cette lèse-
majesté, plus perverse…  Le résultat est que les juges sont prisonniers de cette dérive commune, dérive de la fausse réparation11 dans laquelle tant de pratiques échouent, relançant l’illusion autoritariste. Une dérive qui s’inscrit dans cette tendance culturelle du temps, disons libéralo-libertaire, dont la résultante est aujourd’hui, sous les coups de boutoir du lobbying homosexualiste, la déconstruction illimitée des montages du droit civil, sur le nom, le mariage, la filiation.

Comment les praticiens pourraient-ils dès lors s’orienter avec quelque rigueur, en se dégageant,  y compris pour leur propre compte de sujet, de cette perte des repères symboliques fondamentaux (les repères œdipiens) dont souffrent au premier chef tant de jeunes laissés en plan ? Comment dans un tel contexte, positiviste, pourraient-ils conquérir de soutenir la négativité, supporter la confrontation hors duel, endurer le conflit sans basculer dans des rétorsions destructrices des fondements du sujet ? 

Qu’en est-il au niveau de la « formation » spécifique des juges des enfants ? Quel discours mène le bal ? Le discours du droit ou, sous les atours d’une idéologie réparatrice de bon aloi, et d’un narcissisme de corps occultant sa propre négativité12, le discours du maître et de l’hystérique ? 

Depuis longtemps je tente d’indiquer ici et là, tirant leçon des cas, combien la confusion des genres, des places et des discours, poussant à l’indistinction des figures, à la dé-symbolisation de la scène œdipienne, barre la voie à l’élaboration subjective du «grandir», et combien donc, comme le dit Legendre, « sans différenciation des places, des fonctions et des discours, le rapport à la loi devient une mascarade »… 

Cette indistinction des figures est au principe du nihilisme, du nihilisme culturel le mieux masqué sous des sophistiques diverses ; elle est à mon sens l’obstacle majeur à la remise en œuvre par le juge d’une scène institutionnelle triangulée, où fonctionne la Loi13. Voilà pourquoi tous ceux qui se déclarent soucieux d’une clinique du sujet, soucieux de faire vivre des espaces tiers, auraient à mon sens mieux à faire que de trompéter ou de justifier imprudemment la doxa. Les cliniciens ont devant eux de mesurer la portée politique et institutionnelle de la psychanalyse, en regard même de la rupture que l’œuvre de Freud – ouvrant la seconde Révolution de l’interprète (Legendre, Les enfants du Texte, Fayard, 1992, p.390 et s.) –, a introduite par rapport au juridisme (à la juridiction sur le sujet) impliqué dans le vieux psychologisme, comme dans la confession…  Autrement dit ils ont à élaborer leur propre position institutionnelle de discours, aux fins de se dégager du juridisme traditionnellement impliqué dans le psychologisme, le discours médico-psy, et cette théologie du sujet de la parole (vrai psychanalysme) qui en redore le blason …  Mais cette élaboration  n’est possible si nous ne concevons, de manière concomitante, la fonction institutionnelle du droit,  et l’office du juge comme garant de l’institution du sujet, comme garant du cadre de la clinique –  ce cadre structural de la représentation  que la psychanalyse éclaire comme celui de la castration symbolique.Il s’agirait là, pour les analystes, de conquérir et de digérer enfin ce pas, que je nomme parfois, payant ma propre dette, le pas de Legendre.

Mais devant la réalité des choses, devant la puissance de l’attachement de la plupart à notre exception française, j’ai fini par comprendre que tant que cela restera possible, travailleurs sociaux, psys, services et institutions, secteur social, continueront de se décharger massivement sur les magistrats de la jeunesse de leur propre malaise, de ce qui du Négatif, de l’écart et des limites, n’est pas soutenu dans leurs pratiques… A défaut de soutenir une praxis  (ce traitement du réel par le symbolique disait Lacan), les uns et les autres se rabattent sur l’exercice d’un pouvoir très imaginaire… Et quand ce pouvoir, comme il est de structure, est en échec face au Réel, alors ceux-là en appellent au juge, pour agir, faire consister en bout de chaîne institutionnelle le pouvoir imaginaire… Je dis souvent, au plus simple : c’est un peu comme quand la mère, à défaut de soutenir ses propres limites (sa propre division subjective, sexuée)  auprès de l’enfant, en appelle au père… pour la police – une police qui n’a alors d’autre motif que de maintenir l’enfant dans le giron de cette  mère… 

Ce mouvement, cette attente de puissance et de délivrance transportée sur le juge, je les ai relevés il y a des années de cela, comme transfert institutionnel (politique) sur la figure du juge, du juge comme Père Idéal… Antoine Garapon en avait de son côté, dans son essai, perçu l’implication, se demandant dans un fil foucaldien si « cela ne procèderait pas aussi d’une incapacité à penser le sujet au-delà de la domination d’une part et de la psychologisation d’autre part ? ». Mais cette incapacité à penser le sujet au-delà de la domination d’une part et de la psychologisation d’autre part ne saurait être dépassée tant que le pouvoir normatif du judiciaire reste incompris comme pouvoir civilisateur – civilisateur de la logique du fantasme. 

La gageure aujourd’hui, j’y insiste une dernière fois, est donc bien de saisir le pouvoir du juge comme pouvoir de référer les sujets au principe qui les dépasse, et de là, comme un pouvoir clinicien. Ce que n’autorise un seul abord anti-normatif, disons« foucaldien », tant cet abord, à l’envers du vieux juridisme, méconnaît (en regard de l’empire du désir inconscient qui enveloppe l’humain) cette dimension structurale normative du langage dont procède le droit. Dimension à laquelle le juge,  dans sa fonction clinique, sa fonction médiane d’interprète, relie le sujet. Je dis une fois encore médiane, car la fonction du juge n’est pas d’opposition mais bien de reliaison du sujet à la Loi. Il ne s’agit pas davantage pour le juge que pour le psychanalyste, selon la formule de Lacan,  d’opposer la loi au désir, mais d’unir le désir à la loi.

Les praticiens, juges, psys, travailleurs sociaux, continuent malheureusement dans leur plus grande majorité d’associer l’idée de normativité au fantasme politique de normalisation, et ne sont pas formés à saisir en quoi le droit « manie les images fondatrices de la subjectivité »14. Ce qui explique que nous soyons aujourd’hui, sous nos grands airs libéraux et libertaires,  très en retrait par rapport à ce qu’avançait Hegel évoquant la valeur du pénal pour les criminels, indiquant d’une formule simple et profonde qu’il s’agit d’abord par là « de les soumettre à la loi comme à leur propre droit »15. Comment comprendre aujourd’hui cette proposition si nous pensons que le droit, comme le répandent encore des psychanalystes en vue, n’a aucune prise sur la subjectivité ? 

Les juges des enfants pourraient-ils ne pas chercher à faire autre chose que du droit s’ils pensent, et nous avec eux, que le droit est sans rapport avec le  déterminisme symbolique langagier ordonnateur de la Filiation,  des figures qui commandent à la dialectique identificatoire – à ce «jeu d’images inconscientes et de fonctions symboliques fondatrices, inséparables de la formation des identifications chez l’enfant »16

Les juges ont en effet capacité (symbolique, pas gestionnaire) d’authentifier les places familiales et institutionnelles comme limitées et distinctes, capacité à  remettre symboliquement en jeu, y compris dans l’insu de la représentation de tous, les figures Mère et Père comme des figures distinctes et liées. De cette capacité, nouée à la facture langagière normative du droit, dépend leur fonction de garant de l’identité.

Prendre en compte, en regard de la dialectique du désir (du désir en tant que désir inconscient) et de la loi (de la loi en tant que loi du déterminisme langagier),  le lien du droit au procès identificatoire, voilà qui permettrait de  discerner que « l’influence, exercée par un magistrat de la jeunesse, sur les structures mentales du mineur », comme l’évoque un arrêt de la Cour de cassation (7 avril 93), dépend bien davantage du traitement juridique de la situation de ce mineur, de la médiation qui s’y engage, que de je ne sais quelle « relation singulière entre celui-ci et son juge » comme le soutenait cette même jurisprudence de la Haute Cour. A personnaliser la fonction, à favoriser cette dite « relation singulière », l’implication subjective des magistrats risque tout au contraire, comme cela se vérifie, de conforter le brouillage des images familiales et institutionnelles qui règne dans les cas…C’est donc bien davantage par la mise en jeu de leur propre fonction tierce dans la scène du cas (mise en jeu nouée au rituel judiciaire, au respect des formes de la procédure) que les magistrats de la jeunesse, référant, ré-instituant les uns et les autres à leur place de droit, restaure la triangulation et exercent la meilleure influence clinique sur le sort psychologique des sujets traités17

En conclusion

Si les magistrats de la jeunesse restent appelés, quel qu’en soit le mode, à se comporter en véritable chef de famille, super éducateur et patron des actions et missions éducatives, je ne vois pas que nous puissions de contrarier le rouleau compresseur de la techno-gestion scientiste, son œuvre de réduction de l’écart et de destructrion des espaces tiers. C’est pourquoi, le lecteur l’aura compris, le retour des juges des enfants dans un rôle plus ordinaire pourrait être à mon sens une aubaine, l’occasion de discerner enfin, comme le disait déjà en 1989 Daniel Boulet, qu’« un juge, fût-il de la jeunesse, est d’abord un juge-interprète … qui par sa décision doit aider l’enfant à occuper sa place sur l’échiquier généalogique de la vie. »18.

Nul, dans l’exercice de quelque fonction institutionnelle que ce soit, ne peut sans risque pour les sujets traités et au-delà pour le cours politique général se trouver exempté de la confrontation au caractère indisponible, distinct et limité  de sa place, de son discours, de sa compétence, et partant affranchi du travail subjectif (infini) d’élaboration de son rapport au Réel, au Pouvoir imaginaire… A cette exigence s’oppose un certain esprit du temps, l’esprit du privé :  un esprit qui pousse à se faire le propriétaire de sa fonction, à se croire propriétaire de telle ou telle institution, hors lien d’Etat… Cet esprit, qui fut aussi le vieil esprit de la Réforme,  nous pousse à récuser ce que j’ai appelé notre castration institutionnelle, tant au fond nous aimons «l’exception » – cette exception qui comme on le sait avec Freud19 reste toujours le meilleur prétexte pour se tenir hors le champ commun, ordinaire, des limites qui s’imposent à tous…   

Nul ne peut prétendre venir boucher – réaliser – la place vide du Garant, sinon à télescoper, comme dans L’âne qui portait des reliques, les plans du sujet, de la fonction et de la Référence – l’Idole dans la fable de La Fontaine. Mais c’est pourtant bien ainsi, défendant notre « exception » française, que nous ne cessons d’incester le champ institutionnel, le théâtre de la représentation fondatrice…  

L’agitation militante est vaine, et je ne vois pas d’autre chemin pour les interprètes que d’avoir souci de l’institution du sujet –  un souci qui, s’il n’est pas de façade, nous oblige à saisir que la « perte des repères » dont on nous rebat les oreilles n’est au fond que subversion de l’indisponible de structure. S’il y a bien, comme je l’estime avec quelques autres, déploiement d’une économie perverse (dans le champ familial et institutionnel), cela tient d’abord me semble-t-il à cette mise à mal, nouvelle dans l’histoire de l’humanité, des représentations fondatrices de l’identité, des catégories et des montages langagiers, juridiques, de la différence des sexes et des générations. La dite « perte des repères » s’accompagne en logique, observons le, de l’advenue d’autres « repères » : ceux de la nouvelle dogmatique libérale-libertaire, une dogmatique qui sous les oripeaux du libre choix du genre (thèse confusionnelle officialisée en leçon de chose et en argument électoral s’il vous plaît !) est en vérité une dogmatique régressive, tenue au fantasme des parents combinés, d’avant la division du Sexe.

Des deux côtés de l’échiquier politique l’exigence structurale, l’exigence juridique de la mise en scène œdipienne des fondements, celle d’une théâtralité institutionnelle triangulée, demeure ignorée. Et cela d’autant plus que cette exigence, non réductible à quelque familialisme ou modélisation sociale que ce soit,  paraît pour beaucoup d’un autre temps, à ranger au magasin des antiquités freudiennes ! Nous serions à l’ère du post-œdipe, du sans totem et tabou. Telle est l’illusion, l’éternel complexe de croyance (Rosolato), qui amènent les uns, sur la pente sécuritaire, à faire des jeunes traités des quasi ennemis du genre humain, et les autres, sur la pente de l’affectif, à en faire, selon le mot de Legendre, des privilégiés du malheur.

Alors, lecteur pardonne moi,  je rabâche et m’interroge une dernière fois : que faudrait-il pour que les interprètes, ceux qui disent avoir souci du sujet de la parole,  comprennent que ce n’est pas en demeurant dans l’anti-juridisme, et d’occulter le nihilisme impliqué dans la déconstruction en cours du noyau anthropologique, que nous pourrons nous opposer de manière quelque peu efficiente au comportementalisme et au scientisme promus par un Management ignorant de son propre horizon symbolique ? 

Daniel Pendanx
Bordeaux,  juin – août 2011

(Ce travail est paru en 2008 dans une première mouture, sur le site psychasoc et le site psydésir, sous le titre Pourquoi un juge des enfants ? Réflexions sur la fonction clinique de la Justice des mineurs. Je remercie J.-M. Forget de m’en avoir proposé l’accueil sur ce site.)