Les phobies « chez l’enfant : Impasse ou passage ?
Sous la direction de Marika Berges- Bounes et Jean-Marie Forget
Avec Sandrine Calmettes-Jean, Catherine Ferron et Christian Rey
Les manifestations phobiques de l’enfant mettent en évidence leur paradoxe ; si elles mobilisent initialement ceux qui l’entourent d’une manière impérative, elles leur semblent pourtant incompréhensibles puisque l’angoisse est fréquemment suscitée par une situation ou un objet du quotidien, est-il écrit au début de l’ouvrage. Ouvrage dense, parfois un peu touffu, il a le mérite de proposer des repères cliniques et psychopathologiques, soutenant la pratique professionnelle de chacun, thérapeutes mais aussi institutions : crèche, éducation nationale…
Composé de nombreux chapitres rédigés par plusieurs psychanalystes membres de l’Association lacanienne internationale, il rend compte du travail réalisé par l’École de psychanalyse de l’enfant à Paris (EPEP).
Hystérie d’angoisse chez S. Freud avec le Petit Hans, plaque tournante chez Lacan, Charles Melman dans un chapitre très clair et très enrichissant, la désigne comme une maladie de l’imaginaire , se caractérisant par l’appui qu’un sujet en mal de repère symbolique irait chercher dans l’imaginaire ; \ »La clinique phobique semble bien, a priori concerner le nouage du Réel et de l’Imaginaire, alors que du coté du Symbolique, il y a effectivement non seulement cet effet de trouage, mais il y a la mise en place de quelque chose qui serait celle d’un objet petit a et d’un au- moins-un, d’une instance… mais tout cela n’arrive pas à bien se tenir ensemble\ ».
Différents chapitres montrent que ce symptôme marque des difficultés habituelles et transitoires, surgissant lorsque l’enfant va avoir à renoncer à renoncer à être le \ »petit trésor\ », l’objet de jouissance de la mère pour passer à un statut de sujet.
JM Forget met bien en évidence la notion d’espace phobique ou l’enfant cherche ce qui pourrait lui servir de lien symbolique. Il cherche par la pulsion scopique, via le regard qui a pour lui le statut d’objet petit a, une décomplétude qu’il ne trouve pas dans la structure du discours de l’autre.
F. Benrais fait figurer le travail de H. Legrand du Saule, Étude clinique sur la peur des espaces (agoraphobie des Allemands) de 1878 qui lui aussi développait la symptomatologie et proposait des orientations thérapeutiques :
Dans une »tentative de faire parler la lettre » Marika Berges-Bounes, pose la question du sujet phobique à la lettre. Cette lettre garde un côté menaçant, comme si elle était une contraction de l’espace désorganisé du phobique d’où les difficultés d’apprentissage de la lecture et l’écriture.
Cette lettre qui fait peur, peut on aller jusqu’à lui donner statut d’objet phobique ?
La seconde moitié de l’ouvrage aborde plus particulièrement les orientations thérapeutiques, le type de manœuvres possibles dans le transfert, la difficulté d’identification à un semblable. C.Tyszler met l’accent sur la nécessaire perspective du praticien, non seulement à lire ce qui se dit, mais aussi à trouver des biais, quand le transfert le permet, pour modifier cet espace particulier propre aux phobiques.
J’ai été particulièrement intéressée par le chapitre intitulé \ »Psychose-phobie ? Une clinique de la négation\ » de J. Froissart. Les défenses phobiques, retrouvées dans l’enfance des jeunes schizophrènes paraissent avoir un temps colmaté le déficit du symboliques et doivent donc avoir la fonction de signal d’alarme,
Évitement de la sexualité, la phobie peut être une voie de frayage dans le monde contemporain, réponse que le sujet met en place par rapport à la nécessité de renoncement à la jouissance de l’objet maternel et de passage par la castration comme possibilité de nouage avec le phallus. La mise en place par l’Éducation Nationale d’une scolarité « à la carte » d’un enseignement par « lettres à la poste » du CNED, ne peut qu’autoriser le sujet à continuer à éviter les prises en charge en CMPP, particulièrement en ateliers offrant une structure « de voisinage » avec un travail de la langue, un jeu de la lettre : les noms du père sont en nombre, dira Lacan.
Des observations cliniques confortent l’abord psychopathologique. Peut-être peut-on regretter que n’y figurent que des dénouements positifs. Les impasses sont, elles aussi, porteuses de réflexion !
Il n’est pas possible, en quelques lignes, d’expliciter toute la richesse et l’originalité de ce travail ni d’en citer tous les auteurs. Le plus simple est de le lire mais aussi de revenir vers lui quand notre pratique clinique appelle un soutien éclairant.