The Guardian , article du 7 Janvier 2016
Le Dr David Pollens est un analyste qui reçoit ses patients dans un cabinet modeste situé en rez-de-chaussée, dans l’Upper East Side de Manhattan, un quartier probablement seulement concurrencé par l’Upper West Side, à propos de la question de la plus forte concentration de thérapeutes, par rapport au reste de la planète. Pollens qui se trouve au tout début de sa soixantaine, avec une raréfaction de la chevelure et des cheveux d’argent, est assis dans un fauteuil en bois à la tête d’un divan ; ses patients s’y trouvent allongés dos tourné, pour mieux explorer leurs craintes ou leurs plus embarrassants fantasmes. Beaucoup d’entre eux viennent plusieurs fois par semaine, parfois pendant de nombreuses années, conformément à la pratique de l’analyse. Il a à son actif un palmarès impressionnant quant au traitement de l’anxiété, de la dépression nerveuse et de nombreux autres symptômes tant chez les adultes que chez les enfants et ce par l’entremise de la libre association (parole non censurée et non structurée).
Rendre visite à Pollens, comme il m’est arrivé de le faire à la fin de l’année dernière, lors d’une après-midi d’un hiver sombre, c’est immédiatement plonger dans les arcanes de la langue freudienne, de la «résistance », de la « névrose», du «transfert » et du « contre-transfert « . De lui, émane une sorte de neutralité chaude ; vous pouvez très aisément imaginer lui parler de vos secrets les plus troublants. Comme les autres membres de son groupe, Pollens se conçoit comme une sorte d’excavatrice des catacombes de l’inconscient, des pulsions sexuelles qui se tapissent sous nos consciences, de la haine que nous éprouvons pour ceux que nous prétendons aimer et toutes sortes d’autres vérités désagréables sur nous-mêmes, généralement ignorées et que le plus souvent nous ne voulons pas connaître.
Mais c’est là qu’est intervenu un certain discours, maintenant bien connu, quand il s’agit de thérapies et de soulagement de la souffrance – lequel a laissé radicalement Pollens et ses collègues psychanalystes, « du mauvais côté », au regard de l’Histoire. Pour commencer à en parler, comme le voudrait l’Histoire, Freud a été ainsi démystifié. Les jeunes garçons ne convoitent plus leurs mères, ou ne craignent que leurs pères ne les castrent ; les adolescentes ne sont pas envieuses du pénis de leurs frères. Aucun scanner cérébral n’est jamais parvenu à localiser le ça, le moi, ou le surmoi. Une pratique consistant à faire payer des coûts exorbitants à des patients pour qu’ils méditent sur leurs enfances pendant des années – tout en qualifiant de « résistance » les empêchements au processus, comme l’exige en outre la psychanalyse – semble pour beaucoup relever d’une escroquerie. Le philosophe Todd Dufresne a pu déclarer, il y a quelques années, que « sans doute aucune autre figure notable dans l’histoire, que celle de Sigmund Freud, ne s’est si fantastiquement trompée, sur l’essentiel des choses qu’elle avait eu à dire », résumant ainsi l’avis général, en écho au prix Nobel de science Peter Medawar, qui a appelé en 1975, la psychanalyse « le mauvais tour le plus prodigieux du XXème siècle, joué à la confiance intellectuelle ». Medawar a continué dans cette voie en la qualifiant de « produit complètement désuet – quelque chose qui ressemble à un dinosaure ou à un zeppelin dans l’histoire des idées, une vaste structure de conception fondamentalement viciées et sans aucune postérité.
Ainsi, un fouillis de thérapies a émergé dans le sillage de Freud, les divers thérapeutes ayant lutté pour dégager une position empirique plus solide. Mais au sein de toutes ces approches – y compris la thérapie humaniste, la thérapie interpersonnelle, la thérapie transpersonnelle, l’analyse transactionnelle et ainsi de suite – il est généralement convenu que l’une d’entre elles a effectivement triomphé. Nous voulons désigner de la sorte, la thérapie cognitivo-comportementale dite encore TCC. Il s’agit d’une technique tout à fait terre-à-terre basée non pas sur le passé, mais sur le présent ; non pas sur de mystérieuses pulsions, mais sur l’ajustement des modes de pensée qui n’apportent rien d’utile et qui sont responsable d’émotions négatives. Contrairement aux échanges décousus de la cure, un exercice typique des TCC pourrait consister à remplir un organigramme afin d’identifier les «pensées automatiques auto-critiques » qui se produisent chaque fois que vous devez faire face à un revers, comme lors de remontrances au travail, ou de rejet après un rendez-vous amoureux.
Les TCC ont toujours fait l’objet de critiques, principalement à gauche, parce que leur côté trop bon marché – et surtout l’accent porté sur la reprise rapide du travail et la productivité des personnes – les rendent étrangement attrayantes pour les politiciens obnubilés de coupes budgétaires. Mais même ceux qui s’y opposent pour des raisons d’ordre idéologiques, ont rarement remis en cause l’efficacité des TCC. Depuis qu’elles sont apparues dans les années 60-70, de nombreuses études de sont succédées en sa faveur, de sorte que dans le jargon clinique « thérapies à support empirique » est habituellement juste un synonyme de TCC : autrement dit ce qui est basé sur les faits. Cherchez aujourd’hui une thérapie agréée par la Sécurité Sociale (NHS : National Health Service), vous conduit plus sûrement, non pas vers quelque chose ressemblant à la psychanalyse, mais vers de courtes séries de réunions très structurées menées par un professionnel de la TCC, ou peut-être afin d’intégrer des méthodes visant à interrompre votre manière de penser par catastrophisme, à une présentation sur PowerPoint, ou à un programme en ligne.
Pourtant, des murmures de désaccord provenant encore de la vieille garde psychanalytique vaincue, n’ont pourtant jamais totalement disparu. En leurs cœurs l’on retrouve un discord fondamental portant sur la conception de l’Homme – les raisons pour lesquelles nous souffrons et par quels moyens, nous pourrions éventuellement espérer trouver une certaine paix d’esprit. Les TCC incarnent une vision très spéciale des émotions douloureuses : elles sont avant tout à éliminer ou, à défaut, à rendre acceptables. Une situation telle celle de la dépression, se présente un peu comme une tumeur cancéreuse : bien sûr, il pourrait être utile de comprendre d’où elle vient, mais il est bien plus important encore de se débarrasser d’elle. Les TCC ne prétendent pas exactement que le bonheur soit facile, mais elles impliquent qu’il est d’un accès relativement simple : votre détresse est causée par vos croyances irrationnelles et il est en votre pouvoir de vous emparer d’elles et de les changer.
Les psychanalystes soutiennent que les choses sont beaucoup plus complexes. D’une part, la douleur psychique ne doit d’abord pas être éliminée à tout prix, mais préalablement prise en compte. Dans une telle perspective, la dépression nerveuse s’avère bien moins comme une tumeur et davantage comme une douleur abdominale lancinante : elle vous signifie quelque chose et vous avez besoin d’appréhender quoi. Un médecin généraliste irresponsable se contenterait tout simplement de vous administrer des analgésiques et de vous renvoyer chez vous. Quant au bonheur – si jamais il était possible – il relève d’une question beaucoup plus trouble. Nous ne nous connaissons jamais vraiment, et nous avons souvent de fort puissantes raisons pour que les choses se pérennisent en l’état. Nous n’apprécions la vie qu’à travers le prisme de nos premières relations, bien qu’habituellement nous ne le réalisions pas ; nous voulons des choses contradictoires ; et tout changement est lent et difficile. Nos esprits conscients ne sont que de petits icebergs livrés à l’océan sombre de l’inconscient – et vous ne pourrez pas vraiment l’explorer par le truchement d’étapes simples, standardisées, scientifiquement éprouvées, comme préconisées par les TCC.
Ce dernier point de vue revêt sans doute un attrait, affectivement parlant, bien plus fort. Mais les arguments des analystes sont toujours tombés dans l’oreille d’un sourd, cela, aussi longtemps que d’expérience en expérience, la supériorité des TCC semblait se confirmer. Ceci contribue à expliquer le choc produit par une étude publiée en mai dernier, qui montre que les TCC au fil du temps, se révèlent de moins en moins efficaces, comme c’est le cas pour le traitement de la dépression.
En réexaminant les scores des essais expérimentaux depuis l’origine des TCC, deux chercheurs d’origine norvégienne concluent que l’ampleur de l’effet – une mesure technique de sa réelle utilité – avait diminué de moitié depuis 1977. Dans le cas peu probable que cette tendance aurait à persister, les TCC pourraient être tout à fait stériles dans quelques décennies. Est-ce à dire que les TCC ont d’une certaine manière bénéficié d’une sorte d’effet placebo depuis tout ce temps ? Qu’elle sont demeurées efficientes tant que les gens ont cru qu’elles constituaient un remède miracle ?
Ce casse-tête était-il à peine digéré, que les chercheurs de la clinique Tavistock de Londres ont publié en octobre, les résultats de la première étude rigoureuse effectuée par les services de santé, concernant la psychanalyse menée au long cours dans des cas de dépression chronique. Pour les plus sévèrement déprimés, elle conclut que 18 mois d’analyse ont donné des résultats bien meilleurs – et avec des effets bien plus durables – que « les traitements conventionnels » préconisés par l’assurance maladie et qui comprenaient une part de prise en charge par les TCC. Deux ans après l’achèvement des divers traitements, 44% des patients en analyse ne répondaient plus aux critères de dépression majeure, contre seulement 10%, pour les autres patients. Vers la même époque, la presse suédoise a rapporté qu’après vérification gouvernementale : l’octroie de plusieurs millions de Livres afin de réorienter les soins de santé mentale vers les TCC, avait prouvé sa totale inefficacité à atteindre les objectifs fixés.
Il se trouve que de telles conclusions ne sont pas isolés – et au milieu d’elles, un groupe de psychanalystes nouvellement enhardi continue à insister sur le fait que la prééminence des TCC a largement été construite sur du sable. En effet, soutiennent-ils, qu’inculquer aux gens de « croire au bien-être », peut parfois faire empirer les choses. « Toute personne un peu réfléchie sait que la compréhension de soi ne peut relever du prêt à porter », a déclaré Jonathan Shedler, psychologue à l’école de médecine de l’Université du Colorado, qui aussi est l’un des critiques les plus impitoyables de TCC. Son allure décontractée qui fait partie du vif humour du personnage, vire à l’exaspération et au hérissement à chaque fois que notre conversation s’est éternisée trop durablement sur les revendications des TCC à la suprématie. « Poètes et romanciers semblaient avoir entériner cette vérité depuis des milliers d’années. C’est seulement depuis les dernières décennies que les gens ont pu se dire : « En 16 séances, nous allons pouvoir modifier les habitudes de toute une vie ! ». Si Shedler et quelques autres ont raison, il serait peut être temps pour les psychologues et les thérapeutes de réévaluer l’essentiel de ce qu’ils pensent connaitre de la thérapie : sur ce qui fonctionne, sur ce qui ne fonctionne pas, et aussi reconsidérer comment les TCC ont construit ce cliché historique de l’analyste se contentant de se gratter le menton – reléguant en même temps la conception freudienne du psychisme humain. L’impact d’une telle réévaluation pourrait être profond ; finalement, il pourrait même changer la façon dont des millions de personnes dans le monde sont traités pour cause de problèmes psychologiques.
Alors comment tout cela vous fait-il vous sentir ?
« Freud était truffé de conneries ! », aimait à répéter Albert Ellis, sans doute le père des TCC. Il est sans doute difficile de nier, qu’il n’y en avait pas. Mais une grande partie du problème concernant la psychanalyse a été que son fondateur avait pu revêtir le costume d’un charlatan, enclin à fausser ses résultats, ou même pire. Dans un cas époustouflant qui n’a été mis en lumière que dans les années 1990, Freud aurait dit à un patient, le psychiatre américain Horace Frink, que sa douleur découlait d’une incapacité à reconnaître qu’il était homosexuel – et il lui avait laissé entendre que la solution résiderait dans le versement d’une large contribution financière à l’œuvre freudienne.
Mais pour ceux qui contestent la psychanalyse et qui s’engagent dans des approches thérapeutiques alternatives, encore plus gênant était pour eux ce sentiment que même le psychanalyste le plus sincère se trouvait toujours engagé dans un jeu de devinettes, sans cesse enclin à vouloir débusquer des «preuves» qui confirmeraient ce qu’il pressentait, que ce soit fondé ou non. Le principe de base de la psychanalyse après tout, étant de reconnaître que nos vies sont régies par des forces inconscientes, mais qui nous parlent indirectement, que ce soit à travers des symboles dans les rêves, des lapsus de la langue, ou ce qui nous exaspère à propos des autres, et qui témoigne de notre incapacité à faire face à nous-mêmes. Mais tout ceci rend l’ensemble infalsifiable. Si vous protestez auprès de notre psy sur le fait que non, vous ne détestez pas vraiment votre père, cela ne fait que montrer combien vous devez être désespéré pour éviter d’admettre pour vous-même, à quel point vous l’êtes.
Ce problème d’une pratique faite de prédictions qui se réalisent est une catastrophe pour tous ceux qui espèrent comprendre, selon des modalités scientifiques ce qui se passe réellement dans l’esprit – et autour des années 60, les progrès de la psychologie scientifique en étaient arrivés à un point où une certaine indulgence à l’égard de la psychanalyse avait commencé à s’épuiser. Des comportementalistes tels que B. F. Skinner avaient déjà montré que le comportement humain pourrait être manipulé de façon prévisible, tout comme celui des pigeons ou des rats, au moyen de punitions et de récompenses. La florissante « révolution cognitive» en psychologie avait jugé que les activités de l’esprit pouvaient aussi être mesurées et manipulées. Et depuis les années 40, c’était fait ressentir un besoin pressant d’y parvenir : des milliers de soldats revenant de la seconde guerre mondiale et présentant des troubles émotionnels, réclamaient un traitement rapide, rentable et non pas des années de conversation sur un divan.
En fait, avant de jeter les bases des TCC, Albert Ellis avait été formé à l’origine comme psychanalyste. Mais après avoir pratiqué l’analyse à New York dans les années 40, il a trouvé que ses patients n’allaient pas mieux – et donc, suivant une confiance en lui qui définirait sa carrière, il en vint a conclure que l’analyse, plutôt que ses propres capacités, était à blâmer. Avec d’autres thérapeutes dans le même état d’esprit que lui, il se tourna vers le stoïcisme, cette philosophie antique, enseignant à ses patients que c’était leurs croyances sur le monde, et non pas tellement les événements en eux-mêmes, qui les jetaient dans le désarroi. Si obtenir une promotion pourrait induire une tristesse, la dépression quant à elle ne survient que de la tendance irrationnelle à vouloir généraliser à partir d’un échec ayant construit une image de soi totalement identifiée à l’Echec, par exemple. « Comme je vois les choses », a déclaré Ellis des décennies plus tard à quelqu’un qui l’interviewait, «la psychanalyse donne aux patients la possibilité de se dérober. Ils n’ont pas à changer leurs habitudes… Ils arrivent à parler d’eux-mêmes pendant 10 ans, critiquant leurs parents et attendant une fulgurance résolutive ».
Grâce à l’aplomb et au ton direct adopté par les partisans des TCC, il est assez aisé de manquer à quel point leurs revendications étaient révolutionnaires. Pour les psychanalystes classiques – et pour ceux qui pratiquent des techniques plus récentes de type « psycho-dynamique », en grande partie dérivées de la psychanalyse traditionnelle – ce qui se passe dans la thérapie c’est que les symptômes apparemment irrationnels, tels que les répétitions sans fin des modèles d’auto-destruction dans l’amour ou le travail, s’avèrent relever finalement d’une modalité rationnelle. Ce sont des réponses qui avaient une signification dans le contexte des expériences les plus anciennes du patient. Si un parent vous a abandonné, il y a bien des années, il n’est pas si étrange de vivre dans la crainte constante que votre conjoint puisse le faire aussi – et par conséquent d’agir dans les suites de telle sorte à conduire votre mariage, au fiasco. Les TCC renversent cette conception. Les émotions qui pourraient apparaître rationnelles – comme se sentir déprimé au regard de la catastrophe qu’est votre vie – se révèlent encore l’effet de la pensée irrationnelle. Bien sûr, vous avez perdu votre emploi ; mais il ne s’en suit pas que tout va désormais être terrible et pour toujours.
Si cette seconde approche était juste, le changement s’avère clairement beaucoup plus simple : il vous suffit seulement d’identifier et de corriger diverses pensées-parasites, plutôt que d’avoir à décoder les raisons secrètes de votre souffrance. Les symptômes comme la tristesse ou l’anxiété ne sont pas nécessairement des indices très significatifs eu égard aux craintes enfouies depuis longtemps ; se sont des intrus à bannir. Dans la psychanalyse, la relation entre l’analyste et le patient agit comme une sorte de boîte de Pétri, dans laquelle le patient répète ses modalités de relation habituelles avec les autres, leur permettant d’être mieux comprises. Dans les TCC, vous essayez juste de vous se débarrasser d’un problème.
Le très las et insouciant Ellis était destiné à rester un outsider, mais l’approche dont il fut le pionnier atteignit la respectabilité grâce à Aaron Beck, un psychiatre très réfléchi de l’Université de Pennsylvanie. Maintenant âgé de 94 ans, Beck n’a probablement jamais appelé quoi que ce soit « connerie » de sa vie. En 1961, Beck a conçu un questionnaire de 21 items, connu sous le nom d’inventaire de Beck pour la dépression, afin d’évaluer la souffrance des patients – montrant que dans environ la moitié de tous les cas, quelques mois de TCC suffisaient à soulager les pires symptômes. Les objections des analystes ont toujours été rejetés, considérées comme des plaintes de gens qui essayaient de protéger leur territoire lucratif. Ils se sont retrouvés comparés aux médecins du 19e siècle – maladroits, mal préparés, menacés et offensés par l’idée que leur art mystique pourrait être réduit à une suite d’étapes fondées sur des preuves.
Beaucoup d’autres études ont alors suivi, démontrant à l’époque les avantages des TCC dans le traitement de tous types de symptômes, de la dépression nerveuse, aux troubles obsessionnels compulsifs, en passant par le stress post-traumatique. « Je suis allé aux tout premiers séminaires de thérapie cognitive pour me convaincre moi-même qu’il s’agissait d’une approche autre qui ne fonctionnerait pas, » raconte David Burns en 2010, lequel a continué à faire connaitre les TCC grâce à son best-seller diffusé dans le monde entier « Se sentir Bien ». « Mais j’ai transmis cette technique à mes patients – et les personnes qui avaient semblé être désespérées et coincées pendant des années ont commencé à récupérer « .
Il y a peu de doute que les TCC aient aidé des millions de gens, au moins dans une certaine mesure. Cela a été particulièrement vrai au Royaume-Uni depuis que l’économiste Richard Layard, un vigoureux prosélyte des TCC, soit devenu le «Tsar du bonheur» selon Tony Blair. En 2012, plus d’un million de personnes avaient reçu un traitement gratuit de cette nature, à la suite de l’initiative de Layard qui a beaucoup œuvré dans ce sens, en collaboration avec le psychologue Oxford David Clark. Même si les TCC n’étaient pas particulièrement efficace, vous pourriez néanmoins argumenter que ce genre d’aboutissement ait pu compter pour beaucoup. Pourtant, il est encore difficile de se défaire du sentiment que quelque chose de fondamental demeure absent de son modèle de l’esprit en souffrance. Après tout, nous vivons notre propre vie intérieure et nos relations avec les autres, comme relevant d’une complexité déconcertante. On peut dire que toute l’histoire de la religion et aussi de la littérature est une tentative de s’interroger sur ce que tout cela peut signifier ; les neurosciences révèlent chaque jour de nouvelles subtilités dans le fonctionnement du cerveau. Mais la réponse à nos malheurs pourrait-elle vraiment ne relever que d’une chose d’allure aussi superficielle ? De « l’identification des pensées automatiques » ou de la « modification de votre dialogue avec vous-même » ou de la « stimulation de votre critique intérieure »? La thérapie pourrait-elle vraiment être aussi simple que vous pourriez la recevoir non pas d’un humain, mais à partir d’un livre, ou d’un ordinateur ?
Il y a quelques années, après que les TCC aient commencé à dominer le champ des thérapies financées par le contribuable en Grande-Bretagne, une femme que je vais appeler ici Rachel, originaire de l’Oxfordshire, s’est mise en quête d’une thérapie auprès du système de santé pour une dépression nerveuse survenue dans les suites de la naissance de son premier enfant. Elle a été alors d’abord conviée à assister à une présentation PowerPoint de groupe, lui promettant en cinq étapes, « d’améliorer » son humeur ; puis elle a démarré une TCC avec un thérapeute d’une part, mais également entre ses séances, par l’intermédiaire d’un ordinateur. « Je ne pense pas que rien n’ai pu jamais me faire me sentir aussi seule et isolée qu’un programme informatique me demandant d’évaluer comment je me sentais sur une échelle graduée de un à cinq, et après que j’avais cliqué sur un triste Émoticône sur mon écran – je m’entendais dire par une voix préenregistrée qu’elle en était « vraiment désolé ». Mais devoir également remplir les liasses de questionnaires des TCC sous la direction d’un thérapeute, ne s’est pas révélé beaucoup plus concluant ». « Dans la dépression post-natale, » dit-elle, « vous avez dû passer d’une situation dans laquelle vous aviez un travail, vous gagniez votre argent, vous faisiez des choses intéressantes – pour tout à coup vous retrouver à la maison toute seule, la plupart du temps certes couverte par les assurances, mais avec aucun adulte à qui parler ». Ce à quoi elle aspirait, elle le voit bien maintenant, c’était à des liens véritables, authentiques. Que ce qui compte fondamentalement – c’est d’ailleurs si difficile à exprimer – c’est d’avoir le sentiment d’exister dans l’esprit d’une autre personne, même si ce n’est seulement que pour un court moment, chaque semaine.
« J’étais peut être malade mentalement », déclare Rachel, » mais ce que je sais, c’est qu’un ordinateur ne peut pas se sentir mal pour moi « .
Jonathan Shedler se souvient encore de là où il se trouvait quand il a réalisé pour la première fois qu’il pourrait y avoir quelque chose, en accord avec la conception psychanalytique de la vie psychique, qui serait tel un royaume de complexité et de singularité, que pourtant la plupart d’entre nous ne faisions qu’imaginer. Il était alors étudiant de l’université du Massachusetts, quand un conférencier en psychologie lui fit forte impression en interprétant un rêve. Shedler avait raconté – à propos du fait de conduire sur des ponts traversant des lacs, et aussi à propos de l’essayage de chapeaux dans un magasin – qu’il s’agissait d’une manifestation de la peur de la grossesse. Le conférencier avait tout à fait raison : Shedler ainsi que sa petite amie, dont il s’agissait du rêve, attendaient tout à fait désespérés de savoir si elle était enceinte, souhaitant par dessus tout qu’elle ne le soit pas. Mais le professeur en question ne connaissait rien de ce contexte ; il était apparemment juste un grand interprète de la symbolique des rêves. « L’impact de ces paroles ne pouvait pas être plus grand », se rappelle Shedler, comme si « ses paroles avaient été annoncées par les trompettes célestes ». Il décida alors que « s’il y avait dans le monde des gens qui avaient compris ces choses, je devais être l’un d’entre eux ».
Pourtant, la psychologie scolaire, le domaine dans lequel Shedler allait prochainement faire son entrée, signifiait être habité par ce genre d’enthousiasme pour les mystères de l’esprit ; mais les chercheurs, conclut-il, sont engagés dans des démarches de quantification et de mesure, mais certainement pas versés à s’intéresser à la vie intérieure de « vraies » personnes. Devenir psychanalyste prend des années de formation et il est nécessaire d’en passer par l’analyse soi-même ; l’étude de la vie psychique à l’université, en revanche, ne nécessite aucune expérience de la vie réelle. Shedler est une denrée rare, il est thérapeute et chercheur qualifié à la fois, reliant ces deux mondes. « Savez-vous que vous avez besoin de 10.000 heures de pratique afin de pouvoir développer une quelconque expertise ? », signale-t-il. « Eh bien, sachez que la plupart des chercheurs qui s’autorisent à des déclarations [concernant les thérapies] n’ont pas seulement eux-mêmes 10 heures (de pratique) ! ».
Les recherches de Shedler et les écrits qui en ont découlé ont joué un rôle capital qui a sapé l’idée reçue selon laquelle il n’y aurait pas de preuves tangibles concernant le champ de la psychanalyse. Mais il est indéniable que les premiers psychanalystes faisaient la fine bouche vis à vis de la recherche : ils étaient enclins à se considérer comme les praticiens assiégés d’un art subversif qui avaient besoin de croitre dans des institutions spécialisées – lesquelles en pratique étaient destinées à former des organismes privés confidentiels et donc rarement appelés à interagir avec les expérimentateurs universitaires. À l’opposé, la recherche sur les approches cognitives avait pris une bonne longueur d’avance – et ce ne sont que vers les années 90, que les premières études empiriques sur la technique analytique ont débuté, laissant deviner que le consensus portant sur les pratiques cognitives pourrait bien commencer à se lézarder. En 2004, une méta-analyse a conclu que les approches psychanalytiques même à court terme, ont été au moins aussi bonnes que d’autres et ceci à propos de nombreux maux, laissant ainsi leurs bénéficiaires mieux lotis que ne l’étaient 92% de tous les patients, avant tout traitement. Lors d’une étude, en 2006, un suivi d’environ 1400 personnes souffrant de dépression nerveuse, d’anxiété et de nombreux troubles connexes s’est prononcé en faveur des démarches psychodynamiques y compris à court terme, également. Enfin des travaux datant de 2008 sur les désordres des personnalités limites, a conclu que seulement 13% des patients ayant bénéficié d’un suivi de type psychodynamiques portaient encore ce diagnostic cinq ans après la fin du traitement, alors qu’il était toujours d’actualité pour 87% des patients ayant été pris en charge autrement.
Ces études ne comparent pas toujours la psychanalyse avec les thérapies cognitives ; dans les études, la comparaison est souvent faites avec les «traitements habituels « , un intitulé général qui couvre une multitude de choses fautives. Mais encore et encore, comme Shedler l’a fait valoir, les différences les plus marquées entre ces deux modalités que sont les TCC et la psychanalyse, émergent essentiellement après que le traitement soit terminé. Demandez comment les gens se sentent dès que leur traitement s’achève, et les TCC semblent tout à fait convaincantes. Mais si cependant vous réitérez vos questions des mois ou des années plus tard, tous ces avantages ont bien souvent disparu, tandis que les effets de la psychanalyse restent, voire ont même augmenté – ce qui suggère qu’ils peuvent restructurer la personnalité d’une manière durable, plutôt que simplement aider les gens à gérer leurs humeurs. Dans l’étude menée à la clinique Tavistock l’an dernier, les patients déprimés chroniques ayant engagé une thérapie psychanalytique possédaient 40 % de plus de chances de bénéficier d’une rémission partielle au cours de chaque période de recherche de six mois, que ceux qui recevaient d’autres traitements.
A côté de cette masse croissante de preuves, les chercheurs ont commencé à poser des questions extrêmement pointues sur les toutes premières études qui avaient contribué à créer cet ascendant des TCC. Dans un article provocateur de 2004, le psychologue Drew Westen installé à Atlanta et ses collègues ont montré comment les chercheurs – motivés alors par le souhait de présenter des expériences avec des résultats clairement interprétables – avaient souvent exclus jusqu’au deux tiers des participants potentiels, généralement parce qu’ils faisaient l’objet de multiples problèmes psychologiques. Cette pratique est sans doute compréhensible : quand un patient a plus d’un problème, il est bien plus difficile de démêler les diverses relations de cause à effet. Mais ceci peut aussi signifier que les patients qui ont été étudiés s’avéraient extrêmement atypiques. Dans la « vraie » vie, nos problèmes psychologiques sont intimement intriqués avec nos personnalités. La question que vous apportez d’emblée en thérapie à travers une dépression par exemple, peut ne pas être celle qui émergera ensuite après plusieurs séances, et qui pourrait concerner la nécessité de se réconcilier avec une orientation sexuelle que vous craignez que votre famille ne puisse accepter. De plus, certaines études ont parfois semblé injustement « piper les dés », comme lorsque les TCC avaient été comparée aux démarches psychodynamiques, mais conduites par des étudiants diplômés qui avaient reçu seulement une formation sommaire de quelques jours, de la part d’autres étudiants.
Mais l’accusation la plus incendiaire contre les approches cognitives, véhiculée par les portes flambeau de la psychanalyse, c’est qu’elles pourraient réellement faire empirer les choses dans la mesure où trouver les moyens de se débrouiller par exemple de ses pensées dépressives ou anxieuses, peut tout simplement retarder le moment inévitable d’avoir à effectuer le grand plongeon de la compréhension de soi et des changements durables. La promesse implicite des TCC est qu’il y a un moyen relativement simple, étape par étape, pour acquérir la maîtrise de la souffrance. Mais peut-être y a-t-il bien plus à gagner de reconnaître combien si peu de contrôle nous avons – sur nos vies, nos émotions et les actions des autres ? Une telle promesse de maîtrise si elle est séduisante, ne l’est pas seulement pour les patients, mais surtout pour les thérapeutes. « Les patients sont angoissés d’être en thérapie, et les thérapeutes inexpérimentés sont inquiets parce qu’ils ne possèdent pas le moindre indice de ce qu’il faudrait faire », écrit le psychologue américain Louis Cozolino dans son nouveau livre, Pourquoi la Thérapie Fonctionne. « Par conséquent, il est réconfortant pour les deux parties d’avoir une tâche commune sur laquelle se concentrer ».
Sans surprise, les principaux promoteurs des TCC rejettent la plupart de ces critiques, en faisant valoir qu’elles ont été caricaturées comme étant superficielles, et qu’une part de la diminution de leur efficacité était prévisible, à cause de son immense popularité. Les premières études se sont fondées sur de petits échantillons et les thérapeutes pionniers étaient enthousiasmés par cette nouvelle approche ; des études plus récentes utilisent de plus larges échantillons et impliquent inévitablement la participation de thérapeutes appartenant à un plus large panel de niveau de compétences. « Les gens qui disent que les TCC sont superficielles ont juste manqué un point « , a déclaré Trudie Chalder, professeur de psychothérapie cognitivo-comportementale à l’Institut du College Royal de Psychiatrie, de Psychologie et de Neurosciences de Londres, qui soutient que l’absence de traitement unique est ce qu’il y a de meilleur pour l’ensemble des maladies. « Oui, vous ciblez les croyances des gens, mais vous n’êtes pas à cibler seulement les croyances facilement accessibles. Il ne suffit pas de dire : « Oh, cette personne m’a regardé curieusement, elle ne doit donc pas m’aimer » ; il est des croyances du style de « je suis une personne repoussante », lesquelles peuvent dériver des expériences précoces. Le passé doit être extrêmement pris en compte aussi ».
Néanmoins, le litige ne sera pas réglé par voie de décision résultant de l’affrontement entre les études : il va plus loin que cela. Les expérimentateurs peuvent aboutir à des conclusions très différentes sur les thérapies qui auraient les meilleurs résultats. Mais qu’est-ce qui devrait compter par dessus tout comme véritable succès de toute façon ? Si ces études se contentent de mesurer un amendement symptomatique – encore une prémisse cruciale de la psychanalyse est de faire remarquer, qu’il y a une signification à trouver à la vie qui est bien plus importante que d’être sans symptôme. En principe, vous pourriez même terminer votre cure d’une manière peut être plus triste – en étant simplement sagement conscient des réponses qui précédemment étaient inconscientes pour vous et de vivre d’une façon plus engagée – et juger néanmoins encore que l’expérience demeurerait un succès. Freud est célèbre pour avoir déclaré que son but était la transformation de la «misère névrotique en malheur commun». Carl Jung a même déclaré que « l’humanité a besoin de difficultés : elles sont nécessaires pour la santé « . La vie est douloureuse. Devons-nous alors forcément penser en termes de « remèdes » pour les émotions douloureuses ?
Il y a quelque chose de profondément attrayante dans l’idée que la thérapie ne devrait pas être abordée par le biais de la science – que nos vies singulières sont trop particulières pour être soumises à des procédures implacables de généralisation par lesquelles la science doit en passer. Cet état de fait peut permettre d’expliquer le succès commercial du livre Les Examens de Conscience (The Examined Life, 2013) de Stephen Grosz, somme de contes tirés des divans des analystes, qui a passé des semaines en tête de listes des best-sellers au Royaume-Uni et qui a été traduit dans plus de 30 langues. Ses divers chapitres ne sont pas composés par la présentation de résultats expérimentaux ou des diagnostics cliniques, mais d’histoires, dont beaucoup concernent ces moments de secousses que le patient rencontre soudain, quand il découvre dans son intimité le sens des abîmes qu’il renferme. Il y a l’histoire de l’homme qui ment de manière compulsive, dans une tentative de créer une intimité secrète avec ceux qu’il peut convaincre de se joindre à lui dans la tromperie, tout comme sa propre mère avait caché les signes de son énurésie ; et celle de la femme qui se rend compte enfin comment elle a dû faire des efforts considérables pour nier les preuves évidentes de l’infidélité de son mari, pendant qu’elle remarquait comment quelqu’un avait très soigneusement rangé les plats dans son lave-vaisselle.
« Chaque vie est unique et votre fonction en tant qu’analyste est de trouver cette histoire unique chez notre patient », m’a dit Grosz. « Il y a tellement de choses qui ne se révèlent que par le biais de lapsus, par la confidence d’un fantasme, ou par l’usage d’un certain mot ». Le travail de l’analyste est de rester vigilant et réceptif à tout – et puis, à partir de ces éléments auxquels il est sensible dans sa pratique, « d’aider les gens donne signification à leurs vies ».
Assez étonnamment peut-être, le récent soutien donné à cette perspective apparemment non scientifique a émergé de la branche la plus empirique qui étudie l’esprit : à savoir les neurosciences. De nombreuses expériences en neurosciences ont montré que le cerveau traite l’information beaucoup plus rapidement que n’importe quelle conscience ne pourrait en garder la trace, de sorte que la majorité des innombrables opérations mentales « courent », selon l’expression même de la neuroscientifique David Eagleman, » sous le capot » – elles demeurent invisibles pour l’esprit conscient assis sur le siège du conducteur. Pour cette raison, comme l’écrit Louis Cozolino dans son Pourquoi la Thérapie Fonctionne : « au moment où nous devenons conscients d’une quelconque expérience, elle a déjà été traitée à plusieurs reprises, a activé des mémoires et initié des modèles fort complexes de comportement ».
Selon la façon dont vous interprétez les résultats de ces études, il semblerait possible de concevoir que nous pouvons faire d’innombrables choses complexes – réaliser des calculs mentaux, écraser les freins d’une voiture pour éviter une collision, faire le choix d’un partenaire de mariage – avant même de devenir conscient que nous l’avons fait. Cela ne fonctionne pas tellement bien avec les hypothèses de base de la TCC – qui soutiennent qu’avec un certain entraînement, nous pouvons apprendre à attraper la plupart de nos réponses mentales inutiles impliquées dans nos actes. Au contraire, tout cela semble confirmer l’intuition psychanalytique que l’inconscient est gigantesque et qu’en grande partie, c’est lui qui commande ; nous vivons inévitablement à travers des prismes créés dans le passé, que nous ne pouvons espérer modifier que partiellement, lentement et avec beaucoup d’efforts.
Peut-être que la seule vérité indéniable qui pourra émerger des conflits entre thérapeutes est que nous ne disposons pas encore de la moindre une idée de comment l’esprit peut fonctionner. Quand il vient à soulager la souffrance mentale, « c’est comme quand ayant à disposition marteau, scie, cloueuse et brosse à WC, devant cette boîte qui ne fonctionne pas toujours correctement, nous continuons à la frapper avec chacun de ces outils pour voir lequel va marcher », a déclaré Jules Evans, directeur de la politique du Centre pour l’Histoire des Émotions à l’Université Queen Mary de Londres.
Cela peut s’avérer être la raison pour laquelle de nombreux chercheurs ont été intéressés par ce qui est maintenant connu sous le nom de « verdict du dodo » (oiseau), c’est-à-dire cette idée soutenue par certaines études, que finalement peu importe le type spécifique de la thérapie entreprise, ce n’est pas cela qui fait la différence. Ce « verdict » vient de la manière dont est prononcé Dodo dans Alice au pays des merveilles : « Tout le monde a gagné et tous doivent avoir des prix ». Ce qui semble plus décisif est la présence d’un thérapeute sérieux, empathique et un patient décidé à changer ; la thérapie qui serait meilleure que toutes les autres, valable pour tous, ou même pouvant résoudre la plupart des problèmes, n’a pas encore été découverte. David Pollens, dans son cabinet d’Upper East Side, a dit qu’il avait éprouvé une certaine sympathie pour ce verdict, malgré sa profonde passion pour la psychanalyse. « Il y avait un formidable analyste britannique, qui se nommait Michael Balint, qui s’est trouvé très impliqué dans la formation médicale. Il y avait une question qu’il aimait poser [aux médecins] », rappelle Pollens : « Que pensez vous que soit le médicament le plus puissant que vous prescriviez ? Et les gens essayaient tous de lui répondre. Puis finalement, il concluait en leur disant, mais c’est ‘ la relation ‘ « .
Pourtant, même cette conclusion – à savoir que nous ne savons tout simplement pas qu’elles thérapies fonctionnent le mieux – est à appréhender comme un élément en faveur de Freud et de ses successeurs. La psychanalyse, après tout, représente juste cette humilité impressionnante sur la façon dont nous appréhendons si peu les rouages de notre vie psychique. « La seule question à laquelle personne ne peut jamais répondre », écrit l’analyste Jungien James Hollis, est : » mais de quoi êtes vous inconscient ? », Freud est ainsi l’homme qui a atteint des sommets d’arrogance. Mais son héritage est un rappel que nous ne devrions pas attendre nécessairement de la vie qu’elle soit un lit de roses, ni trop présumer de savoir vraiment ce qui se passe en nous. Car nous sommes profondément partie prenante, dans ce fait de vouloir viser la préservation de notre ignorance, au regard des vérités troublantes qui nous concernent.
» Que se passe-t-il dans la thérapie ? », se demande Pollens, « d’abord les gens viennent demander de l’aide, mais leur première tentative sera d’essayer d’interrompre le cours de ce qui pourrait les aider ». Son sourire faisait alors allusion à l’absurdité de la situation – et peut être aussi, à l’ensemble de l’entreprise thérapeutique. « Comment pouvons-nous aider une personne quand elle vous dit, d’une manière ou d’une autre, de ne pas l’aider ? Et bien voilà ce dont traite la psychanalyse ».