Introduction au Séminaire d'hiver 2018, La femme est l'avenir de l'homme"
18 juin 2018

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DARMON Marc
Séminaire d'hiver

Marc Darmon : Aragon nous pardonnera, nous avons intitulé ce séminaire d’hiver « La femme est l’avenir de l’homme » signé Président Schreber, c’est à la fois un retour à Schreber que nous proposons et l’exposé de travaux les plus récents concernant le champ des psychoses.

 «  La femme est l’avenir de l’homme », c’est le destin singulier de Daniel-Paul Schreber, de vérifier dans son corps cette transformation.

Vous savez comment Schreber obtenait une certaine accalmie dans son délire, en se tenant devant le miroir le haut du corps dénudé, avec des bijoux, des colliers, des boucles d’oreilles, des bijoux féminins. Et il pouvait constater dans le miroir, qu’il avait bien des seins féminins, c’est-à-dire que l’objet chez le président Shreber, à la fin de son parcours, lorsque son délire s’est stabilisé et qu’il a pris cette place de La femme de Dieu, l’objet apparaît pour lui dans le miroir. Ce qui suppose une topologie tout à fait singulière parce que vous savez comment l’objet fait toujours troudans le miroir, dans le cas d’un névrosé.

C’est ce pousse à La Femmequ’il nous faudrait éclairer et c’est ce pousse à La Femmequi nous fait réfléchir sur le rapport des femmes à la psychose. Les appuis que nous prenons chez Lacan et chez Freud peuvent-ils rendre compte véritablement de ce rapport des femmes à la psychose. Est-ce que, par exemple, ce que nous a enseigné Lacan avec son tableau de la sexuation et le fait de répartir les parlêtres des deux côtés du tableau de la sexuation met en place une division, entre le côté du tout, du Un et le côté supplémentaire de l’Autre, mais ce parcours est effectué selon Freud, du Un à l’Autre par chaque fille. Lacan dit que le complexe de castration est plus simple chez la fille que chez le garçon, contrairement à ce que disait Freud. C’est-à-dire, pour Freud, la fille doit parcourir, dans son complexe de castration, un certain chemin qu’on pourrait dire du côté gauche au côté droit. Le point de départ c’est le côté gauche. Voilà le départ du complexe de castration, la petite fille part d’une position singulière. Mais pour elle comme pour le petit garçon, Pour tout X Phi de X, et il y a pour le complexe de castration le passage, le passage d’une frontière, d’une limite,  c’est un peu ce que chaque petite fille ( qui ne sont pas tous des garçons) a à faire dans son parcours du complexe de castration, pour passer d’un côté à l’autre. Elle doit selon Freud, changer d’organe : du clitoris au vagin, et changer d’objet : de la mère au père.

Est-ce que c’est la même chose pour le pousse à La Femme ? Certainement pas. Et je me demande, je vous demande si ce tableau de la sexuation peut rendre compte par exemple du cas du Président Schreber. Il me semble que si un tableau pouvait en rendre compte du cas du Président Schreber ce serait un tableau où il n’y aurait que soit la ligne du dessus avec Il existe X  tel que non Phi de Xet Il n’existe pas X tel que non Phi de X, soit la ligne du dessous Pour tout X, Phi de Xet Pour pas tout X,  Phi de X, c’est-à-dire un tableau où d’un côté il y aurait la place pour cette ex-sistence  ou sans exception, c’est-à-dire on aurait affaire à un tout exclusif, sans exception, ou alors, le sujet devrait prendre la place de cet X qui ex-siste, qui applique la castration, et donc on aurait affaire à la seule place occupable, c’est celle de l’exception.

De l’autre côté Il n’exsiste pas de X telque non Phi de X. vient comme répondre à cette place d’exception qui est forclose, et on imagine bien que cette place d’exception forclose ouvre à la non existence, au trou, c’est le gouffre auquel le Président Daniel-Paul Schreber a eu affaire et qui l’a conduit à fabriquer pour border ce trou son délire. Donc j’ouvre ici la discussion par rapport à nos repères habituels qui devraient être remaniés dans le cas qui nous occupe. Voilà le schéma R tel que Lacan le construit dans ses premiers séminaires où le réel est bordé par l’imaginaire et par le symbolique, et fait coupure. La topologie, vous savez bien que ce qui correspond à ce schéma R c’est celle du cross cap, et c’est une topologie moebienne. Le schéma R a été remanié, justement du fait de la forclusion du Nom-du–père. Ilest ouvert, troué à la fois au niveau de ce qui était de l’ordre du symbolique et celui de l’imaginaire.

Donc je vous ai proposé de relire ce schéma I comme un plan hyperbolique, c’est-à-dire une topologie tout à fait différente du schéma R. Si le schéma R a une topologie moebienne le schéma I a une topologie hyperbolique, c’est-à-dire que l’on retrouve les deux faces du plan euclidien avec le passage à l’infini de certains éléments qui vont se retrouver quelque part à l’infini. Voyez comment les points de repères, si j’ose dire, fondamentaux, à la différence du schéma R vont se faire renvoyer à l’infini.

Alors le pousse à La Femme, c’est sur cette branche du schéma I, on peut la repérer. Il s’agit bien de La Femme qui a affaire à Dieu directement, et non pas d’une femme. D’ailleurs lorsque le président Schreber évoque cet accouplement entre Dieu et lui-même, le créateur d’une nouvelle génération, le monde lui paraît déshabité. C’est-à-dire qu’il se charge lui et Dieu de repeupler l’humanité avec des petits Schreber. Cela semble bien mettre en cause la ligne du dessous du tableau de la sexuation. Voilà donc une proposition. Il existe au moins un X telque non Phi de Xqui fait trou du fait de la forclusion, en face  Il n’existe pas de X telque non Phi de X confirme ce trou.  Ce qui implique : pas de tout et pas de pas tout, d’où le dépeuplement. Ou encore : Un tout entier, sans exception ni pas tout , une prise en masse paranoiaque : pas d’Autre.

Vous voyez ce nœud de trèfle, Lacan nous laisse sur ce nœud de la paranoïa. Donc, il y aura lieu de discuter de la pertinence et de la fécondité de cet abord topologique. Dans le nœud de trèfle, par rapport au nœud borroméen et la mise en continuité des consistances. Est-ce que c’est quelque chose dont on peut se servir ? Lacan a éprouvé le besoin d’aller plus loin à partir du nœud de trèfle en évoquant le nœud de trèfle avec une erreur. Par exemple une erreur de dessus dessous ici. Alors, question qui se pose naturellement, si le nœud de trèfle est le résultat de la forclusion, qu’est-ce qu’un nœud de trèfle avec une erreur qui serait aussi l’effet de la forclusion ? Donc ce serait une forclusion sur une forclusion. Voyez, on se pose des questions comme ça un peu naïves mais c’est le lieu de poser les questions, de faire retour à Schreber à la lumière des dernières avancées.

Donc, il y aura des exposés sur Schreber et sur les questions que Charles Melman voudra bien faire au sujet des rapports de la psychose et des femmes, je vous remercie.

Charles Melman : S’il est vrai qu’une femme n’est pas toute, cela voudrait dire aussi pour une femme qu’elle est folle. Je vois des hochements d’approbation… parce que, je dirais, la question première, est qu’est-ce qui fait impossible pour une femme ? Est-ce qu’il y a de l’impossible pour une femme ? Je ne sais pas ce que vous en pensez ?

 

Transcription : Marie Pochulu

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