Hommage à mon épouse : Liliane Dufour-Zelmanovitch
10 janvier 2008

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DUFOUR Alain
Hommages

Liliane était discrète, élégante, courageuse et elle avait un sens aigu de la pudeur et de la dignité. Ce qui est mieux connu de ses intimes et de ses patients est son humour sur lequel je reviendrai.

Elle était une praticienne que ses patients estimaient autant que les nombreux collègues qu’elle a connus dans sa précédente carrière hospitalière. De cela j’ai eu tellement de témoignages que je ne saurais les convoquer tous et sa propre délicatesse de toute façon me l’interdit.

Liliane, je dirai ici, le Dr Dufour Zelmanovitch, était une psychiatre et une psychanalyste attentive et vigilante dévouée à son métier non pas comme une sainte mais comme une grande dame. Grande dame qu’elle demeurait dans tous les compartiments de son existence par son mépris tranquille et détaché de la bassesse sous toutes ses formes. Elle détestait notamment le commérage et la calomnie auxquels elle ne se prêtait jamais.

Une fois sa thèse et son mémoire de spécialité accomplis elle ne s’est plus guère adonnée à la rédaction théorique mais avec toute sa retenue et toute sa modestie je suis persuadé qu’elle a beaucoup transmis autour d’elle du savoir qu’elle avait acquis. Je ne puis expliquer autrement l’émotion et les hommages unanimes que sa disparition provoque.

Psychiatre et psychanalyste, elle n’a jamais cessé d’être aussi médecin. Je veux dire que sans y avoir de goût particulier elle jugeait pourtant évident de soigner puisqu’elle avait appris cela.

Son expérience de la douleur humaine était ainsi multiple. Sans doute ce que ses propres vicissitudes de santé lui avaient indiqué dans sa chair lui avaient ouvert des voies peu communes pour remédier à la souffrance d’autrui.

Elle accueillait plaies et bosses de tout un chacun, celles de l’esprit et celles du corps et elle le faisait avec la plus grande équité sans établir la moindre hiérarchie. Toutes les misères avait droit de cité, des plus frustes aux plus sophistiquées.

Elle eût ainsi l’occasion de traiter tout récemment avec succès l’affection pulmonaire contractée par des proches et qui est probablement celle là même qui l’ a emportée.

Etre juive ne lui était pas indifférent. Liliane m’avait souvent parlé de ce qu’elle désignait avec quelque malice « sa crise mystique » à la fin de son enfance après la disparition de son père Maurice Zelmanovitch qu’elle a évoqué régulièrement tout au long de notre vie commune (fondateur d’une entreprise et créateur de mobilier contemporain son entreprise : la marque « ERTON » connut la meilleure notoriété de son vivant et Pablo Picasso en fut le plus illustre client).

Son véritable dessein dans cette période était de devenir une femme juive majeure et je suppose que tel était le voeu de son père.

Juive je l’ai connue auprès de moi sans aucune ostentation mais avec une fermeté qui ne s’est jamais démentie , et juive elle l’était en ce sens unique, oui sens unique, qu’un de ses proches résumait ainsi : donneuse de vie.

Femme et majeure elle l’était à ce point qu’elle délivrait et qu’elle accueillait également la fantaisie et le drame d’être humain de sorte qu’elle avait maintenu une tension incessante vers la découverte.

Elle avait, en cette matière, plus que tout un goût prononcé pour les jeux du langage et de la langue et elle se régalait régulièrement, par exemple, d’émissions comme  » Les Papous Dans La Tête  » sur France Culture.

Le jeu des mots elle l’aimait aussi dans sa représentation muette et elle s’amusait beaucoup des exploits de Mr Hulot le célèbre héros de Tati que nous avions revu ensemble récemment.

Dotée, douée, dirai-je même d’un humour aiguisé- qu’elle partageait avec sa mère et son fils, et ses fères également – j’en fis plus qu’à mon tour les frais. Mais j’avais appris à en sourire et même à en à rire quelquefois.

Chez Liliane, il était teinté d’un léger sens du  » nonsense « , justement, qui lui était tout à fait propre et, volontiers caustique, elle n’était pourtant jamais inutilement cruelle. Tout cela ne l’a jamais quitté comme le sens le plus juste de ses responsabilités.

Liliane incarnait au plus haut point cette sentence, titre d’un ouvrage d’André Gide « Ne jugez pas » . Mais à sa différence elle n’idéalisait personne pas plus parmi ses proches que parmi les plus éminentes personnalités.

Pour autant elle n’estimait jamais utile d’insister sur les travers d’autrui dont elle n’était cependant jamais dupe, aussi roués soient-ils.

Je suis heureux et fier d’avoir accompagné une femme exceptionnelle et j’espère, grâce à elle, honorer sa mémoire dans ma propre pratique. Pratique en partie commune avec la sienne que je poursuivrai avec l’exemple de force et de pondération qu’elle a maintenue jusqu’au bout.

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