Futuribles
13 mai 2024

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MAJSTER Nathanaël
Billets
Contemporanéité

Le Président, entouré de ses précieux conseillers, a annoncé cette semaine la création d’un devoir de visite qui s’appliquerait aux pères récalcitrants à exercer leur droit de visite. Immédiatement le chœur social des associations féministes et les voix progressistes a regretté une mesure qui imposerait aux femmes-courages (les mères) et aux pauvres créatures qu’elles abritent (les enfants) la présence d’hommes violents, abusifs voire pire encore.

 

On est donc pris entre deux, à se demander s’il vaut mieux un père sous contrainte de l’Etat – sorte de probationnaire purgeant une peine sous surveillance – ou son éradication. Simple question d’ingénierie sociale en fin de compte.

 

Dans le même temps notre généreux Président – dont je ne voudrais pas préjuger ce que serait le rapport à la paternité car l’époque, sympathique avec le recul, où Gérard Miller analysait les politiques et leur psyché a disparu, l’emportant lui aussi – nous annonçait qu’il souhaitait élargir le recours à la PMA. L’argumentaire parait solide : il a été mesuré qu’il y avait un désir d’enfant s’élevant à 2,2 enfants par femme mais un taux de fécondité de 1,6 enfants par femme. Il y a donc un écart qui manifeste un défaut dans la rencontre de l’offre et de la demande et il convient donc de le combler en rendant plus abondant le matériel reproductif. Dans le même message l’appel à la conservation des ovocytes des jeunes femmes est souligné, engageant le vaste mouvement émancipateur à venir. Ça tombe d’autant mieux que le secteur privé n’attend que cela.

 

La GPA reste pourfendue mais il est rappelé que les parents qui y ont eu recours sont des « parents aimants » et que l’enfant doit être protégé et accueilli par le droit au titre d’adopté malgré l’illégalité du procédé originaire, dont on comprend qu’il est ainsi de facto légalisé.

 

C’est toujours un miracle de voir combien les prédictions de nos maitres se réalisent, et rapidement de surcroit.

 

La reproduction devient le fruit d’un appareillage technique qui impliquera très rapidement de moins en moins le lit.

 

Grâce au tri pré-implantatoire et à l’application des techniques du génie génétique comme Crispr/cas9 il est devenu possible de définir au mieux les enfants lorsqu’ils sont conçus dans le cadre des procédures de PMA, c’est-à-dire de les designer pour qu’ils conviennent à la fois aux attentes des parents et développent les résistances aux maladies que l’on peut souhaiter. Il semble même que la création d’un sperme de synthèse soit possible à partir d’une cellule souche, ce qui signifie à terme que le matériel génétique d’une femme pourra suffire à l’engendrement – le sien, réalisant ainsi la parthénogénèse dont Platon avait donné le mythe – ou celui de sa compagne. Si ce dispositif permettait, on l’imagine aisément, de choisir le sexe de son enfant, la naissance des hommes ne deviendrait plus nécessaire qu’au titre d’espèce protégée – à moins que certaines spécificités sociales utilitaires et différenciées, comme l’entretien d’une armée par exemple, ou de souhaiter les services qu’un père peut rendre à l’enfant et qu’il faudrait louer, imposent un quota dans leur naissance. Je ne me souviens plus du titre du livre de Robert Merle qui explorait déjà ce scénario dans les années 50.

 

On pourrait se demander comment pourra s’établir la relation entre des parents (admettons qu’il en reste – au moins dans un temps provisoire dont il n’est pas possible de fixer la limite dans le temps) et l’enfant conçu et maturé par l’apport de technologies privées, pouvant inclure une redéfinition des déterminations génétiques propres à chaque donneur. Il aurait en effet le statut d’un bien manufacturé puisque porteur d’une incidence – non pas médicale mais algorithmique, c’est-à-dire venant agir au niveau du code lui-même – d’optimisation des dispositions naturelles qui pourraient sinon le lester. Son éducation relèvera-t-elle d’un contrat incluant des bonnes pratiques que le fabriquant pourra recommander et pourquoi pas imposer à des parents qui exerceront ainsi sous licence, puisque le matériel acquis ne prolongera plus dorénavant leurs propres codes, ou en tous cas formera un hybride sur lequel l’exercice du droit moral sera partagé avec le détenteur des brevets. Il conviendra de repenser le cadre nosologique de la maladie car une partie des contrariétés biologiques relèveront de la défectuosité du produit et non de la maladie – ouvrant droit à divers recours juridiques.

 

Une dernière remarque concerne la façon dont la jeunesse vit déjà et anticipe ces progrès. Dès lors que les fonctions sexuelles primaires sont sous-traitées à des laboratoires, les caractéristiques sexuelles secondaires deviennent de purs apparats, aspects d’un décor corporel qui marquent la tribu d’appartenance et sensualisent la participation à la fête sociale. Les bloqueurs de puberté et les hormones croisées sont ainsi disponibles sur demande, délivrés par des médecins qui préfèrent favoriser cette fête sociale sur une morale dépassée.

 

Il parait qu’il faut une conclusion à un texte. Si vous avez une idée à me proposer pour celui-ci, n’hésitez pas à me la faire connaitre.

 

Nathanaël Majster