Demande de transfert et transfert de demande
28 avril 2003

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BALBO Gabriel,BERGÈS Jean
EPEP
Psychanalyse-enfants

Comment Lacan définit-il le transfert ? Il dit d’abord de lui qu’il est « l’amour, mais quand il est symbolique ». Jamais il ne va revenir sur le caractère très général mais très remarquable de cette définition princeps; qu’il va par contre progressivement préciser, pour y introduire : l’inconscient, le langage, la sexualité, l’objet a, le désir et la demande. Cette précision atteint selon nous sa quintessence, non pas tant dans le Séminaire relatif au transfert, que dans celui qui traite un peu plus tard des quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse : le Séminaire XI , de 1964.

Il y déclare que « le transfert est la mise en acte de la réalité de l’inconscient »; mais cette réalité n’est pas que de parole, ni même seulement de langage : « la réalité de l’inconscient – vérité insoutenable – c’est la réalité sexuelle ». Mais suffirait-il de soutenir alors que c’est par la réalité sexuelle que le signifiant fait son entrée dans le monde subjectif ? Non ; il faut non seulement articuler cette réalité au signifiant, mais aussi à un objet et un désir : « faisant référence ici à la fonction du petit a, […] j’indique seulement une affinité des énigmes de la sexualité avec le jeu du signifiant ». Ce jeu, comment le comprendre en dehors de la libido, qui est « la présence effective, comme telle, du désir » ? Désir qui est le point nodal par quoi la pulsation de l’inconscient est liée à la réalité sexuelle.

En raison de ce nœud même, le désir est dépendant de la demande, qui le laisse courir dès lors qu’elle s’articule en signifiants. Dans la mesure où le discours analytique prend forme du discours de la demande, comment situer le désir dans le transfert ? « Le désir, c’est le désir de l’Autre », lequel Autre participe de l’analyste autant que de l’analysant : « il n’y a pas seulement ce que dans l’affaire l’analyste entend faire de son patient. Il y a aussi ce que l’analyste entend que son patient fasse de lui ». L’objet a devient en l’occurrence entre eux le discours analytique lui-même, celui qui au travers de la demande laisse émerger du désir.

Avec les parents, la demande est d’abord demande de transfert par lequel peut être reconnue leur non-demande […] Il faut donc d’abord recevoir les parents seuls, sans leur enfant, pour que soit élaborée avec eux cette demande de transfert, inversant en non-demande un message venant de l’Autre. […] Il convient que l’analyste écoute très attentivement ce que ces parents disent, pensent et fantasment de l’Autre social; comment ils s’y situent, y situent leur enfant et l’analyste ; et surtout comment ils y situent ou non leurs anticipations. […]

L’enfant doit donc être en attente, non pas en souffrance, mais en attente ; attente dont il peut être question dans les échanges avec ses parents. Qu’en disent-ils, chez eux, à leur enfant ? De quel non-dit l’analyse est-elle éventuellement marquée ? Quelle identité est attribuée en famille au psychanalyste ? Que se disent-ils entre eux de la demande, de ce qui n’est pas demandé, de ce qui fait énigme dans tout cela ? […] Ce qui doit prendre tout un relief d’anticipation symbolique et signifiante dans les échanges avec eux, c’est leur enfant et son analyse, bien présents dans leurs discours, mais de n’y pouvoir justement prendre place que d’être réellement absents. Jeu de l’absence et de la présence, jeu du réel et du symbolique, qui anticipe pour les parents comme pour l’enfant, en quel type d’absence la présence peut faire retour.