Où allons-nous ?
12 février 2025

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Omar GUERRERO
Editos

Il y a plus de vingt-cinq ans Charles Melman publiait un petit billet passé probablement inaperçu. Il l’a repris trois ans plus tard dans L’homme sans gravité. En quelques lignes, il évoquait la notion de progrès et il notait notre joie face aux avancées technologiques, voire sociales, de plus en plus rapides. Cette vertigineuse jouissance faisait l’économie – c’était l’avertissement de son texte – d’une question pourtant centrale : nous allons de plus en plus rapidement mais… où allons-nous ? Notre train est le Progress Express !

 

Dans sa façon de nous interpeller, nous pouvons reconnaître la mise en acte du discours analytique. Au lieu de mettre l’accent sur l’adverbe « rapidement » (souvenez-vous, Lacan nous invitait à nous méfier de l’adverbe puisqu’il ment, disait-il), Melman interroge la direction, autrement dit le sujet qui manœuvre.

 

Sommes-nous en mesure, aujourd’hui de dire où nous allons ? Ivres de l’immédiateté de nos messages, de l’information et de nos écrans, arrivons-nous à nous souvenir de l’essentiel ? Comment conduire ? Cette question se trouve au cœur de notre travail, puisque nous invitons nos patients à considérer la catégorie du réel et à tirer les conséquences d’un acte, quand bien même celui-ci serait « manqué » – Lacan nous le rappelle dans le séminaire que nous étudions cette année.

 

Comme dans les cures, nous avons à nous interroger sur la direction que prennent les mutations sociales, ou simplement la trajectoire de notre groupe. Nous pouvons profiter du voyage, mais notre transfert de travail est moteur aussi, et nous pouvons y engager nos lectures et nos recherches, en tenant compte de nos différents contextes géographiques ou linguistiques, comme toujours.

 

Nous aurons à mesurer un éventuel progrès de notre discipline, non pas au nombre de participants ou aux puissants moyens techniques mis en jeu, mais aux leçons que nous tirerons – même en 2025, même pour des problèmes actuels – de l’œuvre non épuisée de Freud et de Lacan éclairée, en ce qui nous concerne, de l’enseignement de Melman. C’est ce train que nous ne voulons pas manquer.

 

Omar Guerrero

Vice-président de l’ALI

 

 

 

Lire la traduction de l’édito