Nos collègues ont déjà dit beaucoup de choses, ce soir nous allons essayer d’apporter chacun une petite pierre au travail de l’année. Avec la castration, Freud conceptualise le fait que notre vie sexuelle est ordonnée par un processus qui est propre à l’être humain : un processus langagier. Notre vie sexuelle est ordonnée par le langage.
Dans notre culture la castration est figurée par la relation au Père. C’est une opération symbolique qui se transmet du père au fils. J’insiste, dans notre culture, puisqu’elle laisse de côté la castration féminine. C’est une transmission assez bizarre puisqu’il transmet un manque, il ne transmet pas quelque chose, il transmet un manque. C’est un point important puisque dorénavant l’enfant est inscrit dans une économie du signifiant, c’est-à-dire une économie ordonnée par l’absence, l’absence puisque le support du signifiant c’est le zéro.
Une économie de l’absence alors que dans un ordre materno-centré, l’enfant est inscrit dans une économie de la présence. Il serait possible qu’il y ait un objet parfaitement adéquat à la satisfaction. Dans un ordre régi par la maternité le manque relève de la frustration ou de la privation. Dans l’ordre paternel, le manque relève de la castration.
A propos de la relation du père au fils, Melman disait que Freud n’avait pas réglé cette question, Lacan peut-être pas plus ni nous non plus d’ailleurs. Mais il ajoutait que la question de Lacan à ce propos était : existe-t-il un père dans l’Autre qui ne soit pas figuré par le fétiche phallique ? Et il a déjà distingué le père réel, le père symbolique, le père imaginaire. Distinction sur laquelle nous-même ne sommes pas toujours d’accord, je reprendrai tout à l’heure la question du père réel.
Avec mon titre : une castration sans cicatrice, je souhaite d’abord indiquer qu’il ne faut pas trop vite utiliser le déterminant défini « la » pour qualifier la castration. À Bruxelles Lacan précisait que pour pouvoir dire « la » castration il faut qu’elle relève d’une structure automorphe. Dans le séminaire de l’Envers de la psychanalyse il utilise lui-même l’expression une castration. Habituellement nous disons la castration. Ce n’est pas notre façon habituelle de parler, que de dire une castration. Je souhaitais essayer mais ce n’est presque pas possible de le dire.
Dolto disait qu’il y avait une castration orale, une castration anale, une castration scopique, une castration vocale. Quand nous disons une castration masculine, une castration féminine, nous disons une, nous ne disons pas la castration masculine ou la castration féminine.
Et Lacan faisait remarquer que la castration n’était pas univoque, que par exemple elle opérait plus difficilement avec l’objet regard. La clinique nous montre la difficulté à castrer le regard omnivoyant pour le phobique ou pour l’obsessionnel.
On pourrait dire la même chose à propos de la pulsion, nous disons la pulsion mais on pourrait dire une pulsion.
Le deuxième terme sur lequel je voulais insister ce soir c’est celui de cicatrice. C’est un terme que Melman ajoute à celui de castration dans les entretiens du livre « Flâneries avec Lacan dans l’atmosphère polluée des esprits et de la ville ». Il l’ajoute à celui de castration et il lui donne de l’importance. Ce soir je vais insister sur ce terme.
Il se demande quelle est la nature du trait unaire qui est la conséquence de l’identification au père, la première identification pour Freud ? Ce trait dans le champ du réel s’appelle le pénis mais dans notre culture, la religion va un peu compliquer les choses puisque pour elle il s’agit bien du pénis mais en tant qu’il a été castré, c’est-à-dire en tant qu’il en a été fait le sacrifice au père.
Le trait Un qui est conséquence de l’identification au père, c’est la cicatrice du pénis castré. Je suis un homme reconnu par le père en tant que j’en ai fait le sacrifice. En faire le sacrifice et en échange, mais seulement dans certaines circonstances, il m’en accordera l’usufruit et acceptera que je puisse en jouir. Ces circonstances sont celles qui lient la sexualité à la reproduction. La jouissance de l’organe est accordée mais dans certaines circonstances. Nous avons la représentation de ce sacrifice avec la pudeur, le pénis doit rester caché. Lacan se demandait si le cache sexe ne se retrouvait pas dans toutes les cultures.
Melman insiste sur cette notion de cicatrice et la déplace du phallus à l’objet (a). Le passage de la réalité du pénis à la marque symbolique se fait sous la forme de la cicatrice et il considère que c’est une lucarne ouverte, une introduction de rêve à tout ce qui concerne l’objet. Une introduction de rêve mérite que nous discutions de ce point. C’est ce que je vous propose. Comment pourrions-nous nous entendre cette notion de cicatrice ? Que souhaite indiquer Melman ? C’est un point nouveau me semble-t-il ?
Je vais m’appuyer sur différentes références pour commencer à le faire.
Il y a chez Freud un rêve où Il parle de sa propre cicatrice au menton.
Il est au début de la Traumdeutung page 24.
« Je puis raconter ici un de mes propres rêves dans lequel l’impression qui revient à la mémoire est remplacée par une relation. Je voyais une personne dont je savais qu’elle était le médecin de mon pays natal. Son visage était indistinct et se confondait avec celui d’un des professeurs de mon lycée que je rencontre encore aujourd’hui. Réveillé, je ne pus découvrir quel rapport unissait ces deux personnes. Je parlais à ma mère de ce médecin, j’appris qu’il était borgne ; le professeur dont le visage se confondait dans mon rêve avec celui du médecin l’était aussi. Il y avait 38 ans que je n’avais pas vu le médecin et jamais à ma connaissance je n’avais pensé à lui, durant la veille, bien qu’une cicatrice au menton eût dû me rappeler une de ses interventions. »
La dernière phrase du rêve est une phrase qu’il a ajoutée en 1909 puis maintenue dans les éditions suivantes et supprimée plus tard. Nous n’allons pas interpréter l’ajout puis l’effacement de la cicatrice au menton mais remarquer qu’elle concerne une intervention du médecin de son pays natal. Quand Melman a parlé de la névrose freudienne il s’est appuyé sur le texte du souvenir-écran et considéré que le pain noir, le délicieux pain noir dont il se souvient, figurait l’objet perdu qui était son pays natal. La cicatrice ajoutée puis effacée lui rappelait l’intervention du médecin du pays natal. Il utilise aussi à ce moment-là le terme de pays natal.
Un autre point : dans les textes sacrés, je crois que c’est Isaïe qui dit que rien ne restera de la destruction du temple sinon des souches de bois. La souche est le reste d’une taille définitive mais reste sur lequel renaitront des bourgeons.
Il y a aussi la circoncision.
Et puis tous les rites propres à chaque culture.
Les scarifications que l’on rencontre essentiellement chez les jeunes filles.
Les artistes peuvent aussi nous faire entendre la fonction de la cicatrice dans notre rapport à l’objet perdu.
Un sculpteur italien Alberto Buri a été sollicité après le tremblement de terre de Gibellina en Sicile pour offrir une sculpture pour la nouvelle ville qui se construisait à côté de l’ancienne et dont il ne restait que des ruines. Il a accepté mais proposé de réaliser sa sculpture sur les ruines elles-mêmes et pas à côté. Il a réalisé une chape de ciment blanche lumineuse sur les ruines, au lieu même du désastre.
A Ground zéro, les artistes ont aussi réalisé leur œuvre sur les lieux mêmes de l’horreur. Les deux bassins, l’inscription de tous les morts….
La création de l’artiste signifie la pulsion de vie, est-ce qu’ils ne souhaitent pas nous proposer un nouage et pas une opposition, de la pulsion de vie et de la pulsion de mort ?
Une cicatrice au lieu même de la destruction, de la perte, permet à nouveau un passage vers la vie.
Mais si l’objet est perdu, il faut en plus accepter que cette perte soit une perte définitive et qu’elle soit cicatrisée, que c’est à cette condition que la vie, que la création seront possibles.
La cicatrice comme le passage de la réalité de la destruction, de la perte, à sa marque symbolique.
La question de la perte est centrale dans notre clinique. La vie est une succession de séparations, de déchirures, de deuils, c’est-à-dire une succession de pertes, perte d’un amour, d’un proche, d’un emploi … autant de blessures qui, si elles ne sont pas cicatrisées, provoqueront un immobilisme, une fixation à l’objet perdu, à son regret, une fixation à une perte qui ne sera plus que préjudice. La langue l’illustre avec l’expression faire son deuil, un travail de deuil. Freud va parler du deuil qui peut devenir pathologique. L’objet n’est plus substituable. La cicatrice ne peut se faire.
Quelqu’un vient me voir, il a perdu sa femme il y a 20 ans et il pleure pendant toute la séance, sans pouvoir s’arrêter. La perte n’a pas pu être acceptée comme une perte définitive. Il n’y a pas eu de cicatrice possible. Le passage de l’objet réel à un objet symbolique n’a pas pu se faire.
Le terme même de cicatrice s’entend aussi dans la clinique :
Quelqu’un me dit que les difficultés pour lesquelles il est venu me voir sont maintenant derrière lui et ajoute que cela est cicatrisé. Quelqu’un d’autre peut dire après avoir vécu une succession de drames importants dans un temps très court, qu’il considère maintenant qu’il a cette histoire et ces cicatrices.
Il faut une cicatrice pour que la perte puisse être prise dans une série signifiante. Un poète dit que la cicatrice est à la fois souffrance et guérison.
Un autre point, si la castration est une opération symbolique, il nous faut aussi établir son rapport au Réel. Et pour cela il faut introduire la question de la jouissance et de sa limite. Le père avec la castration transmet un Réel sexuel.
Dans notre économie psychique la perte est d’abord une perte de jouissance. Lacan dit que le langage ne peut être autre chose que demande et demande qui échoue. Et ce n’est pas de son succès mais de son échec que quelque chose s’engendre qui s’appelle une perte. Et cette perte va causer la répétition mais une répétition créatrice.
Pour Freud avec le principe de réalité, le jugement d’existence, ce qui donne la valeur d’existence se caractérise toujours de vouloir retrouver l’objet. Nous pourrions dire que c’est l’idée de la retrouvaille qui donne l’idée d’une perte.
Et avec son mythe du père de la horde, il fait équivaloir le Père originaire et la jouissance. C’est le gardien de la jouissance. Il jouit de toutes les femmes et c’est de là qu’est parti l’interdit de la jouissance.
Lacan reprend le mythe mais en faisant remarquer que le père de la horde ne peut se définir psychanalytiquement. Le père qui jouit de toutes les femmes ne peut se définir que dans l’imaginaire, d’où la nécessité de formaliser une autre référence. C’est celle de la castration qui va permettre de rendre compte du père originel comme agent de la castration. Le père originel n’est pas un mythe, c’est le père réel, qui est, dit Lacan, un opérateur structural.
Alors comment l’entendre ? La structure ce sont les effets de notre rapport au langage. Le père réel c’est le père dans le langage. Melman le définit comme le père mis en place dans la parole par la théologie avec la religion révélée.
Le père originel, ce n’est pas le père de l’origine du sujet c’est d’une certaine façon le père primitif. Quand Lacan dit que le père pour la psychanalyse c’est le père mort, nous pourrions l’entendre comme le père avant toutes les vies. Et c’est en tant que tel que c’est un opérateur structural, il opère dans le langage.
Il dit aussi que la castration est une opération réelle, que ce n’est pas un fantasme, que c’est une opération introduite par l’incidence du signifiant quel qu’il soit dans le rapport au sexe, ce que nous avons repris comme la sexualisation d’un manque. Nous disions que le père transmet un réel sexuel mais si aujourd’hui il y a une destitution de l’instance paternelle, est-ce que la définition de Lacan qui fait valoir l’incidence du signifiant dans le rapport au sexe, est-ce que cela vaut toujours ? Où est le réel sexuel dans ces conditions ? Est-ce qu’il y en a encore un ?
Melman dit que dans le cadre classique, la loi du langage, un signifiant renvoie à un autre signifiant, est interprétée comme étant la perte de l’objet et que nous allons immédiatement l’inscrire dans le fait qu’il n’y a pas de rapport sexuel.
Mais avec la castration il n’y a plus de un unifiant possible entre un homme et une femme, il est impossible à démontrer qu’ils puissent faire un. Mais est- ce qu’une lecture spécifique du langage, ferait qu’un homme et une femme puissent ensemble exister ? Ajoutons une existence qui ne reposerait pas sur un sacrifice commun puisque la loi du langage ne demande pas de sacrifice de jouissance, elle ne demande rien.
Si le signifiant renvoie à un autre signifiant, à la place de l’objet désiré, il y a un trou et la question devient celle de la lecture de ce trou. Melman lui, parle d’un lieu, un lieu vide et à partir de là, chacun se débrouille puisqu’il n’y a rien d’autre que notre rapport au langage, c’est-à- dire l’interprétation de notre rapport au langage, ce lieu vide, ça devient une affaire de lecture.
Mon titre parle d’une castration sans cicatrice.
Aujourd’hui le discours capitaliste modifie les choses. Le capitalisme prend son départ de la mise au rencart du sexe. Ce qui fait que la castration est encore plus présente aujourd’hui, mais de façon réelle et non plus symbolique. Nous pourrions dire, une castration, mais sans cicatrice, c’est-à-dire sans marque symbolique. Si une castration est sans cicatrice, comme l’est une castration réelle, elle exposera à lire le trou comme un préjudice ou un traumatisme.
L’inscription dans un discours pour un sujet, inscrit la castration. Le père en tant que réel en est l’agent. C’est une opération structurale, un effet de notre rapport au langage.
Aujourd’hui internet a un effet de déstructuration du discours. La castration devenant réelle ne permet pas qu’elle soit insérée dans une chaine signifiante au lieu de l’Autre comme barré, c’est-à-dire un Autre castré. Ce point est important, je vais terminer sur ce point parce que Lacan a pu dire que le défaut de castration de l’Autre était encore plus névrosant que le défaut de castration du sujet.
Pour terminer, à propos de la barbarie, un seul point.
S’il n’y a plus de barrière à la jouissance, la Chose est au premier plan et c’est la barbarie. Et la science y contribue en allant dans le sens de supprimer toute barrière à la jouissance.
Anne Joos : Merci Jean-Luc. Moi j’aimerais bien que tu réexplicites la fin, ce que tu viens de dire, qu’il est plus névrosant d’être confronté à un Autre non castré que de quoi ? Je n’ai pas bien suivi.
Jean-Luc Cacciali : Le défaut de castration de l’Autre, c’est Lacan qui dit ça, il dit que le défaut de castration de l’Autre est beaucoup plus névrosant pour le sujet que le défaut de sa propre castration.
Bernard n’est pas d’accord avec Lacan.
Bernard Vandermersch : Oui explique-toi, prend un exemple, en quoi l’Autre non castré est plus névrosant que psychotisant ?
JL. C. : D’une certaine façon on peut aller jusque-là.
B.V. : Le névrosé – ce que disait Lacan – sa propre castration, il en fait son affaire, ce qu’il ne tolère pas c’est la castration de l’Autre. C’est souvent entendu sur le mode de pure restriction de jouissance. Le mot de castration il reste peut-être un peu ambigu, il faut que tu précises ce que tu entends par une castration réelle parce que les castrations réelles s’accompagnent de cicatrices. C’est pas de ça que tu parles ?
C. : Oui, c’est pas être châtré, c’est la castration dans la réalité, où le manque va se présenter sous la forme de la privation ou de la frustration.
Est-ce qu’il y a d’autres points ? Oui Valentin.
Valentin Nusinovici : Oui il y a beaucoup de choses à reprendre, à discuter parce que c’était très vaste. Il y a eu deux définitions, enfin des précisions sur la castration, une au début, une vers la fin, qui sont très différentes. ‘Ça transmet un manque’, pour le coup je trouve qu’il manque quelque chose dans cette définition. Et puis ‘ça transmet un réel sexuel’, ça, c’est tout à fait autre chose, c’est quand même beaucoup plus, j’ai envie de dire, je ne sais pas si c’est beaucoup plus riche, mais c’est beaucoup plus vrai. Parce que transmettre un manque, Melman disait « un père ne peut transmettre le phallus qu’à un de ses fils ». C’est de sa responsabilité mais j’imagine qu’il avait quelques raisons de le dire. Je suis très intéressé par ce départ, transmettre un manque, à transmettre un réel sexuel. Tu peux un peu retracer, enfin pas refaire ton exposé mais comment tu es passé de l’un à l’autre.
JL. C. : Il transmet un manque symbolique, c’est-à-dire une absence, je voulais insister sur le fait que, là où l’on pourrait attendre qu’il transmette quelque chose … C’est une opération qui est quand même bizarre, celle de transmettre. Le point sur lequel je voulais insister, c’est qu’il ne transmet pas quelque chose mais il transmet un manque.
V.N. : Mais tu ne fais pas une équivalence entre un manque et le réel sexuel ?
JL. C. : Non, mais je l’ai distingué comme un manque symbolique par rapport à ce que nous disons habituellement, un manque qui n’est figuré que par la privation ou par la frustration.
V.N. : Pourquoi il manque le réel sexuel ? Parce que on l’a pas sous la main, en ce sens il manque si j’essaie de rapprocher les deux. C’est pas facile parce qu’il faut reprendre toute la question du phallus, c’est pas commode.
B.V. : Je voudrais revenir à ce que disait Melman : la castration c’est une interprétation sexuelle du manque dans l’Autre, c’est en ça que la fonction du père réel intervient. Il est déjà là, il est déjà là pas toujours, c’est contingent l’opération du père réel puisque, si le manque dans l’Autre est de structure, encore faut-il le savoir, que quelque chose vienne le symboliser. Chez le psychotique l’Autre aussi est incomplet, mais il se présente comme tout puissant et sans aucune barrière. Cet agent du Nom du Père Lacan dit lui-même qu’il ne sait pas trop ce que c’est. Quand même c’est quelque chose, là je suis tout à fait d’accord avec Melman, il dit : c’est une interprétation sexuelle du manque dans l’Autre. C’est ça qui se transmet, c’est pas un manque de quoi que ce soit, c’est que le manque de la mère a à voir avec, pas la faim, la soif, mais avec le phallus. Est-ce que c’est trop simple ce que je dis ?
JL. C. : Non, non. L’autre point c’était qu’avec la castration, si avec la castration il n’y a plus de Un possible entre un homme et une femme, on ne peut pas écrire le Un du rapport entre un homme et une femme, du coup on peut aussi entendre là le réel sexuel comme le non rapport sexuel. La destitution actuelle de l’instance paternelle, puisqu’on s’est posé la question, fait que quand même, le manque peut être interprété de façon qu’il peut y avoir une interprétation sexuelle du manque sans l’instance symbolique du père, on peut aussi entendre le réel sexuel au niveau du non rapport sexuel.
V.N. : C’est très intéressant ce que tu nous as rappelé de la définition de Melman dans le bouquin qui a été fait avec toi. Cette cicatrice c’est la lucarne ouverte, et le rêve si j’ai bien noté, l’introduction de rêve à ce qui concerne l’objet.
Alors j’ai un mauvais travers, c’est d‘essayer de ramener les choses au déjà connu pour ne pas trop me perdre, mais évidemment je me dis que c’est une très belle façon de parler du fantasme, d’appeler lucarne ce que Lacan appelait fenêtre – La lucarne est fermée ? On m’entend ? – Je me suis dit que c’était une façon très belle de décrire le fantasme, en partant de la définition lacanienne, à savoir que c’est une fenêtre, elle est ouverte, l’écriture du poinçon c’est aussi le phallus, elle est ouverte par la cicatrice. Une introduction de rêve qui concerne l’objet. On a le rapport là, enfin si je déraille pas trop, que la cicatrice elle ouvre sur la constitution du fantasme
JL. C. : Melman utilise le terme cicatrice sur laquelle il insiste, dans l’économie phallique, puis après dans ce que tu viens de rappeler, dans l’économie de l’objet petit a. Mais ça va dans ton sens, c’est-à-dire, la cicatrice c’est un passage, ce qui bien évidemment n’est pas la façon dont habituellement on conçoit une cicatrice, un passage qui va donc dans le sens de ce que tu dis de l’objet réel, de l’objet dans la réalité à sa marque symbolique, il y a la perte de l’objet mais je crois qu’il faut aussi ajouter qu’il faut aussi accepter que cette perte soit définitive, prenons une métaphore qui n’est pas juste mais quand même de façon métaphorique, une blessure, on va dire la blessure de la perte qui a aussi à être cicatrisée. C’est-à-dire qu’il y a un passage qui doit se faire, que ça n’est pas seulement une perte, même définitive, qu’il y a un passage qui doit se faire, un passage à la marque symbolique pour que ça puisse être repris dans une série signifiante, c’est-à-dire pour que ça soit repris au titre de la vie, au titre de la création
Jean-Marie Forget : Écoute, deux choses, pour aller dans le sens de ce que disait Valentin, effectivement à t’entendre, la cicatrice, c’est l’inscription grammaticale du fantasme dans le corps du sujet. Et c’est une fenêtre comme l’évoquait Valentin tout autant, on peut le prendre sur un versant ou sur un autre. Ce que tu amènes au niveau de la cicatrice, il me semble que … je suis… assez bien comme ça.
Et l’autre chose que tu amènes, c’est que tu parles de ce rapport avec l’Autre, avec l’Autre non castré, mais ça pose un problème parce que ce qu’on rencontre dans la clinique des enfants et des adolescents et même des adultes, c’est bien qu’ils se confrontent, non pas à un Autre castré mais à un Autre dans la jouissance, et ça génère effectivement non pas de la névrose mais ça génère des agir, des passages à l’acte.
Là-dessus il y a une clinique tout à fait juste, ça fait pas de la névrose, ça génère des passages à l’acte et il faut quand même en passer par le détour d’une restriction de jouissance consentie par l’Autre. Je vous rappelle ce père qui voulait sanctionner son fils parce qu’il venait de lui voler du haschisch. C’est vraiment une clinique qui est courante, il me semble.
JL. C. : Oui je te remercie Jean-Marie que tu en donnes les développements cliniques parce que la castration, notre pente, c’est de la prendre au niveau du sujet, on la laisse un peu de côté la castration de l’Autre.
Claude Landman : Bonsoir, c’est Claude, je veux te remercier pour ton intervention. Je me demandais à t’écouter si avec le nœud borroméen, la question de la castration ne se trouve pas déplacée, puisqu’après tout ce qui fait le centre avec le nœud borroméen, on l’a dit et redit, c’est le trou et l’objet petit a qui vient au niveau de ce trou, et la jouissance phallique, elle n’est plus centrale. Elle est là mais elle n’a plus la place qu’elle avait chez Freud et puis dans la reprise par Lacan dans son retour à Freud, de la castration.
Dans son retour à Freud, ce qu’il dit, Lacan, c’est que, pour que le pénis devienne un signifiant, il faut qu’il manque à sa place. C’est donc finalement mettre en valeur comme il l’a fait la dimension symbolique du manque et ce pointillé au niveau du pénis dans l’image du corps.
Mais je me demandais si avec le nœud borroméen, cette question de la castration ne se trouvait pas un peu déplacée, reprise autrement, avec notamment la question du trou dans le réel et de la nécessité de s’y confronter, voire de tenter d’y répondre comme on peut chacun, avec son symptôme par exemple, dans l’imaginarisation avec l’objet petit a, de ce trou, tenter de le boucher, en tous cas de l’interpréter.
JL. C. : Tu as raison, ne serait-ce que parce que dans le nœud borroméen, l’objet tient par coinçage, il y a pas la notion de perte. Avec le nœud borroméen, l’objet est pris dans un coinçage des trois dimensions.
B.V. : On peut aussi interpréter le nœud borroméen autrement. Le trou central comme une amputation des trois est le même, c’est-à-dire que ce trou doit être commun à ce qui fait castration pour la jouissance phallique, à ce qui fait limite à la jouissance Autre, et en même temps limite du sens, et en fin de compte c’est comme ça que ça fonctionne. J’ai l’impression que la limite du sens dans la clinique, quand le sens devient illimité comme dans la paranoïa, c’est que quelque part il y a aussi quelque chose qui ne fonctionne pas du côté de la jouissance phallique.
Ce trou, un trou c’est fait dans un tissu, c’est le tissu de la jouissance. L’idée du nœud boroméen, s’il est fabriqué, s’il se noue, c’est qu’il met en commun quelque chose, peut-être que ça déplace un petit peu la primauté de la jouissance phallique par rapport aux autres. Lacan dit que Freud a mis peut-être un peu trop l’accent, il s’est prosterné devant la jouissance phallique, mais il me semble que les trois fonctionnent ensemble. C’est une hypothèse comme les autres.
JL.C. : Et il pourra dire que le plus de jouir supplée à la jouissance phallique.
Je te remercie.
Transcription de la discussion par Dominique Dallemagne.