Régression
27 juin 2024

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ROTH Thierry
Editos

 

Le sort réservé depuis des années à la fonction paternelle a de nombreux effets cliniques (pas forcément pathologiques), parmi lesquels l’errance subjective de nombreux patients. Une des manières d’y répondre est d’endosser la position de victime. Celle-ci est prônée par notre société, puisque toute souffrance serait désormais l’effet soit d’un déficit neuro-développemental, soit du harcèlement, de l’abus ou du trauma subi. Le sujet, dans les deux cas, n’y est donc pour rien, ramené au statut d’handicapé ou de victime, et ainsi enfin clairement identifié.

 

Il n’est pas étonnant, dès lors, que la psychanalyse soit aujourd’hui tant décriée, puisqu’elle met au centre de son abord clinique la responsabilité du sujet (sujet de l’inconscient pourtant) en quasiment toute circonstance, quels que soient les aléas de chaque histoire, et qu’en plus elle persiste à désigner le désir et la sexuation comme des données incontournables de la vie psychique.

 

Certains analystes promeuvent cependant une psychanalyse « nouvelle », par conviction ou par militantisme, ou bien pour mieux figurer sur la scène sociale. Ils embrassent ainsi l’évolution récente et se remettent à traquer l’événement traumatique partout, surtout chez les femmes bien sûr pour des raisons de structure, de sorte que certains écrits récents ont des allures véritablement pré-freudiennes, tout juste remises au goût de jour. C’est le retour de la « neurotica », abandonnée par Freud pour inventer la psychanalyse…

 

Ces réflexions concernent-elles seulement quelques psychanalystes qui persistent encore un peu avant d’être déboulonnés sur l’autel du progrès (faux progrès, puisqu’il trahit les lois du langage et de la parole) ? Ce serait trop simple et l’actualité politique brûlante nous rattrape. Si aucune résolution pacifique ne devait résoudre intelligemment, c’est-à-dire dans le respect des contraintes propres au parlêtre, la chute des repères et le refus de l’altérité, les projections sombres de Melman nous annonçant régulièrement le possible retour d’un pouvoir réel et autoritaire fort, pour « réparer » l’effondrement de la fonction paternelle, se réaliseront. A propos de sa prévision d’un « retour du bâton », nous aurions même le choix entre deux possibles, selon que l’on préfère tendre la joue gauche ou bien la droite.

 

Thierry ROTH, président de l’ALI

 

 

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