De la psychanalyse dans la cité
07 mars 2024

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NOIRJEAN Cyrille
D'autres scènes

Souvent pointons-nous les lieux de la cité dans lesquels le discours du psychanalyste est récusé. Dans les lieux de l’art, l’arrivée des neurosciences n’a pas évacué comme à l’hôpital la présence, la référence, et l’appui aux textes psychanalytiques ni, aux analystes pour intervenir, pour discuter avec les artistes et le public en écho aux expositions, aux spectacles, aux films.

 

Deux institutions majeures de l’art en France ouvrent simultanément deux expositions qui bordent notre champ et les questions qui animent notre groupe. Ne faut-il y lire les signes préliminaires d’un retour de la psychanalyse dans la cité comme discipline propre à favoriser l’euristique ? D’autant plus que la dernière ouverte : « Toucher l’insensé », au Palais de Tokyo à Paris depuis le 16 février s’impose comme une réponse, un manifeste, une contestation politique à la première : Lacan, l’exposition, au Centre Pompidou Metz depuis le 31 décembre 2023.

 

Réjouissons-nous que le grand musée parisien décentralisé offre un étage à Jacques Lacan, à l’homme et à l’œuvre. Le découpage conceptuel paraîtra scolaire aux analystes, la topologie y tient une part congrue et localisée ; les artistes sont prestigieux, mais les œuvres sont trop souvent illustratives plutôt qu’en avant sur l’analyste. C’est toutefois une opportunité pour un public bien plus large et diversifié que celui de nos séminaires de rencontrer Lacan. Quant au Palais de Tokyo, un public nombreux d’une grande mixité, sociale, d’âge, de langues s’y presse dans une ambiance joyeuse.

 

C’est à une prise de position qu’invite François Piron, commissaire de l’exposition parisienne.  Le point d’appui revendiqué est la psychothérapie institutionnelle. Une prise de position critique à l’adresse de la manière dont on envisage aujourd’hui la santé mentale (on sait la crise que traverse l’hôpital spécifiquement en psychiatrie depuis plusieurs années). Il s’agit de re-donner à la pratique de la psychiatrie une valeur d’asile. Dépliant une histoire des pratiques artistiques dans les lieux de soins, l’exposition présente des œuvres issues de pratiques collectives mais aussi individuelles qui invitent à une reprise par les analystes. Que s’est-il inventé, que s’invente-t-il aujourd’hui avec et par les artistes, les soignants, les patients dans ces lieux ? La visite de l’exposition est ragaillardissante invitant les analystes à circuler dans la cité… En route !

 

Cyrille Noirjean

1er mars 2024