Dézoomons ensemble !
Chers collègues, chers amis,
La crise de la Covid qui nous est tombée dessus en 2020 nous a fait découvrir le zoom, cet outil technologique formidable qui nous a permis de rester en contact mais à distance, à un moment où la présence des uns avec les autres était proscrite. La possibilité de se réunir à nouveau s’est faite progressivement, avec jauges et masques, de sorte que l’ALI (comme beaucoup d’autres associations) a investi dans les possibilités de séminaires et congrès en hybride, à la fois en présentiel et en distanciel.
Il apparaît aujourd’hui que les psychanalystes ne sont pas plus prémunis contre les effets pervers de la science – que pourtant ils dénoncent souvent – que les autres. Certes nous pouvons nous réjouir de voir de nombreux collègues travaillant loin de Paris assister et parfois participer aux séminaires du 25 rue de Lille, via Internet. Mais notre local s’est vidé ! Environ 90% des parisiens ne se déplacent plus le soir dans nos locaux – dont le loyer fort cher est ainsi devenu injustifié. Et l’on découvre ainsi que l’on peut parler à la tribune sans savoir à qui l’on s’adresse, et que l’on peut écouter une conférence en dînant chez soi en famille, en pyjama dans son lit, ou souvent caché derrière un écran noir.
Alors que l’on sait tous que se rendre à une pièce de théâtre, un événement sportif ou un office religieux implique une participation et un investissement psychique très différents que de regarder le même évènement depuis sa télévision, comment peut-on estimer que le travail de transmission et de recherche en psychanalyse pourrait se faire sérieusement par écrans interposés ?
Ceux parmi nous qui se connaissent depuis longtemps se sont parfois convaincus qu’on pouvait travailler à distance et se retrouver trois fois par an lors de grands congrès ou à l’occasion de petits groupes de travail. Mais comment transmettre aux plus jeunes, que de fait on ne connaît même plus ? Comment leur permettre de rencontrer leurs aînés, de développer des transferts de travail ? Comment plus généralement faire un travail commun de recherche et de débats en distanciel ? Je revois encore, avec une certaine honte, le visage tellement surpris de quelques nouveaux membres ou de collègues anciens venus de loin, au moment où ils entraient dans notre grande « salle Freud » pour y voir à peine 10 personnes – mais 300 sur zoom semble-t-il, invisibles et muets pour la plupart.
Faisons donc enfin du zoom une utilisation rationnelle ! Il n’est certes pas souhaitable de supprimer cet outil nouveau et l’on se réjouit avec eux de voir nos collègues vivant loin pouvoir participer à nos enseignements parisiens. Mais nous ne pouvons nous résoudre à devenir une association sans lieu, accueillant et formant les plus jeunes – c’est à dire la relève de notre discipline – à distance, travaillant ensemble chacun derrière son écran, sans parler des nombreuses réunions de travail et d’organisation, nécessaires à notre Association, dont la fluidité s’évapore dans le nuage… Le problème est d’ailleurs identique dans certaines écoles régionales ou nationales.
Les appels à revenir dans nos locaux étant restés jusqu’à présent sans résultat, nous avons pensé, au Bureau, à la solution radicale de ne plus donner les codes zoom aux parisiens (sauf quelques rares dérogations) afin de retrouver l’esprit des échanges, de la transmission, de la camaraderie, du transfert de travail. Et quand on ne vient pas, on ne vient pas… A une époque guère lointaine on appelait cela le manque, ou le réel. Après une réunion (en présentiel !) avec notre Doyennat, nous avons finalement décidé de faire d’abord le pari de la responsabilité et du désir de nos collègues, plutôt que celui d’une simple décision d’autorité. D’où cette lettre, qui invite chacun à contribuer activement à la reprise de nos rencontres.
Bien amicalement,
Thierry Roth
Président de l’ALI