«TU CHOISIRAS LA VIE »
Il ne craignit pas d’en mener, des combats, le Docteur Melman : combat, entre autres, pour la transmission d’une psychanalyse vivante, tout à la fois fidèle à ses origines et renouvelée ; combat pour la place de la psychanalyse dans le traitement de l’autisme ; combat contre le populisme ; combat pour la mémoire de Sarah Halimi ; combat, enfin, contre la maladie : avec quel courage, quelle dignité, il travailla jusqu’au bout de ses forces, au-delà de ses forces ! Quel geste auguste, lorsque, dans les derniers temps, ses forces le trahissant, il avait cessé, à la fin de la séance, de me raccompagner, me préparant par là à devoir marcher sans lui. Quelle majesté, quelle autorité bienveillante dans cette main qui m’indiquait la sortie : sortie d’une époque pour moi – pour lui, sortie de la vie. La mort, «ce maître absolu», comme le rappelle Lacan, eut raison de lui.
Nous restent les souvenirs…
Souvenir de sa voix, impérative ou empreinte d’empathie ; souvenir de son regard, grave ou enjoué, sévère ou bienveillant ; souvenir de ses enseignements, de ses valeurs, de son exigence morale.
Souvenirs … Fragments rappelant les étincelles issues des vases brisés qu’imagina le Maître de la Kabbale (2) – cette lumière que répandit Charles Melman, qui nous inspire, qui nous oblige.
Cette référence à un aspect de la tradition qui fut la sienne conduit ma pensée vers les versets bibliques susceptibles de caractériser les valeurs du Docteur Charles Melman. Aussitôt, comme me vient à l’esprit sa détestation de la mesquinerie, de la xénophobie, du racisme, surgit cette belle parole : «N’êtes-vous pas pour moi comme des Ethiopiens, Israélites ?» (3). Néanmoins, le passage qui illustre au mieux l’action du Docteur Charles Melman, ne serait-ce pas l’injonction bien connue : « C’est la vie et la mort que j’ai mises devant vous, c’est la bénédiction et la malédiction. Tu choisiras la vie. » (4) ?
Patricia LANG