Angela JESUINO : On va y aller. Je voulais mettre en exergue ce que je vais vous raconter ce soir concernant la leçon X. La définition que Lacan donne du transfert dans le résumé de l’annuaire de l’école des hautes études. Je vais vous dire pourquoi j’ai choisi ça. « Le transfert comme temps de fermeture lié à la tromperie de l’amour s’intégrait à cette pulsation de l’inconscient », évidement. J’ai choisi cette petite phrase qui est, quelque part, en-deçà du point où il va arriver dans cette leçon X pour deux raisons :
– d’abord parce que je trouve toujours important de faire l’effort de lire Lacan avec Lacan.
– et deuxièmement, ça nous donne d’emblée le ton de la façon dont Lacan va traiter le concept de transfert qui est dans une articulation avec l’inconscient et avec la répétition.
Alors cette leçon X, c’est une leçon d’introduction au transfert. Pour être plus rigoureuse, je devrais dire une leçon d’introduction au concept de transfert. Lacan souligne d’emblée sa visée, nous donne une idée du concept, de son concept du transfert. Alors, même si c’est le fil de son travail de cette année, travailler sur les concepts fondamentaux de la psychanalyse, on peut se demander pourquoi il revient là-dessus avec autant d’emphase quand il s’agit du transfert. Pourquoi cette insistance sur le concept, qui est là depuis le début du séminaire mais il le prend de manière plus rigoureuse par rapport à la question du transfert.
Alors, mon hypothèse, c’est parce que Lacan vient pointer dans cette leçon, ce qu’il appelle « la crise permanente qui existe dans l’analyse concernant la façon dont il convient de concevoir la fonction du transfert ». C’est là son point de départ, cette crise permanente concernant le transfert. Il va s’y affronter à cette crise conceptuelle à partir de ceci qu’il nous dit aussi : « aborder les fondements de la psychanalyse -comme c’est son propos- suppose que nous y apportions entre les concepts majeurs qui la fondent une certaine cohérence ». Pour cela il va traiter le transfert dans une articulation serrée, dans une reprise des concepts de l’inconscient et de la répétition pour nous inviter, en ce qui concerne le transfert, à entrer dans un autre ordre qui est celui de la vérité. Pour une introduction, ce n’est pas si mal. Même si cet ordre de la vérité, il va l’aborder entre autre par le biais de la tromperie de l’amour. Voici le cœur, le fil de cette leçon qui se construit à partir de cette crise conceptuelle et de ces effets dans la théorie, dans la pratique analytique et je dirais même et peut-être surtout dans son éthique. Voilà l’enjeu de cette leçon, passer de la crise à la cohérence conceptuelle. Il part de cette crise qu’il démontre, explicite pour proposer autre chose évidemment, toujours à partir de Freud voire de ses impasses.
On va avoir à faire dans cette leçon, je ne sais pas si cela vous a frappé, mais à un Lacan presque pédagogue dans le bon sens du terme, d’une patience infinie pour démonter les poncifs concernant le transfert que nous trainons tous, et qui ont la vie dure. Je dis patience parce qu’il avait consacré tout un séminaire à la question du transfert mais il avance pas à pas en nettoyant le champ comme il a l’habitude de faire. Donc il va beaucoup insister dans le corps de la leçon, sur ce que le transfert n’est pas, ce que l’inconscient n’est pas, ce que le sujet n’est pas pour situer le transfert comme un noeud, un paradoxe à rendre compte à partir de nouvelles coordonnées, à partir d’une rigueur conceptuelle et plus que ça d’un tissage entre les concepts. Et c’est vrai, si on veut faire une lecture rigoureuse de cette leçon, il aurait fallu aller crocheter dans les leçons d’avant, tout ce qu’il a pu déjà tisser entre transfert et répétition, transfert et inconscient. Alors, les premiers soucis de Lacan c’est sortir le transfert du magma de l’affect. Vous vous rappelez les questions qu’il pose, transfert positif, négatif, ce qu’est le transfert, est-ce l’amour, un faux amour, est-ce que c’est un amour authentique ? Et c’est quoi l’amour authentique ? Donc il ouvre avec ces questions aussi sur la position de Freud, se dire que le transfert c’est un amour authentique, ce n’est pas un faux amour mais pour nous dire tout de suite que cela ne suffit pas, on ne peut pas s’en contenter puisque notre but est d’arriver au moins à approcher ici ce qu’on appelle les concepts du transfert. Et là, un petit rappel de Lacan, le concept est déterminé par la fonction qui l’a dans une praxis. Le concept dirige la façon de traiter les patients et inversement la façon de les traiter commande les concepts. Donc ça concerne… le champ d’une praxis et il est déterminant le concept pour orienter cette pratique. Et tout de suite il a à trancher Lacan sur une question, qui est une question que l’on retrouve toujours quand on commence à parler du transfert qui est cette question, est-ce que le transfert, est-il ou non lié à la pratique analytique ? Ça c’est une question quand on commence à présenter les concepts du transfert, à nous intéresser à ça, c’est une question qui nous revient toujours.
Alors, quelle est la position de Lacan là-dessus ? Et de ça, il va se démarquer de la position divine, de Macalpine qu’il nomme comme une position extrême, c’est intéressant ça. Et là je vais vous citer un passage de Lacan car je voulais faire deux commentaires là-dessus et vous me dirait ce que vous allez en penser mais qui me semble important pour trancher cette question. Il dit ça « même si nous devons considérer le transfert comme un produit de la situation analytique, nous pouvons dire que cette situation ne saurait se créer de toute pièce et qui pour produire le transfert il faut qu’il y ait en dehors d’elle des possibilités déjà présentes auxquelles elle donnera leur composition ». Cette question de qu’il y ait en dehors d’elles « des possibilités déjà présentes auxquelles elle donnera leur composition », ça a attiré mon attention, je ne sais si vous avez-vous-même remarqué ça. Evidement que le transfert dans l’analyse peut nous donner sa structure, n’est-ce pas, et ça ce n’est pas négligeable mais cela m’a fait penser à deux choses que je voulais partager avec vous. La première c’est que l’on peut entendre que le transfert est inhérent à tout parlêtre, quand je parle il y a toujours une adresse, il y a de l’Autre, il suffit de parler. Il y a de l’Un dans l’Autre, dans l’Autre il y a quelqu’un qui sait. On suppose un savoir, un sujet supposé au savoir, c’est la structure minimale, structure que l’analyse révèle et dont le destin sera différent – une autre notion qui relève elle aussi curieusement de cette structure – qui est la question de la croyance même si on ne peut pas confondre transfert et croyance. On ne peut pas confondre transfert et croyance parce que ce destin du savoir dans le réel ne sera pas le même dans un cas comme dans l’autre. Dans la question de la croyance, justement il y a quelque chose qui nécessite une consistance de l’Autre qui n’est pas du tout le cas de l’analyse, où nous savons que l’Autre est un lieu vide. Ça c’est quelque chose qui me semblait important parce que pour souligner ça, il suffit qu’on soit, que l’on parle pour qu’il y ait quelque chose d’une adresse et de cette mise en place de ce lieu.
Alors il y a une autre question qui m’a intéressée et c’est aussi une question qui a à voir avec ce que je viens de dire là mais qui m’ a occupée un temps parce que je trouve que nous vivons dans un moment où cette question de la croyance subie des mutations et qu’il y a de nouvelles formes du croire et je me suis demandée si cette nouvelle forme du croire pouvait nous apprendre quelque chose sur les difficultés des conditions de la mise en place du transfert que nous pouvons trouver dans la clinique d’aujourd’hui. Et pourquoi je dis ça parce que les nouvelles formes du croire ne sont pas tout à fait constituées de cette structure minimale, il y a quelque chose de cette structure minimale, il y a de l’Un dans l’Autre, il y a quelqu’un qui sait qui est mis à mal. Et je pense que ça peut nous renseigner sur les difficultés actuelles de la mise en place du transfert. Je laisse ça comme une digression, une note latérale mais qui a son intérêt parce que nous sommes en train de travailler le concept du transfert tel que Lacan le formule en 1964 ? C’est aussi pour penser notre pratique aujourd’hui. Je vous laisse ça comme une note, une digression à laquelle on pourra revenir lors de la discussion.
Alors, c’est à ce moment du texte qu’il nomme la nécessité de cohérence entre les concepts en rappelant que cette cohérence était déjà manifeste dans la façon d’aborder les concepts d’inconscient. Je n’ai pas pu le séparer de ce que l’on peut appeler la présence de l’analyste, donc d’emblée articulation entre inconscient et transfert. Vous voyez que cette question de l’Autre est ici principale, importante, elle fait nœud. Et il va dire cette phrase Lacan qui très importante et qui peut aussi nous aider à réfléchir sur la question de la pratique de l’analyse aujourd’hui. Il dit la présence de l’analyste elle-même est une manifestation de l’inconscient. Je pense que l’on peut entendre ça dans le sens de ce que je viens de dire, c’est-à-dire dans le fait de s’adresser à l’Autre, qu’il soit là, il y a déjà une adresse, il y a quelque chose qui ne peut pas être séparé de cette définition de l’inconscient comme du discours de l’Autre. Ça met en jeu la relation du sujet à l’Autre d’emblée. Mais là aussi on pourrait s’arrêter, s’attarder, sur la question de cette présence de l’analyste aujourd’hui, qu’il y a peut-être à poser en articulation avec la présence de l’analyste, le désir de l’analyste mais quels sont les destins de cette présence de l’analyste dans ces nouvelles technologies qui viennent envahir le cadre de l’analyse aujourd’hui (les séances par téléphone, par zoom, etc…). Qu’est-ce que ça induit, qu’est-ce que ça déplace, provoque, comment manier ça ? Ce sont des questions qui devront nous intéresser beaucoup. Est-ce que c’est complètement rédhibitoire ? Quelles sont les conditions pour que cette présence soit effective ? Ce sont des questions qui devront nous intéresser parce qu’elles envahissent le cadre de l’analyse elle-même. Est-ce que nous avons les moyens de rendre cette présence effective quand les corps ne sont pas là. Mais on ne peut pas réduire la présence de l’analyste au corps non plus. Vous voyez cela ouvre des tas de questions… qu’on puisse se maintenir au parfum si on ne veut pas fermer, puisque l’on est dans cette histoire d’ouverture et de fermeture de l’inconscient. Si on ne veut pas ensevelir l’ouverture immense que Lacan nous donne dans ce séminaire concernant la question du transfert. Donc, il faut que cette question reste ouverte en tout cas.
Alors après, puisqu’il est dans cette question de cohérence de concepts, s’en suivent les définitions de l’inconscient qui vont être déterminantes pour articuler le transfert. Et il va repartir de ce qu’il a déjà articulé sur l’inconscient pour situer le transfert. Alors il y a cette première définition qui va être princeps dans le développement de cette leçon et dans le paradoxe qui va être traité à la suite de Freud. Il dit l’inconscient c’est quelque chose du sujet qui ne s’ouvre que pour se refermer et une certaine pulsation temporelle. Ça c’est quand même la nouveauté qu’il va introduire dans ce séminaire par rapport à ce qui était déjà construit avant, cette pulsation temporelle. Une autre définition, les effets à certains niveaux de la parole sur le sujet pour autant que ces effets sont si radicalement primaires qu’ils sont proprement ce qui détermine le statut du sujet comme sujet, donc définition de l’inconscient et du sujet de l’inconscient. Et ensuite nettoyage du champ, ce que j’appelle nettoyage du champ, les acceptions de l’inconscient avant Freud n’ont absolument rien à faire avec l’inconscient de Freud nous dit Lacan. Il va préciser tout ce que l’inconscient n’est pas. Il ne faut pas que l’on se trompe, l’inconscient n’est ni le primordial, ni fonction archaïque, ni présence d’une pensée voilée qu’il nous faudrait mettre au niveau de l’être avant qu’elle se révèle c’est-à-dire l’inconscient des philosophes, ni l’inconscient comme instinct, tout cela n’a rien à faire avec l’inconscient de Freud, rien à faire avec notre expérience, avec notre praxis, ce n’est pas de cela dont on parle ici. Et c’est intéressant, Lacan va revenir au texte 53 ? le rapport de Rome, ce qu’on peut appeler juridiquement une novation, une nouvelle alliance avec le sens de la découverte freudienne. C’est de là qu’il repart, qu’il insiste pour définir l’inconscient comme effet de la parole sur un sujet, à ce niveau où le sujet se constitue des effets du signifiant. Donc il revient sur ses fondements. Et de quel sujet s’agit-il ? Sujet cartésien comme il est en train de mettre en place depuis le début du séminaire, à ceci près qu’il est plus (…) quand a la certitude qu’il manque, qu’il rate. C’est là qu’est l’inconscient dans ce qui est manqué, raté. Et puis quelque chose qui me semble absolument extraordinaire, Lacan met la découverte de Freud au même rang que celles de Newton, Einstein, Planck, celles qui ont tracé un nouveau sillon dans le réel. Ce n’est pas rien ça, quand même ! C’est nouveau par rapport à la connaissance que l’on pourrait attribuer de toute éternité à Dieu, a-cosmologique donc, c’est dire l’importance qu’il accorde à la découverte Freudienne et son effort pour la faire tenir vivace pour ne pas l’ensevelir. Donc il faut que l’on fasse attention nous même pour que l’on reste sur ce nouveau sillon dans le réel. Et puis une autre indication importante -je suis pas à pas les indications de Lacan parce que je trouve que c’est… j’ai lu cette leçon une première fois puis je me suis dit c’est ennuyeux et je me suis dit la deuxième fois, c’est vraiment…il faut suivre pas à pas parce que c’est très articulé et avec des pépites, je ne sais comment le dire, comme celles-ci. Il dit la différence avec le champ de la physique dont il parle là et le champ de Freud, c’est que de par sa nature ce champ se perd, là encore mouvements d’ouverture et de fermeture. Et cette chose fondamentale, c’est ici que la présence de l’analyste est irréductible comme témoin de cette perte. Donc importance radicale de cette présence de l’analyste. Comment le psychanalyste va se positionner face à la perte, à la zone d’ombre d’où ? où ? elle se produit. Y a la une question éthique, il va la soutenir cette perte ou il va la transformer en obscurantisme qui est très caractéristique nous dit Lacan de la condition de l’homme en notre temps de prétendue information. C’est quand même comment dire…assez décapant et le mot manque…mais très visionnaire. Il ne faut pas confondre zone d’ombre et obscurantisme, il a une critique acerbe pour la psychanalyse, c’est pour ça que je dis qu’il y a des questions éthiques là-dedans. Il dit finalement que la psychanalyse a une responsabilité dans la propagation de l’American way of life. Qu’est-ce qu’il appelle lui-même l’obscurantisme? S’il a cette responsabilité c’est dans la mesure où il reprend la prédominance des fonctions du moi, quelque chose qui était réfuté dans le champ de la psychanalyse. Donc la présence du psychanalyste qui peut être à la fois comme témoin irréductible de cette perte mais qui dans la variété de son discours peut aussi produire d’autres effets qui sont inclus dans les concepts de l’inconscient, il ne se départit pas de ça. Et comme il essaye d’être cohérent jusqu’au bout Lacan, il dit quelque chose qui nous intéresse beaucoup, c’est qu’il ne récuse pas dans son enseignement la fonction d’intervenir dans le transfert et le transfert, absolument nécessaire à la novation, à ce renouvellement de l’alliance avec la découverte de Freud. Et il va poser cette question qui va revenir tout le temps le long de la leçon qui est la question de la cause, quelle est la cause de l’inconscient ? Cette cause à soutenir doit être foncièrement conçue comme une cause perdue et celle la seule chance que l’on est de la gagner. Donc ne pas effacer la perte et il nous dit au passage finalement qu’il n’y a pas d’enseignement sans transfert, en dehors du transfert. Et ça, ce n’est pas non plus étranger à la problématique de l’enseignement et à la mise en place du transfert aujourd’hui. Alors quant à cette question de dire que cette cause à soutenir doit être foncièrement conçue comme une cause perdue et c’est la seule chance que l’on a de la gagner, pour que cela ne reste pas trop obscur, j’ai eu envie de reprocher non de rapprocher… cela peut être un reproche aussi parce que quelquefois on est désemparé (rire), de rapprocher ce qu’il dit là de ce qu’il a dit dix ans après dans la Troisième. Là y a un effort de lire Lacan avec Lacan, c’est toujours payant de faire ses mouvements d’allers-retours. Et dans la Troisième il dit ça qui est de la même veine mais articulée autrement : « ce qu’on demande à la psychanalyse c’est de nous débarrasser et du réel et du symptôme. Si elle a du succès on peut s’attendre à tout, un retour de la vraie religion par exemple. Mais si la psychanalyse réussit c’est-à-dire si elle nous débarrasse et du réel et du symptôme, elle s’attendra à être un symptôme oublié, la vérité s’oublie. Donc tout dépend si le réel insiste, pour ça il faut que la psychanalyse échoue, échoue à nous débarrasser du réel, de l’impossible. Et je pense que si aujourd’hui la psychanalyse a si mauvaise presse, c’est parce qu’elle tient ça, elle tient à ce réel, elle tient à ce qui ne va pas, elle tient à l’impossible, c’est ce qui la fonde aussi et c’est pour ça que l’on tire sur la psychanalyse à boulets rouges parce que c’est ça notre affaire, le réel. Et je pense que cette affaire que la pratique de la psychanalyse se soutienne d’un réel, d’un impossible n’est pas supportable ni par la science ni par la religion et c’est deux manières différentes de vouloir effacer cet impossible. Vous voyez je fais des digressions, parce que ce n’est pas une leçon facile du tout. Elle n’est pas ennuyeuse du tout, elle est très difficile donc ça m’oblige à aller chercher de quoi la…l’ouvrir un peu.
Lacan revient à la répétition et à la fonction de manquement, vous voyez il y a un fil, il parle de la présence de l’analyste comme un témoin de la perte, il va venir parler de la répétition et il y a la fonction de manquement, de ratage qui est toujours ce qui caractérise la répétition analytique. Il revient à la part d’ombre qui se maintient au niveau du concept, celui de la répétition mais alors pour dire quoi ? Qu’il y a un resserrage, un progrès dans l’accessibilité de la fonction conceptuelle qui nous laisse en somme entrevoir autre chose. Autre chose d’accessible au troisième temps, celui du transfert. Alors là, il y a un dessin qui est dit dans la leçon et qui n’est nulle part, ni sans cette version ni dans les éditions du Seuil où apparemment c’est figuré cette zone d’ombre, qui va selon lui faire passer ces trois concepts d’inconscient, de transfert et de répétition et qui, vient faire passer son texte, il va revenir sans cesse à cette question de la zone d’ombre, jusqu’à la fin de la leçon. Alors, il va nous dire que le concept va nous donner un autre accès à cette zone d’ombre, à quoi est-ce que le transfert va nous donner accès, c’est une des questions importantes qu’il va poser dans cette leçon. Alors, c’est intéressant parce que pour essayer d’avancer là-dedans sur cette question de la zone d’ombre, de ce resserrage, cette accessibilité de la fonction conceptuelle, il va repartir de la question de la cause. Il va reposer la question, c’est quoi la cause inconsciente et il y a cette définition qui j’espère vous a travaillé, parce qu’elle n’est pas claire du tout, c’est intéressant mais Stéphane va nous éclairer.
Stéphane Thibierge : j’espère…
Angela Jesuino : c’est une fonction de l’impossible sur quoi se fonde une certitude. Vous voyez là, sur quoi se fonde la certitude, de quelque chose de l’ordre de l’impossible, est ce qu’on peut penser, de quel côté cette certitude si elle est… de quel registre. Et là, sans transition comme disent les gens à la télévision, il dit… mais voilà qu’il nous amène à la fonction du transfert, il passe de la cause au transfert. Et là, les amis il y a des choses très énigmatiques, donc par exemple, il parle de l’inconscient, cette position primaire de l’inconscient qui s’articule aussi bien comme étant constituée par une indétermination du sujet. C’est à cela que le transfert nous offre l’accès d’une façon énigmatique. Donc où situer le transfert, entre rencontre impossible et sujet indéterminé. Et il va dire dans un nœud qui nous offre l’accès à ce qui est à chercher dans la visée du sujet à savoir sa certitude. Donc vous voyez comme c’est très articulé ça mais pour moi ça reste une zone d’ombre. Ce que l’on sait c’est que la position du psychanalyste, sa présence, sa certitude concernant l’inconscient ne peut être extraite du concept que nous pouvons tenter d’achever du transfert. Inconscient, présence de l’analyste, transfert sont intimement liés. Lacan va prendre deux points où le concept de transfert a été abordé par Freud, le premier c’est presque un avertissement, il parle de glissement, n’y voit dans le transfert que le concept même de répétition, c’est ça le glissement. Et il cite Freud, ce qui ne peut pas être remémoré se répète dans la conduite, cette conduite pour révéler ce qu’elle répète et livrer à la reconstruction de l’analyste. Donc il ne faut pas voir dans le transfert seulement la répétition. Et Lacan dans la leçon 3… c’est pourquoi que je dis que ça aurait été nécessaire de faire ce travail de crochetage de ce qu’il a avancé petit à petit… c’est la page 41 du séminaire donc très tôt, Lacan va être très clair là-dessus. Il dit c’est monnaie courante d’entendre que le transfert est une répétition, je ne dis pas que ce soit faux, qu’il n’y ait pas de répétition dans le transfert, je ne dis pas que ce ne soit pas à propos du transfert que Freud ait approché la répétition. Tout ça c’est important, c’est différent de dire que – je ne dis pas que ce ne soit pas à propos du transfert que Freud ait approché la répétition. J’ai dit que le concept de répétition n’a rien à faire avec celui du transfert. Donc c’est très clair, c’est très clair, c’est deux concepts différents qu’il faut articuler, mais ce n’est pas la même chose. A propos de la question de la répétition et de ce qu’il va appeler, je ne sais plus quel est le terme concernant le traumatisme. Lacan va poser la question quel est le moment fécond, les points d’apparition du concept de transfert chez Freud. C’est une question formidable. Ce serait le moment de résistance à la signification, ce moment de passation de pouvoir du sujet à l’Autre, l’Autre ici comme lieu de la parole. C’est une question intéressante, est-ce que c’est à ce moment-là de la résistance à la signification qu’on va supposer un savoir à l’Autre, c’est l’analyste qui sait quand ça résiste. Mais Lacan ne se laisse pas prendre à ce qu’il dit que ce n’est qu’apparence, il nous invite à regarder de plus près chez Freud lui-même. Il dit, ce moment chez Freud n’est pas simplement ce moment limite qui correspondrait à ce que j’ai désigné comme le moment de fermeture de l’inconscient. Ces moments Freud les marque comme la cause de ce que nous appelons, transfert. Donc ce moment-là de résistance à la signification, de fermeture comme il va dire, ce n’est pas le moment d’apparition du transfert mais sa cause. C’est quand même une nuance importante. Pourquoi il dit ça Lacan ? Parce que l’Autre est dès avant présent dans la révélation subjective. Il est déjà là quand quelque chose à commencer à se livrer de l’inconscient. L’Autre est déjà là dans toute ouverture si fugitive soit-elle de l’inconscient. Donc il est déjà là dans l’adresse de la parole. Il y a le 2ème point, le point tournant peut-être de cette leçon. Il va nous dire ce que Freud nous indique est que le transfert est essentiellement résistant. Donc ça ça va donner l’occasion à Lacan de toute une articulation très importante sur cette question justement, à quel moment s’installe le transfert et la question de à quoi le transfert nous donne accès. C’est autour de ça qu’il va articuler ses questions. L’inconscient se referme par les moyens du transfert, donc c’est loin d’être passation de pouvoir comme il le disait à l’instant, moment de passation de pouvoir du sujet à l’Autre. C’est justement une fermeture que comporte le transfert. Et il va travailler à partir d’un paradoxe. Un paradoxe qui est chez Freud. Nous allons voir la destinée qu’il donne et le traitement qu’il donne à ce paradoxe. Ce transfert est à attendre pour l’analyste pour qu’il commence à donner l’interprétation. Paradoxe à désigner dans ce moment de fermeture. Justement le moment initial où l’interprétation peut prendre sa portée. Donc, il faut attendre le transfert pour qu’il y ait interprétation mais il y a fermeture, à ce moment-là il y a fermeture. Ce paradoxe nécessite que nous le traitions comme ce qu’il est, à savoir un nœud qu’il faut en rendre compte. Alors comment il résout ce paradoxe Lacan ? Il résout ce paradoxe avec l’outil conceptuel si on veut, de ce qu’il avait déjà dit qui est la question de l’Autre. Et c’est très beau ce moment que je ne vais pas reprendre ici entièrement, mais quand il va parler de la question de la fermeture des volets et de la Belle qui est derrière les volets et qu’il ne faut pas que l’on se trompe là-dessus à qui on s’adresse. Et c’est là où je trouve assez formidable parce qu’il dit, il part de la définition de l’inconscient comme discours de l’Autre, le discours de l’Autre qu’il s’agit de réaliser, celui de l’inconscient, il n’est pas au-delà de la fermeture, il est au dehors. Et c’est lui qui par la bouche de l’analyste en appel à la ré-ouverture du volet. Donc c’est par l’interprétation qu’il y aura réouverture justement. Et ça c’est quelque chose qui est… que l’on peut éprouver dans une cure, tout à fait, y compris dans les entretiens préliminaires. Si on a pu entendre quelque chose, c’est ça qui va ouvrir l’inconscient et qui va permettre que l’on parle à la Belle qui est derrière le volet. Là c’est une indication vraiment importante. Et il dit là à la question : “à qui s’adresse l’analyste », il y a un partage des eaux et Lacan dit il y a une bonne et mauvaise façon de concevoir le transfert, il est très clair là-dessus. C’est-à-dire il a une façon, qui est celle de faire appel au bon sens du sujet ou la partie saine du moi et la façon de prendre en acte cette présentification, de cette schize du sujet qui est ici réalisée dans la présence. Donc il n’y a pas de nuance là-dessus, soit on va s’adresser au moi, soit on va s’adresser à la Belle qui est derrière le volet. Et ça, ça détermine aussi quelque chose de l’ouverture. Et là il va prendre en détail, l’article de Thomas Szasz, mais pour mettre en exergue quoi ? Comment Lacan va s’en servir de l’élaboration…ses élaborations ont des conséquences dans la pratique, dans la théorie, et dans l’éthique de la psychanalyse, comme je le disais à l’entrée de ces commentaires. Parce que c’est très intéressant de voir comment il va prendre le transfert, Szasz va prendre le transfert comme ce qui donne asile aux germes non seulement de sa propre destruction mais de la destruction de la psychanalyse elle-même. Ce qui est le moteur de la cure est élaboré comme un danger. Un danger pourquoi ? parce que l’analyste est au-delà de l’épreuve de la réalité, le transfert semblable à des concepts comme ceux de l’erreur, de l’illusion ou du fantasme. Lacan va être très ferme là-dessus, il dénonce une impasse forgée, erronée mais nécessité par une certaine conception du transfert, à savoir l’accord obtenu avec la partie saine du moi, accord entre analysé-analyste donc champ sans contrôle de pur risque. On n’est pas, d’après Lacan enfermé dans une relation duelle. A cela Lacan s’oppose, il faut faire entrer en jeu un autre ordre, quel ordre ? Celui de la vérité qui ne se fonde que sur la parole même mensongère. Et Lacan dit, ceci est absent du logico-positivisme que se trouve dominé l’analyse de ce concept de transfert chez Szasz. Entre deux sujets il se passe bien autre chose qu’un accord sur l’objectivité. Il nous faut faire surgir dans ce champ le domaine de la tromperie possible. Je pense qu’il prend Szasz pour nous montrer justement les conséquences du traitement du transfert dans une certaine acception et de le mener jusqu’au bout. Il ne s’agit pas d’un accord sur l’objectivité au contraire il faut faire surgir quelque chose d’une tromperie. Donc face aux notions d’erreur, d’illusion, de fantasme, agitées comme un chiffon rouge par Szasz. Lacan oppose, introduit, la dimension de la tromperie. Il rappelle ici le point de départ, le sujet de la certitude cartésien et l’autre trompeur de Descartes. Cet Autre dans l’analyse, le danger c’est qu’il soit un Autre trompé. J’ai reçu la semaine dernière quelqu’un qui sortait d’un autre…qui avait arrêté un autre suivi, une autre analyse en me disant, je l’ai baladé, ça a été la raison pour laquelle il a interrompu cette cure. Ce qui est très intéressant par rapport à ce que nous dit Lacan ici. Le problème n’est pas que l’Autre soit trompeur mais qu’il soit trompé. Et en même temps, cela me donne tout à fait le « la » de ce qui va surement se répéter. C’est-à-dire qu’il va certainement dans son rapport à l’autre essayé de le balader. Me voilà prévenue, renseignée et c’est intéressant que le point – c’est quelqu’un qui ne connait rien à l’analyse, c’est un designer, mais il vient avec cette question, je l’ai baladé.
Stéphane THIBIERGE : et peut-être aussi avec cette angoisse…
Angela JESUINO : oui, bien sûr…
Stéphane THIBIERGE : …parce que c’est insupportable si l’autre peut être trompé, je pense que c’est aussi peut-être pour cela qu’il vient te voir. En supposant qu’il y a peut-être quand même un Autre qui n’est pas trompé.
Angela JESUINO : voilà, mais je suis tout à fait d’accord avec toi. Mais quand même c’est ce qu’il a mis en avant tout de suite, au 1er entretien.
Stéphane THIBIERGE : oui c’est ça.
Angela JESUINO : mais en même temps, ça dit quelque chose et de son angoisse, de sa crainte et de sa relation à l’Autre. Il faut aussi que je reste attentive à la façon dont éventuellement il va essayer de me balader et comment est-ce que je vais y répondre à ça. Voilà vous voyez comme cette question… ce n’est pas de la théorie, ce n’est pas de l’abstraction, c’est la pratique, ça c’est ce que le patient nous dit.
Participant dans la salle : qu’est-ce qu’il vous a dit le patient, je n’ai pas entendu, je n’ai pas perçu le dernier mot ?
Angela JESUINO : il a dit qu’il avait arrêté sa cure précédente parce qu’il avait baladé l’analyste. Il l’avait baladé, c’est pour cela qu’il a interrompu sa cure et qu’il est allé chercher un autre analyste. Vous voyez ça c’est des choses de la pratique analytique, des choses qui nous donnent des boussoles pour travailler.
Alors pourquoi Lacan a décidé d’introduire ici la dimension de la tromperie ? Il dit que le cercle de la tromperie en tant qu’à point nommé, il fait surgir la dimension de l’amour, voilà ce qui nous servirait de porte exemplaire pour le transfert. S’il y a un domaine où dans le discours, la tromperie a quelque chose de réussi, c’est assurément l’amour qui en donne le modèle. On aperçoit de l’autre ce qu’il a, ce qui peut nous compléter, nous nous assurons de pouvoir continuer à méconnaitre précisément ce qui nous manque. C’est assez formidable. Parce que ça aussi on le retrouve au niveau du transfert, bien sûr. Mais si Lacan revient par la tromperie de l’amour, c’est encore pour nous dire que ce n’est pas ce qui cause radicalement la fermeture que comporte le transfert. Ce n’est pas l’amour, ce qui le motive, ce qui le cause et qui sera l’autre face de notre examen du concept du transfert, se rapportant à la partie d’ombre réservée au niveau du concept de transfert, vous voyez on retrouve cette partie d’ombre, c’est ce que j’ai désigné par l’objet a. Voilà où il arrive à la fin de cette leçon, la traversée qui nous offre en guise d’introduction au concept du transfert, il arrive à l’objet, à l’objet cause. Et on peut laisser cette question ouverte du rapport entre objet a et transfert, mais je ne voulais pas vous laisser sans une petite vignette clinique par rapport à cette articulation. Je reçois une patiente qui me dit, au bout d’un certain temps, je suis venue vous voir parce que j’ai entendu un enregistrement d’une de vos conférences et je suis venue vous voir à cause de votre voix. Donc, vous voyez comme la mise transférentielle est d’emblée une mise de l’objet cause du désir, d’un objet qui pour elle c’est la voix. Evidement ce n’est pas le seul déterminant transférentiel dans le cas de cette patiente mais d’emblée elle met en jeu cet objet. Donc il n’est pas étranger à la question du transfert. Voilà ce que je voulais vous dire péniblement, parce que c’est une leçon avec beaucoup de zones d’ombre. Voilà.
Stéphane THIBIERGE : oui Angela, merci beaucoup pour le parcours que tu nous as effectué et effectivement cette leçon est difficile et particulièrement difficile parce que je crois, enfin, je me suis expliqué les choses comme ça, il me semble que sur la question du transfert, Lacan a affaire à un auditoire qui n’est sans doute… c’est sans doute une question très difficile à faire entendre à un auditoire de jeunes philosophes peu accoutumés à l’exercice d’une relation de type transférentielle. C’était des… bon, je ne vais pas m’étendre beaucoup sur le public de l’école normale à cette époque. C’était un public très pris dans des activités philosophiques, politiques, engagés qui avaient un rapport au maître quasi religieux parfois. Tout à l’heure tu as parlé du Un dans l’Autre, d’ailleurs je te poserais peut-être une question à ce sujet. Mais ce n’était sans doute pas un public auquel il était facile de faire entendre ce dont il s’agit, dans la relation transférentielle. C’est-à-dire à la fois comme… alors d’abord franchement merci quand même d’avoir déplié la leçon de façon aussi attentive, et je pense que nous gagnerons beaucoup à lire le texte de ce que tu as exposé, c’est-à-dire la transcription. Je pense que ce sera très précieux parce que tu as vraiment suivi les choses en respectant les difficultés, en les traitant, en les ouvrant, en essayant de les expliquer, et tu l’as fait je trouve très bien, mais c’est vrai que tu as suivi les linéaments de cette leçon qui n’étaient pas du tout facile pour différentes raisons, dont celle que j’évoque mais ce n’est sans doute pas la seule. Alors tu as évoqué…alors voilà j’ai une question à te proposer quand tu as évoqué le transfert comme lié à la croyance de l’Un dans l’Autre. Est-ce que je me trompe ?
Angela JESUINO : ce n’est pas tout à fait ça. Oui, je pense que cette question de l’Un dans l’Autre et de l’Autre qui sait, est constitutif et du transfert et de la croyance. Sauf que le traitement donné à cette question n’est pas le même dans le transfert comme dans la croyance. C’est quelle chose de structural, pourquoi je dis ça parce que le simple fait de parler et de s’adresser à l’Autre, il y a quelque chose de cette structure minimale qui se met en branle et donc la croyance avant d’être quelque chose de religieux ou de croire à un père, ça fait partie, est constitutif même de notre condition subjective. Enfin c’est comme cela que je l’entends.
Stéphane THIBIERGE : tout à fait. En fait, tu prends le Un dans l’Autre comme une sorte de moment nécessaire de la structure transférentielle.
Angela JESUINO : oui.
Stéphane THIBIERGE : oui tu as raison. C’est cette précision que je voulais te demander parce que c‘est vrai que… c’est un des aspects de la difficulté que Lacan évoque dans cette leçon et que tu as très bien … sur laquelle tu as beaucoup insisté. C’est l’aspect de fermeture, disons-le très simplement que représente le fait, justement de croire que dans l’Autre y a du Un et de mettre l’analyste en quelque sorte à cette place. Et ce n’est pas tellement différent de ce que dit Szasz quand Szasz dit que le transfert est un truc … qui ne tient pas la route parce que c’est forcément de l’illusion, de la suggestion, du fantasme, ce n’est pas quelque chose de rationnel, ce n’est pas quelque chose de tenable et du coup il craint que le transfert ne crée, que la notion de transfert ne conduise possiblement à la disparition et à la desintégration même de la psychanalyse. Et c’est pour ça qu’il essaye de façon désespéré et complètement pathétique d’une certaine façon de promouvoir une conception dans laquelle la partie saine du patient va s’adresser à la partie saine de l’analyste. C’est une vue un peu pathétique parce qu’on voit qu’elle est sans issue. Tu as eu raison de rappeler que Lacan, tu l’as très bien fait, Lacan resitue les choses tout de suite par rapport à la vérité, c’est-à-dire à l’ouverture du rapport au grand Autre et à la tromperie possible. Mais pardon, juste une chose pour vous montrer quand même que nous sommes là comme tu l’as dit Angela, nous sommes dans quelque chose de très concret, de très constatable tous les jours. S’adresser à la partie saine du moi de l’autre pour essayer de définir une conversation objective, c’est ce que nous faisons tous les jours, nous croyons tous les jours que nous parlons à la partie saine de l’autre, à la partie saine de nous, ça s’appelle le Moi, « tu vois ce que je veux dire », ça n’a aucun sens, comment voulez-vous qu’il voit ce que vous voulez dire puisque de toute façon c’est incompréhensible et vous -même vous ne le comprenez pas. Mais « tu vois ce que je veux dire, on est d’accord ». On est tout le temps là-dedans, donc une des difficultés de l’analyste avec cette question du transfert, c’est d’éviter cette fermeture et d’autres encore … tu as évoqué le temps de l’interprétation, en ménageant la possibilité du temps d’une interprétation et d’une ouverture de la dimension de la tromperie et de l’interrogation du rapport au grand Autre. Pardon.
Angela JESUINO : non, juste avant que je perde le fil …de tes commentaires on peut croire qu’il y a de l’Un dans l’Autre
Stéphane THIBIERGE : oui.
Angela JESUINO : ça c’est le travail du névrosé .. ?.mais le travail de l’analyste ce n’est pas de s’y croire, c’est là toute la différence et quand par malheur un analyste se prend pour l’Autre, pour l’Un dans l’Autre. C’est un désastre qui n’a pas de commune mesure. Parce ce que c’est à quoi Lacan, ce que Lacan a pu écrire comme étant le discours de l’analyste. On ne va pas répondre de cette place de l’Un dans l’Autre.
Stéphane THIBIERGE : c’est la psychothérapie ça.
Angela JESUINO : nous allons répondre de la place de l’objet a.
Stéphane THIBIERGE : voilà.
Angela JESUINO : donc le névrosé, il a beau nous mettre à cette place-là, voilà on ne répond pas de cette place-là. Il y a un déplacement parce que sinon on n’est pas dans le champ de l’analyse.
Stéphane THIBIERGE : non.
Angela JESUINO : voilà, c’est juste une incise par rapport à ce que tu dis.
Stéphane THIBIERGE : non, encore une fois je trouve que tu as déplié toutes les difficultés de cette leçon avec beaucoup de talent et de justesse. Oui, parler comme si on était Un dans l’Autre c’est soit être dans la religion, nous avons une religion, le névrosé est très souvent un religieux spontané et nous ne sortons pas de la religion si facilement que nous pensons souvent, nous en sortons très difficilement après beaucoup de difficultés et de peine. D’autre part la position religieuse, cette position qui favorise la croyance Un dans l’Autre, c’est la position du psychothérapeute. C’est important de le rappeler à une époque et dans des contextes où nous sommes amenés à former des psychothérapeutes puisque si on ne le faisait pas et bien ce serait encore pire d’une certaine façon. Il faut rappeler quand même qu’un psychanalyste, ce n’est pas un psychothérapeute justement parce que le point d’unification du côté de l’Autre il va toujours régulièrement le rouvrir ou amener le patient à rouvrir, s’il ne fait pas ça il ne fait rien, il fout rien s’il ne fait pas ça. Alors est-ce…j’aimerais bien que les responsables de groupe s’ils le sentent ou les collégiens des groupes que vous nous donniez votre sentiment sur cette leçon et des difficultés que vous avez pu rencontrer parce qu’il y a beaucoup de choses…encore une fois je ne crois pas me tromper en…Angela disait aussi que Lacan était très pédagogue, il avançait très patiemment, pas à pas. Des questions qu’on lui pose et dieu sait que j’ai beaucoup de sympathie pour François Wahl qui n’est plus avec nous depuis quelques années, c’était un type vraiment très bien. On voit dans ses questions qu’il est complètement largué. Et lui c’était un philosophe et Lacan lui répond d’ailleurs comme je vous parle de la nouveauté du champ freudien, ben évidement c’est normal que vous ne vous retrouviez pas avec Plotin (rire).
Angela JESUINO : Stéphane, tu disais que bon c’était difficile de faire entendre ce que c’était le transfert à ce public là et en même temps il ne lâche rien comme disent les jeunes aujourd’hui, c’est d’une rigueur.
Stéphane THIBIERGE : non, Lacan, il ne lâche rien.
Angela JESUINO : il ne lâche rien, il amène des choses…c’est la fonction de l’impossible d’où s’est passé des choses il amène des choses très complexes, très articulèes, il ne lâche rien de sa rigueur conceptuelle rien du tout.
Stéphane THIBIERGE : non, il y a un ou deux passages ou on sent qu’il parle à des philosophes. Il dit un moment donné pour vous parler de la cause de manière plus complète il faudrait que je vous en fasse une illustration transcendantale. Le terme transcendantal je ne suis pas sûr qu’on le trouve dans la bouche de Lacan ailleurs que dans ce séminaire.