Melman Israël et Gaza
J’écris ce texte avec Maria Belo.
Des très nombreuses choses que Melman a rendu possibles nous voulions – étant donné ce qui se passe – rappeler son investissement, son parrainage indéfectible pour soutenir les rencontres entre les collègues psy israéliens et les collègues psy palestiniens, en particulier ceux de Gaza.
Premier chapitre : un colloque organisé AFI avec les collègues analystes de l’IPA d’Israël, au kibboutz Shefayim (1988), un livre en témoigne. Et une amitié avec la présidente : Yolanda Gampel.
Deuxième chapitre : La première Guerre du Golfe aout 90 – avril 91. Les scuds tombent sur Tel Aviv et les esprits se passionnent, chez les jeunes intellectuels musulmans pour qui la a guerre de Saddam Hussein est la mère toutes les guerres et chez ceux d’origine juive qui craignent des ogives avec des gaz mortels. Difficile de penser avec sa tête, les tripes dominent. Oussama Cherif propose à Melman de rencontrer ces jeunes musulmans (polytechniciens) pour essayer de parler. Il est tout de suite d’accord. Pendant toute la guerre, les dimanches à 18h, il est là. Les jeunes musulmans sont là aussi et Rebecca Majster et Maria Belo, députée européenne qui arrive de Lisbonne tous les dimanche. Et cela jusqu’à la fin de la guerre. Tout doucement, après les avoir entendus sur toutes les haines accumulées, les jeunes se détendent et commencent à penser. Incroyable ce que Melman est capable de produire.
Troisième chapitre : Maria Belo au Parlement Européen, a pris des responsabilités par rapport au Moyen Orient. Cela lui permet de partir officiellement en Israël dès la fin de la guerre. Elle rencontre nos collègues israéliens de l’association IMUT : Yolanda Attar et Tamar Zelniker. Elles avaient travaillé pendant des années avec leurs homologues palestiniens. Mais ces réunions étaient devenues impossibles Melman propose alors un colloque en Europe. Comme Maria est amie du président portugais Mario Soares, ce colloque se fait à Lisbonne, l’année suivante 1992. Il y a 20 psys israéliens dont Attar, Tamar, Yolanda, 20 psys européens de l’AFI, 10 psys de Gaza et 10 psys Arabes Israéliens. Hanane Hasraoui représente les Palestiniens de Cisjordanie, elle deviendra ensuite la représentante officielle de l’OLP. Les psys de Gaza sont dirigés par un homme extraordinaire Eyad el Saraj. Il a une formation psychanalytique (en Egypte), il a un passeport britannique et il vit à Gaza par choix où il dirige la Santé Mentale. Il a choisi de prendre avec lui 9 psys sortis des prisons israéliennes, qui n’ont jamais vu un israélien qui ne soit armé jusqu’aux dents. Aucun d’eux n’a de passeport. C’est Mario Soares qui leur a fait des saufs conduits. La rencontre s’appelle : « parler à l’ennemi ». Je ne sais pas si c’est Charles ou les palestiniens qui l’ont choisi. Après quelques conférences en plénière, des groupes de travail. Dans le mien sur la psychothérapie des enfants, très vite les femmes israéliennes racontent leurs cauchemars. Les palestiniens découvrent qu’ils font les mêmes. C’est la premières fois qu’ils parlent ensemble.
Pour la faire courte : Ils demandent à Melman d’organiser une autre rencontre en Europe. Ce sera dans l’Hémicycle du Parlement à Strasbourg. A Paris, un repas chez Melman nous réunit tous : les organisateurs israéliens, palestiniens Eyad pour Gaza. L’un d’eux remarque que si cette ambiance pouvait exister au Moyen-Orient, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus de guerre. A Strasbourg, les collègues Serbes, Bosniaques et Croates, en pleine guerre envient les rapports entre Palestiniens et Israéliens, ironie du sort ; c’est eux qui s’en sortiront.
Notre président de l’A.L.I., Thierry Roth m’a demandé s’il y avait eu des suites. Oui. Pendant 7 ans, jusqu’à la deuxième Intifada, Yolanda, Tamar et d’autres du IMUT ont organisé à la Faculté de Psycho de Tel Aviv un D.U. de psychothérapie psychanalytique pour enfants pour les collègues psychothérapeutes de Gaza. Ils y viendront pendant 4 ans. Après, quand cela ne leur est plus possible c’est Tamar et Yolanda qui iront jusqu’à 2001 à Gaza tous les 15 jours. Tamar était le génie des pourparlers avec les autorités militaires israéliennes qui assurent le blocus. Après la deuxième Intifada le travail continue mais à distance. Ensuite, ce n’est plus possible.
La première fois, il n’a pu quitter Gaza car il était le seul à pouvoir intervenir entre l’OLP et le Hamas. Ces derniers n’hésitant pas à massacrer les premiers. L’année suivante, un blocus de Gaza a rendu sa sortie impossible. Même avec l’intervention d’un Ministre Israélien et d’André Azoulay, seul Ministre juif d’un roi musulman comme il aime le rappeler. L’année suivante un cancer devait emporter Eyad. Melman l’estimait beaucoup, et c’était réciproque.
Maria Belo, Marie-Christine Laznik