Lecture de la leçon I du séminaire “Les non-dupes errent”
09 avril 2011

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DISSEZ Nicolas
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Lacan avait terminé son séminaire de l\’année précédente sur une interrogation : « Est-ce que je vous dis, à l\’année prochaine ? (…) Je n\’ai jamais su, depuis vingt ans que j\’articule pour vous des choses, je n\’ai jamais su si je continuerais l\’année prochaine. Ça, ça fait partie de mon destin d\’objet petit a ». Voici comment, à la suite de la période estivale, il débute ce nouveau séminaire : « Je recommence donc, je recommence donc puisque j\’avais cru pouvoir finir… » On pourrait donc penser que les phrases par lesquels il initie ce séminaire de l\’année 1973 / 1974, viennent répondre au doute sur lequel il avait laissé son auditoire l\’année précédente. Pourtant la suite de son propos indique que ce « J\’avais cru pouvoir finir », renvoie plus sûrement au séminaire qui s\’est déroulé dix années auparavant et qui avait la particularité de porter un titre homophonique à celui qu\’il débute ce 13 novembre 1973.

Peut-être faut-il ici revenir sur un moment d\’histoire du mouvement psychanalytique. Le 20 novembre 1963, Jacques Lacan s\’apprête à tenir à Sainte-Anne, la première séance d\’un séminaire qu\’il a intitulé « Les Noms du Père ». Cette séance sera la seule qu\’il tiendra sous ce titre et la dernière qu\’il tiendra dans cet hôpital, puisqu\’il annonce dès le début de cette séance : « Je n\’ai pas l\’intention, aujourd\’hui de me livrer à aucun jeu qui ressemble à un coup de théâtre. Je n\’attendrai pas la fin de ce séminaire pour vous dire que ce séminaire est le dernier que je ferai. » Cette décision vient en effet conclure une longue période de tractations au cours de laquelle la Société Française de Psychanalyse, par un vote de son assemblée générale le 19 novembre 1963, a accepté de négocier son appartenance à l\’International Psychoanalytic Association, au prix de retirer Lacan de la liste de ses didacticiens. Ces négociations ont été relatées ailleurs dans leur déroulement, leurs retournements et luttes d\’intérêt, disons qu\’elles ont tout de ce que l\’on appelle communément un jeu de dupes et même en l\’occurrence de duperies réciproques. Cette période se terminera, d\’un côté par le ralliement à L\’IPA d\’une partie des élèves de Lacan qui donneront naissance à l\’Association Psychanalytique de France, de l\’autre par la fondation par Lacan de l\’Ecole Freudienne de Paris et par l\’accueil de son séminaire à l\’Ecole Normale Supérieure au début de l\’année 1964. Cette date du 20 novembre 1963 n\’en constitue pas moins pour Lacan un coup d\’arrêt. Interrompu dans son élan alors qu\’il s\’apprêtait à consacrer une année de son séminaire à la question des Noms du Père, il fait régulièrement la promesse de ne jamais reprendre cette question. Ce séminaire devait rester « le séminaire manquant ».

Seulement, revenant sur sa promesse, Lacan entame son séminaire ce 13 novembre 1973 sous le titre « Les non-dupes errent ». Je vous propose donc une lecture possible du revirement que constitue le titre de ce séminaire. Dix ans auparavant, s\’étant violemment heurté à un réel, Lacan a choisi de rompre avec la période précédente. Cette décision se traduit par la volonté de redémarrer sur d\’autres bases – le séminaire sur « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse » qui commencera en janvier 1964 adoptera ainsi un ton très différent et s\’adressera à un auditoire renouvelé, celui des jeunes philosophes de la rue d\’Ulm – mais elle se soldera également par une perte qui se manifeste dans le souhait de ne jamais reprendre ce thème. Dix ans plus tard, Lacan revient donc sur cette période et revient également sur son engagement du 20 novembre 1963 à ne jamais reparler des Noms du Père, pour intituler son séminaire : Les non-dupes errent. Il fait même un pas de plus et souligne que depuis dix ans, il n\’a fait que parler des Noms du Père, que cette formulation Les non-dupes errent ramasse les données essentielles de son enseignement.

Lacan souligne ainsi que dans ces deux formules homophoniques mais qui n\’ont pas le même sens, Les noms du père et Les non-dupes errent, il s\’agit bien du même savoir, au sens dit-il où l\’inconscient est un savoir. Autrement dit durant toutes ces années pendant lesquelles il a soigneusement évité de revenir sur le séminaire consacré aux Noms du père, il continuait à répéter le même savoir inconscient, celui qui gît dans cette formule qu\’il faudrait écrire phonétiquement au-delà des différents sens qu\’elle peut prendre. Il y a là un savoir inconscient dont il ne peut se déprendre, mais dont il est possible d\’entendre les différents sens. Bien sûr, l\’exploration de ces sens différents n\’épuisera jamais totalement le savoir qui gît dans cette formule, c\’est pourquoi Lacan souligne que l\’énigme est en dernier lieu, le comble du sens.

Il est vrai que nous n\’aimons pas trop l\’inconfort de la situation de celui à qui est posée une énigme, nous sommes comme Œdipe face à la sphinge, nous préférons trouver une solution et penser qu\’elle est la bonne, trouver un sens qui serait le dernier, sur lequel nous puissions nous arrêter. Nous nous arrêtons donc à un sens, nous imaginons comprendre. Lacan nous rappelle à cette occasion cette indication essentielle de son enseignement – et souvent rappelée par Marcel Czermak – qui date du séminaire sur les structures freudiennes des psychoses : « il ne faut pas comprendre. » C\’est une leçon que Lacan a tiré des impasses auxquelles est rapidement conduit un praticien trop orienté par la relation de compréhension dans son abord de la clinique des psychoses mais qui vaut comme position systématique de l\’analyste.

Il y a là une indication qui vaut aussi comme lecture analytique des textes fondamentaux de la psychanalyse, séminaires de Lacan y compris. Le sens de ces textes est en effet à constamment réinterroger, à ne jamais fixer définitivement. Il y a là certainement une explication du style particulier de Lacan qui, en particulier au regard de l\’écriture freudienne, s\’attache à garder une dimension énigmatique et à ainsi laisser une place pour une nouvelle lecture, pour une interprétation supplémentaire.

La position de l\’analyste ne consiste pourtant pas à ne rien comprendre et à considérer que tout dire constitue une énigme irréductible. Il s\’agit plutôt de pouvoir suspendre cette dimension du sens pour ne pas se jeter sur le premier sens qui vient. Comme pour le « Je recommence » par lequel Lacan avait initié ce séminaire, il ne s\’agit pas de comprendre trop vite qu\’il recommence son séminaire après avoir douté en fin d\’année précédente de sa poursuite, puisque la suite indique qu\’il s\’agit aussi bien, pour Lacan, de reprendre son séminaire sur Les noms du père.

Il n\’en reste pas moins que nous ne pouvons pas nous empêcher de comprendre, de retomber sur un sens possible, c\’est-à-dire d\’imaginer, voire d\’imager, de la même façon que les mathématiciens finissent toujours par proposer une représentation des objets mathématiques. C\’est pourquoi dans cette leçon Lacan précise que la dimension de l\’Imaginaire est aussi importante que les autres, elle est irréductible en tant que telle puisque si nous pouvons suspendre notre compréhension un moment, c\’est toujours pour retomber au mieux, sur une autre compréhension, sans jamais nous passer complétement de cette « dit-mansion », de ce qui constitue bien un logement possible du dire. Une grande partie de cette leçon, s\’attache ainsi à redonner sa juste place à la dimension de l\’imaginaire, pas une place hégémonique donc, mais pas non plus une dimension que l\’analyste aurait à réduire complètement, dont il pourrait se débarrasser, puisque nous retombons toujours sur le sens.

Seulement, finesse de la langue qui pourrait passer inaperçue, j\’imagine et je m\’imagine, ce n\’est pas tout à fait la même opération. Disons que ces deux formules permettent de distinguer le spéculaire et l\’Imaginaire proprement dit. Quand je m\’imagine comprendre, je suis pris dans un registre qui me cantonne à un sens qui est le mien et j\’ai donc toutes les raisons de m\’y accrocher. J\’ai des raisons de m\’y accrocher parce que si ce sens m\’est venu en premier, c\’est qu\’il est vraisemblablement guidé par mon fantasme, autrement dit quand je m\’accroche au premier sens qui me vient, je privilégie ma jouissance. Le travail de l\’analyste consiste donc à ne pas s\’attacher à un sens précis, et en premier lieu sur un sens qui serait le sien, pour prendre en compte les effets, sur un sujet, de la multiplicité de sens d\’un propos, pour considérer que ce sens n\’est pas celui du sujet, il est un effet de la langue sur ce sujet.

Lacan fait beaucoup d\’étymologie dans cette première leçon, peut-être pour souligner que l\’usage d\’un terme, son sens, loin d\’être fixe, évolue au cours du temps. Lacan se soutient donc de l\’étymologie pour éclairer la formule qui donne son titre au séminaire, et en premier lieu pour éclairer cette question de la duperie. Qu\’est-ce en effet qu\’être dupe de l\’autre ? Si l\’on en croit la jolie formule de Nicolas de Chamfort, citée par Lacan, le mariage constitue bien une duperie réciproque puisque « L\’une des meilleures raisons que l\’on puisse avoir de ne se marier jamais, c\’est que l\’on n\’est pas tout à fait la dupe d\’une femme tant qu\’elle n\’est pas la vôtre. » Cette citation de Chamfort, elle est une raison de ne pas s\’engager, elle rejoint une position de non-dupe.

À suivre Lacan cependant, cette duperie elle est avant tout un effet du langage lui-même, elle lui est inhérente. C\’est pourquoi, je vous proposerais d\’illustrer ce registre de la duperie par le witz que vous connaissez tous, extrait du Mot d\’esprit et sa relation à l\’inconscient :

« Dans une gare de Galicie deux juifs se rencontrent dans un train :

– Où vas-tu ? demande l\’un.

– A Cracovie, répond l\’autre.

– Regarde-moi ce menteur ! s\’écrie le premier furieux. Si tu dis que tu vas à Cracovie, c\’est bien que tu veux que je croie que tu vas à Lemberg. Seulement moi je sais que tu vas vraiment à Cracovie. Alors pourquoi tu mens ? »

Si nous prenons au sérieux ce qu\’amène ce mot d\’esprit – peut-être pas resté célèbre pour rien – la duperie inhérente au langage implique que, même si je dis que je vais à Cracovie quand j\’ai décidé d\’aller à Cracovie, il y a de la duperie dans l\’air. Duperie probablement liée au fait que le propre de la langue c\’est de ne jamais parvenir à dire la chose comme telle. Pas moyen donc d\’échapper à ce mensonge essentiel, à cette duperie propre au langage, sauf à commettre une erreur plus invalidante encore, l\’erreur de celui qui, refusant cette duperie inhérente au langage, se prive de toute possibilité de se repérer dans la langue, c\’est-à-dire le plonge dans l\’errance. Lacan s\’appuie une nouvelle fois sur le Bloch et Wartburg pour souligner la proximité de l\’erre et de l\’erreur. Dans ce dictionnaire étymologique se succèdent une série de termes tous dérivés de la même racine : errant, errata, erratique, erre, errements, errer, erreur, puis erroné. Cette série souligne l\’errance à laquelle risque de s\’affronter celui qui a commis l\’erreur de ne pas accepter la duperie inhérente au langage lui-même, privé de toute orientation, il se voue à errer dans un espace sans coordonnées aucune.

Il y a là encore une aliénation fondamentale, un choix forcé du type « la bourse ou la vie » : soit vous entrez dans ce jeu de dupe que constitue le langage où le mot ne dit jamais la chose, soit vous refusez de jouer le jeu mais, non-dupe et privé de toute possibilité de repérage, vous êtes alors voués à l\’errance éternelle.

Il y a donc un espace propre à l\’être parlant, seulement c\’est le scoop, le coup de théâtre de cette première leçon : « Si l\’inconscient existe, ça part d\’une autre façon de considérer l\’espace ». Ces trois registres du Réel, du Symbolique et de l\’Imaginaire qui doivent nous servir à nous orienter, ils déterminent l\’espace dans lequel tout être parlant se déplace. Si nous en venons toujours à nous figurer les choses dans un espace à trois dimensions, c\’est dit Lacan « parce qu\’il y a trois dimensions de l\’espace habité par l\’être parlant et que ces trois dimensions s\’appellent le Symbolique, l\’Imaginaire et le Réel. » Dans cet espace un point n\’est plus déterminé par l\’intersection de deux droites, mais par le coinçage borroméen des trois ronds de ficelle qui spécifient ces trois registres.

Ce séminaire marque donc un changement de ton, changement qui correspond à la venue au premier plan du travail du nœud borroméen. Si l\’on veut donc prendre avec Lacan le tournant borroméen de son séminaire, il faut accepter de se mettre au travail avec lui, il faut, comme il le préconise, manipuler, faire l\’expérience de la difficulté de ce nouage borroméen. Il faut accepter de se tromper puis de se corriger, il faut s\’affronter à l\’inadéquation de notre pensée avec le réel auquel nous confronte ce nœud. Il faut prendre en compte les surprises qu\’il nous réserve si nous nous affrontons, pas seulement à ses représentations, mais à sa manipulation. Il s\’agit de prendre en compte ces surprises au même titre que les celles auxquelles nous confronte la séance analytique, comme analysant mais aussi comme analyste.

Voici donc une première présentation du nœud à partir des quelques propriétés que Lacan amène dans cette leçon. Dans le fil de cette leçon au cours de laquelle Lacan s\’attache longuement à redonner une juste place à la dimension de l\’Imaginaire, je vous propose de considérer qu\’une première fonction du nœud borroméen est de nous permettre de situer la juste place de chacun des trois registres du Réel, du Symbolique et de l\’Imaginaire ainsi que les modalités de leurs articulations. Tout abord du nœud nous confronte en effet à la distinction de ces trois registres. Ainsi le Symbolique du nœud borroméen, il se manifeste dans le fait que pour vous le présenter, je dois m\’appuyer sur des traits qui symbolisent chaque rond de ficelle. L\’Imaginaire du nœud se manifeste dans le fait que la représentation que je peux vous faire du nœud elle en passe par sa mise à plat. Enfin le Réel du nœud, il, se traduit dans son nouage même, dans le fait que ces trois registres, dans le nœud, ils sont coincés. Cette dernière propriété, la mise à plat du nœud ne constitue pas son mode de monstration le plus adapté. On peut ainsi représenter des ronds de ficelles mis à plat sous une forme qui apparaît particulièrement embrouillée mais qui en fait ne constitue aucun nouage. C\’est pourquoi je vous incite à suivre le conseil de Lacan et à vous former à la manipulation des nœuds et des ronds de ficelles. Les propriétés réelles du nœud elles se manifestent en effet de la façon la plus claire, parfois la plus inattendue, dans cette manipulation concrète du nœud borroméen.

Il y a ainsi des propriétés du nœud qu\’il est très difficile de figurer à l\’aide de sa mise à plat, elles apparaîtront par contre de façon plus directe à partir de la manipulation des ronds de ficelle. Ces propriétés sont les propriétés réelles du nœud. A l\’inverse, il y a des propriétés qui paraissent clairement mises en évidence par certaines représentations du nœud borroméen et qui sont en fait des purs effets de la mise à plat, c\’est-à-dire qu\’elles ne sont pas des propriétés réelles du nœud borroméen. Ainsi, à partir de la manipulation d\’un nœud à trois ronds de ficelle de trois couleurs distinctes, il est assez clair que nous pouvons mettre en série toutes les possibilités de succession de ces trois couleurs (il y a six possibilités) relativement facilement. Ces différentes séries sont assez facilement reproduites par la manipulation du nœud.

Par contre si je passe au nœud borroméen à quatre ronds de ficelle les possibilités de mise en série de ces quatre couleurs sont théoriquement de 24, mais je ne pourrais pas toutes les réaliser. Si je pars d\’un nouage à quatre ronds de ficelle qui met en place une certaine mise en série de ces ronds, sur ces 24 séquences théoriques, certaines se révèleront impossibles à reproduire, ce qui constitue une limite réelle de ce nouage à quatre ronds de ficelle.

De la même façon que Lacan nous incite, par son style même, à lire analytiquement les textes psychanalytiques, il y a donc à traiter borroméennement notre abord du nœud borroméen, en spécifiant si chacune de ces propriétés du nœud est liée au registre Réel, Imaginaire ou Symbolique.

Lacan nous indique dans cette leçon qu\’il n\’y a pas un seul nœud borroméen. Il y a deux types de nœuds: un nœud lévogyre et un nœud dextrogyre. C\’est une indication qui mérite d\’être dépliée, voire nuancée si l\’on s\’en tient aux seuls éléments amenés dans cette leçon. Dans la dernière édition de l\’Association Lacanienne Internationale de ce séminaire, une note de bas de page indique comment déterminer la gyrie d\’un nœud, c\’est-à-dire comment déterminer si ce nœud est dextrogyre ou lévogyre. Dans la mise à plat la plus habituelle du nœud borroméen, il suffit de prendre un rond au hasard puis de passer d\’un rond à un autre en s\’assurant que l\’on passe toujours d\’un rond qui se trouve au-dessus du suivant. Si ce faisant l\’on tourne dans le sens des aiguilles d\’une montre on dira que le nœud est dextrogyre, si l\’on tourne dans le sens contraire des aiguilles d\’une montre, on dira que le nœud est lévogyre. Avec ces définitions Lacan souligne qu\’on peut affirmer que le nœud borroméen est spécularisable. Un objet est en effet dit spécularisable s\’il est différent de son reflet dans le miroir. Un cercle est un objet non spécularisable puisque vous ne pouvez pas le différencier de son image dans le miroir, par contre je suis un objet spécularisable, car si je porte ma montre au poignet gauche, mon reflet dans le miroir porte sa montre au poignet droit. Un nœud borroméen est spécularisable car le reflet dans le miroir d\’un nœud dextrogyre est un nœud lévogyre. Cela peut se représenter simplement à l\’aide d\’une mise à plat.

Cette propriété indiquée par Lacan est cependant à nuancer. Il y a bien deux types de nœuds distincts, l\’un lévogyre, l\’autre dextrogyre, mais leur détermination nécessite des éléments qui ne sont pas présentes dans cette leçon. Lacan amènera plus tard ces éléments nécessaires à la distinction réelle de deux types de nœuds borroméens. Pour l\’instant, nous pouvons remarquer que ce que Lacan indique comme une propriété du nœud, le fait que le reflet d\’un nœud lévogyre dans le miroir est un nœud dextrogyre, cette propriété est, si l\’on se limite aux éléments par lesquels il définit la gyrie, est un pur effet de la mise à plat du nœud. A partir de la définition de la gyrie que je viens de vous proposer, et même en imposant au nœud un ordre de succession des trois couleurs, il est en effet tout à fait possible de transformer un nœud lévogyre en un nœud dextrogyre, par exemple à partir de l\’opération que Jean Brini, dans le texte situé en annexe dans la dernière édition de l\’Association Lacanienne Internationale, appelle le retournement d\’anneau. Cette opération, qui peut se réaliser en manipulant un nœud fait de trois ronds de ficelle par exemple en inversant la place respective de deux des ronds de ficelle du nœud borroméen, permet de passer d\’un nœud à celui de son image dans le miroir. Cette propriété est aisément mise en évidence en manipulant un nœud réalisé à partir de trois ronds de ficelle, alors que les deux nœuds image l\’un de l\’autre dans le miroir paraissaient bien constituer deux nœuds distincts. Nous avons donc ici l\’indication de la nécessité de nous méfier du risque de leurre lié à la seule représentation. C\’est pourquoi, même si Lacan pour son séminaire s\’appuie essentiellement sur des représentations, des mises à plat du nœud, il y a également à suivre son conseil de s\’affronter à la manipulation réelle des nœuds pour en vérifier les propriétés comme les points de butée.