Une femme n'est pas un homme castré. Elle est pas-toute, nuance...
04 février 2014

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HASENBALG-CORABIANU Virginia Alicia
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Lacan forge et crée un espace de théorisation nouveau pour la féminité. Grâce à son enseignement, une femme n’est plus réduite à être représentée par le préjugé freudien qui fait d’elle un homme castré.

Mais l’idée qu’il lui manquerait quelque chose pour être un homme n’est pas une invention de Freud. Freud n’a fait que la cueillir dans le lien social, et dans l’inconscient de ses propres patient(e)s. Cette idée avance ainsi une notion de complétude, d’un tout, qui ne serait achevée que du côté viril. Or, cette logique de complétude, qui rallie la croyance du savoir absolu à un idéal de maîtrise a été logiquement contestée par les mathématiques. Grâce aux mathématiques la psychanalyse a pu relativiser ses assises philosophiques, et pour ce qui concerne la vieille « envie du pénis », proposer une autre issue aux impasses imaginaires de la sexuation.

Autrement dit, être un homme n’est pas nécessairement un privilège – ceci devrait pouvoir désaliéner les femmes qui, captives du discours capitaliste, exigent une parité de droits dans la machine productive. Pas besoin de féminisme dans les pays communistes ! Pas besoin de revendication, ni de soutien gorges brûlés pour l’accès des femmes à la machine de production de biens.

Le génie de Lacan a été de poser l’existence de cinq discours. Celui du maître reste le gilet de survie de la virilité, avec son succédanée, celui de l’université. On baigne dans celui du capitaliste, on y est tellement dedans qu’il est difficile d’en prendre la mesure en dehors des dénonciations habituelles.

Celui de l’hystérie ramasse la culpabilité des autres. Comme ils récusent le réel au nom de la toute-puissance (du commandement, du marché, du savoir, etc.) ils deviennent automatiquement offense aux femmes, qui du même coup se trouvent validées à la place de victimes. L’hystérie sociale ou individuelle prend la suite, sa place de victime de tous genres ne fait qu’augmenter l’addition qu’elle passe depuis toujours au partenaire pour la dédommager du « mâle » qu’il lui fait subir.

Le discours analytique offre la possibilité de sortir ou de mitiger l’exigence d’une logique distributive égalitaire entre les sexes et les revendications qui s’ensuivent.

Cette issue s’appuie sur le sens à donner à l’incomplétude. Lacan la situe dans un mathème, celui de l’incomplétude de l’Autre.

L’Autre dans l’enseignement de Lacan est une notion aussi centrale qu’indispensable.

Il l’a déployé tout le long de ses séminaires : l’Autre réel est d’emblée la figure primordiale de la mère pour un enfant, c'est la personnification du trésor des signifiants. Il sera aussi Dieu dans la référence ternaire qui sort de l’aliénation imaginaire spéculaire. Il devient le lieu même de l’inconscient (désir de l’Autre), ou de la jouissance féminine (jouissance Autre).

Pour Freud, la castration est avant tout castration de la mère. C’est un trou à la place du pénis dans le corps de la mère. C’est quelque chose que l’enfant suppose présent et qui est perçu à un moment comme étant absent. Cette image est décrite comme relevant de l’horreur, provocant angoisse ou effondrement subjectif. Ce trou est à l’origine des subterfuges du névrosé pour éviter d’en acquiescer.

Pour Lacan, la cause est à situer en amont de la perception de l’image. C’est l’échange langagier, la parole, l’accès du sujet au monde de la parole qui fait du corps de la mère le support de tous les signifiants. Le système synchronique de la langue fait d’elle le lieu où se trouvent ‘tous’ les signifiants ‘en même temps’. En effet, on peut poser que rien ne manque à ce lieu tant qu’il n’y a pas de sujet de la parole qui s’adresse à elle représenté par un signifiant qui du coup la décomplète. Lorsque le sujet se met à ex-sister dans son énonciation, l’ensemble de signifiants manquera au moins de celui qui fait exister le sujet de la dite énonciation. Sa parole « la » décomplète. Ex-sister dans l’énonciation de sujet creuse le trou dans l’Autre, le rendant encore plus vorace dans l’imaginaire.

Le mythe d’Oedipe rend compte d’un fait de structure : si le petit de l’homme enclenche ce mécanisme, il se trouvera aux prises avec l’aventure de l’invention à l’œuvre dans la parole récemment acquise qui fera souvent les joies de l’Autre réel, mais en même temps, plus il avancera dans l’expérience de l’existence, plus il sera dans les rets de ce trou, qui court en dessous de tout ce qu’il énonce. Et si Freud insiste sur le progrès du patriarcat par rapport au matriarcat, c’est pour bien marquer le soulagement implicite dans l’intervention du père, au delà de toutes les railleries qui s’y surimpriment. Le mythe de l’Œdipe veut simplement dire que l’enfant n’a pas à s’en inquiéter : il y a un homme qui a de quoi calmer la voracité de ce trou par la même opération qui a fait de lui un être vivant pour en témoigner… Le reconnaître c’est le gage à payer pour en disposer à son tour le moment venu.

Ces termes sont certes crus, et requièrent un éclaircissement: le phallus, au-delà de l’organe qui est son support, c’est un signifiant refoulé qui devient l'instrument logique qui garantit un bord au trou. Il en garantit ainsi la béance, et le sens. Il fait de l’abîme quelque chose d’inscriptible. Il ne l’oblitère pas.

L’incomplétude, dégagée par les mathématiciens, serait à l’œuvre dans l’analyse pour situer ce qu’il en est d’un réel hors sens mais constamment offert au nouage avec le symbolique.

C’est ce qui de la demande reste en deçà du signifiant, autrement dit, le fondement du désir.

Elle désigne « ce quelque chose d’autre que le phallus » à quoi une femme est tenue de se référer si elle souhaite qu’une femme se produise en elle, ne serait-ce que l'existence démontrée du non-dénombrable de l'ensemble de nombres réels… Or, justement, ce référent n’est recevable qu’à condition de l’arrimage logique… phallique.

Qu’est-ce à dire ?

Que le trou réelle de la structure, le hors sens où le sujet ne peut que s’évanouir, ne peut être approché qu’avec l’instrument logique qu’est le phallus, et qui désigne, oriente et produit tous les effets de sens possibles à partir du refoulement du sexuel.

Virginia Hasenbalg