SÉMINAIRE DE PRÉPARATION AU SÉMINAIRE D'ÉTÉ 2019 – LA RELATION D'OBJET (1956-1957) – LEÇON 12
11 avril 2019

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MASSAT Alice
Séminaire d'été

Séminaire de Préparation – Mardi 5 février 2019

La relation d’objet et les structures freudiennes

Leçon 12 – Alice Massat  Discutante – Virginia Hasenbalg-Corabianu

Alice Massat – Alors je vous parle de cette leçon XII, qui est la leçon datée du 6 mars 1957 puisqu’il y a eu des interversions. Celle du 6 mars 1957 vient marquer le milieu du séminaire, et puisqu’il est question des structures freudiennes avec ce séminaire, je trouve que c’est intéressant de prendre en compte la manière dont Lacan a structuré lui-même, non seulement l’ensemble de son séminaire, mais aussi cette leçon qui est centrale, et qui fait charnière en quelque sorte. Les choses se présentent comme ça : on en est à la moitié, c’est la leçon XII, sur XXIV au total, et Lacan va opérer ici, avec ce propos, une transition de l’objet pervers, de l’objet adoré, fétiche vers l’objet redouté ou redoutable de la phobie. Il l’avait annoncé dès la première leçon du séminaire, il disait qu’il partirait des rapports réciproques d’un objet à l’autre afin de faire resurgir des distinctions de plans nécessaires pour permettre d’articuler pourquoi une phobie et un fétiche sont deux choses différentes. Et comme on l’a vu avec les leçons précédentes, Lacan s’est surtout appuyé sur le cas de la jeune homosexuelle, entre autres exemples cliniques, et il va s’attacher maintenant au cas du petit Hans.

En ce qui concerne cette leçon XII, Lacan va ici commencer par évoquer la question féminine en disant que du point de vue préœdipien, la problématique féminine est « plus simple » que celle du garçon. L’abord féminin lui sert donc à nouveau de point de départ dans cette leçon, comme dans la totalité du séminaire. La problématique féminine va lui être utile grâce à cette « simplicité » pour appréhender la position œdipienne du garçon qui, elle, est complexe, voire double ou duplice. Et Lacan insistera aussi, dès le début de la leçon, sur le fait que l’Œdipe, en plus d’avoir une fonction normativante, c’est-à-dire aboutissant sur un choix d’objet hétérosexuel, il s’agit surtout pour le garçon comme pour la fille d’y parvenir « d’une façon telle qu’ils se situent chacun correctement par rapport à la fonction du père », c’est ce qu’il dit page 339. Et c’est donc principalement de la fonction paternelle qu’il va être question avec cette leçon en tant qu’elle succède ou qu’elle intervient dans ce qui est déjà mis en place par la relation avec la mère. De fait, c’est une leçon très freudienne, non seulement par cette prise en compte de la fonction du père mais aussi par ses références qui vont surtout concerner Freud, avec le petit Hans, bien sûr, avec les articles : « Sur la sexualité féminine » de 1931, « La disparition du complexe d’Œdipe », « Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes », « Sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse » (in La vie sexuelle, PUF, 1977) et surtout Totem et tabou. Quant aux quelques autres références que Lacan va évoquer, ce sera chaque fois pour étayer et pour soutenir les thèses freudiennes dont il se sert ici, par exemple avec Hanns Sachs, Sur un motif dans la fonction du surmoi féminin et Claude Levi Strauss avec Les structures élémentaires de la parenté. Et je relève que le seul point où Lacan n’est pas très freudien ici, c’est dans son abord des questions féminines, non seulement parce qu’il les aborde d’emblée, en premier, ce que Freud fait rarement, en général il place quelques remarques brèves en fin d’article sur la fille, et son article sur la sexualité féminine est plutôt tardif. Mais en plus, Lacan dit que ces questions sont « simples » alors que pour Freud, on s’en souvient, elles sont obscures ou lacunaires.

Lacan commence cette leçon en disant que « c’est simple pour la fille », la phase préœdipienne en tous cas, alors qu’en revanche la question du père, elle, n’est pas simple. Et on trouvera plusieurs jeux de mots de ce type sur le signifiant père dans la leçon : il répète « le père, ce n’est pas simple » en écho au jeu de pair et impair. Il parle des conséquences « perdurables » du complexe d’Œdipe ; il sera aussi question de « péréquation » ou du « jeu de qui perd gagne ». Le jeu aussi va avoir son importance dans la leçon, pas seulement le jeu de mots, mais le jeu en tant que tel, le désir ou le rêve de jeu, qui peut permettre de passer d’un registre à l’autre, de l’imaginaire au symbolique par l’intermédiaire d’objets réels ou par l’intermédiaire du père réel.

Après ces développements que je vais reprendre en détail, Lacan conclut la leçon sur le fait que la relation amoureuse ne relève pas de la relation d’objet. Juste avant, il aura évoqué l’amour et la loi, l’inceste ; l’amour en tant qu’ « il vise le manque dans l’objet », puisque l’amour on s’en souvient, c’est : « donner ce qu’on n’a pas ».

Alors de quelle façon va s’effectuer ce passage de l’imaginaire au symbolique, de la mère au père ?  Et je me permets de dire, même si ce n’est qu’implicite dans cette leçon : de quelle façon va s’effectuer le passage de la métonymie, à la métaphore, c’est-à-dire de la perversion en tant qu’elle est une fonction métonymique (c’est ce qu’il dit dans la leçon VIII) à la fonction métaphorique de l’objet phobique ?

On a vu que la relation imaginaire à la mère en tant qu’elle implique la frustration, le manque imaginaire d’un objet réel, avec ce jeu duel de présence-absence, fait d’elle un agent symbolique. Et pour nous repérer sur le tableau, elle devient donc, par l’opération de la frustration, l’agent symbolique du manque imaginaire d’un objet réel. Il s’agit alors, après cette phase préœdipienne, que l’enfant assume ce phallus imaginaire en tant que signifiant symbolique. L’enfant avec la mère sait déjà jouer, il sait se mettre en position de leurre, il sait se faire l’objet de satisfaction de la mère, de ce qui lui manque à elle, et la situation va être remaniée par l’intermédiaire de l’entourage, par le milieu légal, par l’ordre symbolique qui intervient du dehors. Ce sont les particularités de l’ordre symbolique, extérieur à ce moment-là, ce qui entoure l’enfant, ces particularités vont donner sa prévalence à l’élément imaginaire qu’est le phallus. L’opération œdipienne devra alors accomplir cette fonction normativante, dont je parlais au début, non seulement avec le choix de l’objet hétérosexuel conforme aux lois de l’entourage symbolique mais surtout, dit Lacan, et c’est le point clé de la leçon à mon avis, surtout par le positionnement du sujet par rapport à la fonction du père. Lacan dit que c’est ici le centre de toute la problématique de l’Œdipe pour le garçon comme pour la fille.

Il commence donc avec la fille, puisque c’est plus « simple », au niveau préœdipien en tous cas, puisque pour la petite fille, en effet, il ne s’agit alors que d’un « glissement » et le terme est déjà chez Freud dans son article sur « La disparition du complexe d’Œdipe », d’un « glissement » de ce phallus de l’imaginaire au réel. Le phallus imaginaire est déjà situé dans l’au-delà de la mère par la découverte de l’insatisfaction où cette mère se trouve dans sa relation mère-enfant. Et pour aller un peu plus loin que l’équation symbolique pénis = enfant proposée par Freud, Lacan parle de cette découverte par l’enfant, c’est page 341 : qu’ « en tant qu’il se trouve à saturer la situation, il peut alors en sortir et la concevoir comme possible ». Il y a l’insatisfaction de la mère découverte par l’enfant, mais la satisfaction-saturation de ce manque a été possible. L’enfant peut alors en sortir et envisager cet au-delà de la mère. Cela induit que cette satisfaction peut devenir réalisable. On lit page 341 : « […] la petite fille trouve alors le pénis réel là où il est, au-delà de la mère, dans celui qui peut lui donner l’enfant : le père, nous dit Freud.  Et c’est bien en tant qu’elle ne l’a pas comme appartenance, qu’elle y renonce, […] » Elle ne l’a pas mais « […] elle pourra l’avoir comme don du père ». La petite fille est ainsi introduite à l’Œdipe par cette équivalence qui, pour Freud, lui sera suffisante. Dans son article sur la différence anatomique des sexes, Freud écrit : « la petite fille est ainsi suffisamment introduite à l’Œdipe. » Alors Lacan évoque d’autres complications, des anomalies supplémentaires peuvent advenir dans le développement de la sexualité féminine, mais il insiste surtout ici, c’est ce qui lui importe dans la leçon, page 342, sur : « la fixation de la petite fille au père en tant qu’il est le porteur du pénis réel, celui qui peut donner réellement l’enfant ».

L’accès au symbolique et la disparition du complexe d’Œdipe pour la fille ne sont pas développés davantage ici, et dans l’article de Freud on en reste sur ce sujet, à l’équation- glissement : pénis = enfant.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – C’est la substitution du père par… c’est-à-dire qu’il va être [incompréhensible] Freud Lacan que ça se boucle parce qu’elle accepte d’attendre l’apparition du substitut du père…

Alice Massat  – Voilà.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Dans l’homme qu’elle va aimer.

Alice Massat  –Voilà et que ça « glisse » du père au pénis réel qu’elle trouvera chez un autre homme, puisqu’elle aura renoncé entre-temps facilement à l’attente de ce que son père aurait pu lui donner, un enfant.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Le phallus est abjuré comme appartenance…

Alice Massat  –Voilà.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Il devient appartenance de celui qu’elle aime.

Alice Massat –Voilà, c’est ça.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Simple !

Alice Massat  – Oui, c’est simple. Alors là, c’est très simple. C’est préœdipien. C’est simple d’être une fille [rires] à ce moment-là. Ça se complique par la suite.

Valentin Nusinovici – Ce n’est pas tout à fait préœdipien, c’est la sortie…

Virginia Hasenbalg-Corabianu – C’est la sortie…

Alice Massat  – C’est la sortie du préœdipien. Je cite : « c’est la sortie du préœdipien ».

Virginia Hasenbalg-Corabianu –  castration… elle dit je sais où il se trouve, il suffit d’attendre l’apparition

Alice Massat  –  Oui, oui, mais il ne s’en occupe pas ici.

Pierre-Christophe Cathelineau –  Elle passe de l’Œdipe au type. [Rires]

Alice Massat  – Freud ne développe pas davantage, il en reste sur l’équation pénis = enfant et cette appréhension « simple et suffisante » pour la petite fille va seulement être utile ici dans cette leçon, à mon avis, comme un instrument de repère ou de saisie pour l’élément tellement plus complexe de l’Œdipe pour le garçon. Et si l’Œdipe pour la fille conduira vers toutes sortes d’impasses ou de complications dans le développement de sa sexualité, en revanche, en tant que chemin d’intégration vers la position normativante hétérosexuelle, ce chemin est « simple » : l’objet de son amour porte sur le père. Le sentiment d’amour en tant que c’est ce qui s’adresse à l’élément de manque dans l’objet, porte sur le père. Et c’est le même objet : le père, qui pourra lui donner satisfaction avec un enfant. Les deux objets, celui de l’amour comme celui de la satisfaction se confondent en un seul : le père. C’est simple. Ce n’est pas duel ni ternaire, et cela ne sera pas sans rapport non plus avec l’allusion à l’exigence de monogamie féminine qui, là aussi bien sûr est discutable, mais qui exemplifie très bien ce qu’en dit Freud à propos de ce qu’il appelle « le caractère univoque du complexe d’Œdipe chez la fille, bien plus univoque en tous cas, que chez celui du petit porteur de pénis ». Donc page 343, Lacan dit que : « La femme est en position […] subordonnée, » subordonnée sous l’ordination on pourrait dire, et « ici ce qui pour elle est l’objet de son amour, je dis son amour, […]  objet du sentiment qui s’adresse à l’élément de manque dans l’objet , en tant que c’est par la voie de ce manque qu’elle a été conduite à cet objet qui est le père, celui-ci devient celui qui donne l’objet de satisfaction, l’objet de la relation naturelle à l’enfantement. Il ne s’en faut à partir de là, pour elle que d’un peu de patience pour qu’au père se substitue celui qui remplira exactement le même rôle, […] en lui donnant un enfant. »

C’est ce qu’on disait. Elle « glisse » comme ça de l’imaginaire au réel, son accès au symbolique et son rapport à la castration sont éludés. Mais Lacan relève certaines observations sur le surmoi féminin – et je rappelle que l’apparition du surmoi, c’est ce qui vient signifier la disparition du complexe d’Œdipe pour Freud –chez les femmes, un surmoi au « style particulier », avec une prévalence de la relation narcissique dans le développement de la femme, puisqu’elle est entrée dans une dépendance à l’endroit du père ou de celui auquel elle attachera son amour par substitution. Il y a ce qui doit lui être donné. Naîtraient alors des fixations narcissiques chez elle, chez « cet être intolérant à une certaine frustration ». De même, cet « idéal monogamique pour une femme » que Freud mentionne et que Lacan reprend ici comme pour s’en servir afin d’appuyer la distinction avec le garçon qui, lui, ne partage pas un idéal du même ordre suivant les motifs qui seront exposés, on va le voir,  à la fin de la leçon. Lacan est ici toujours très freudien, il reprend, il réordonne ou simplifie les observations de Freud, il s’en sert comme de points d’appui, de fondements, mais on sait bien qu’il va revenir dans les années qui suivront sur ces questions féminines, et il l’annonce ici brièvement, en passant. La fille parvient à un développement normal par une identification de l’objet de son amour à l’objet de sa satisfaction. C’est ce qui fixe, ce qui arrête de manière précoce le développement de la femme selon Freud, et Lacan fait allusion à quelques autres remarques misogynes de Freud qui parle dans sa correspondance d’un certain type de femmes qui, dans la cure, refusent tout substitut idéal et exigent une sorte de bonheur dans la vie ou la maintien du transfert. Pourquoi pas ? [Rires] Moi, je suis assez d’accord, je suis une femme sans doute !  Alors il parle d’une satisfaction féminine sans idéal, arrêtée à une « morale de la soupe et des boulettes » avec une allusion à un poème de Heine [rires].

Après la jeune homosexuelle, qui a été l’objet des leçons précédentes, et ces questions sur la fille dans son positionnement par rapport au père, c’est le sort du garçon qui devient maintenant prédominant. Parce que si l’œdipe permet au garçon de s’identifier à son propre sexe, le franchissement du complexe doit surtout lui accorder un positionnement valable par rapport à la fonction du père qui est, je le répète, Lacan insiste : « c’est le vrai but de l’œdipe, le positionnement par rapport au père ».

Pierre-Christophe Cathelineau – Juste une remarque sur les boulettes et la soupe, ça veut dire que la capacité de sublimation est moindre.

Alice Massat – Oui c’est ça, pas d’idéal chez ces femmes-là, elles ne pensent qu’au bonheur et à maintenir le transfert, pas besoin d’aller chercher ailleurs.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – N’oublions pas aussi qu’elles sont dans une attente, dans l’analyse, qu’il y ait une réponse, quelque chose qui se passe. Je ne sais pas quel est le passage exactement, ce qu’il dit, ce qui rend inconfortable le travail de la cure. C’est ça que j’avais lu.

Alice Massat – Il faudrait voir… je crois que c’est dans sa correspondance. Je ne sais pas si c’est repris ici mais c’est issu d’une lettre de Freud…

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Il se plaint de la fixité des femmes.

Catherine Ferron – Hans Sachs qui était très lié avec lui affirme beaucoup le contraire, sur les femmes et le Surmoi féminin.

Pierre-Christophe Cathelineau – Il y a aussi cette dimension sur laquelle insiste Freud et dont vous avez parlé incidemment, c’est la dimension narcissique, qui est quand même…

Alice Massat – Si elle est dépendante, c’est bien naturel, si elle est dépendante de l’objet…

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Il y a dans ce passage, quand il dit, elle accepte facilement que la mère est insatisfaite de la relation mère-enfant, c’est-à-dire que… comment en tant qu’une fillette accepte si facilement qu’elle ne puisse pas contenter la mère, qu’elle y renonce, c’est une question que je me suis posée, ce n’est pas évident. Ce n’est pas évident que la fille accepte que sa relation avec sa propre mère soit cause d’insatisfaction.

Marc Darmon – Parce que ce n’est pas un garçon.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Parce qu’elle n’est pas un garçon mais c’est… je crois que ça ne s’accepte pas sans peine. Et là, Lacan dit que ça y va quoi, que c’est simple.

Valentin Nusinovici – Il laisse tout tomber, il laisse tomber aussi le fait que ce que Freud a dit après, c’est-à-dire que la fille ce qu’elle reproche à la mère c’est de ne pas lui avoir donné, à elle ce phallus, tout ça il le laisse de côté. Mais évidemment cette phase préœdipienne est extraordinairement compliquée, on admet qu’elle ne compte pas, on ne s’occupe que de sa sortie ; la sortie c’est simple, elle se fait côté femme.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – La sortie elle est simple, mais c’est que pour arriver à ça, il y a quand même un petit parcours…

Alice Massat – Oui, oui, mais je crois que, surtout, il se focalise sur le positionnement par rapport au père chez la fille et chez le garçon. Et Lacan dit qu’il va reprendre ces questions. Ici, il se sert des textes de Freud pour parler de ça surtout, pour parler du père.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Tu m’avais dit quand on avait parlé Alice [Massat] qu’il reste très freudien (AM – Ah oui !) Tout ce qu’il avance dans cette leçon, c’est direct du Freud.

Alice Massat – Il le critique à peine. Il le restructure pour servir son propos mais tout en lui restant très fidèle. C’est une leçon sur le père, et on voit bien que Lacan ici considère Freud comme un père, il le respecte, il prend appui sur lui… Ah si, si ! Dans sa manière d’être aussi fidèle, je trouve, à ces références…

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Jusqu’à la question de la fin… Qu’on vous réserve pour la fin.

Alice Massat – Jusqu’à la question de la fin, mais là je trouve qu’il lui est très fidèle…

Julien Maucade – Il faut voir aussi à qui il s’adresse à l’époque.

Alice Massat – Non mais, il pourrait remettre en question ces histoires de misogynie, franchement.

Julien Maucade – Juste cette remarque, s’il est très prudent par rapport à la question du père, il ne faut pas oublier tout ce que ça fait, quand il a repris la question du père autrement, ça lui a coûté cher après.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – On n’en est pas là, continuons.

Alice Massat – Ça il ne le savait pas encore…

Virginia Hasenbalg-Corabianu – On est en [19]57.

Alice Massat – Donc maintenant, le garçon, n’est-ce pas. Voilà le vrai but de l’œdipe : le positionnement problématique et paradoxal par rapport au père. Lacan dit qu’on a eu tendance à se détourner de cette question-là, et pourtant c’est bien cette question qui concerne l’interrogation freudienne, comme Jones l’a soulignée, avec cette question récurrente pour Freud : « Qu’est-ce qu’être un père ? ». Lacan fait allusion aussi au signifiant père et il joue, discrètement, de l’équivoque avec le verbe perdre qui renvoie bien sûr à la castration, et l’allusion au jeu de qui-perd-gagne, et je crois aussi qu’il faut souligner que l’usage de la notion d’être, d’être un père, qui sera reprise en fin de leçon, et aussi un peu avant avec le je suis celui qui suis, donc ces petits jeux d’équivoques… et il s’agit maintenant de voir le cas du petit Hans, après la jeune homosexuelle.

On passe donc dans cette même leçon à l’objet phobique, juste après cette reprise freudienne du positionnement féminin par rapport au père. Et Lacan part ici des interrogations de Hans sur le « fait-pipi » des êtres plus grands que lui, des animaux, des adultes, comme sa mère. Ça se passe avant l’apparition de la phobie, et pour insister sur la notion de Vergleichung, qu’on traduit habituellement par comparaison, Lacan propose le terme de péréquation. On pense aux équations aussi qu’il va présenter dans la suite du séminaire pour formaliser la métaphore paternelle. Et on passe donc aussi de l’équation enfant=pénis de la fille à la péréquation, à cet effort de péréquation auquel est confronté le petit garçon, cette sorte de comparaison entre le phallus imaginaire et sa mise à l’épreuve du réel. L’enfant sort d’une confrontation duelle, d’un tout ou rien, d’un jeu de cache-cache, et il s’agit pour lui de savoir où il est vraiment. C’est-à-dire de trouver le positionnement qui va pouvoir se faire grâce et par rapport au père, une péréquation. La distance à franchir pour lui est celle qui distingue le faire-semblant, auquel il pouvait jouer avec la mère, c’est-à-dire être un leurre phallique, et jouer à faire-semblant. Faire-semblant, jouer à faire semblant. Il y a cette distance à franchir, entre celui qui fait semblant, et celui qui sait qu’il a la puissance. Et la notion de jeu, importante comme souvent avec Lacan, avec le jeu de pair et impair, le jeu de la bobine, de cache-cache, qui-perd-gagne, maintenant Lacan montre dans cette leçon comment le jeu introduit le grand Autre. Et il évoque pour ça un rêve de Hans, un rêve de jeu de gage avec ses amies filles, juste avant l’apparition de la phobie.

Je peux vous lire, un peu résumé, le rêve, si on a le temps ?

Donc je lis l’observation du père de Hans : « depuis plusieurs jours Hans joue avec les enfants du propriétaire, notamment ses amies Olga (7 ans) et Berta (5 ans), à des jeux de société, y compris au jeu des gages ; le jeu des gages c’est aussi intéressant parce que c’est : «  tu l’as ou tu l’as pas ». Le rêve est construit sur le modèle, donc, des gages. Il y en a un qui demande à qui appartient ce gage dans ma main. L’autre dit : « c’est moi », et on détermine ensuite ce que B doit faire. Hans désire seulement que celui qui a tiré le gage ne soit pas condamné simplement au baiser ou aux gifles usuels, mais à faire wiwi, ou plus exactement quelqu’un doit lui faire faire wiwi. Le rêve se laisse traduire comme cela : je joue avec les petites filles à tirer des gages, je demande qui veut venir chez moi, elle – donc Berta ou Olga – répond « moi », elle doit alors me faire faire wiwi dit Hans, et il est clair que l’acte de faire wiwi est chargé de plaisir pour Hans. Pendant les promenades, c’est la plupart du temps son père qui l’assiste en ce sens, ce qui donne l’occasion à l’enfant de fixer une tendance homosexuelle sur son père. Et hier, tandis que le père le faisait aller au petit coin, Hans lui dit pour la première fois que le père doit l’amener derrière la maison pour que personne ne le voit, et il ajoute : « l’année dernière quand je faisais wiwi, Berta et Olga me regardaient », cela veut dire que l’année dernière Hans trouvait agréable d’être observé par les petites filles, mais plus maintenant. Le plaisir d’exhiber est maintenant soumis au refoulement, et le fait que le désir d’être observé par Berta et Olga en train de faire wiwi ou de lui faire faire wiwi, est maintenant refoulé dans la vie éveillée, ce qui explique son apparition dans le rêve, où il s’affuble du beau déguisement du jeu de gages. Et depuis, le père l’a observé plusieurs fois, Hans ne veut pas être vu en train de faire wiwi. »

Alors comment Hans est-il passé de ce désir d’échange avec les petites filles au refoulement de ce désir ? Qu’est-ce qui permet ce premier abord de la relation œdipienne ? Lacan souligne que les choses commencent avec l’acte de comparer (la péréquation), au jeu de leurre avec la mère serait venue l’idée d’une image plus grande de son attribut à elle. Il y a certes comparaison avec elle, mais c’est une comparaison qui reste homogène. La mère reste un double de lui-même agrandi, et Hans se trouve alors toujours prisonnier de la dialectique imaginaire, spéculaire, du rapport du sujet au petit autre, associée à la première dialectique symbolique de la présence et de l’absence. Nous ne sortons pas du plan du leurre, c’est de cela, dit Freud, que provient l’angoisse, et l’objet phobique va venir secourir le sujet pris par cette angoisse, c’est sa fonction.

Mais sur le plan imaginaire rien ne permet d’envisager ce qui pourrait permettre à l’enfant de sortir de ce jeu de leurre, du tout ou rien, du moi ou l’autre, devant celle qui suffit ou ne suffit pas. L’enfant reste fixé sur la mère devenue objet réel après les premières frustrations, c’est l’œdipe vécu sur le plan imaginaire et dont les effets se retrouveront dans la vie analytique, notamment avec cette dégradation de la vie amoureuse dont parle Freud, qui est liée à un attachement à la mère en tant qu’elle est frustrante, et ce seront des conséquences perdurables, dit Lacan, de cet œdipe, sur le plan imaginaire.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Je peux t’interrompre un petit peu par rapport à ça ? (AM : oui) pour souligner donc que cet aspect-là, que Alice [Massat] raconte, sur la relation imaginaire à la mère, c’est… ce qui est mis en avant par Lacan, ce rapport entièrement imaginaire à la mère, qui reprend ces premières symbolisations présence-absence. Où l’objet est présent dans l’absence et absent dans la présence. Il y a un jeu de miroir, c’est pour ça que Lacan parle du jeu de leurre, du jeu de gages, qui fait qu’il est enfermé et qui fait que la mère c’est un double de lui-même, sans pouvoir sortir de ce jeu qui est angoissant. Tel que tu le décris, et tel qu’il apparaît dans le rêve. C’est important de voir que le séminaire va faire apparaître, il parle donc du père, avant d’arriver à expliciter ces jeux de leurre, mais qui est très présent dans cette leçon comme étant le père réel, qui est là pour de bon, contrairement au Fort-Da qui l’est mais il n’est pas là, est-ce que maman l’a, ou est-ce que moi je suis ce que maman manque, ou est-ce que je m’identifie… tous ces jeux de miroir, de la relation préalable, préœdipienne, et qui vient à être tranchée par la castration, proprement dite, par la présence d’un père réel.

Alors Lacan nous raconte tout ce préalable, des difficultés purement imaginaires de la relation de fixation à la mère chez le petit Hans, pour montrer que ces processus restent sans une résolution, sans castration. La castration n’opère pas parce qu’il n’y a pas de père réel.

Pierre-Christophe Cathelineau– Le père est décrit comme absent.

Marc Darmon – Il n’y en a pas à ce stade.

Virginia Hasenbalg – Il n’y a pas de père réel.

Marc Darmon – Je ne crois pas que ce jeu soit angoissant, il est dans une sorte de paradis, dont il va être délogé.

Alice Massat – Mais Freud parle d’angoisse, quand même à ce moment-là…

Marc Darmon – En fait, l’angoisse va venir à ce moment-là.

Alice Massat – L’angoisse vient à ce moment-là, oui.

Marc Darmon – C’est parce qu’il va être délogé de ce jeu…

Alice Massat – C’est quand il commence à être délogé du jeu que l’angoisse vient ? C’est ça ?

Marc Darmon – Ça commence avec le refoulement… le refoulement va déclencher l’angoisse. Il va commencer à se cacher, à être…

Alice Massat – Mais le refoulement vient avec l’apparition du père réel ?

Marc Darmon – Non.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Non, il n’y a pas de père réel.

Alice Massat – Alors c’est quoi ? C’est la péréquation, la comparaison ?

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Dans ce passage, Lacan parle de, je vais lire ce passage : « […] nous restons dans la dialectique imaginaire, dans la dialectique spéculaire du rapport du sujet au petit autre, dont la sanction ne nous sort pas de cet ou bien, ou bien, ou lui, ou moi, qui reste lié à la première dialectique symbolique, celle de la présence ou de l’absence […] » D’où sort « le symptôme, la manifestation de l’angoisse […] » [1]. « […] l’objet phobique vient remplir une fonction sur le fond de l’angoisse.[2] »

Marc Darmon – Oui mais il y a une étape qui n’est pas décrite.

Alice Massat – Il y a une étape qui n’est pas décrite…

Marc Darmon – C’est vrai dans la continuité des choses, à condition de sauter une étape, qui est le fait que l’enfant, que le petit Hans n’est plus à une place idéale.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Non mais ce n’est pas une place idéale…

Pierre-Christophe Cathelineau – Dans le leurre il était dans une place idéale, il jouissait de cette place idéale, et brutalement, cette place idéale déchoit, il la perd.

Alice Massat – Comment ? À quel moment ?

[Brouhaha.]

Catherine Ferron – Le moment où il montre son petit objet à sa mère, tout d’un coup Lacan parle de « ils sont quatre », et c’est là où tout d’un coup, avec la réalité de l’objet, qu’on passe de l’imaginaire au réel. C’est une espèce de glissement très subtil.

Alice Massat – Oui, il dit qu’ils sont trois ou quatre, c’est au tout début de la leçon mais…

Pierre-Christophe Cathelineau – Il y a un moment de déchéance, par rapport au leurre, c’est-à-dire que c’est parce qu’il y a un moment de déchéance par rapport au leurre qu’on est obligé de s’accrocher ensuite à l’objet…

Alice Massat – Mais ça, ça vient par l’extérieur, par l’entourage symbolique extérieur dont il parle au début de la leçon…

Virginia Hasenbalg-Corabianu – … parlait de la toute-puissance de la mère, et le sentiment d’infériorité du petit face à cette toute-puissance de la mère. Il n’y a pas de toute-puissance sans qu’il y ait quelque part une faiblesse radicale. C’est-à-dire que le leurre ce n’est pas qu’une jouissance quoi. Ça se joue avec à côté la faille présente… comment il s’appelle [terme allemand Ableer ?]  Ce sont tous des moments où Lacan sait qu’il n’y a pas de toute-puissance sans qu’il y ait à côté une figure de faiblesse. Il parle aussi du Che vuoi ? Où ce monstre le chameau va devenir un petit chien, c’est-à-dire que là où il est horrible il devient aussi la chose la plus faible qui est le petit chien, une belle dame et aussi un beau garçon. Dans ces jeux de miroir, on n’échappe pas à une position de faiblesse. Et elle est implicite avec la toute-puissance qui est en jeu chez cette maman…

Alice Massat – D’où vient l’angoisse… Écoutez, moi je suis la leçon, scrupuleusement, après on remettra les choses en ordre…

Pierre-Christophe Cathelineau – Je ne sais pas si c’est bien d’interrompre…

Alice Massat – De toutes façons, ce sont les questions qui sont posées ici, mais là je suis le déroulement de la leçon et après on discutera.

Donc alors, on est à ce moment-là de l’Œdipe sur le plan imaginaire et l’annulation du complexe d’Œdipe doit aboutir à la formation du surmoi. Là aussi, on aura d’autres discussions à mon avis qui moi m’intéresseraient, si vous le voulez bien. Pour s’en rendre compte il suffit de revenir au schéma L et de s’apercevoir que le petit garçon, dans son jeu de leurre avec la mère fait intervenir le grand Autre, un grand Autre témoin du jeu qui voit l’ensemble. Et quand l’enfant offre à sa mère, sous forme de leurre ou de jeu, l’objet imaginaire du phallus en vue de lui permettre une satisfaction, c’est au niveau de ce grand Autre qu’il se situe, pour que l’Œdipe existe. Le petit garçon doit produire la présence de quelque chose qui jusque-là n’était pas dans le jeu, la présence de quelque chose qui toujours et en toutes circonstances est en posture de jouer et de gagner et à ce qui dans la relation symbolique avec la mère n’était restreint qu’à un appel et rappel, vient s’introduire un élément réel. Page 352, on peut lire : « […] au niveau du grand Autre, il y a quelqu’un qui peut répondre, en tout état de cause, qui répond qu’en tout cas le phallus, le vrai, le pénis réel, c’est lui qui l’a, c’est lui qui a l’atout maître et qui le sait.  Cette introduction de cet élément réel dans l’ordre symbolique, inverse de la première position de la mère qui se symbolise dans le réel par sa présence et son absence. » Avec l’introduction du grand Autre, c’est le réel qui s’introduit dans le symbolique et ce symbolique amorcé par l’intermédiaire de la mère, par la mère agent symbolique… Je continue… page 353, Lacan dit que : « […] si la castration joue ce rôle essentiel, » c’est parce que le sujet peut être « privé par celui qui l’a, qui sait qui l’a en toute occasion, et qui en a été  un moment privé ». C’est important ça ! D’ailleurs, dans les transcriptions il y a eu discussion, et Elizabeth de Franceschi a tranché pour cette version-là, qui est très intéressante.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Ce bout de phrase que cite Alice «  il en a été un moment privé. »

Catherine Ferron – Qui a été retiré dans la version de Miller.

Alice Massat– Oui, que Miller a… Il ne voulait pas que le père en ait été privé.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Il en est privé par celui qui l’a, qui sait qu’il l’a en toute occasion et qui en a été un moment privé… du père comme en ayant été un moment privé… Il est question de la castration du père ?

Alice Massat – Mais oui, c’est ça…

Marc Darmon – Il en est aussi passé par là.

Alice Massat – C’est ce qu’ils ne veulent pas dire dans les autres transcriptions…

Pierre-Christophe Cathelineau – La position paternelle suppose la castration. [AM – exactement]

Marc Darmon – Je crois qu’il y a une difficulté par rapport au terme de « privé ». On est gêné parce que c’est la castration, le père ce n’est pas la privation.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Oui mais il boucle par la privation, tu verras, il y revient.

Marc Darmon – Ça a dû gêner les transcripteurs…

Pierre-Christophe Cathelineau – Ce que ça veut dire c’est qu’il a fallu que le père expérimente la castration pour que ça puisse se produire.

Bernard Vandermersch – Le problème c’est que le père de Hans justement…

Alice Massat – Mais c’est un cas particulier le père de Hans.

Marc Darmon – Il est privé de castration

Bernard Vandermersch – Celui qui l’a qui sait qu’il l’a en toute occasion et qui en a été un moment privé… On a l’impression que c’est l’enfant qui a été privé de rencontrer celui-là.

Alice Massat – Mais c’est un cas particulier le père de Hans, puisque justement il n’est pas en mesure de prendre la place du père réel.

Marc Darmon – Ce sont les pères actuels, les pères contemporains,

Alice Massat – Voilà ce sont les pères copains, les pères gentils,

Virginia Hasenbalg-Corabianu – [inaudible] … de l’expérience… il ne parle pas du père de Hans, là,

Alice Massat – Donc, le sujet peut être privé par celui qui l’a et qui en a été lui aussi à un moment privé et alors l’enfant peut concevoir que cet objet symbolique lui sera donné un jour.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – C’est qu’on  le reçoit du père.

Pierre-Christophe Cathelineau – Il faut que le père en ait fait l’expérience

Virginia Hasenbalg-Corabianu – On le lui donne quoi !

Marc Darmon – Oui, mais comme dit Julien [Maucade], il y a Freud derrière.

Julien Maucade – C’est-à-dire que Hans un moment, il comprend que son père dépend de quelqu’un.

Pierre-Christophe Cathelineau – Freud empêche le père réel de faire son boulot.

Julien Maucade – Oui, mais ça veut dire que le père, il manque de quelque chose puisqu’il doit se référer à quelqu’un au-dessus. Il y a le professeur…

Alice Massat En tout cas, plus généralement, parce que là c’est général, chez l’homme, dit Lacan, l’œdipe pour Freud enseigne qu’il faut que ce qu’il possède déjà parfaitement, ce qu’il a lui comme appartenance, tout au contraire de la position féminine, justement parce qu’il l’a comme appartenance, eh bien il faut qu’il le tienne de quelqu’un d’autre. C’est ça qui est compliqué. Pour la fille, c’est simple : elle ne l’a pas comme appartenance. Je crois que c’est vraiment le point sur la castration, là.

Valentin Nusinovici – Ce n’est pas simple pour la fille

Alice Massat Non, bien sûr, mais vous voyez ce que ça dit.

Bernard Vandermersch Il faut lire la suite c’est bien, c’est dans cette relation à quelque chose qui est le Réel dans le Symbolique…

Alice Massat Bon, ici, avec le garçon, c’est bien plus compliqué. Ce ne sera pas de l’ordre du renoncement — la fille, elle, avait à y renoncer — mais de l’ordre de la castration. Et par ailleurs, avec cette relation à quelque chose qui est du réel dans le symbolique, l’enfant va pouvoir conquérir la voie qui dépose en lui cette première inscription de la loi. L’enfant rencontre avec ce grand Autre quelqu’un qui lui répond, dit Lacan, qui le sort du couple présence /absence néantisant du symbolique.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Présence néantisante du symbolique, tu reviens sur le jeu imaginaire, c’est néantisant…

Alice Massat – Oui, et Lacan parle de la dimension de l’altérité absolue de celui qui a simplement la puissance et qui en répond. L’altérité absolue. Ici pas de dialogue, pas de jeu dialectique…

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Pas de dialectique.

Alice Massat – Cette dimension est incarnée par des personnages réels, eux-mêmes toujours dépendants de quelque chose qui se présente comme un éternel alibi, cet alibi qui nous renvoie au « je suis celui qui suis » des Écritures, sauf que cela ne se dit pas, personne de la réalité ne peut prononcer ça, et même sous une forme inversée, même si ce message est reçu sous une forme inversée, il devient alors « tu es celui qui es » personne ne peut dire ça non plus. Qui suis-je pour pouvoir dire « tu es celui qui es » a qui que ce soit d’autre, demande Lacan ? Et cette impossibilité nous renvoie au fait que le père symbolique, est, dit Lacan, impensable. Il n’est nulle part et il n’intervient nulle part. Et c’est ici que Lacan revient à Freud, pour dire que sa grande œuvre avec L’interprétation des rêves, mais celle qui lui était la plus chère c’est Totem et tabou, parce que avec Totem et tabou, Freud a fait de ce père impensable un mythe. Un mythe, c’est la catégorisation d’une forme de l’impossible, dit Lacan. Et pour qu’il subsiste des pères, il faut que le vrai père, l’unique, avant d’entrer dans l’histoire, il faut que ce soit le père mort et bien plus : le père tué. Pour être conservé, il faut qu’il soit tué… et il souligne que tuer vient du latin tutare, qui veut dire conserver. Alors le père réel qui va venir remplir le rôle et la fonction, donner son incarnation à cette phrase imprononçable, au message inversé de celui des Écritures « je suis celui qui suis », cette phrase imprononçable par quelqu’un qui n’est pas lui même, cette phrase « tu es celui que tu es ». Et Lacan reprend ici un jeu de mots qu’il avait déjà proposé dans le séminaire sur les psychoses :  « tu es celui qui tue ».

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Il y a là un passage intéressant de la transcriptrice, les différentes façons de transcrire «  tu es celui que tu es,  tu es celui qui tue, avec s, sans s, tu es celui qui tuais à l’imparfait, tu es celui qui es tué… Elle donne plusieurs variantes d’écritures de cette petite phrase.

Alice Massat – Et pour résoudre ton complexe, pour te situer convenablement, « tu es celui qui tue ». Celui qui tue le père ou qui l’a tué, celui qui le situe au rang d’exception. Le refoulement opère alors, quelque chose se règle, la loi s’inscrit, parce que quelque chose répond comme ça dans le symbolique, par l’intervention, l’incarnation du père réel. La loi passe alors dans le réel, le surmoi se constitue. Il peut prendre les formes les plus biscornues, multiples, grimaçantes. Et cela du fait que ce passage du jeu imaginaire au grand Autre se fait toujours de manière accidentelle. Et on se souvient dans son introduction, Lacan parlait d’un « remaniement rétroactif » rendu par l’entourage, par l’ordre symbolique, qui va donner sa prévalence au phallus. Donc, page 358, Lacan dit : « Ce surmoi a pour fonction, d’être le signifiant qui marque, qui imprime chez l’homme, laisse le sceau de sa relation au signifié. » Il y a une inscription avec le Surmoi, et la loi n’est pas sans rapport avec cette inscription. Le Surmoi est le signifiant qui marque la relation de l’homme avec le signifiant, comme le symptôme et le symptôme phobique en l’occurrence, celui de Hans, provient du fait qu’il n’y a pas de père réel, dit Lacan. Le père de Hans est pourtant là, présent et attentionné, mais il n’endosse pas la fonction censée être celle du père réel, c’est-à-dire : incarner le père symbolique, présentifier le père  mythique.

Pierre-Christophe Cathelineau – Est-ce qu’il n’y a pas là quelque chose qui anticipe la question du Nom-du-père ? (AM – Mais bien sûr) C’est-à-dire que dans cette façon qu’il a de décrire la fonction du Surmoi, c’est en fait le nom du père qu’il met en place. Et surtout lorsqu’il dit « imprime, laisse le sceau chez l’homme de sa relation au signifié ».

Alice Massat – Oui, et j’aimerais bien qu’on en parle tout à l’heure, parce que j’ai bientôt fini…

Marc Darmon – C’est le rapport au symptôme…

Pierre-Christophe Cathelineau  – C’est le rapport au symptôme sur lequel il  ne variera pas c’est-à-dire que jusqu’à la fin,  jusqu’au Sinthome, le symptôme c’est le nom du père. Ça  passe par le nom du père.

Valentin Nusinovici – Mais la définition, c’est celle du phallus.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Je voudrais revenir sur quelque chose… [inaudible]

Valentin Nusinovici – Le nom du père la produisant. Mais ce qu’il décrit au titre du  Surmoi, c’est le phallus. Le phallus, on peut dire  originairement ?  (PCC  – Oui, oui) la relation du signifiant au signifié, la relation de l’homme au signifiant, c’est la définition même du phallus, qui sera repris un peu plus tard ? (A M– oui, oui…)

Virginia Hasenbalg-Corabianu –J’aimerais reprendre deux phrases par rapport à ce qui reste un petit peu en question sur ce jeu imaginaire insupportable et angoissant – toute la suite du jeu se poursuit par le petit Hans, dans ses leurres à la fin insupportables, angoissants, intolérables de la relation du petit Hans à sa mère, en tant qu’il est lui ou elle, l’un ou l’autre sans jamais qu’on sache lequel, le phallophore ou la phallophore, la grande ou la petite girafe, malgré les ambiguïtés, [inaudible] Etc.

Bernard Vandermersch – Il est  tout à fait clair que la petite girafe est justement l’appartenance maternelle autour de quoi se joue [inaudible] Alors, il dira autre chose… la girafe chiffonnée. On est dans le symbolique, là.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – C’est-à-dire il y a comme une indistinction imaginaire. Et l’autre chose par rapport au nom du père, c’est l’utilisation de Lacan du terme supposé… Nous supposons qu’il y a quelqu’un qui peut assumer pleinement la position de père et rien qui peut répondre je le suis père. Quelle est la position [inaudible] subjective de celui qui remplit ce rôle pour l’enfant et pour les autres, cette supposition, il insiste, qu’il y a quelque part quelqu’un qui peut assumer pleinement la position du père, qui peut répondre. C’est intéressant de souligner qu’il utilise « on suppose qu’il y a cela ».

Bernard Vandermersch – C’est l’alibi en tout cas. Il est toujours ailleurs. Celui qui serait vraiment, il est toujours ailleurs.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Tu ne crois pas ? Est-ce que ce n’est pas quelque chose qui a à voir avec l’au-moins-un ça ? Supposé… (A M Bien sûr) Mais s’il n’est pas castré, l’au-moins-un, il n’est pas castré…

Bernard Vandermersch – Il est toujours ailleurs celui-là, l’au-moins-un.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – C’est ça. [Inaudible]

Alice Massat Mais c’est de ça qu’il est question, c’est Totem et tabou, constamment, surtout là, à la fin. Il faut présentifier ce père mythique pour le père réel, et comme ça ne marche pas pour Hans, il met en fonction l’objet phobique par métaphore. Pour finir, – parce que toutes ces discussions, c’est vraiment très intéressant, si on considère, c’est vrai, ce que Lacan a proposé par la suite – mais dans le déroulé de la leçon, je trouve qu’elle est construite d’une façon vraiment intéressante dans la mesure où il veut nous conduire à cette conclusion, qui fait qu’il va ajouter à ce développement sur la castration des considérations plus générales sur les rapports de la loi et de l’amour. Il en revient à la relation d’objet comme elle est abordée par ses contemporains pour contester l’idée qu’elle puisse permettre d’aboutir à une relation harmonieuse et uniforme sans en passer par la confrontation à l’ordre symbolique, c’est-à-dire l’entourage social ou culturel, et en s’appuyant encore sur Totem et tabou ou sur Les structures élémentaires de la parenté, il affirme que tout mariage porte en lui la castration elle-même. Et si nous venons voir que l’interdit porté par la loi du père ouvre en effet sur des résolutions, puisqu’il permet au sujet de se situer par rapport à lui, de prendre place dans l’ordre symbolique, de le suivre, on pourrait dire de le suivre dans le sens de « je suis celui qui suis » : devenir père lui même. Mais quand la loi symbolique consacre le choix mutuel, alors, dit Lacan : « toute femme qui n’est pas permise est interdite par la loi ». De là, le consentement mutuel du mariage légal, consacré à forger dans nos sociétés un idéal de fusion entre l’amour et le conjugo et en se référant aux lois primitives de l’alliance et de la parenté, Lacan soutient que : « toute conjonction de l’amour et de la loi participe de l’inceste ». Freud attribue les dégradations de la vie amoureuse à la fixation à la mère, une fixation qui vient marquer d’une tare, pour le garçon, l’idéal monogamique et l’amour autorisé par le contrat symbolique renverrait à la première fixation à la mère réelle, la mère en tant qu’elle est frustrante et le garçon devra s’en détourner. Et si on a vu chez la femme cet idéal monogamique, ce soutien de l’identification « simple » de l’objet d’amour à l’objet de la satisfaction, chez l’homme se reproduit toujours, pour autant que le mariage, l’union normative légale est marquée par la castration, pour lui se reproduit toujours une division, un split qui l’incite à la bigamie voire à la polygamie.

Le père réel l’a autorisé à fixer son choix mais l’amour vise toujours ce qui est au-delà de ce choix. Et page 361, on lit : « […] c’est-à-dire non pas [l’] objet légal, ni [l’] objet de satisfaction mais [l]’être, c‘est-à-dire [l’] objet saisi précisément dans ce qui lui manque. » Et c’est pourquoi nous ne voyons jamais se confondre l’amour et l’union consacrée, dit Lacan. L’amour vise un au-delà, il s’adresse au manque dans l’objet « je suis celui qui suis », « tu es celui que tu es » des phrases imprononçables ou impensables du père symbolique que le père a fonction d’incarner afin de permettre au petit garçon de s’extraire de la relation imaginaire angoissante, errante, incessante du phallophore à la phallophore. Ces phrases écrivent la possibilité mythique, peut-être, fictive, mais on sait depuis « La Lettre volée » que la vérité a structure de fiction, ces phrases impensables écrivent la possibilité, la vérité peut-être, de cet être au-delà de la mère. L’amour concerne cet être, il s’adresse à ce qui lui manque, qui serait la castration du père réel, et, de fait, Lacan conclut la leçon en disant que la relation amoureuse ne relève pas de la relation d’objet, même la plus idéale.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Je vais me permettre quelques remarques de ce qu’on a un petit peu travaillé ensemble et souligner des difficultés posées d’une manière générale et par cette leçon, c’est l’oscillation entre la question du sujet et de l’objet, pouvoir bien situer où est l’objet, parce que la mère est agent dans le tableau mais tantôt objet, tantôt nommée à partir de ce qui est du domaine de l’être. Pour situer en tout cas la lecture, on en a parlé, il me semble important de tenir compte des leçons préalables de cette leçon où Lacan dit qu’il ne faut pas confondre la frustration d’amour et la frustration de la satisfaction du besoin et là ça introduit une complexité, si on se donne un petit peu la peine de l’élucider, ça facilite la lecture. Il dit que la frustration, en fait c’est une frustration d’amour et que la frustration d’amour renvoie à ce qu’on avait évoqué la dernière fois avec Maria Belo, la nature décevante de l’ordre symbolique, on avait bien remarqué que le manque chez la mère était central et que cette nature décevante de l’ordre symbolique avait à voir avec ce manque avec la mère. Il me semble en tenant compte de ces éléments, ce qu’on voit, en tout cas c’est ma lecture, je vous la propose, c’est nous dit Lacan, avec beaucoup de pertinence, amenant bien sûr la question de la castration, la question du père, la fonction du père, la difficulté à situer vraiment le père en fonction des anthropologues et en rapport avec une tradition, une structure, etc. Mais il me semble qu’à la fin, dans ces questions qu’on essaie d’aborder avec Alice [Massat], il revient sur ce manque chez l’Autre primordial, la mère, qui trouve une issue, normativante, permettant des unions consacrées à travers la castration à partir de ce don du phallus au garçon et cette possibilité pour la fille de s’apaiser avec l’amour au père, le substitut qui va venir au père. Mais, il semblerait qu’à la fin de la leçon Lacan évoque que l’amour est à trouver en dehors, comment dit-il ? « L’amour il est à trouver au-delà de ce qui est normativé par le père. »  C’est comme si la fonction du père venait apaiser, symboliser, mettre peut-être sous l’hégémonie du symbolique, c’est comme si il avait déjà l’intuition de ce qui est de l’ordre du réel dans le manque, qui le met d’emblée dans ce qui manque à la mère et comme étant source d’un symbolique décevant. Je vais revenir sur ce qu’Alice [Massat] a dit après vous avoir dit cela : « mais c’est foncièrement dans toute la mesure où au-delà de ce à quoi le père réel autorise, page 361, celui qui est entré dans la dialectique œdipienne a fixé son choix, c’est au-delà de ce choix, qu’il y a toujours dans l’amour ce qui est visé, c’est-à-dire, non pas l’objet légal ni l’objet de satisfaction, mais l’être, c’est-à-dire l’objet saisi précisément dans ce qui lui manque. » Lacan va employer à d’autres occasions cette dimension de l’être pour situer ce qui est de la mère. Alors la mère va être objet et c’est au-delà de la mère, et c’est la question de l’être qu’il amène dans les leçons précédentes. À la fin, il y a donc aussi ce qui me pose question, on a discuté avec Alice [Massat], je disais non, ce qui revient, ce qu’il ramène Lacan, c’est le manque chez la mère comme étant le manque, entendre « l’amour c’est donner ce qu’on n’a pas » et que c’est le manque chez la mère, c’est ce qui fait que la parole peut résonner, qu’il y a une ouverture à la parole. La dimension de la parole apparaît dans ces leçons comme étant, devenant un objet, aussi. On s’aperçoit que c’est la structure même qui distingue la relation imaginaire primitive, celle par où l’enfant est d’ores et déjà introduit à cet au-delà de la mère qui est ce que déjà par sa mère il voit, il touche, il expérimente de ces quelques choses par où l’être humain est un être privé et un être délaissé. À la fin du séminaire après avoir dit le garçon l’a, la fille va l’avoir, il y a quelque chose de l’ordre de l’être qui le fait revenir, il expérimente et c’est quelque chose par où l’être humain est un être privé et un être délaissé, c’est elle qui fonde la distinction de cette expérience imaginaire de l’expérience symbolique, la normative  mais uniquement par le truchement, par l’intermédiaire de la loi que beaucoup de choses en conservent et qui ne nous permettent en aucun cas de parler de la relation amoureuse comme relevant simplement de la relation d’objet.

Voilà ces remarques sur ce qu’il me semblait lire dans ces textes comme étant un retour très discret sur : quid, donc, du manque de la mère qui aurait trouvé une solution avec la castration mais qui est ramené par Lacan à la fin de la leçon.  Pour toi, Alice [Massat], tu associais ça à la castration du père, à cette petite phrase…

Alice Massat – Moi j’ai tendance à considérer que c’est une leçon qui parle du père surtout, et quand ça parle de la mère c’est pour s’en servir afin de parler du père, et comme je le disais dans cette leçon qui est vraiment le milieu du séminaire, qui est vraiment la transition, on a beaucoup parlé de la fille, de l’objet métonymique de la perversion, de la relation de l’enfant à la mère, j’ai vraiment l’impression qu’avec cette leçon, Lacan veut aborder la question de la castration du père. C’est comme ça que l’ai lue.

Pierre-Christophe Cathelineau – Je suis assez d’accord par rapport au passage, cette expérience de la privation, ça n’est pensable  cette question du père que dans le registre de la transmission de la loi. C’est la transmission de la loi qui fait que chacun des protagonistes de cette transmission joue ou non son rôle, le père de Hans ne joue pas son rôle pour des raisons qui sont à la fois historiques, psychologiques, enfin, il ne joue pas son rôle. Ce sur quoi insiste Lacan c’est sur la dimension de la transmission de la loi, c’est-à-dire que c’est précisément parce que le père a été dans l’expérience du manque et de la castration, qu’il peut, jusqu’à un certain point, transmettre sa castration à l’enfant. C’est une chaîne. Il faut penser topologiquement.

Bernard Vandermersch – Il faut essayer de comprendre pourquoi l’enfant qui a reçu, qui a été autorisé par le père réel à fixer son choix. (AM – se marier) Et pourquoi celle-là, ce n’est pas ça ? Pourquoi ce n’est pas ça, c’est parce que c’est l’amour qui est visé.

Alice Massat – Parce qu’elle est autorisée déjà et d’une. Du moment où il est autorisé comment cela va être repris par la loi ?

Valentin Nusinovici – Parlons du cas normatif, typique, le normatif légal est toujours marqué de la castration.

Alice Massat – Non, mais même dans celle où il y a consentement, il dit qu’il y a inceste.

Valentin Nusinovici – Union typique normative légale est toujours marquée de la castration… Toute la question dans ce séminaire ce n’est pas la conjonction de l’amour et de la loi, c’est la loi. Alors après dès qu’il y a conjonction de l’amour et de la loi on arrive à quelque chose qui participe de l’inceste (par ce que c’est le désir de la mère). L’union normative légale, il n’y est pas question d’amour ? Ici c’est le désir, c’est toute la question du séminaire. Ce n’est pas la conjonction de l’amour et de la loi, c’est la loi. Dès qu’il y a conjonction de l’amour et de la loi on arrive à l’inceste parce que…

[Discussion inaudible autour de la citation]

« […] toute conjonction de l’amour et de la loi, même si elle est souhaitable, même si elle est une espèce de point de croisement nécessaire d’union entre les êtres, est quelque chose qui participe de l’inceste. »

Virginia Hasenbalg-Corabianu « […]  ceci vous expliquera qu’a pu fleurir comme idéal la confusion également idéale de l’amour et du conjungo. » p. 360

Valentin Nusinovici – Il n’y a pas d’idéal là, …  « même si elle est une espèce de point de croisement nécessaire d’union entre les êtres, est quelque chose qui participe de l’inceste. » Pas question d’amour là-dedans.

Et donc lorsque l’union légale, normative légale est imposée à l’homme, splite chez lui, puisque le désir resurgira de l’autre côté.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Il parle du rabaissement de la vie amoureuse.

Valentin Nusinovici – « […] nous voyons ne jamais se confondre l’amour et l’union consacrée. » Dès qu’il y a de l’amour, on, est au bord de l’inceste

[Brouhaha]

Alice Massat – Mariez-vous ! Ils sont d’accord, ils disent la même chose.

Marc Darmon – Ce que dit Lacan dans le texte « La signification du phallus » qui a été  contemporain de ce séminaire, où le problème c’est pour l’homme d’incarner le phallus, chez la femme, pour lui la femme incarne le phallus, et ça permet le désir et aussi elle incarne le manque, ce qui permet l’amour. Avec cette diplopie, qui favorise la polygamie, Il y a en a une qui incarne le manque …

Mais alors, du côté des femmes ? Du côté des femmes, c’est problématique parce que… on dit les femmes sont monogames, mais elles ont aussi affaire au phallus qu’elles trouvent d’une façon réelle chez l’homme, son zizi, en érection ! Elle a affaire dans ce cas au phallus réel, et aussi à l’autre de l’amour et l’homme en tant qu’il manque.

Lacan dit on ne voit pas bien comment elle s’arrange pour superposer les deux. D’où la castration de l’autre. Si elle est castrée il est manquant.

[Brouhaha]

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Ce qui m’interroge c’est qu’il me semble qu’à la fin Lacan parle de ces splitting chez l’homme d’une façon inverse de celle classique du rabaissement de la vie amoureuse où l’homme aime à la maison et désire ailleurs, classique au vingtième siècle, il n’y a pas très longtemps c’était consacré dans la vie sociale. Ici il semble dire le contraire, c’est-à-dire que pour l’amour il faut qu’il aille voir au-delà de ce qui est normativé par la loi du père.

Pierre-Christoph Cathelineau  – Je suis d’accord avec Virginia [Hasenbalg], il n’a pas une vision déceptive de la vie amoureuse, il a une vision sublimante, il adosse l’amour à la loi.

« Mais c’est foncièrement dans toute la mesure, au-delà de ce à quoi le père réel autorise, celui qui est entré dans la dialectique œdipienne a fixé son choix, c’est au-delà de ce choix qu’il y a toujours dans l’amour ce qui est visé, c’est-à-dire non pas l’objet légal, mais l’être, c’est-à-dire l’objet saisi précisément dans ce qui lui manque » c’est cela que je veux dire dans le terme d’adosser. Il y a une expérience de la loi, mais cette expérience de la loi ne suffit pas à rendre compte de ce qui se joue dans l’amour.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Ce qu’il disait dans « La signification du phallus », c’est à peu près ça

Marc Darmon – Dans « la signification du phallus » il reprend l’histoire du rabaissement.

Pierre-Christophe Cathelineau – Il a des passages parfois au début dans les premiers séminaires sur l’amour qui sont des passages beaucoup moins critiques que ceux qu’il a ensuite. Où il tire l’amour du côté d’une expérience de sublimité d’être qui donne de l’amour une autre dimension.

Marc Darmon – C’est compliqué parce qu’à cette époque il avait affaire aux représentants de la relation d’objet qui considéraient l’autre, l’objet, comme la femme avec toutes ses dimensions. Il part de là, de ces idées, c’est très différent du Lacan des derniers séminaires, où il parle de la jouissance Autre, il donne aux femmes une place, une place à part.

Bernard Vandermersch – Entre temps il y a l’invention de l’objet a. Il revient avec l’objet a et le fantasme un peu plus près du rabaissement de la vie amoureuse, d’un côté il y a l’objet qui est cause du désir et de l’autre côté il y a l’objet d’amour.

Marc Darmon – La seule critique par rapport au rabaissement de la vie amoureuse dans ces séminaires, c’est qu’il accorde à la femme une polygamie possible. Elle n’est pas par nature monogame.

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Je voulais seulement ajouter qu’en 1957 la pilule n’existe pas. Moi j’ai entendu parler des femmes de la génération précédente qui me disaient qu’elles connaissaient le plaisir de l’intimité à la ménopause quand la crainte de tomber enceinte était mise de côté. On ne va pas rentrer dans les détails, mais les choses ont beaucoup changé. Il y a des choses qui changent qu’il faut peut-être prendre en compte. Melman dans son livre L’homme sans gravité dit : maintenant les femmes elles ne viennent pas consulter pour frigidité. Il est rare qu’une femme vienne consulter au cabinet du psychanalyste pour frigidité.

Julien Maucade – Vous avez soulevé une question importante par rapport au Surmoi.

Alice Massat – Oui, ce qui me pose un problème, c’est la question du Surmoi en tant qu’il est le signifiant qui marque la relation de l’homme avec le signifié. Ça me pose un problème dont j’aimerais parler, parce que j’ai l’impression que ça va de soi pour tout le monde…

Julien Maucade – Ça mériterait qu’on le reprenne.

Marc Darmon – On pourrait mettre Surmoi à la place sujet.

Alice Massat – Oui dans le schéma L au lieu du S… mais comment il peut être le signifiant qui marque la relation de l’homme avec le signifié ?

Valentin Nusinovici – Il est ce qui va être mis  en place avec la loi. Comme je disais que cette formule ce sera celle du phallus, il y a quelque chose qu’il reprendrait, il est en train de travailler tout ça

Alice Massat – Mais la relation avec le signifié ?

Virginia Hasenbalg-Corabianu – Et puis la signification

[Une discussion peu audible]

Marc Darmon – Il vient à la place du signifié, le A c’est l’aboutissement de toutes les chaînes signifiantes, c’est le signifié fondamental.

Bernard Vandermersch – En quoi c’est de l’ordre du Surmoi ?

Texte relu par Alice Massat.

[La suite n’est pas transcriptible : interventions qui se chevauchent dans une discussion générale parfois peu audible et parasites.]

Transcriptrices : Inès Segré, Danielle Bazilier Richardot, Catherine Parquet, Monique Maynadier.

Relectrices : Dominique Foisnet Latour, Érika Croisé Uhl.

 

[1] Lacan Jacques, La relation d’objet et les structures freudiennes – Séminaire 1956-1957, publication hors commerce, volume I p. 349.

[2] Idem p. 350.

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