Quand le Réel prend le mors aux dents…
09 décembre 2020

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CHASSAING Jean-Louis,FLORENTIN Thierry,MORALI Marc
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Quand le Réel prend le mors aux dents… 

En 1974, à Rome, Lacan lit devant un public médusé un texte qu’il a pris soin d’écrire. Cette présentation indique un moment d’inflexion capital, un projet, une offre renouvelée, un don ! Il s’agit de faire acte.

Ces observations nous conduisent, aujourd’hui, à en reprendre la lecture, tant au regard de sa complexité que du caractère quasi prophétique de certains énoncés.

En citant à nouveau l’essentiel des préoccupations rencontrées dans le champ de la théorie comme dans celui de la cure — interprétation, religion, politique — Lacan positionne les outils mis au premier plan depuis le séminaire Encore : le corps sexué, le Réel de la jouissance et le nœud borroméen.

« Je pense donc se jouit », et, plus loin: « je souis ». Relisant le cogito pour en proposer une nouvelle interprétation, Lacan semble reconnaitre dans cette reformulation la marque de son propre déplacement, la chute d’un transfert de travail résolu, l’oubli du corps dans la philosophie et ses conséquences. Il va introduite les places de la (des) jouissance(s): « Descartes n’a jamais entendu, — c’est son symptôme — à propos de son “je souis” dire qu’il jouissait de la vie ».

La répétition est repérée : du disc-ourcourant au discourdrome, la question elle revient ! Encore le Réel, celui de lalangue qui ouvre à la parole par le foisonnement des mots forgés sur la trace du sujet : « se jouit », « je souis »!

La collusion entre être et jouissance pousse au néologisme, à l’holophrase, presque aux cris. Quand les mots manquent, comment écrire ?

RSI. La présentation complexe du nœud borroméen participe de cet enthousiasme, dans la première tentative d’écrire, dans une écriture nouvelle, le tissage de la rencontre du corps et de la parole, la possibilité d’une nouvelle clinique, allant cerner cet au-delà que constituait le legs freudien !

Mais Lacan avertit : ces ronds il faut s’en servir pour ne pas ronronner – encore lalangue – encore le Réel ! Injoignable ! L’invention est là ! Elle suivra le fil des développements ultérieurs, l’Une Bévue ou la tresse par exemple, vers les seules vérités plurielles, celles de la mise en tension d’un écart toujours irréconciliable, entre poësis de la voix, résonnance du corps devant la poésie chantonnée, et l’écriture : le Réel comme inatteignable.

« Je suis freudien […] J’ai jeté un pavé dans la mare de Freud […] C’est à vous d’être lacanien ». Cette phrase de Lacan, une année après la Troisième, nous engage à une étude critique de ce texte : alors que sont menacées les conditions de son apparition, à savoir la démocratie et la science, l’alternative que Lacan énonce concernant le devenir de la psychanalyse — continuer à faire symptôme ou disparaitre — reste-t-elle d’actualité ?