Cher Dott.Melman,
Vous êtes le meilleur homme que j’ai jamais rencontré dans ma vie.
J’avais seize ans quand j’ai acheté l’œuvre complète de Freud, à vingt-deux la découverte de Lacan et la mort de mon père. Je cherchais un maître à résister et je l’ai trouvé .
J’ai oscillé entre l’amour du maître et l’amour du père et tu savais bien comment faire entre cette oscillation.
Incapable de fidélité, je serai fidèle à notre dialogue jusqu’à la fin de mes jours.
Ton regard va me manquer et tu m’as appris que c’est l’objet que je m’imaginais être dans ce regard que je pleure.
Imparable ton désir, ton intelligence, l’ironie dont tu étais capable et qui en un éclair a tout transformé !
Tu m’as fait entrer dans mon corps, dans la chair du réel, hors de tout imaginaire, j’ai touché pour la première fois l’incidence du signifiant sur la vie et sur le corps, la position dans laquelle nous nous trouvons dans l’Œdipe a été ton premier enseignement à notre première rencontre.
La direction de la cure était dans votre désir irrésistible de parole et de vie. Pour moi tu étais sans âge et tu n’aurais jamais dû mourir. Une fois je t’ai raconté un de mes rêves où je t’ai dit : si tu meurs je meurs aussi avec toi mais je l’ai dit comme un chantage.
Je ne me suis jamais enracinée dans rien ni personne, mais tu m’as enfin donné une adresse sûre rue des archives au coeur du plus beau quartier de Paris. Maintenant, comment puis-je faire sans le 1947 b pour taper?
Dix-neuf comme le numéro de la maison de Freud à Vienne, 47 comme les années de Freud quand il a été forcé de quitter Vienne parce qu’il était persécuté.
C’était l’association que je devais faire pour ne pas oublier ces chiffres, incapable de me souvenir des chiffres, je les oublie toujours.
Dans le dernier rêve que je t’ai raconté en septembre, tu m’as donné des graines pour faire pousser des fleurs.
Vous connaissiez bien ma structure sublime théorie vous en avez donnée dans votre livre : Nouvelles études sur l’hystérie.
Tu étais un géant à côté de cet immense volcan en éruption qu’était Lacan.
Deux jours après ta mort je rêvais de t’embrasser et je t’ai dit : pourquoi me laisses-tu orphelin pour la deuxième fois?
Tu m’appelais Angelina au début… tu m’as donné une nouvelle carte d’identité, tu m’as abreuvée d’amour, d’ironie, de délicatesse, de sobriété et de rigueur, ton style incomparable.
Merci Dott. Melman merci pour la nouvelle vie que tu m’as donnée, merci.
Virginia Zullo