Merci, Dr. Melman

Lorsque nous avons appris le décès du Dr. Charles Melman, nous avons été immédiatement frappés par une profonde et intense tristesse. Pour la plupart d’entre nous, au Tempo Freudiano, il était une présence illustre, renvoyant à nos origines, qui en même temps gardait une certaine distance, écourtée par ses quelques visites dans notre ville. Mais sa présence nous a aussi toujours été apportée par ses écrits, ses interventions et les commentaires de collègues analystes.

Il y avait une insistance de sa part à s’adresser à nous, qui nous confrontait toujours à notre place dans une chaîne de transmission à laquelle un analyste doit se référer. Melman a été l’analyste du fondateur du Tempo Freudiano, Antônio Carlos Rocha, qui nous a toujours témoigné son appartenance à cette lignée. En témoigne aujourd’hui le fait que plusieurs analystes formés au Tempo
ont demandé leur filiation à l’ALI. 

Melman nous a transmis l’intensité de sa pratique à travers une hâte vers la recherche d’un large dialogue avec le social, non seulement comme une position éthique de la psychanalyse, mais aussi comme un moyen de la soutenir dans le monde.

Il y a vingt ans, «L’homme sans gravité» était davantage une intervention dans le social qu’un enseignement pour analystes.
Une des réponses que nous avons pu lui donner a été la publication en portugais de plusieurs de ses ouvrages, dont deux de ses séminaires cliniques qui, non sans raison, restent uniques par leur portée: les Nouvelles études sur l’hystérie et La névrose obsessionnelle.

Dans nos conversations juste après sa mort, la chose la plus décisive qui nous a frappé est apparue dans son rapport à sa propre parole. La façon dont il a guidée sa parole dans sa fonction enseignante en s’adressant à nous. Bref, son style.

On pourrait résumer cet aspect par un trait qu’il a explicité lors d’un rencontre en 2004, à Rio de Janeiro, quand il a prononcé la conférence intitulée “Peut-on dire, avec Lacan, que la femme est le symptôme de l’homme ?”. A la fin de la journée de travail, il nous dit qu’il espérait que nous serions satisfaits, mais pas trop: «le moment de conclure… est une interruption qui vous permet d’ouvrir une réflexion et d’organiser, si possible, une nouvelle pensée».
C’est-à-dire qu’au cours de son dire, dans le mouvement même d’apporter une affirmation du discours, il y avait une certaine objection à la totalisation, une certaine limite était aussi véhiculée, qui ouvrait plus que fermait le champ de sa formulation.

Enfin, sa façon d’apporter dans son discours la valeur créatrice, d’ouvrir la limite, ce soin et cette générosité de, en disant, ne pas tout dire, de nous donner la chance d’échapper aux pièges d’un système.
Maintenant que nous ne pouvons plus compter sur sa présence parmi nous, ou plutôt, que sa présence va prendre d’autres formes, nous espérons être en mesure de soutenir ce que nous avons pu recevoir de son enseignement et de sa trajectoire, en maintenant vivante en acte, dans notre travail, cette mémoire, ajoutée à bien d’autres.

Tempo Freudiano Associação Psicanalítica – Rio de Janeiro – Brasil