Jorge Cacho, el discreto
10 mai 2023

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GUERRERO Omar
Hommages

Jorge Cacho, el discreto

La première poignée de mains amicale à mon arrivée en France, ce fut celle de Jorge. Charles Melman m’avait donné ses coordonnées pour l’université et il ne s’est pas trompé : après un lycée chez les jésuites, je n’étais pas dépaysé avec ce Monsieur qui venait de les quitter autrement et qui semblait par ailleurs joyeux de me parler en espagnol – ce qui me rassurait aussi.

Il y a peu de vraies rencontres dans une vie et Jorge en fut une. Véritable Baltasar Gracián de notre groupe, il était autant un homme universel, qu’un héros discret, un critique. Aussi à l’aise en italien – trace de sa vie romaine – qu’en français ou en espagnol, il pouvait corriger des textes en latin ou grec ancien. Érudit, il avait le goût de l’étude et de la recherche approfondie, dont le meilleur exemple reste Le délire des négations, exposé aux passionnantes journées de décembre 1992, devenu thèse, puis ce livre, qui témoigne de son travail d’orfèvre, pour lire les propos d’un patient psychotique. Le syndrome de Cotard et la psychose alors, mais il faudra relire également ses travaux sur la théologie, les mystiques, la jouissance.

L’autre dette que nous avons à son égard, c’est son engagement de longue durée pour la formation des analystes à l’ALI et depuis le début de l’École de Sainte-Anne. Enseignant à l’Université jusqu’à sa retraite, puis chargé de la mise en place du Collège de l’ALI et à l’EPHEP, il aura été un précieux engrenage pour plusieurs générations d’analystes pour qui il aura incarné sans faille la position éthique du psychanalyste.

Comme d’autres amis qui le côtoyaient, je garderai longtemps le souvenir de nos promenades hebdomadaires où, pendant des années, j’ai suivi son rythme : lors de ces déambulations au parc du Luxembourg, il réfléchissait en marchant puis, tout d’un coup, comme les philosophes grecs, il s’arrêtait, expliquait, questionnait, ponctuait, avant de reprendre la marche comme dans un roman picaresque, avec un peu de poésie… et beaucoup de malice.

Omar Guerrero